S E V E N T E E N

Noyeux Joël les enfants :3

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Darcy se réveilla aux premières caresses de l'Aube dans un contrariant mélange de bien-être et de courbatures, la tête aussi lourde que si elle s'était transformée en enclume. La bonne nouvelle, dans l'histoire, c'était qu'elle ne se sentait plus malade du tout : ses voies respiratoires étaient dégagées, son odorat de retour, la majeure partie de ses douleurs internes évanouies et elle se sentait reposée comme si elle avait dormi douze heures d'affilées (même si à coup sûr, elle n'avait profité que de la moitié). La moins bonne partie de son réveil fut de se retrouver en boule à même le sol, ses membres enchevêtrés dans le désordre le plus absolu au point qu'elle se découvre souple de certains obscurs muscles de ses jambes, et face à la silhouette encore assoupie de Loki, qui était si immobile qu'elle douta un moment qu'il soit encore en vie. Le temps qu'elle émerge, elle réalisa que s'endormir dans un tel état de vulnérabilité avait probablement été la plus grosse bourde de son existence, étant donné qu'elle cohabitait avec un psychopathe de renommée divine qui aurait pu lui infliger toutes les horreurs de l'univers, avant de se souvenir des conditions météorologiques désastreuses qui l'avaient forcée à le suivre dans la bibliothèque.

Darcy aurait voulu jurer que sa soirée de la veille n'aurait pas pu être pire, et pourtant, le dernier souvenir qu'elle avait avant le grand vide de son sommeil était d'une troublante douceur. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle avait passé un super moment, mais elle ne pouvait pas nier que cette sorte de trêve qu'ils avaient conclu en lisant de la poésie était une avancée considérable, et surtout que Loki arrêtait de se fermer comme une huître à la moindre opportunité. Qui savait, peut-être que ce moment d'égarement était le premier pas vers une pacte de paix ? Comme elle n'avait aucune foutue idée de combien temps elle serait piégée ici, son premier objectif était de calmer les tensions entre le Jotun et elle, sans compter l'irascibilité de l'un et les manières douteuses de l'autre, et il fallait croire que les choses étaient plutôt bien engagées. Après tout, Darcy n'était clairement pas du genre à s'ouvrir, encore moins sur des sujets aussi personnels et douloureux que sa famille et leurs relations catastrophiques, et elle avait été loin de prévoir que réécouter ces poèmes surgis de son passé la rendrait aussi nostalgique.

Mais Loki ne s'était pas moqué, il n'y avait pas eu une once de mépris dans son regard, si bien qu'elle avait presque la sensation qu'il avait traité la situation de la veille avec un respect quasi religieux. Cela intriguait la jeune femme, et elle repensa à cette histoire de cheval à huit pattes qui avait été à la base de leurs frictions de la soirée. En fouineuse professionnelle et véritable experte diplômée d'un doctorat en Traduction de langage Foster, Darcy était persuadée d'avoir involontairement mis le doigt sur quelque chose qui faisait presque écho à ce qu'elle avait confié au Jotun. Elle se doutait bien que les relations familiales, à Asgard, ça ne devait pas être trop ça (en fait, ça la faisait carrément flipper), cependant elle en voulait plus. Si Loki refusait de lui parler, elle allait trouver les infos ailleurs et forcer les choses pour établir un contact. Peut être qu'après ça, il cesserait d'être aussi con.

Comme insufflée d'une nouvelle vie, Darcy combattit sa flemme et se dressa sur ses pieds, étirant tout son corps aussi gracieusement qu'un hippopotame au sortir d'une balade en marais, avant de pester contre ses douleurs musculaires. Ramassant le peu d'affaires qui trainaient au sol (à savoir une couverture), elle leva les yeux vers le dôme en verre du plafond de la bibliothèque et constata un ciel dégagé inondant toute la pièce dans la lumière. La lunette du télescope brillait de mille feux et étrangement, tout paraissait bien moins glauque à l'approche du jour. Faisant un rapide état des lieux à la recherche de la porte, Darcy s'arrêta cependant pour observer Loki, incapable de s'en empêcher.

