Avez vous déjà pris une cuite ? Une bonne grosse cuite qui vous tourne la tête pendant des heures, et vous donne envie de mourir ? C'est à peu près la sensation que donne une baignade à long terme dans le Styx, si on met de côté la douleur incessante que l'on peut ressentir. Qui est proportionnelle à toutes les mauvaises actions que l'on a pu faire de notre vivant. Le tout, multiplié par cent mille. J'ignore depuis combien de temps j'erre dans ce néant, qui grouille d'âmes en peine, destinées à souffrir pour l'éternité. Mais cette douleur, ses cris désespérés, et cette envie de vomir constante me rende folle.

- Mais vous aller la fermer, bande d'êtres stupides et dégénérés ! m'écriai-je, consciente que mon intervention ne mènera à rien, mais persuadée que ça me fera un bien fou de hurler.

Mais les cris continuent, encore, et toujours. J'arrive depuis quelques temps à distinguer quelques voix, et ce qu'elles disent, bien que je n'en ai absolument rien à faire.

- Mon fils me manque .. gémit une vielle femme.

- Jamais ils ne sauront où j'ai caché mon butin, s'esclaffe un homme ressemblant à un pirate.

- Cette Gardienne, Rose, et mon fils paieront, un jour.

Cette voix, en revanche, je la reconnait. C'est celle de Mortimère, le père de Gabriel. Mais j'ignore ce qu'il fait ici, à divaguer pour l'éternité dans ses eaux troubles. N'ayant pas grand chose à faire, je décide d'essayer de rentrer en contact avec lui.

- Mortimère, c'est bien vous, n'est-ce pas ? criai-je dans le vide, n'arrivant pas à distinguer son âme entre celles des autres.

Après quelques secondes de silence, il daigne enfin me répondre.

- Qui me parle ? Qui ose m'adresser la parole de cette sorte ?

- Oh, ça va, arrêtez de péter plus haut que votre ... On est dans le même bateau, donc inutile de prendre de grands airs.

- Cette voix .. Alice, n'est-ce pas ? Tu es celle qui voulait me voler mon pouvoir ?

- Pas entièrement, mais en partie, oui. Mais on va pas en faire tout un plat, c'est fini pour nous deux actuellement.

Après un silence, je vois un voile sombre s'avancer vers moi, et je devine sans grand mal qu'il s'agit de lui. La seule chose que je me demande, c'est comment il a pu arriver jusqu'ici, alors qu'il est un des démon les plus puissants.

- Il existe peut être un moyen pour nous deux de nous sortir d'ici, dit-il, très calme.

- Si vous êtes tombé ici, c'est qu'il y a une bonne raison. Et on ne peut sortir d'ici, c'est ce que disent les légendes, grognai-je.

- Fais moi confiance, petite. Tu oublies que je vis en Enfer depuis plus longtemps que toi. Ce qu'il faut, pour sortir d'ici, c'est être deux, et surtout, avoir encore un esprit sain. A partir de là, on peut songer à s'entraider.

- Alors expliques moi comment on sors d'ici.

- Très simple. Il faut tout d'abord que tu ai en tête la raison de sortir d'ici, les personnes dont tu veux te venger, la manière dont tu vas le faire. Ensuite, pour ce qui est de la solidarité entre nous, il va falloir que tu d'accroches à mon âme, et qu'on attrape une des racines qui bordent le Styx. Seul, il est impossible d'avoir la force de se hisser. Mais à deux, c'est une autre histoire. Alors concentre toi.

Même si je ne supportes pas les ordres que l'on peut me donner, je fini par accepter. Après tout, c'est pas comme si j'avais une autre solution, à l'heure actuelle. Alors je pense, j'imagine, et je me projette dans un avenir plus ou moins proche, concernant ma vengeance. Oui, cette douce et froide vengeance que je me ferai un plaisir de faire déguster ma chère soeur, et ses amis si loyaux. Ils paieront pour la perte de mes pouvoirs, pour être resté proche de celle qui gâcha ma vie, et surtout, Clary subira ce que j'ai vécu depuis son arrivée dans ma vie. Oh oui, elle va payer. Et contrairement à moi, elle ne s'en relèvera pas.

