Tu es sûr qu'il ne manque rien sous le sapin ?



Jingle bells, jingle bells, c'est Noyel toussa.
Alors, à la demande de Vehlia, je vous ai préparé un petit cadeau. Rangez ces pierres tout de suite, c'est juste un petit OS débile avec un arrière goût de Noël, écrit vite fait sur un coin de mon bureau pour occuper ma dernière journée de taf avant les vacances.

Je vous le dis tout de suite : vous pouvez remercier trois personnes sans lesquelles ce texte n'aurait jamais été là, et encore moins dans les temps.
Déjà Vehlia pour avoir suggéré l'idée.
Ensuite M***, ma commanditaire habituelle, qui m'a donnée la trame qui me faisait cruellement défaut. Un texte sans texte ça la foutrait mal !
Et surtout, Transmer, mon correcteur qui déchire trop sa race et qui a passé une partie de sa nuit à bosser pour vous afin que je puisse poster dans les temps. Moi, en tout cas je trouve qu'il déboîte !!!
Merci à eux trois !

Enfin voilà, je vous laisse bouquiner en paix...


Samedi 23 décembre 20XX

Gros-Dur secouait fermement la tête, bien décidé à ne pas se faire enfler sur ce coup-là tandis que son équipier lui adressait un regard de chien battu à la hauteur de ses talents d'acteur.

— José, je t'ai déjà dit non. Je suis en vacances, putain, en vacances ! Tu sais ce que ça veut dire ?

— O'Neil, tout le monde sait ce que tu fais de tes vacances : strictement rien. En plus, dans deux heures, tu te feras tellement chier que tu vas commencer à tabasser les pickpockets dans les magasins.

— Et donc tu me proposes de tabasser des pickpockets pour des magasins ?

— Au moins, c'est légal, contra José avec un grand sourire, tout en haussant les épaules avec désinvolture.

— Tu m'emmerdes ! Tu le sais ça ? soupira le flic avec une moue qui laissa penser à José qu'il avait déjà gagné.

— Merci, mec. C'est super. Mon beau-frère te remerciera jamais assez. C'est l'enfer pour trouver des vigiles à cette période de l'année.

— Oh, moins de gaz, mec. J'ai pas dit que j'acceptais ! Putain, grommela Butch en se passant la main dans les cheveux, c'est quoi cette foutue déchéance ? Je passe d'inspecteur à la Crim' à vigile...

— C'est pour te rappeler ce qui risque de t'arriver la prochaine fois que tu enverras chier le chef, gloussa malicieusement José qui composait déjà le numéro de son beau-frère.

— Très drôle, marmonna Butch qui ne fit pourtant rien pour dissuader son collègue de poursuivre.

— Allô, John ? C'est José, entama l'inspecteur avec un grand sourire. Bon, c'est arrangé. Je t'ai trouvé le gars i-dé-al...

Idéal, mon cul, pensa Gros-Dur en se demandant dans quel pétrin il venait encore de se fourrer.

Dimanche 24 décembre 20XX

Mais quelle idée de merde ! Pourquoi est-ce qu'il avait accepté déjà ? Ha ouais, pour dépanner le beau-frère de José. Un type sympa et réglo au demeurant. Là n'était pas le problème... Sauf que pour sa semaine de congés, forcés certes, mais congés tout de même, Butch se retrouvait à patrouiller dans cette putain de galerie commerciale, attifé de l'uniforme du magasin, une espèce de truc violet et orange qui lui avait donné un sacré fil à retordre lorsqu'il avait voulu y loger sa carrure de buffle. C'était évident que ce truc n'avait pas été taillé pour les mecs dans son genre ! Et, maintenant, ce truc lui serrait la poitrine et il s'y sentait moulé comme dans une seconde peau.

Au moins, quand le chef du personnel s'était approché de lui avec ce putain de bonnet de Noël à grelots, son regard avait-il été suffisamment dissuasif pour que le mec recule prudemment et convienne que ça n'était, tout compte fait, peut-être pas indispensable.

