La journée est bien avancée quand nous devons faire une halte. La gamine n'a pas tenu le coup.

Elle s'effondre sur l'asphalte, tête la première, fendant sa lèvre dont le sang recouvre vite son menton.

— Ethan.

La voix de Fish me sort de ma rêverie. Je suis loin devant, essayant de trouver une issue favorable à notre périple.

Je me tourne vers lui, et d'un signe de tête, il me montre l'attroupement, un peu plus loin, autour de la fillette.

Je regarde à nouveau le chemin que nous devons prendre, où qu'il nous mène, et hésite à continuer sans me préoccuper des autres.

Mais Fish est là. Il attend, me fixe comme un double de ma conscience. Comme si j'allais tout arranger.

Certains jours, j'ai envie de tuer ce gamin. Peut-être que je finirais par le faire.

Je reviens sur mes pas, pousse les enfants qui sont penchés au-dessus d'elle, et met trop de temps à poser un genou à terre pour me préoccuper de son sort.

Je la retourne sur le dos et écarte les cheveux filasses de son visage. Sa peau est froide, presque translucide et je me dis que ça en est finit pour elle, pourtant, je sens un pouls. Infime battement presque inutile.

J'aurais préféré qu'elle soit morte.

Avec un soupir, je relève la tête et regarde autour de moi, sans rien voir car ils sont tous là, à attendre, nous fixant comme des statues de pierre. J'ai presque envie de leur crier dessus, pour les éparpiller comme on le ferait à une nuée d'oiseaux.

Le vent caresse mon visage et m'apporte avec lui le grincement d'une lanière de cuir. Fish est là. Présence silencieuse au milieu de gamins muets.

— On est où ? je finis par demander.

— Klondike road.

Brave soldat.

Je prends la gamine dans mes bras, évalue la situation, et je reprends mon chemin, les enfants sur mes talons.

— Comment va-t-elle ?

C'est une question rhétorique. De la part de Fish, cela m'étonne.

— Elle va mourir.