Prologue

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La neige tombe toujours sur le plateau de glace qui recouvre la route. Les roues de l'automobile tournent dans le vide de l'hiver, propulsant vers le ciel la fine couche de neige qui les recouvrent. Ces mêmes roues avaient été en contact avec la chaussée il n'y avait pas moins d'une minute. Tout c'était passé trop vite. La voiture n'avait pas arrêtée aux demandes du conducteur et avait directement percuté le camion qui arrivait en sens inverse. Elle avait tournée sur elle-même à plusieurs reprises, traversant de moitié le champs, faisant éclater les vitres et défoncer le métal du toit.

Le conducteur du camion n'est plus conscient, mais, comparé aux passagers de la petite voiture, il est toujours à l'intérieur de son véhicule. Il n'a pas fracassé le pare-brise et n'est pas étendu dans le champs blanc comme l'est une jolie jeune femme aux yeux fermés inconfortablement posée à quelques pas de l'épave. Elle est couchée dans une position qu'une personne en pleine santé ne pourrait pas reproduire. Sa peau est blanche, refroidie par le froid du mois de mars. Des gouttes de sang d'un rouge se rapprochant du noir tache son lit blanc. Elle a le visage éraflé par des morceaux de vitre brisé venant du pare-brise avant. Ses lèvres volontairement peintent se rapprochent étrangement de la couleur de son propre sang. Tout comme le conducteur du camion, elle est inconsciente, mais son coeur à elle bat toujours. Le camionneur est décédé subitement. Son corps n'a pas pu survivre au choc de l'accident.

Le seul qui ne l'est pas inconscient est le conducteur de la voiture. Il râle son mal comme une bête. Il n'a pas encore ouvert les yeux tant sa concentration est priorisé sur son visage douloureux. Il est placé sous la voiture, coincé entre le capot et la neige, de façon à ce qu'il ne puisse bouger que les bras et les orteils. Ses mains se dirigent presque instinctivement vers la racine de son mal. Il tâte sa figure, puis frémis de douleur à nouveau. Il est vrai que l'alcool qui coule toujours abondamment dans ses veines ne l'aide pas à se concentrer sur la situation. Il sait qu'il a mal, mais ne réalise pas ce qui s'est produit. Il en vient même à se demander si tout cela est réel. Il sait que ce l'est en sentant à nouveau la souffrance sur son visage. Il grince des dents, puis ouvre les yeux pour définitivement prendre conscience des événements. Sa vision est obstruée par du rouge, mais il peut toujours voir. Sur sa main, il y a encore du rouge. Beaucoup de rouge. 

Il voit la neige, sale et manquante par endroit. Au mois de mars, l'hiver achève pour doucement laisser place au printemps, mais pourtant, plus tôt en cette soirée du 11 mars 1944, il avait légèrement neigé.

 Les yeux du conducteur ensanglantés se plantent sur la bouteille de whisky vidée à quelques pieds de son visage. Il cligne des yeux. C'est à ce moment qu'il aperçoit, à travers la bouteille, la jeune femme blessée. Il la regarde comme tel, inerte et blanche. Une boule de tristesse se forme au fond de sa gorge et il s'étouffe en voulant crier son nom. Il ne sent plus l'énorme blessure qui recouvre sa joue droite. La peine prend toute l'espace. Il se débat en tentant de soulever la voiture pour se dégager, mais n'y arrive point. Donc, la panique lui prend. Ses grincements de rage se mélangent avec des sanglots profonds. Il frappe le sol avec fureur, impuissamment. 

Il se calme au bout de trente affreuses minutes, lorsqu'il réalise véritablement ce qu'il a fait et que l'alcool est presque éradiqué de ses veines. Il garde les yeux posées sur la fille. Il regarde ce qu'il a fait et dans un murmure, il lui dit :

- Encore une fois, tu avais raison Rosie.

Puis, à bout de force, il perd conscience.

Ce n'est qu'une heure plus tard qu'on réalisa qu'il y avait eu un drame ce soir là sur cette petite route campagnarde anglaise, le 11 mars 1944, environ trois mois avant le célèbre débarquement de Normandie. 

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