C'était la deuxième fois qu'elle le voyait dormir, et pourtant l'apaisement qui se lisait sur son visage la frappa comme si elle ne l'avait jamais vu autrement qu'en colère auparavant. Il y avait une forme d'insouciance quasi désuète dans cette moue qui figeait ses traits, et merde, il était quand même excessivement beau quand il laissait tomber toutes les barrières qu'il semblait dresser entre lui et le reste du monde. Décidément, ce mec était une énigme que la jeune femme avait de plus en plus envie de percer, et cela la ramenait bien malgré elle à ses mauvaises habitudes.

Interrompant sa contemplation avec un air ennuyé, elle se dirigea vers la porte d'un pas décidé et quitta la bibliothèque sans se retourner et dans la discrétion la plus absolue. En descendant les escaliers, Darcy ne put s'empêcher de se faire un mini film de tout ce qui était arrivé au cours des dernières vingt-quatre heures, et en trouva presque sa vie palpitante. Comme quoi, pas besoin de vivre à l'extérieur pour pouvoir s'éclater. Le sarcasme dans sa réflexion lui soutira un sourire amer.

Comme elle avait faim, elle décida de filer tout droit vers la salle de repos pour se préparer à manger. Sur le canapé, elle trouva son taser qu'elle avait, par un malheur quelconque, laissé en bas, et se jeta dessus comme s'il avait s'agit d'un soldat de retour du front. Son précieux objet retrouvé, elle retrouva ensuite son téléphone portable qui affichait sept heures du matin, et fut sidérée de constater à quel point le soleil se levait tôt en Norvège. Alors qu'elle attrapait une casserole et y versait les ingrédients de base pour se préparer du porridge, Darcy ouvrit sa liste de contacts à la recherche du nom de Jane, et bloqua sur celui de Thor, en se souvenant qu'il s'était procuré un téléphone portable quand ils étaient au Nouveau-Mexique. Sur un coup de tête, Darcy cliqua et porta l'appareil à son oreille. Il sonna cinq fois avant que quelqu'un ne décroche au bout du fil.

~•~

Thor n'était pas un très grand fan de la technologie Midgardienne, ou du moins, pas de tout ce qui ne permettait pas de faire cuire de la nourriture. C'était pourquoi il resta un instant figé lorsque son téléphone portable, que Tony voulait qu'il ait toujours sur lui, se mit à vibrer comme un diable juste à côté de lui, aussi tôt dans la matinée. Dans l'ordre, il pensa d'abord à un faux numéro, puisque Jane dormait dans la pièce d'à côté, ou alors à Stark qui voulait encore lui faire une mauvaise blague, lui qui se trouvait normalement à New-York dans un fuseau horaire différent. Pourtant, il ne s'agissait d'aucun des deux, si bien que le dieu du tonnerre fronça les sourcils en voyant le nom de Darcy clignoter sur l'écran. Au cours de sa vie, la jeune femme ne lui avait téléphoné que deux fois : la première pour l'insulter avec une créativité hors norme, à propos de Jane, et la seconde pour lui demander si les tacos existaient à Asgard.

En temps normal il n'aurait probablement pas répondu, mais la sachant seule enfermée avec Loki dans l'observatoire le poussa à douter. Il eut peur, pendant un instant, que le Jotun ne soit derrière cet appel, mais se ravisa. Déjà parce qu'il lui paraissait hautement invraisemblable que Loki se soit déjà réellement servi d'un téléphone, et ensuite parce que la simple idée de toutes les horreurs qu'il pourrait commettre en s'inscrivant sur Twitter lui faisait froid dans le dos. Quittant précipitamment la pièce pour le balcon de la chambre d'hôtel que louait Jane à une demie-heure du laboratoire, Thor décrocha.

« Thooooooor, alors comment ça roule dans le monde réel ? Quelques ragots à colporter ? Est-ce que cette fouine de Samantha se tape vraiment Antonio ? »

Levant les yeux au ciel, Thor s'accouda à la barrière et pris le temps d'inspirer profondément.

« Bonjour à toi aussi Darcy... »

La jeune femme aurait bien continué sur sa lancée mais le lait commençait à bouillir et elle était trop curieuse pour vouloir prendre son mal en patience. Elle préféra se lancer directement dans le vif du sujet.

« Dis-moi Fatalis, je me posais une question à propos de Loki et de son gosse équin octopode »

Thor manqua de s'étouffer avec de l'oxygène.

« Je te demande pardon ? »

Darcy soupira.

« Mais oui, tu sais, ce cheval-araignée dont ils parlent dans les livres sur la mythologie nordique... »

« Oh ! Tu parles de Sleipnir ? »

« Spelinir qui ? »

Le Dieu de la Foudre esquissa un sourire amusé. Darcy restait Darcy, après tout.

