4. Pleins de jolies rencontres !
-Rusard ? .... Rusard ? ..... Eh oh, Rusard ? .... Faites pas genre vous m'entendez pas, vous êtes juste à côté de moi ! .... Ruuuuuuuu-Zaaaaaaaaaard ....
Entendez-vous cela ? C'était l'appel de l'enjouement. Un appel que le-dit Rusard ignorait avec force. Les pieds trainant et la tête enfoncée dans les épaules, il tentait de faire fi de mes interpellations pourtant si agréables. De temps à autre, il marmonnait quelque chose rapport aux chaînes et aux cachots dans l'espoir que je ferme mon caquet, mais je m'en fichais pas mal. Je sautillais joyeusement un peu partout, manquant plus d'une fois d'écraser ce paillasson sur pattes qu'était Miss Teigne.
-Rusard... Ruuuuusaaard... Rusard, de vous à moi, ça fait combien de temps que vous travaillez ici ? Bien 40 ans non ? Ça vous dirait pas de prendre votre retraite ? Vous savez, partir aux Maldives, un cocktail à la main, et ne plus jamais revenir à Poudlard. Hein, ça serait bien nan ?
Rusard souffla bruyamment, puis il enfonça encore plus sa tête dans ses épaules, crispant la mâchoire si fort qu'il en devenait blanc. Il savait très bien que je jouais avec ses nerfs. Tenir. Il devait tenir.
-Oh la, ça a pas l'air d'aller, vous. Vous voulez des antidépresseurs peut-être ? Ça vous ferait du bien vous savez. Après tout, ne dit-on pas que le stress accélère la chute des cheveux ? ... Si j'étais vous je me dépêcherais d'en prendre ! Parce que vous arrivez bientôt au point de non-retour... Rusard ?... Mais vous allez me répondre, à la fin ?!!! .... Rusard Rusard Rusard .... Ruzzzzard .... Za-zaaaaard ..... Eh dites, j'peux vous appeler Zazard ?
-Non.
-Parfait, Zazard ! Alors dites-moi , quand c'est qu'on arrive ?
Le Zazard en question grogna et accéléra le pas. Marre. Oh la la, qu'est-ce qu'il en avait marre ! Comme le disait si poétiquement l'expression, je lui "sortais par les trous de nez" ! Satisfaite, je me mis à lui trottiner autour en riant gaiement. Le visage du concierge commençait à être parcouru de tics nerveux, et il grinçait ses dents, signe qu'il arrivait bientôt à bout. Même pas 10 minutes en ma douce compagnie et il était déjà aux limites de ce qu'il pouvait supporter. Donnez-moi en 10 de plus et c'est le burn out. Dans une semaine on le retrouvera suspendu la tête en bas à la tour d'astronomie, se prenant pour Batman. J'en fais une affaire personnelle !
Ainsi, les minutes qui suivirent passèrent trèèèèès lentement. Nous marchions dans un immense couloir, éclairé ça et là par les rayons de la Lune, et seuls le bruit de nos pas et mes incessantes jérémiades venaient troubler la quiétude qui régnait en ces lieux. Au bout de mon vingt-deuxième "Quand c'est qu'on arrive", Rusard s'arrêta brusquement, les poings serrés, puis il jeta un regard circulaire autour de lui avant de bifurquer soudainement dans un couloir étriqué et plutôt sombre. Ma première pensée fut "Un raccourci ! Boouuh, ça fait peur. Génial !" puis me remémorant la situation, je me dis que "Hmmm... L'endroit parfait pour commettre un meurtre".
Et alors que je me faisais cette terrible réflexion, le concierge se retourna vers moi, ses deux petits yeux luisant dans la pénombre lui donnant des airs de pur déséquilibré. Et sur un ton grinçant qui n'inspirait pas franchement confiance, il dit à mi-voix :
-C'est par là...
Mon sang se glaça. PSYCHOPATHE ! Les yeux écarquillés et agitant ridiculement les bras en l'air, je me carapatai aussi vite que je pus en braillant comme une timbrée :
-NOOOOOOON ! LAISSEZ-MOOOUUUUAAAA ! JE SUIS TROP JEUNE POUR MOURIIIIIIR !
