17 - Max prend ses marques
Saisie par la présence de Max chez moi, je porte la main à mon cœur.
— Ne me fais pas un coup pareil après une journée pareille !
Max se met à rire. Il a les bras nonchalamment croisés et il a déboutonné le haut de sa chemise. Le cadre de la mafia est « off duty »...
— Tu es solide, dit-il tranquillement. Je n'ai aucun doute à ce sujet.
— Vraiment ? Je n'en suis pas aussi sûre moi-même ! Et comment es-tu entré ?
— Ta serrure est une plaisanterie. Tu devrais la renforcer, c'est un conseil. Et je ne dirai rien sur la valeur de ton alarme, je ne veux pas être vexant.
— Et ma mère ? Tu as dû l'effrayer !
Je suis sur le point de me précipiter dans la chambre de Mélina quand Max lève la main.
— Elle dort. Je suis allé la voir, parce que je voulais me présenter en bonne et due forme, mais ce sera pour plus tard.
Je lui lance un regard sévère et je marche jusqu'à la chambre. Je l'entrouvre sans faire de bruit. Mélina a l'air de dormir, en effet ; mais au moment où je veux refermer la porte, je vois sa tête qui se tourne vers moi.
— Tess...
Je m'avance, je vais lui prendre la main. Un rapide examen me confirme qu'elle va bien. Ses yeux me semblent bien lucides, aujourd'hui. Tant mieux. Les moments où elle oublie que son mari est mort sont très rares, mais encore trop présents pour moi.
— Je ne voulais pas te réveiller, maman.
— Ce n'est rien, mon soleil. Je me sens bien.
Cela semble vrai. Quel soulagement. Elle se redresse et secoue ses beaux cheveux. Elle est si belle, ma mère, et si bonne. Elle aurait mérité un sort tellement meilleur...
— Tu as besoin de quelque chose ? Tu as soif ou tu as faim ?
— Je veux bien un thé.
Je m'apprête à ressortir, et je vois alors Max apparaître dans l'embrasure de la porte. Je veux lui faire signe de reculer, mais c'est trop tard. Il rentre.
— Mes hommages, madame Andreadis. Je suis honoré de vous rencontrer enfin.
Il s'est à demi incliné. Mélina sourit, un peu perplexe.
— Je suis Max, un ami de Tess.
Il s'approche, l'air si chaleureux, si décontracté, que Mélina lui tend spontanément la main. Il ne la serre pas, il s'incline comme pour un baisemain. Et, ô surprise, il connaît les codes : ses lèvres s'arrêtent bien au-dessus de la peau. Mélina semble absolument sous le charme. Max-le-gentleman est de retour.
— Je suis ravie de vous rencontrer, Max. Ma fille a besoin d'avoir des amis.
Me voilà épouvantablement mal à l'aise. Et si ce n'était pas suffisant, Max la regarde dans les yeux en affirmant :
— Votre fille peut compter sur moi, toujours.
— J'en suis sûre, répond ma mère. Vous avez l'air d'un très gentil jeune homme.
J'hésite entre pousser Max par la fenêtre ou me défénestrer moi-même directement.
— Je vais te préparer un thé, dis-je rapidement. Nous te laissons te reposer.
— Je vous apporte votre thé dans un instant, madame, insiste Max avec un regard qui pétille de joie.
Tournant le dos à Mélina, je le fusille du regard. Nous sortons de sa chambre.
— Si tu perturbes encore ma mère, je te jette par la fenêtre !
Il me fait un large sourire et un petit salut militaire simultanément. Puis il reprend une contenance sérieuse.
— Je voulais m'assurer que tu allais bien. Après notre visite à cette pauvre Soledad.
— Je vais bien. Je n'ai pas l'habitude des cadavres, mais ça va. Je te prie de ne plus débarquer chez moi sans invitation.
— L'invitation aurait pris combien de siècles ?
— Tu n'es pas chez toi ici, dis-je froidement ce qui est une évidence.
Il a l'air soudain d'un petit garçon à qui on a volé son jouet. Etrange. Mais ça n'a duré qu'un éclair, j'ai peut-être mal interprété son expression.
J'ôte ma veste et je me rends à la cuisine. Je prépare le thé Earl Grey pour Mélina. Max, comme il l'avait annoncé, me prend la tasse des mains et va le lui porter. Comme je ne peux faire un scandale, je le laisse faire. Je prépare alors du café et je tends une tasse à Max quand il est de retour. Il la prend avec une inclinaison de tête.
— Tu n'as pas été suivi jusque chez moi, j'espère ? Si des tueurs te suivent à la trace, je vais aussi te jeter par la fenêtre !
J'ai vraiment confiance en lui, à présent, si je me permets quasiment de le menacer de mort deux fois dans la même conversation, sans craindre de représailles. Il sait que je plaisante, mais quand même...