Soudainement, je sens que mon âme entre en contact avec une autre, et j'en déduis rapidement que Mortimère est pressé de sortir. Je dois avouer que sa puissance se ressens parfaitement, même ici. Il me demande si je suis prête, et je hoche la tête, enfin, lui fait comprendre que c'est le cas. Et, accrochée à lui, je me concentre sur ma douce vengeance et mon envie de meurtre grandissante. Mon compagnon d'infortune semble être aussi motivé que moi car rapidement, il arrive à attraper une racine au bord du Styx, et me demande alors de me concentrer, et de me hisser. Facile à dire. Mais je me dis que c'est sûrement ma seule chance de sortir d'ici. Alors j'obéis. Notre montée semble durer des jours. Chaque petits centimètres gravis me donne l'impression de me vider de mes forces, et je lutte comme jamais pour avancer plus haut, toujours plus haut. De son côté, je sens que Mortimère souffre mais il se garde bien d'exprimer ce qu'il ressent. Sûrement un truc de démon. C'est au bout de ce qui me semble une éternité qu'enfin, on atteins la rive, et que, tel un cachalot échoué, nous reprenons nos forces. C'est d'ailleurs à ce moment que je m'aperçois d'une absence notable. Mon corps n'est plus. Mon sublime corps de déesse à bel et bien disparu dans les fonds mystérieux et inexploré du Styx. Alors je me relève, tant que je le peux, et observe les alentours. Rien n'a changé depuis notre plongeon. Et alors que j'arrive enfin à me détendre, un squelette surgit derrière nous.

- Vous avez réussis à sortir d'ici ? s'exclame-t-il, apparemment étonné.

- Comme tu le vois, répondis-je, sarcastique.

- C'est plutôt rare, je dois d'avouer. L'une des dernières personnes à être sortie du Styx, c'est ce cher Hercule.

- Nous nous passerons de ton historique, réplique Mortimère en se relevant. Nous allons maintenant rejoindre la surface. Comptes-tu nous en empêcher ?

- Bien sur que non. Je suis impatient de voir comment vous allez vous en sortir, une fois là haut.

Et le squelette s'écarte, nous faisant signe d'avancer. Ignorant la suite des opérations, je me contente de suivre aveuglement ce cher démon, qui semble connaître parfaitement le chemin.

- Alice, c'est ça ? Tu dois savoir qu'une fois remonté sur Terre, nous devrons récupérer un corps, pour mettre en place notre vengeance. As-tu une idée ?

- La morgue ? Mais encore faut-il trouver des cibles vivants dans l'entourage de nos futures victimes.

- Oui, ou alors, on peut prendre la place des cibles en s'introduisant directement dans leurs corps. Tu t'en sens capable ?

Mon sourire machiavélique semble lui convenir. Alors qu'on approche de la sortie, suivant simplement un panneau « Exit », qui me semble ridicule, une démone s'approche de nous.

- Carla, la salue simplement mon compagnon.

- Ohhhhhh, Mortimère. Vous avez réussis à sortir de votre prison ! J'en suis ravie !

- Certes, mais dis moi, que s'est-il passé durant mon absence ?

- Oh, à par le procès de votre fils, et le choc qui a suivis sa décision, rien de spécial.

- Le procès ? Quel était le dénouement, alors ?

- C'est évident, s'esclaffa Carla. Il a choisis une vie ennuyeuse et morbide sur Terre, en compagnie de cet ange et de ses amis.

Mortimère garda le silence, digérant surement la nouvelle. Il remercia Carla pour l'information, et repris son chemin jusqu'à la sortie.

- Ouhhhh j'ignorai sa décision. Vous comptez vous en prendre à votre fils, alors ?

- Bien sur que non, soupira-t-il. Avant toute chose, je vais m'en prendre aux personnes auxquelles il tient. A commencer par cet ange.

- Mais j'ai cru comprendre, et sentir, que vous n'avez plus de pouvoir. Comment allez vous faire ?

- Il y a bien d'autres moyen d'accéder aux pouvoirs. Et comme disent les hommes, la vengeance est un plat qui se mange froid.

Il avait raison. Et la première chose à faire, c'est de trouver un hôte.

Une fois sortie de cet atmosphère rouge et pesante, nous nous sommes retrouvé face à un magnifique ciel bleu. Et une petite maison, que je reconnu comme assez proche de chez Clary. Une voiture se gara près de cette maison, et une jeune fille en sortie, suivis de près par ce qui semblait être son père.

- Alors, soirée film à deux ? proposa-t-elle à son père, lançant son sac de sport sur son épaule.

C'est alors que nous avons compris : c'était un père célibataire, avec uniquement sa fille comme compagnie. Mortimère me sourit, pour la première fois, et je su que notre plan entrait en action.