Je courrais dans tous les sens comme un poulet apeuré, m'étalant de temps à autre dans des bruits sourds à cause d'un caillou ou d'une dalle qui ressortait, mais presque aussitôt je me relevais et reprenais ma course folle dans les couloirs déserts de l'école. C'est quelque chose de tout à fait fascinant, ne trouvez-vous pas, de voir comme nous pouvons faire n'importe quoi et devenir complètement stupide dans un moment de panique. Exemple très qualitatif : Alors que je m'engageais dans un nouveau couloir, j'entendis un grognement sarcastique résonner à ma gauche. Sans m'arrêter, je tournai la tête vers la source du bruit et constatai avec horreur que je venais de revenir à mon point de départ : Rusard était encore là. J'accélérai donc le rythme en criant de plus belle, mais ne remarquai que bien trop tard que je fonçais facétieusement sur un mur, mettant définitivement fin à cette course-poursuite des plus inutiles.
Et ce fut sans ménagement que Rusard me traîna par les pieds, tandis que je m'agrippais au sol en pleurnichant sur mon triste sort. Le karma, que voulez-vous...
※—※—※
-... Je... vais... mourir... euuurrrrr...
Oh que oui, j'allais finir par mourir si ça ne s'arrêtait pas bientôt !
Je ne savais pas depuis combien de temps on marchait. Combien de couloirs on avait emprunté. Combien d'escaliers on avait monté et descendu. Mais j'étais à peu près sûre que Rusard m'avait fait faire le tour du château et de ses extérieurs. On était passé trois fois dans les mêmes couloirs, descendu dans les cachots, retourné à la Grande Salle, sorti dans le parc, allé faire un tour du côté de la forêt, puis descendu à nouveau dans les cachots, et ainsi de suite.
-C'est pas par là non plus, constatait ironiquement Rusard à chaque fois.
Puis il faisait demi-tour et repartait, m'emmenant visiter d'autres endroits.
Moi je continuais de le suivre dans ce dédale, soufflant tel un phoque, à deux doigts de me mettre à ramper. Lui gambadait comme si de rien n'était, Miss Teigne le suivant de près. Je suis sûre qu'il le faisait exprès... N'empêche il avait de l'endurance, le vioc !
-...Tuez-moi...
Je n'en pouvais plus. Que quelqu'un abrège ma souffrance ! Non mais sérieusement, Rusard voulait ma mort, c'était pas possible autrement ! Un vrai sadique ...! Mais où fichtre Dumbledore allait-il dégoter son personnel ?!
Mais alors que j'étais sur le point de rendre l'âme, je le vis apparaître au détour d'un énième virage dans toute sa divine splendeur. Miracle céleste, que le dieu des poulets soit loué ! Le Griffon d'or était là ! Rusard avait été touché par la grâce et avait eu pitié de moi. Merci Merlin ! Je rassemblai mes ultimes forces et parvins jusqu'à la statue, les jambes en compote, au bord de l'agonie.
Alors que je tentais de reprendre mon souffle, à moitié courbée en avant et les mains appuyées sur les genoux, Rusard, bien décidé à ne pas me lâcher si facilement, se planta pile devant moi, les bras croisés, et me dévisagea au calme.
Au début je ne dis rien, espérant qu'il s'en aille vite vers d'autres activités plus distrayantes, comme par exemple traumatiser des élèves. Mais au bout de plusieurs longues minutes, le concierge n'avait pas bougé, il était encore planté là dans cette posture de "Je te juge espèce de minable".
Oh la la ! J'en avais ma claque de cette pourriture sur pattes ! Je levai des yeux plus qu'égorgeurs vers lui, et lâchai dans un long râle venu du plus profond de ma gorge, du genre possédée par Satan :
-Qu'est-c'vous voulez ?