Enfin, ça ne changeait rien au fait qu'il était en train de se balader au milieu de la masse compacte et vagissante des clients pour essayer de prévenir les problèmes. Et ça n'était pas une mince affaire... Butch détestait les bains de foule. De plus, circuler au milieu des mouflets braillards et des Pères Noël payés un dollar la photo n'était pas exactement l'idée qu'il se faisait d'un jour de congé.

Et comment aurait-il pu empêcher quoi que ce soit de se produire lorsque faire trois pas pouvait prendre jusqu'à deux minutes tant la marée humaine qui l'entourait été dense ? Heureusement, c'était plutôt calme depuis 7 heures ce matin qu'il déambulait dans les couloirs qui s'étaient peu à peu remplis. Mais comment les gens pouvaient-ils souhaiter s'entasser ainsi, agglutinés les uns contre les autres, dans une course aussi vaine que ridicule à la consommation ?

En soi, Butch n'avait rien contre Noël, même s'il avait cessé de le fêter depuis un bon bout de temps. Mais il ne comprenait pas l'obstination presque forcenée qui avait conduit tout ce monde jusqu'ici. Et avec le sourire en plus...

Fallait croire que la magie des fêtes avait cessé d'opérer pour lui.

De temps en temps, quelques personnes l'abordaient pour un renseignement ou une direction qu'il s'efforçait de leur fournir tout en gardant un œil sur ce qui se passait autour de lui. Mais tout ça manquait singulièrement d'action... Ce qui se confirma lorsque la journée n'en finit pas de se traîner. Quand la nuit se mit à tomber, il étouffa un soupir de soulagement. Plus que trois heures à tenir...

Mais, alors qu'il était en train d'indiquer comment rejoindre la pharmacie à un aimable retraité, il les vit. Trois colosses entièrement vêtus de cuir noir fendant la foule d'une démarche assurée. Quelque chose se coinça dans la gorge du flic. Les ennuis étaient de sortie.

Ces mecs-là, ça n'avait rien à voir avec la piétaille habituelle. D'ailleurs, à en juger pas la facilité avec laquelle les clients s'écartaient pour leur céder le passage, il n'était pas le seul à ressentir l'étrange aura qui les entourait. Les mecs progressaient avec la démarche assurée de prédateurs, se frayant un chemin en terrain conquis.

Butch les observa d'un peu plus près, son instinct de flic lui soufflant qu'il n'avait pas intérêt à les lâcher d'une semelle. Le petit groupe se composait de deux enfoirés foutrement flippants et d'un blond qui l'était bien moins, mais semblait tout aussi déplacé que les autres avec son physique de jeune premier. Des traits de statue grecque, des cheveux blonds aussi brillants que dans une pub pour le dernier shampoing miracle – Butch était quasi sûr que s'il se mettait à sourire, il pourrait aussi faire la promo d'une marque de dentifrice – et des yeux bleus céruléens. Le flic n'était pas certain d'avoir jamais contemplé une telle perfection physique. Et, à en juger par les regards appuyés et les gloussements à demi-hystériques s'élevant sur le passage de Ken, il n'était pas le seul...

Pendant une demi-seconde, Gros-Dur redouta même un mouvement de foule. C'était presque inconcevable qu'il ne soit pas submergé de demandes d'autographes ou autres conneries. Le mec était sûrement un acteur connu ou quelque Pop Star en goguette, qui se baladait entouré de ses deux gorilles. Putain, il n'aurait pas pu choisir un autre moment pour se lustrer l'ego ?

Mais, à la grande surprise de l'Irlandais, il n'y eut pas de ruade généralisée ni de masse hystérique se jetant sur le type. Peut-être était-ce dû à la présence guère rassurante des deux autres gars. Vraiment pas commodes.