« Sleipnir est la monture d'Odin, c'est un étalon à huit pattes capable de voyager entre les mondes. Ne te fies pas à ce que tu lis dans les livres, les humains ont toujours eu tendance à déformer l'histoire d'Asgard avec le temps... »

« Et donc ? Loki n'est pas la mère de Pleisinir ? »

« Sleipnir » corrigea Thor « Bien sûr que non. Quand nous étions petits, Loki passait très peu de temps avec les autres enfants de son âge, contrairement à nous il préférait s'isoler et passer du temps aux écuries d'Odin. Il s'était pris d'affection pour Sleipnir et s'en occupait beaucoup, nous nous moquions de lui à l'époque, en lui disant qu'il était sa mère, puisqu'il le pouponnait... avec le temps ça n'a fait que l'isoler encore plus, donc nous avons vite arrêté de dire ce genre de bêtises et la chose a été oubliée»

Silencieuse face à son bol de petit-déjeuner à moitié plein, Darcy s'imprégnait des paroles de Thor et tentait de s'imaginer un petit garçon irascible cherchant du réconfort loin de la cruauté des enfants, chez des êtres ne pouvant le juger. Malgré elle, son coeur se serra, et tout en se revoyant brièvement dans ses jeunes années, elle réalisa la bourde monumentale qu'elle avait faite en lui lançant des piques à ce sujet. De toute évidence, elle avait touché une corde sensible, et cela l'avait profondément blessé. Elle se sentait presque coupable d'avoir autant manqué de tact, elle qui savait mieux que quiconque à quel point les moqueries de l'enfance pouvaient rester sensibles.

Merde, Darcy. Tu t'es bien plantée sur ce coup là.

Son silence intrigua Thor, qui fronça les sourcils.

« Mais pourquoi tu me demandes ça, au juste ? Il s'est passé quelque chose ? »

Darcy se mordit la lèvre.

« Non non, j'avais juste une curiosité mal placée à satisfaire. Merci d'avoir éclairée ma lanterne Palpatine ! »

Et sans lui laisser l'opportunité de répondre, la jeune femme raccrocha et resta debout comme une idiote, le regard perdu dans les tréfonds de céramique de son bol. Voilà qui expliquait un paquet de choses.

En fait, à bien y réfléchir, Darcy se sentait presque méchamment hypocrite : Loki n'avait rien dit sur ce qu'elle avait confié la veille, pendant leur petite pause poétique, et elle, sans le savoir certes, mais tout de même, s'était impunément moquée d'un sujet certainement épineux pour le dieu, vu sa réaction quasi protectionniste à ses provocations. Darcy n'était pas du genre à regretter son impulsivité lorsqu'elle communiquait, mais elle devait bien admettre que sur le coup, elle n'avait pas été très maligne. Heureusement, le dieu des Scapins étant encore en train de pioncer à l'étage, cela lui laissait un peu de temps pour réfléchir à une façon de se faire pardonner ses bourdes et enterrer la hache de guerre. Motivée, Darcy goba presque la fin de son petit-déjeuner et fila à toute vitesse en direction des casiers afin de trouver quelque chose à se mettre sur le dos. Avant toute chose, une douche. Ensuite, elle aviserait.

Lorsque cela fut fait et qu'elle se retrouva, une dizaine de minutes plus tard, dans le couloir, avec des vêtements propres et la peau encore humide, Darcy se sentait enfin prête à affronter le reste de la journée (voire de sa vie, vu comment c'était parti) et était presque de bonne humeur. Moins d'une heure s'était écoulée depuis qu'elle s'était réveillée à l'étage, et pourtant, elle avait l'impression d'être debout depuis des heures. C'était probablement le fait d'avoir miraculeusement guérit de son rhume qui la rendait aussi euphorique, ou alors le manque de sommeil commençait à la rendre sérieusement instable. Toujours était-il que Darcy avait décidé qu'aujourd'hui serait la fin de sa mini Guerre Froide avec Loki, et elle avait envie, pour une fois, de faire les choses bien.

Sur cette pensée, elle retourna dans la salle commune et se planta au milieu de la pièce, taser en main, vaillante comme Napoléon face à un champ de bataille (pas Waterloo, elle l'espérait).

Maintenant, il lui fallait une idée.

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