Ça ressemblait plus à un cri rauque qu'à une question... Il retroussa son nez et dévoila ses dents, dessinant des rides sinueuses sur son visage dans une grimace bizarre, puis il lâcha un petit râle sarcastique, subtil mélange entre un hoquet et un grincement de porte. Je plissai les yeux. C'était donc un sourire, ce qu'il était en train de faire...Eh bah ! Bonjour le fun !
-Non mais vous êtes complètement chtarbé mon pauvre !
Mesdames et messieurs, chers lecteurs, je vais vous donner quelques petits conseils si jamais un jour vous allez à Poudlard. Alors, règle numéro 1 : NE PAS INSULTER RUSARD DEVANT MISS TEIGNE ! Parce que ça, elle n'aimait pas, mais alors pas du tout. Faut pas toucher à Zazard !
«Mais Alice, c'est une règle, ma foi, fort anodine !» me direz-vous. Peut-être, mais à ce moment-là, moi je ne le savais pas, et au grand jamais je ne referais cette terrible erreur !
"Complètement chtarbé". À l'entente de cette offense gratuite envers son maître, Miss Teigne se mit à feuler dangereusement, le poil hérissé et ses petits yeux rouges brillant d'une lueur qu'on croirait tout droit sortie du cul de Satan. Je persiflai méchamment :
-Moh, il est pas content le chaton?
Règle numéro 1 bis : Ne pas insulter Miss Teigne non plus, si vous tenez à la vie.
Sans prévenir, la bestiole me sauta à la tronche, toutes griffes dehors. Ça allait saigner. Pâté d'Alice pour le souper ! À table ! J'eus tout juste le temps de faire un bond en arrière en hurlant ma terreur :
-HHHIIIAAAAA !!!
La chatte fit un magnifique saut périlleux et s'écrasa lamentablement à mes pieds la tête la première. Je me figeai complètement, de peur que le moindre mouvement ne la fasse réagir, puis au bout de plusieurs secondes de calme, je la tâtai du bout du pieds. Fichtre, c'est moi qui ai fait ça ?... Je... Mais quel talent ! Héhé, Alice killeuse d'animaux maléfiques ! Mais tandis que je ricanais sadiquement face à mon succès (j'avais quand même un rat mangemort et un chat démoniaque à mon actif), une plainte s'éleva non loin :
-Ma chatte... Qu'est-ce que vous avez fait à ma chatte...?
Je baissai à nouveau les yeux vers la-dite chatte. Miss Teigne était étalée par terre dans une position loin d'être naturelle pour un chat, et demeurait complètement inerte. Je m'accroupis vers elle.
-Vous avez tué ma chatte ?!!
-Mais nooon, regardez !
Puis, attrapant Miss Teigne entre mes mains, je la lançai dans les airs :
-Allez, vole !
Comme l'on pouvait s'y attendre, elle s'écrasa à nouveau par terre dans un grand splsh, tel un flan qui serait tombé de la table. Qu'est-ce que j'avais espéré en faisant ça ? Je sais pas trop... mais qui sait ce dont Miss Teigne est capable ?
-Miss Teigne... ? l'appela Rusard. Ma belle... ?
Mais la chatte ne réagit pas... Que Miss Teigne ne bouge plus passait encore. Qu'elle ne m'attaque plus était suspect. Mais qu'elle ne réagisse plus à Rusard, ça, c'était impensable, et annonçait la pire des tragédies : Je... J'avais cassé Miss Teigne ! NOOOOON !!! Je me rua vers elle :
-Allez ma belle, s'il-te plait... Bouge... Je t'en supplie Miss Teigne... Bouge...
Mais la chatte conservait son état de flan amorphe. Je me relevai lentement, le dos voûté et la tête baissée... Miss Teigne... Et alors que je sentais monter les larmes, je me tournai vers Rusard :
-Rusard, je... je suis désolée... Miss Teigne, elle est...
-Miss Teigne...
-Oui Rusard, oui. Je sais, c'est dur, mais il faut faire face...
-Miss Teigne...
-C'était son nom, en effet. Un nom qui, ma foi, collait parfaitement bien à son caractère... Une vraie teigne, celle-là...
-Miss Teigne...
