* Chapitre 1.0 : Ethan *.

Quelque chose d'étrange m'étreint, mais avant que je puisse mettre le doigt dessus, je me réveille et la sensation ténue s'évanouit. Frustré, je reste un instant les yeux clos, mais je dois vite me rendre à l'évidence, plus je la cherche, plus elle m'échappe.

Je soulève les paupières avec un soupir, et me décale du tronc d'arbre contre lequel je m'étais assoupi, les bras passés autour du M16, qui est devenu ma plus fidèle compagne depuis plusieurs semaines.

Un coup d'œil alentour me permet de constater que les autres dorment encore. Sans bruit, je me lève et traverse le camp de fortune dans la brume fraîche du matin. Quand je respire, un nuage de fumée sort de ma bouche et me rappelle que nous devons nous abriter rapidement sinon, nous ne survivrons pas à l'hiver.

La veille, je leur ai promis de trouver une solution. Aujourd'hui, je n'ai toujours pas de solution.

Ils sont jeunes, pourquoi ne pas mentir ? Ils ne s'en rendront pas compte...

Je repousse cette pensée, mais ne l'élimine pas totalement. Au diable l'honnêteté, la gentillesse, et l'altruisme. Le seul point important à suivre depuis quelque temps c'est : survivre. Peu importe la façon. Survivre.

Non loin, je distingue la silhouette de Fish, et je ne trouve rien de singulier à voir un garçon de neuf ans avec un fusil en travers des genoux.

Comment le monde a-t-il pu tourner ainsi ?

La question m'effleure mais je l'écarte d'un vague geste de la main. C'est une nouvelle habitude, ça. Je ne suis entouré que d'enfants, toutes les décisions m'appartiennent, et les discussions sont limitées. Du coup, je me surprends de plus en plus souvent à me parler à moi-même.

Fish me dévisage sans broncher.

Brave gamin. Pas très bavard mais je peux compter sur lui.

— Du nouveau ?

Il secoue la tête.

Je scrute l'horizon. Une clarté diaphane perce à peine, et les étoiles sont moins nombreuses. Il doit être entre cinq et six heures. Je n'ai jamais eu de montre, je me contentais de regarder l'heure sur mon smartphone. Mais la technologie s'est éteinte en même temps que l'humanité.

Plus d'ordinateurs, plus de réseaux sociaux...

La vache, ça, c'est rude.

Plus de voiture, plus d'électricité. La mort de tout.

La première fois que c'est arrivé, j'ai fixé mon téléphone en le secouant bêtement, genre « oh, c'est quoi c'te blague ? ».

On a tous crû à un petit problème de réseaux, ou quelque chose d'analogue. L'impulsion — c'est ainsi qu'il le nommait à la télé — n'avait pas mis K.O tout le système.

Peut-être de quoi nous autoriser une dernière prière et de présager ce qui allait suivre.

La deuxième impulsion, elle, a carrément foutu en l'air tout ce que le monde peut appeler de civilisé.

Nous, on s'est marré.

J'ai vingt et un ans. Autant dire que ces évènements-là, pour moi, c'était juste un peu de piquant dans ma petite vie tranquille.

Je n'avais pas compris que l'effondrement du système mondial nous replongerait à l'âge de pierre. Quand les militaires ont débarqué dans les rues, pour cause de loi martiale, j'ai commencé à prendre les choses au sérieux.

— Réveille les autres, on repart.

Fish retourne vers le camp et secoue tout le monde. De l'endroit où je me tiens, j'entends des grognements et des pleurs.

Je soupire et frotte mes yeux fatigués. Pourquoi dois-je mener ce groupe de gamins ?!

Parce que ta conscience t'ordonne de ne pas les abandonner.

Voilà, c'est ça : ma conscience. Quel truc de merde dont je me passerais bien ces jours-ci.

Je regarde l'attroupement. La plus jeune a quatre ans. Je ne suis pas sûr qu'elle résiste encore longtemps. La marche, la faim, la peur a creusé ses yeux hagards, elle ressemble à un zombie.

Je vois Fish aider les retardataires à ajuster leurs manteaux. Je devrais être avec lui pour les aider, mais je ne le fais pas. Je reste à les observer, à me demander ce qu'il se passerait si je partais, là tout de suite, en les abandonnant ici.

— On est prêt.

Fish est à nouveau devant moi, et me fixe. Il attend les ordres comme un bon soldat.

J'ai envie de lui coller mon poing dans la figure et de lui dire de se démerder, mais je fais juste un signe de tête pour faire avancer la troupe.

— On va où ? demande une voix que je ne reconnais pas.

Je prends à peine le temps de répondre. Quelle importance puisqu'on va tous crever ?

— Par là.

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