44 - Comme dans les films
Berettini a mentionné des renforts. Cependant, un cri strident de gyrophare recouvre le reste.
Max éclate de rire avec sauvagerie.
Soudain, c'est le chaos. Les portes sont enfoncées, les clameurs des policiers se mêlent à ceux des criminels dans un tourbillon de violence et de confusion. Des ordres brefs et autoritaires envahissent la maison. Les pas montent l'escalier. Berettini essaye d'intimider l'unité d'intervention qui s'empare des lieux.
— N'avancez pas ou je tire !
Une puissante injonction lui répond :
— Jetez votre arme ! Immédiatement !
Un brouhaha suit ces paroles. La confrontation semble intense, mais je n'entends aucun coup de feu.
Max me prend par le bras et me fait rentrer dans la chambre. Ariane est restée figée, les bras ballants, les yeux écarquillés.
— Que se passe-t-il ?
— La cavalerie, ma puce, comme dans les films !
Ariane commence à bredouiller qu'elle n'a pas huit ans. Je scrute Max.
— Mais comment... ? Tu as appelé la police aussi ?
— Non, quelqu'un d'autre, répond-il en secouant la tête. Tu as des amis plus efficaces que les flics.
Je le dévore des yeux, rendue muette par ce retournement.
— Tu devrais balancer ça, commente Max en désignant l'arme inutile que je brandis encore. Tu es censée être une demoiselle en détresse.
Les voix se rapprochent. J'entends aussi des cliquètements d'armes de poing et des grincements de portes ouvertes à la volée et de marches piétinées sans ménagement.
— Je suis ravi de vous voir saines et sauves toutes les deux, poursuit Max avec sa désinvolture habituelle. Tess, tu vas obtenir ce que tu veux.
— Pardon ?
— Me faire arrêter, tu te souviens ? Voilà, on y est.
Une voix masculine, qui est soit dans l'escalier, soit déjà à l'étage, retentit :
— Tess !
Je ne tourne pas la tête. Mes yeux restent fixés sur Max, son sourire en coin et ses exaspérants yeux verts. Je me souviens. Quand j'ai appris qu'il était le braqueur, j'avais promis de l'envoyer en prison. Il y a une éternité. Non, en réalité, quelques jours à peine. J'ai l'impression qu'une vie entière s'est écoulée depuis ce soir sur le port de Fos.
— Va-t'en, dis-je. File par le toit, je vais t'aider.
Max sourit. Il fait un pas en avant et capture ma bouche pour un baiser aussi bref que passionné. Il me relâche aussitôt. En une seconde, il enjambe le rebord de la fenêtre. J'attrape son pied et je le propulse vers le haut dès qu'il est accroché. Il disparait de ma vue.
J'étais sincère avec Serrone, tout à l'heure. Je suis amoureuse de Max.
Ariane reste déconcertée.
— Qu'est-ce que...
Elle n'a pas le temps de formuler plus loin sa pensée. La porte de la chambre s'ouvre à la volée.
— Tess ! Vous n'avez rien ?
Maître Gilles Orsini vient d'entrer, essoufflé, les sourcils froncés. L'avocat reprend contenance en me voyant bien vivante. Il m'a appelée par mon prénom ? Il est devenu bien familier. Sa cravate est de travers.
— Vous pouvez vous vanter de m'avoir fait une de ces peurs...
Droite mais empruntée, j'articule gauchement :
— Maître, que faites-vous là ?
Il tend les deux mains vers moi. Je peux les saisir, ayant jeté l'arme sous une commode.
— Votre ami m'a appelé tout à l'heure pour m'apprendre que vous étiez en danger de mort. Je suis venu avec la BRI aussi vite que possible !
Je sens soudain le soulagement me recouvrir. C'est un poids qui me fait trébucher et tomber sur le lit, sans souffle et sans forces. Ariane court vers moi et me prend dans ses bras. Je lui retourne son étreinte.
L'homme abattu par Max repose paisiblement à quelques centimètres de nous sur le lit, et nous nous en moquons éperdument.
— Votre ami m'avait déjà contacté hier, continue maître Orsini, pour me dire que le danger se rapprochait. Heureusement, le commissaire Agostino est un ami personnel. Il est très réactif.
— Merci, murmuré-je, presque privée de souffle.
Toujours assise, j'assiste à l'entrée des policiers, armes au poing. Ils adoptent une attitude moins menaçante après avoir fait le tour de la chambre. Ils se penchent à la fenêtre, regardent en bas, puis en haut. Je ne bouge pas, Ariane accrochée à mon épaule. Maître Orsini discute un moment avec eux, puis nous présente le commissaire Agostino. J'entrevois un homme grand et autoritaire, à la carrure rassurante. Il flotte autour de lui une odeur de cigare, c'est tout ce dont je me rappelle. Nous lui serrons la main, nous déclinons notre identité, nous remercions.
Le commissaire nous prévient qu'il compte sur nos dépositions. Je hoche la tête, je réfléchis déjà à un récit crédible qui n'inclura personne d'autre que nous... avant de réaliser que c'est impossible. Des balles différentes, des calibres différents, le témoignage de Berettini. La présence de Max devra être révélée.
J'en suis profondément désolée. Je préférerais mille fois le passer sous silence. J'espère qu'il partira loin pour échapper à une arrestation.
Même si je ne dois jamais le revoir.
D'autres policiers arrivent dans une deuxième vague, conséquence de mon appel au 17. Il y a bientôt un monde fou dans la maison, ce qui amplifie la cacophonie.
Ariane et moi redescendons l'escalier. Le corps de Serrone est encore au beau milieu du salon.
Le commissaire Agostino considère la scène, les mains sur les hanches. Son regard va de Serrone décédé, à Berettini, menotté, à Mallard, qui gesticule devant ses collègues malgré son bras qui saigne. Ce dernier va tenter de faire croire qu'il était là en opération, sûrement. Je dois présenter ces individus comme ils le méritent.
Je désigne d'abord le cadavre.
— Paolo Serrone, mafioso. Il remontait un clan sur les débris de celui de Francis le Belge. Il est compromis dans les affaires de racket récentes, et du trafic d'armes. Il est le commanditaire du braquage à l'agence du Vieux-Port, il y a quatre ans.
Agostino me regarde sans masquer sa surprise. Puis je me plante devant Berettini.
— Serge Berettini, le bras droit de Serrone, et responsable de son meurtre il y a une heure à peine. Il voulait prendre sa place et a abattu les gardes du corps de son patron également. Il a participé à ce fameux braquage il y a quatre ans. Il l'a même dirigé.
Pour finir, je me tiens devant Mallard ; ma voix est encore plus acide que pour les deux précédents.
— Inspecteur Jérôme Mallard, flic corrompu jusqu'à la moelle. Il s'est allié à Berettini contre Serrone.
Mallard s'est interrompu, frappé de stupeur. Mais il ne nie rien. Agostino fait un geste, et l'inspecteur est menotté aussi.
Ariane me saisit la main et nous marchons vers la sortie. Nous sortons sur le perron, pour voir une marée de policiers en uniforme ou en civil.
Le ciel est bleu au-dessus de nos têtes.
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C'est un chapitre court. Mais la prochaine fois, ce sera un épilogue long.
Et ce sera la dernière publication de cette histoire !
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