-Oui, bon, ça va, on a compris ! Vous avez qu'à l'empailler si vous y tenez tant ! ... en plus je connais un très bon taxidermiste qui...
-Miss Teigne ! répéta le concierge, cette fois avec plus d'entrain et un doigt tendu en direction de mes pieds.
Je baissai les yeux et rencontrai ceux de la susdite Miss Teigne qui s'était remise debout et me toisait comme un morceau de viande. Le pâté d'Alice était visiblement toujours au menu... Je ne pus m'empêcher de sursauter :
-RAAAH ! Elle est encore vivante cette saleté ?!
Et je lui assénai un phénoménal shoot qui l'envoya voler pour la troisième fois. Et bim ! Prends toi ça, suppôt de Satan ! Puis me rendant compte de mon geste, je me tournai lentement vers Rusard, la boule au ventre. J'avais peut-être fait une connerie... En effet, rien qu'à voir la tête du concierge, on pouvait deviner quelques envies de meurtre à la tronçonneuse. Je fis un pas en arrière et porta mes mains devant moi pour tenter de le calmer :
-Rusard, écoutez-moi... Ce... C'est juste un affreux malentendu... C'était un accident, d'accord ? Il... Il faut pas s'énerver pour ça hein... Dîtes vous que dans cette affaire, vous êtes gagnant... Vous allez économiser sur le budget pâté...! Allez Zazard, on... on fait la paix ?
Rusard ? Faire la paix ? Je pouvais toujours aller crever ! Le visage rouge de colère, il me sauta littéralement à la gorge et me secoua par le col :
-MAIS - C'EST - PAS - VRAI !!! MA CHAAAAAATTE !!!
Et alors que je battais inutilement des bras dans l'air, nous nous figèrent tous deux en entendant un cri bestial retentir dans le couloir. Miss Teigne était de nouveau sur ses pattes, plus énervée que jamais. Dans ses yeux brûlaient les flammes de l'Enfer, et c'était presque si de la fumée ne lui sortait pas du museau. Rusard me lâcha avec un ricanement vicieux, et comprenant ce qui allait m'arriver, je déglutis difficilement. J'avais un problème... Un gros problème...
Réagissant quasi-immédiatement, je pris mes jambes à mon cou et déguerpis le plus vite possible à la recherche d'un abri anti-félin. Je sautais donc dans tous les sens, tentant de grimper aux murs, et couinant lamentablement car je n'y arrivais pas. L'autre démon ambulant en profita pour me sauter dessus, dans un miaaaaar étranglé par la rage. Je l'esquivai de justesse à la manière de la télécommande rebondissante, laissant la chatte s'écraser la tronche contre le mur tandis que je me barrais de l'autre côté, espérant avoir plus de chance par là-bas.
Rusard regardait cette scène avec la plus grande attention, toujours avec son rictus de sadique placardé sur la face. Roooh, mais qu'est-ce qu'il jubilait ! C'était le plus beau spectacle qu'il ai jamais vu ! Et pourtant il en avait vu, des choses !
Oh mais je peux vous dire qu'il rigolait moins quand je me suis ruée vers lui comme une aliénée. Après une rapide inspection du couloir, il s'était avéré que Rusard constituait de loin la meilleure solution de repli, aussi m'étais-je empressée de foncer sur lui et lui sauter sur le dos pour échapper au félin enragé à mes trousses. Seulement, et bah le Zazard n'appréciait pas.
Le concierge se mit à se secouer comme un dingue dans tous les sens, et moi, perchée sur ses épaules, je tentais de rester en équilibre en tenant ses cheveux gras d'une main, faisant tournoyer l'autre au-dessus de ma tête, et agrémentent tout ce joli bordel de coups de pieds aléatoires. Il fallait dire qu'à ce moment, je me sentais l'âme d'un cow-boy, ne manquant pas de le faire savoir en m'écriant à gorge déployée "Yee-Haw !". Un vrai rodéo, des plus mémorables, qui ne pouvait se finir autrement que de manière épique. Et ce fut grâce à Miss Teigne.