Le plus petit des deux avait des yeux noirs, presque opaques, et sa tronche ne laissait aucun doute sur le message : « Je défonce la boîte crânienne du premier qui s'approche. » Quand il laissa son regard d'obsidienne dériver lentement autour d'eux, en un mouvement d'observation délibéré, Butch put remarquer que sa bouche était atrocement mutilée par une longue et profonde balafre. Comme si le mec avait besoin de ça pour ressembler à un animal sauvage...

Planqué derrière ses deux comparses, Butch voyait moins bien le troisième larron. Même genre de carrure, même démarche altière et assurée, même manière de se saper. Le flic se décala de quelques mètres pour trouver un meilleur angle d'observation. Il entrevit alors des cheveux noirs d'encre, un bouc bien entretenu couvrant le menton du mec et surtout un long tatouage tribal qui courait sur toute sa tempe. Butch était en train de se demander ce qu'il signifiait lorsque le barbu, comme s'il avait senti peser sur lui le poids du regard noisette, se retourna dans sa direction, ses yeux scannant la foule jusqu'à s'arrêter sur le flic.

Ce dernier manqua de vaciller sous l'impact des iris les plus extraordinaires qu'il ait jamais vu. Pas possible... Le mec devait porter des lentilles. Personne au monde ne pouvait avoir des yeux aussi pâles, presque translucides. Même à cette distance, Butch pouvait sentir l'intensité de ce regard de diamant qui le vrillait, comme si le barbu pouvait lire ses pensées. Un lent sourire, prédateur et assuré, se dessina sur les lèvres minces du type alors qu'il continuait de le fixer. Il laissa courir son regard sur le flic, de haut en bas, lentement, sensuellement, l'enveloppant des pieds à la tête d'une étrange chaleur.

Butch se secoua en jurant entre ses dents quand un long frisson le secoua. Qu'est-ce qui lui prenait, bordel ? Il fronça les sourcils et lança un regard d'avertissement au mec :

Je t'ai à l'œil.

Le demi-sourire gagna en intensité, se teintant d'un peu de surprise, et après quelques secondes, d'un indéniable défi.

***

— Putain, Rhage, tu m'expliques ce qu'on est venu foutre ici, bordel ? C'est blindé d'humains en plus, ronchonna V pour la énième fois depuis qu'ils avaient quitté le confort douillet de l'Escalade.

— Arrête de ronchonner, V. Il me faut ce cadeau pour Mary. J'ai pas tout compris à son histoire de sapin et de bougies, mais elle a fait ce pudding... Merde, tu y a goutté ? Je pouvais pas lui refuser quoi que ce soit ! se justifia Hollywood.

V renifla de mépris. Il n'entendait rien à toutes ces conneries de Noël. Et Rhage aurait dû continuer à l'imiter. Vampire ou non, quelle idée de venir s'entasser au milieu de tout ces gens ! Leurs sens extra-sensibles étaient mis à la torture dans cette marée humaine. De partout leur provenait l'odeur âcre de la sueur et des corps moites, et le brouhaha se faisait cacophonie pour leurs oreilles affûtées.

Sans parler des pensées futiles et bourdonnantes qui venaient s'écraser dans l'esprit de V sans qu'il puisse rien faire pour s'en isoler efficacement. Il sentait poindre la migraine, ce qui n'arrangeait en rien son humeur.

Oh, c'est le plus beau mec que j'ai jamais vu... lui parvint de la droite

C'est autorisé d'avoir des yeux aussi bleus ? se questionna une grande blonde.

Doux Jésus, si ce mec enlève son T-Shirt ce sera vraiment Noël, gloussa intérieurement une petite vieille.

Hum, ce cul, Mon Dieu, ce cul... s'éleva d'un cerveau masculin quelque part derrière eux.

Où il veut, quand il veut, dans la position qu'il veut, avec ou sans menottes !!!! monta de quelque part à gauche, et V sentit que celle-ci n'était pas pour Rhage.

