26 - Attaque frontale
Avertissement: scène de violence
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Alors que nous progressons au milieu des entrepôts, nous entendons des pas mêlés à des voix se rapprochant. Max me fait signe de me taire et me pousse dans un coin sombre, tout en éteignant la lumière de son portable.
Deux hommes marchent tout en bavardant. J'imagine tout de suite des trafiquants, des mafieux, des acolytes de Serrone ou peut-être de DZ Mafia... Mais non. Ce sont d'honnêtes travailleurs faisant leur ronde. Je deviens obsédée par la mafia, c'est vraiment malsain.
Ils s'arrêtent à quelques mètres de nous pour discuter des cargaisons du jour. La poisse. S'ils nous découvrent, on peut dire adieu à notre entretien avec l'informateur. Je retiens un soupir agacé. Patience. Les deux hommes font mine de se remettre en marche, puis s'arrêtent à nouveau. L'un d'eux lève une lampe torche et balaie les alentours. A-t-il entendu quelque chose ? Mon cœur qui bat trop fort, peut-être.
Max referme ses bras autour de moi et m'attire contre lui, plus loin du faisceau de lumière. J'ai un sursaut de surprise.
— Chut, souffle-t-il à mon oreille.
Il me serre contre lui. Je me laisse aller. Son étreinte est réconfortante, alors que l'angoisse me tenaille. Cependant, je me sens un peu trop proche, serrée entre ses bras. Avec sa force et sa carrure, il m'immobilise complètement. Je suis presque sa prisonnière.
Aussitôt je sens aussi qu'une forte chaleur m'envahit, avec un trouble, un désir, un bien-être. Je n'ai pas envie d'être ailleurs. Je suis entre ses bras et je l'entends respirer dans mes cheveux. Je ferme les yeux, le souffle court. Je réalise que cette situation provoque en moi une excitation que jamais je n'aurais soupçonnée. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je n'ai pas ce genre d'attirance pour un garçon comme Max. Il n'est pas mon genre, dans aucun domaine.
Ses mains commencent à glisser de mes épaules, le long de ma poitrine. Elles frôlent mes seins sans les saisir, descendent sur mon ventre, se posent sur mes hanches. Il se plaque contre moi, et je peux sentir son excitation.
Il est aussi affecté que moi. Il me désire.
Cette pensée résonne en moi comme un carillon frénétique.
Je ne peux pas bouger, ni le repousser, ni protester, avec les deux inconnus à quelques mètres. C'est une situation parfaitement épouvantable, mais excitante.
Je ne me connaissais pas si dépravée. Ma respiration n'est pas la seule à s'accélérer. Je la sens tout contre moi, comme je sens les battements de son cœur.
Enfin, les deux employés s'éloignent.
Je pivote pour faire face à Max.
— Espèce de profiteur ! chuchoté-je sans colère.
Il a l'audace de sourire.
— Pardon, dit-il avec un faux air contrit.
Max se penche et plonge ses lèvres dans mon cou, et sa langue chaude lèche le creux où ma veine palpite d'un rythme erratique. Je ne peux m'empêcher de soupirer. Max remonte son visage et s'empare de ma bouche.
Je le laisse faire, sonnée, frappée par une vague de désir qui me laisse sans force. Mon corps a choisi de ne pas lutter. Max m'embrasse avec passion, comme s'il avait refoulé longtemps cette envie. A mesure que sa bouche plie la mienne à sa volonté, je me sens prendre feu, crépiter et me consumer, avec une violence que je n'avais jamais ressentie.
Je ne suis pas innocente, j'ai déjà eu un partenaire pendant trois ans, mais jamais je ne me suis sentie si désirée. Et jamais je n'ai autant désiré. Je sens son cœur battre très fort contre le mien.
Max se redresse et me contemple.
— Tess... Je suis fou de toi.
Jamais je n'ai entendu cette phrase auparavant, et elle me grise.
— Tu ne le sais toujours pas ? Je ferai n'importe quoi pour toi. Je ne peux plus me passer de toi.
Ces phrases aussi sont exaltantes, mais avec la fin du baiser, mon côté rationnel reprend le dessus. C'est impossible. Max est un criminel, il travaille pour Serrone. Il n'est absolument pas celui dont je peux tomber amoureuse. Et je ne lui céderai pas juste pour quelques heures. Ça ne marche pas comme ça dans mon monde.
Alors je fais plusieurs pas en arrière, m'arrachant à son étreinte. Il me regarde, surpris. Je m'apprête à parler, à le repousser, quand nous entendons un appel à voix basse.
— Max ?
Max s'interrompt et répond à voix basse :
— Enzo !
Une ombre sort alors. Notre contact est là. Les explications déplaisantes peuvent attendre, et je suis soulagée. Cela me laisse du temps pour reprendre mes esprits, qui m'ont clairement échappés pendant plusieurs minutes troublantes. Max, qui a rallumé la fonction torche de son portable, le braque sur l'individu.
— C'est bien moi, dit la voix masculine. Baisse ça.
Max baisse son téléphone.
— Pourquoi tu veux parler maintenant ? demande Enzo.
D'après sa voix, il n'est plus tout jeune. Sa silhouette projette une ombre massive sous la lune.