La vile créature, désireuse d'en découdre et voyant là une occasion en or d'y parvenir, s'était tapie dans un coin, les sens aux aguets et prête à bondir au moment propice. Et finalement, celui-ci se présenta : je venais de perdre l'équilibre et étais accrochée à Rusard (qui soit dit en passant continuait de gesticuler comme s'il avait les fesses en feu), mes jambes enroulées autour de sa taille et le haut du corps pendant mollement dans le vide. Oui, c'était loin d'être glorieux tout ça...
Miss Teigne, le corps tendu à l'extrême, décida qu'il était temps d'agir et bondit, prête à mettre en œuvre son atelier boucherie. Le plan : attraper, mordre et ne pas lâcher. Comment un plan aussi parfait aurait-il pu échouer, je vous le demande ? Elle avait déjà tout calculé dans son petit cerveau de chat : l'angle d'attaque, la vitesse, la portée, la hauteur et la longueur du saut,... TOUT ! Mais ce qu'elle n'avait pas pris en compte, c'était le facteur Rusad. Aussi, quand elle me sauta à la tronche, les crocs saillants, et à deux doigts de me transformer en Picasso, personne, pas même Miss Teigne elle-même, n'aurait pu prévoir ce qui allait se passer.
Rusard, toujours en train de gigoter tout partout, réussit finalement à me décrocher les jambes, m'envoyant au passage me manger le sol en pleine poire. Mais là où ça se corse, c'est que par conséquent je n'étais plus dans la ligne de mire de Miss Teigne, qui referma ses dents aiguisées non pas sur mon visage, mais pile sur les fesses de Rusard. Autant dire que le karma rééquilibrait plutôt bien les choses. Argus fit un bond d'au moins trois mètres de haut et détala à toute allure dans le couloir. Ainsi s'enfuit le Zazard, courant les bras en l'air et beuglant tel un bovin moribond, avec Miss Teigne accrochée à l'arrière-train, volant au vent. Un tableau de toute beauté, comme on n'en voit que très rarement.
Je restai quelques secondes encore à fixer le couloir dans lequel Rusard et Miss Teigne venaient de disparaître avant de m'effondrer au sol avec toute la grâce d'un cachalot obèse. Couchée en position étoile en plein milieu du couloir, je tentais de me visualiser tout ce qu'il venait de se passer... Et bordel ! Qu'est-ce que c'était que cette école de fous ?! Et Rusard et Miss Teigne, on en parle ?! Des réincarnations démoniaques, oui ! Revenus sur Terre pour accomplir leurs funèbres désirs, se complaisant dans la torture et la supériorité. Car franchement, ne me faites pas croire que ces deux êtres malfaisants étaient en réalité un mélange entre My Little Pony et les Bisounours !
Finalement, après un petit moment introspectif à me demander si le concierge n'était pas Belzébuth en personne, je me rassis en tailleur, les mains sur les cuisses.
Je suis à Poudlard...
Nouveau sourire idiot. C'était des mots si simples et pourtant ils n'avaient jamais autant sonné juste qu'en cet instant !
Bon...Et maintenant ? La seule distraction qui me venait à l'esprit, c'était de compter le carrelage au sol, et je n'étais pas désespérée à ce point !...
※—※—※
1 538. C'est le nombre de carreaux dans le couloir. 1 538 carreaux. 27 fenêtres. 32 piliers. 12 800 plumes sur le griffon d'or. 3 457 blocs de pierre pour le mur. Et pas moins de 17 araignées, de 8 espèces différentes. Passionnant.
Il ne m'avait fallu qu'une demi-heure pour en arriver à ce constat des plus essentiels. Une demi heure... Trente minutes durant lesquels j'aurais pu faire copain-copain avec Harry, Ron et Hermione, taquiner Neville, faire rager Rogue, me péter le bide à base de Chocogrenouilles avec Dumbledore, et même encore chiper la baguette de ce vieux sénile pour aller défoncer le Quirrell. J'étais à Poudlard après tout, merde ! L'endroit de tous les possibles ! Où tous les rêves se réalisent ! Mais au lieu de ça, j'en étais réduite à compter le dallage et les araignées au plafond. Autant dire que je m'ennuyais sévère.