Au moins, tous ces maudits cafards s'écartaient-ils sur leur passage, soupira-t-il intérieurement.

— Et puis Z avait besoin de couches pour Nalla, continua de babiller joyeusement Hollywood, indifférent aux regards énamourés qu'il semait sur son passage.

Le balafré grogna, preuve qu'il aurait sans doute préféré trouver ça dans la supérette du coin, plutôt que de se payer un aller-simple pour l'enfer. V soupira de frustration.

— Et tu m'expliques ce que je fous là ? ronchonna-t-il.

— Rho tu sais que ma caisse tient pas bien la route sur la neige. Et jamais tu m'aurais laissé conduire ton bébé. Alors, maintenant, arrête de râler et profite de l'expérience.

— C'est pas le mot que j'aurais choisi, souffla le barbu en se renfrognant avant de laisser son regard dériver sur les environs, à la recherche d'une potentielle menace.

On n'était jamais trop prudent... Et puis ça aurait fait une distraction bienvenue, pensa-t-il cyniquement.

Rien ne le frappait particulièrement lorsqu'une aura de menace et de méfiance se matérialisa dans son esprit. Hum, quelqu'un les avait repérés. Enfin, quelqu'un d'autre que les groupies d'Hollywood ! Le défi qui lui parvint réveilla aussitôt ses sens engourdis. C'était plutôt rare chez les humains. D'habitude, ils s'écrasaient à leur simple vue, ou se pâmaient si Rhage était de sortie.

V scanna la zone, se demandant de qui ça pouvait bien venir. Finalement son regard buta dans deux grands yeux noisette, chargés comme des revolvers. Quand il planta son regard dedans, ils ne se détournèrent pas et V étouffa un haussement de sourcil surpris. À la place, il laissa ses lèvres s'étirer en un sourire savamment calculé tandis qu'il détaillait le grand brun des pieds à la tête. Le mâle était sacrément bien foutu, pour un humain s'entend...

Même son ridicule uniforme aux couleurs de l'enseigne ne parvenait pas à dissimuler le torse ferme, les épaules larges et la carrure de boxeur du mec. Le vampire laissa son regard courir sur les cuisses fermes, serrées dans un jean qui avait connu des jours meilleurs avant de remonter lentement, caressant du regard la haute silhouette dans une tentative délibérée de mettre le brun mal à l'aise.

Mais, non... Le type restait là, solidement campé sur ses pieds, le défiant du regard quand V daigna à nouveau croiser ses yeux.

D'ailleurs, le message était clair : Je t'ai à l'œil...

Une réelle lueur d'intérêt s'alluma dans l'esprit du barbu. Le vigile n'avait pas peur de lui, mais pas du tout. Tout ce qu'il attendait, c'était visiblement une occasion de leur botter le cul, de les chasser comme il faut hors de son territoire. Son territoire... Hum, V sentait qu'il allait adorer ça. Ces fêtes de Noël commençaient à prendre une tournure diablement tentante.

Alors il rendit son regard au brun :

Mais, je t'attends...

***

Ça faisait maintenant vingt minutes que le trio infernal déambulait dans les allées bondées. Après un arrêt au rayon hygiène dans lequel le balafré passa bien un quart d'heure à choisir un paquet de couches avant de finalement opter pour le plus cher, les trois hommes avaient recommencé à déambuler, flânant sans but vraiment affirmé. Et, depuis, Butch avait toujours été sur leurs talons, épiant tous leurs faits et gestes... Ses yeux avaient manqué de jaillir de ses orbites avec l'épisode des couches avant qu'il comprenne que ce n'était sans doute qu'une manœuvre destinée à endormir sa vigilance.