Max lève la main.
— Tout va bien. Je ne te veux aucun mal. J'ai besoin de toi.
— Je t'ai dit que je ne t'aiderai plus, ni toi, ni les autres ! s'écrie-t-il en reculant. Je t'ai aidé autrefois, ça suffit !
Max fronce les sourcils.
— Tu n'as rien à faire. Juste à raconter ce que tu sais à mon amie.
— Pourquoi ? Pourquoi maintenant ?
— Peu importe. Dis ce qui s'est passé. Je te promets que ça restera entre nous.
Max lève la main comme pour prêter serment. Je ne dis rien. Moi je ne peux faire de promesse de ce genre. J'ai la ferme intention de donner le nom et la description de cet homme quand je livrerai toutes mes preuves à la police. Un ex-complice du gang de Serrone peut donner un témoignage capital. La police le protégera jusqu'au procès.
— Dis ce que tu sais ! insiste Max, qui perd patience. Dis-le !
Enzo lui lance un regard courroucé.
— Je t'ai aidé à menacer des commerçants, voilà ce qu'il y a à dire ! On devait les convaincre de verser de l'argent à ton boss, « dans leur propre intérêt » comme tu leur disais !
— Donc du racket, dis-je d'une voix neutre.
— Ouais. J'en suis pas fier. Mais c'est comme ça, dans cette foutue ville. Depuis des années. J'ai arrêté, moi. Je ne voulais plus.
Avec sa carrure, il devait en terroriser plus d'un. Par-dessus, Max sortait son arme, et tous les patrons se pliaient aux exigences de Serrone.
— Je voudrais des détails et des noms, dis-je. Qui avez-vous intimidé ?
Enzo hésite.
— Eh bien, il y a eu plusieurs patrons autour du Vieux-Port, mais je ne sais pas si...
Des bruits se font entendre. Nous tournons tous la tête dans la même direction. Des pas se rapprochent. Aucune voix cette fois, et l'impression produite est bien plus inquiétante. Max sort immédiatement son Glock. Les pas ne peuvent pas appartenir à une seule personne.
J'esquisse un geste d'apaisement, mais Max lance, sûr de lui :
— Ils sont là.
— Oh non... murmure Enzo en reculant.
Je peux percevoir sa terreur. Ma propre angoisse monte de plusieurs crans.
— Restez là, ordonne Max, cachez-vous.
Comme Enzo, muet, ne bouge pas, il l'attrape par le col et le pousse en direction d'un hangar.
— Ils vont venir, assène-t-il avec un calme étonnant. Tess, tu restes à l'abri et tu me laisses faire.
J'acquiesce, mais je suis incapable d'articuler un mot.
Max fait quelques pas en arrière et il est absorbé par la pénombre. Je m'efforce de conserver mon sang-froid. Ces bruits ne signifient pas que les hommes de Serrone sont dans les parages. Il peut y avoir quantité d'autres explications. À tout hasard, je mets la main sur l'arme que Max m'a donnée et que j'ai dans ma poche. Cela me donne confiance.
Enzo tourne sur lui-même, semblant chercher frénétiquement une cachette.
— Ça va aller, murmuré-je. Max va nous protéger.
Enzo a un rire étouffé de dérision. C'est le dernier son qui sort de sa bouche.
Un coup de feu retentit. Enzo s'écroule sur le sol de béton.
Je pousse un cri de terreur. Max avait raison. En proie à l'affolement, je pointe mon arme dans tous les sens, mais je ne vois absolument rien ni personne. Cela devient beaucoup trop pour moi, tout à coup. Je suis au cœur du danger.
Deux hommes se matérialisent devant moi. Horrifiée, je suis incapable de bouger, encore moins de tirer.
Une pauvre cloche, en somme.
— Tiens, en voilà une surprise ! La petite copine de Max !
— C'est dangereux de traîner la nuit !
Un coup sec sur mon bras, et mon arme tombe au sol. Deux hommes, impossibles à décrire dans la pénombre. Ils sont sensiblement de la même taille. L'un d'eux m'attrape fermement par le bras tandis que l'autre place une main sur ma bouche. A cet instant, j'identifie l'un des deux : celui qui m'a abordé devant l'Evêché ; « une jeune fille convenable comme vous »... Il est moins poli, ce soir.
— On l'emmène au boss ?
— Pas la peine de courir le risque. Max n'est sans doute pas loin. Descends-la.
Soudain, me voilà replongée quatre ans en arrière.
Tue-la, avait dit un inconnu. J'ai survécu, alors. Mais je n'aurai pas deux fois cette chance.
Un des hommes me projette violemment sur le sol. Je me fais mal en tombant, mais la douleur ne dure pas. L'adrénaline qui m'envahit recouvre tout. Je m'exclame, pleine de rage :
— Max vous le fera payer.
Je ne reconnais pas ma voix.
Celui que je connais sort une arme.
— Max ? C'est lui qui a failli te buter, il y a quatre ans. Pauvre conne.
— Vous mentez !
Deux rires me répondent.
— Berettini lui a demandé de le faire. Il a raté son coup. Tu pourrais lui poser la question, les yeux dans les yeux. Mais tu n'auras plus jamais l'occasion.
Il me met en joue.
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