Une petite voix dans ma tête demandait : "Toujours pas de Dumbledore en vue. On partirait pas sur une série de comptage de grains de poussière ? Allez, ça va être marrant !" Et une autre lui répondit "Alors ça, c'est MÊME PAS EN RÊVE !". La voix de l'honneur, à n'en pas douter... Alors, dans un élan désespéré qu'un miracle m'apporte un peu de distraction, je m'écriai :
-JE M'ENNUIE !!!
Mon cri résonna dans le couloir, et quelle ne fut pas ma surprise en entendant quelqu'un me répondre :
-TA GUEULE !
Peeves ? Serait-ce toi ?
Peeves était l'esprit frappeur de Poudlard, qui n'était mentionné que dans les livres. C'était fantôme à qui le passe-temps était, en gros, de foutre la merde un peu partout dans l'école et de faire un maximum de choses interdites par le règlement.
Bien décidée à partir à la chasse à l'esprit frappeur, je sautai sur mes pieds dans un move digne de Spider-Man et me relevai. Non, au fond de moi j'espérais que Peeves n'avait pas entièrement disparu des films. Car après tout, Peeves est à Poudlard ce que l'alcool est aux soirées : quand y en n'a pas, c'est beaucoup moins marrant !
Je partis donc à l'exploration, vagabondant au gré des couloirs et me guidant au son de cette voix si délicate.
-Hé ho ! Y a quelqu'un ?
-TA GUEULE !
-Peeves ? Youhou ?!
-TA GUEULE !
-... Y va faire tout noir !
-TA GUEULE !
-Mais vous savez dire quelque chose d'autre ?
-... Crève ?
Non, c'était pas Peeves ça... Mais si c'était pas lui, alors c'était qui ? Parce que des emmerdeurs de premier ordre comme lui, ça ne courrait pas les rues, et pourtant en voilà un autre !
Je ralentis inconsciemment le pas.
-Je parle à qui là ?!
-TA. GUEULE. Par la barbe de Merlin, mais c'est pas compliqué à comprendre, espèce de cornichon constipé des neurones ! Boucle-la ! Ou encore mieux : crève !
-...Rogue ? C'est vous ? demandai-je, presque dans un murmure.
Mais je n'obtins aucune réponse. Aussi je repris mes investigations d'un pas prudent. Et, au détour d'un couloir, je finis par trouver l'origine de tout ce raffut.
Je me trouvais nez à nez avec un tableau des plus saugrenus, le portrait d'une jeune femme aux cheveux bruns bouclés et aux yeux violets, les joues gonflées comme celles d'un hamster à cause de tous les Smarties qu'elle s'empiffrait.
Elle fulminait, car soi-disant je lui "gâchais son goûter", quelque chose qu'elle ne semblait pas apprécier au vu du regard glaçant qu'elle me lançait.
-Ah bah non, c'est pas Rogue... constatai-je, mi-rassurée mi-déçue.
-Non mais tu serais pas un peu fêlée du bocal toi ? Quand je dis de la fermer, tu la... Rogue ? Tu veux dire Severus Rogue ?! ... Henriette ?
Mais qu'est ce que c'était encore que ça...? Je plissai les yeux sur le cadre. Une petite plaque de métal était ornée du nom "Eilya Connors" en lettres d'or.
-Eilya Connors... C'est vous ?
La-dite Eilya venait de s'enfourner une énorme poignée de Smarties dans le gosier, et tourna subitement la tête vers moi, ses petits yeux s'agitant comiquement tandis qu'elle mastiquait :
-Quel outrache ! Tu n'as pas entendu parler de moi ?! *Crunch crunch* Eilya, la noble héritière de la puichante famille Connorchz, la championne d'éclatage de tronches dans la catégorie carafe, ...
Mais qu'est-ce qu'elle me racontait encore, l'autre allumée du ciboulot ?! Elle s'était mise à faire une liste complètement perchée de tous ses titres, un bras tendu et le regard tourné vers l'horizon, des morceaux de chocolat multicolore se faisant expulser de sa bouche à chaque fois qu'elle parlait. Et bla bla bla, Serpentard, Gryffondor, sexy truc, espagnol, et bla bla bla...