— Personne ne m'a suivi jusqu'ici. J'en suis sûr. J'ai vérifié.
— Comment tu vérifies un truc pareil ?
— Faire plusieurs fois le tour des ronds-points, passer à l'orange, faire plusieurs fois le tour du quartier... Ça s'apprend.
Sûrement. C'est juste que lui et moi n'avons pas fait les mêmes études.
— Ta mère est irrésistible, dit-il en buvant son café. Je suis content de l'avoir vue, j'ai tellement entendu parler d'elle.
— Je n'en doute pas, dis-je, désabusée. Merci, Christos.
— Tu as une super famille et de super amis. C'est une chance.
— Tu me jures que tu ne t'en prendras jamais à ma famille et à mes amis ?
A ma grande honte, ma voix a un peu dérapé vers l'émotion.
— Je te le jure, dit-il solennellement. Moi aussi, j'ai une mère que j'adore.
Je ne sais pas pourquoi, mais je le crois. Je suis persuadée qu'il me cache des kilomètres d'informations majeures, mais aussi qu'il ne me fera aucun mal, ni à Mélina, ni à Ariane.
Ou alors je suis dans une mouise plus grande que la sardine qui a bouché le port de Marseille...
— Qu'est-ce que tu veux vraiment, Max ?
Il a l'air surpris.
— Je te l'ai dit. je veux faire arrêter Serrone ; et détruire tout son petit clan. C'est l'entière vérité.
Oui, je crois que c'est bien cela qu'il veut. Mais il a sûrement besoin d'autre chose, s'il traîne chez moi. Je sais que je me suis embarquée dans une drôle de galère ; mais si je peux faire coffrer Serrone, ça en vaut la peine. Quant à Mallard qui me regarde de travers, je lui offrirais bientôt l'affaire de sa vie sur un plateau.
Max me tend la main.
— Je te jure que c'est la vérité, répète-t-il.
J'ai une impression de déjà-vu. Lorsque nous nous sommes rencontrés, au Petit Café, j'avais refusé de lui serrer la main. Cette fois, je ne refuse pas.
Il me sourit, sans ironie. Un ange passe.
— Comment expliques-tu que Soledad ait été tuée juste avant que tu ne viennes la voir ? demandé-je parce qu'il est temps que mon enquête progresse.
Max ne sourit plus.
— Je sais maintenant que Serrone me tient à l'œil, même s'il m'a écarté du centre de décision. Je m'agite trop à son goût. Il m'a fait suivre ; ils ont compris où j'allais. Soledad se croyait à l'abri, mais apparemment Serrone a toujours su où elle vivait.
A ce souvenir, Max a un geste rageur.
— Tu devrais faire attention à toi, si Serrone t'a dans le collimateur.
— Exact. Il faut que je sache ce qu'il prépare.
— Il te le dira ? lancé-je avec scepticisme.
— Lui, non. Flavia le saura et elle me le dira.
Flavia, la belle brune suspendue à son bras ? Elle fait partie du clan de Serrone ? Je savais bien qu'il y avait un motif à mon antipathie spontanée envers elle.
— Max... quel est ton nom de famille ?
Max grimace.
— C'est mon secret.
Je fronce les sourcils.
— Oh voyons...
— Même à Serrone, j'ai donné un faux nom. Je mens à tout le monde. Je n'ai pas envie de te mentir, Tess. Alors je ne te dis rien pour l'instant, d'accord ?
Je ne suis pas d'accord du tout, mais je renonce à argumenter dans l'immédiat.
— Je voudrais voir Serrone, et même lui parler, si tu crois que c'est possible.
Max hausse les sourcils au-dessus de sa tasse de café.
— Tu deviens téméraire.
— Non, curieuse. Je n'ai rien trouvé sur le net, pas même une photo.
— J'y réfléchis et je te tiens au courant. Et ton inspecteur, que lui as-tu dit ?
— Que j'ai trouvé la scène de crime comme ça, ce qui est vrai. Je crois que Mallard a cru ma version, mais il m'a ordonné de me tenir en dehors de tout ça.
— Tu veux lui obéir ? demande Max d'un ton grave.
Il a renoncé à l'ironie.
— Non. Je veux poursuivre, avec toi.
Le regard de Max s'adoucit. Il m'envoie un sourire tellement chaleureux que je ressens un petit pincement au cœur. Il a des yeux extraordinaires, je ne peux prétendre le contraire.
Je me ressaisis et je dis sèchement :
— Il est temps que tu partes, je crois.
Il me jette un regard surpris, mais déclare :
— Bien sûr. Je prévois tes prochaines sorties touristiques : voir Serrone et visiter une cache d'armes. Après tu pourras refiler le tuyau à ton inspecteur... anonymement.
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