Je l'écoutais d'un air désabusé. Et elle pensait que j'allais la croire quand elle disait qu'elle était préfète ? Et bah Poudlard était parti de loin... Mais alors qu'elle commençait à aborder une histoire de chouquette géante totalement abracadabrantesque, je haussai les épaules et la coupai net dans sa tirade :
- 'connais pas. Salut.
Puis je tournai les talons et partis, laissant là une Eilya plus qu'outrée par ce manque de respect. Décidément, la jeunesse, c'est plus ce que c'était. Eilya grimaça. Beurk, elle commençait à résonner comme McGonagall... À croire qu'elle devenait mature. Quelle tristesse !
De mon côté, j'étais retournée sur mes pas jusqu'au Griffon d'or... lequel Griffon menait tout droit au mythique bureau de Dumbledore ! Le directeur ne devrait d'ailleurs plus tarder pour notre petit... entretien. Et qui sait comment il allait se dérouler et sur quoi il allait s'achever. Personnellement, je voyais déjà Dumbledore me foutre dehors à coups de pieds au cul, alors autant profiter de mes derniers instants à Poudlard ! C'est ainsi que je me retrouvai un genou à terre face à la statue dorée, un bras tendu dans sa direction, et une main sur le cœur telle une tragédienne antique.
Ôôôôô grand et beau Griffon d'or !
Toi qui gardes le bureau de Dumbledore !
Face à ta sublimité cosmique, je m'incline !
Tu es encore plus orgastique qu'une tartine !
Devant t'i, tout le monde s'agenouille.
Car tu veilles sur Dumby et ses patacitrouilles !
Et de tous les poulets, tu es le patron.
T'es aussi frais qu'un... sorbet citron !
Puis je me remis debout, saluant la foule en délire qui hurlait dans ma tête. Mais tandis que je me félicitais moi-même pour cette magnifique performance et cette petite référence de casée, le griffon géant se mit à pivoter pour dévoiler un escalier en colimaçon qui montait. Je me raidis quasi instantanément. Merdouille... C'était pas censé s'ouvrir !... Ouhla la ! La mouise ! Dumbledore risquait de ne pas trop apprécier...!.... Cela dit... Rusard était censé m'y conduire. Et là, c'est quand même le bureau de Dumbledore qui me tend les bras !... J'y vais ? J'y vais pas ? Raaaaah quel dilemme existentiel !
Je faisais les cents pas dans le couloir, me tapant de temps à autre la tête contre un mur quand le besoin s'en faisait sentir, puis reprenais mon petit manège réflectif, entretenant un débat intensif avec moi-même. Je monte ? Je monte pas ? Je monte ? Je monte pas ? J'étais tellement plongée dans mon auto-délibération que je n'entendis pas immédiatement les bruits de pas qui se rapprochaient dangereusement de moi.
-Miss Collins...
-KESKE CÉ !!!
Je me retournai d'un bond et portai une main à mon cœur en voyant que ce n'était autre que Dumbledore qui s'avançait vers moi d'un pas tranquille.
-Veuillez m'excuser pour mon retard, j'ai été retenu.
Il fit une petite pause, un sourire coupable étirant le coin de ses lèvres, puis il avoua sur le ton de la confidence :
-À vrai dire, il y a avait du pudding au dessert...
Je ne pus retenir un sourire. Règle numéro 2 à Poudlard : Si il y a du pudding au dessert, alors tout est excusable, retenez bien ça les enfants !
-J'espère ne pas avoir été trop long...
-Du tout monsieur, j'ai su passer le temps. Vous saviez qu'il y avait 1538 carreaux dans le couloir ?
Il sourit face à cette information ô combien vitale, puis il se tourna vers le griffon :
-Eh bien, je vois que vous avez trouvé le mot de passe. Félicitations !
J'étais à la fois flattée et gênée. Heureusement, il ne me demanda pas comment je l'avais trouvé... Parce que ça aurait été quelque peu délicat à expliquer, quoique je ne doutais pas de mon incroyable capacité à inventer des excuses bidons... Puis il sembla soudain se souvenir de quelque chose. Il leva son index pour m'indiquer de patienter, pendant qu'il fouillait dans ses poches. Finalement il en sortit des biscuits à la confiture :
-J'ai pensé que vous auriez faim. C'était les derniers, Hagrid avait déjà avalé tout le reste...
Ah, Dumbledore ne pouvait pas avoir plus raison. La dalle ! J'avais la daaaaaalle ! Je m'emparai sauvagement des gâteaux qu'il me tendait et lui gazouillai, tout en enfournant une poignée de biscuits dans la bouche :
-Dumbledore, vous êtes un homme bon à marier !
Il me fit un clin d'œil complice puis m'invita à le suivre alors qu'il entamait la montée de l'escalier. Je le suivis, et à chaque pas je sentais l'excitation qui grandissait à l'idée que j'allais dans le vrai bureau du vrai directeur de la vraie école de Poudlard. C'était tout bonnement un rêve de gosse !
La montée s'avéra plus longue et plus éprouvante que je ne l'avais imaginé... sans doute à cause du Marathon Rusard qui m'avait en partie achevée, et peut-être aussi parce que je m'étais ramassée à plusieurs reprises dans les marches, me prenant les pieds dans ma robe désespérément trop longue... Mais soudain, une pensée me vint à l'esprit, qui était restée en retrait jusque là pour ne pas gâcher mon moment de pur bonheur.
Devais-je dire que je savais déjà tout ce qui allait se passer ?
Cela aurait pu éviter bien des peines et des sacrifices à tout le monde, et aurait pu faire gagner du temps... Mais ça risquait également de perturber l'histoire et d'en changer le cours.
En y réfléchissant bien, je possédais un rôle terriblement important et une énorme responsabilité... Alors, gonflant la poitrine pour me donner un air vaillant, le regard brûlant de conviction, je redressai dignement la tête. J'étais décidée. Décidée à les aider du mieux que je pouvais. À les guider, quelques soient les épreuves. À faire tout mon possible pour sauver ceux qui le méritaient. À faire triompher le Bien, et à anéantir les Ténèbres une bonne fois pour toute. Voldemort prends garde, car Alice Collins arrive, et ça va chier !
Je fis un pas en avant, habitée par une assurance que je ne me connaissais pas, une assurance inébranlable, et manquai la marche, me tartant la tronche par terre en bonne et due forme.
-Mééé, il a niqué mon moment émotion !
※—※—※
Ahhh ! Finalement je n'aurais pas été capable de tenir mon rythme bien longtemps...
Puissiez-vous jamais pardonner l'être misérable que je suis. 😭
À vrai dire, j'ai eu l'excellente - que dis-je, la sublissimement lumineuse - idée de modifier le chapitre au dernier moment pour rajouter plusieurs passages car pas assez long à mon goût , et ce n'est pas comme si j'avais déjà beaucoup à faire avec la rentrée qui arrive à grandes enjambées...
Qu'importe, voilà un joli chapitre tout beau tout frais, rien que pour vous !
Alors, qu'est ce que vous en avez pensé ? Est ce que Alice a assez fait morfler le Zazard ou est ce qu'il faut passer au niveau supérieur ? 🙃
Très chers lecteur, n'hésitez pas à commenter les histoires que vous lisez, à vous exprimer et à partager votre avis, c'est toujours super encourageant pour les auteurs d'avoir des retours et, le plus important, ça donne un sens à ce que l'on fait !
Bien sûr, je ne pouvais achever correctement ce chapitre sans parler d'Eilya Connors (Les serpentards ne sont pas tous des abrutis), clairement le meilleur oc jamais créé dans toute l'histoire de la fanfiction. Alors voilà, SURPRISE, très chère @Diaenoly ! Eilya is back !
Pour être honnête je sais pas trop comment tout cela va évoluer, mais comme on dit qui vivum verrum, alors c'est parti : IMPROVISATION !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top