En tout cas, il ne comptait pas relâcher sa surveillance de sitôt. Ce qui avait l'air de beaucoup amuser le barbu qui se faisait un devoir de s'adosser aux montants métalliques des rayons à chaque arrêt pour fixer Butch comme s'il n'était qu'une friandise sur le point d'être déballée. Le flic, quant à lui, essayait de ne pas se laisser déstabiliser par ce petit jeu, mais il se sentait un peu comme le lièvre prisonnier des phares du camion. Quelque chose de gros n'allait pas tarder à lui tomber sur le coin du nez, c'était une certitude.

Arrivés au rayon parfumerie, les trois hommes marquèrent un nouvel arrêt et Butch vit le blond se perdre dans une profonde concentration devant les produits de luxe. Un bout de langue rose dépassait parfois, ou bien le mec se mordillait la lèvre inférieure, comme s'il était face à un choix cornélien. Ses deux acolytes échangèrent un regard agacé. Le balafré leva les yeux au ciel lorsque Ken l'interpella.

— Z, file-moi un coup de main ! Tu prendrais quoi ?

— Mais qu'est-ce que j'en sais moi, articula ce dernier d'une voix caverneuse, comme s'il avait passé trop de temps sans parler.

— Bella ne porte jamais de parfum ? demanda le blond sans quitter l'étalage de flacons des yeux.

— C'est pas bon pour la petite, grogna le dénommé Z qui portait toujours son paquet de couches sous le bras.

Butch écarquilla les yeux malgré lui. Alors comme ça le sombre acolyte avait vraiment un môme ? C'était pas juste une ruse pour paumer le flic ? Ce dernier secoua la tête pour chasser son incrédulité et un mince sourire filtra sur les lèvres du barbu qui ne le lâchait pas du regard, comme s'il avait lu ses pensées...

— V, appela presque plaintivement Mister Univers en se tournant vers le barbu

— Quoi ? répondit le mec sans cesser de fixer Butch.

— Trouve-moi une idée. C'est toi le putain de génie !

— Je fais chauffeur, pas consultant, répliqua le mec en fouillant la poche intérieure de sa veste en cuir.

Le flic se tendit dans l'attente de son prochain geste, mais le mec se contenta d'en retirer un petit sachet de cuir. Il ouvrit la pochette pour en extraire une cigarette roulée qu'il porta à sa bouche avec nonchalance, tout en tapotant la poche de son fute, sans doute à la recherche d'un briquet.

Le flic tenait son ouverture.

Il carra les épaules et s'avança d'un pas décidé vers le tatoué qui le laissa venir avec un drôle de sourire hypnotique, comme s'il n'avait attendu que ça...

***

L'odorat de V était saturé par tous les effluves qui s'emmêlaient dans ce foutu rayon : musc, ambre gris, encens, orchidée, et tant d'autres... Pour une fois, il aurait bien donné sa couille restante pour n'être qu'un pauvre humain, insensible à ce foutu salmigondis. Il avait l'impression de flotter dans un putain de pot-pourri. Et cet abruti de Rhage qui dansait d'un pied sur l'autre depuis une plombe, visiblement incapable de se décider...

La seule chose qui empêchait le barbu de prendre ses jambes à son cou était le regard noisette verrouillé sur lui. Le petit manège du vigile ne lui avait pas échappé. Depuis leur échange de regards dans la galerie, le mec ne les avait plus lâchés, s'attachant à leurs pas comme une ombre. Ça n'avait pas non plus échappé à Z et Rhage, mais V leur avait fait signe discrètement de ne pas s'en mêler. Il s'amusait beaucoup trop pour ça. Ce qui était tout à fait inespéré...

Incommodé par les odeurs tenaces des sent-bon plus ou moins bon marché, V éprouva soudain le besoin de se plonger dans une fragrance familière. Il fouilla ses poches à la recherche de sa blague à tabac et en sortir une roulée, sans même y réfléchir à deux fois. Quand il porta la clope à ses lèvres, il vit une lueur de satisfaction briller dans les yeux de Brian, comme il pouvait le lire sur son badge, tandis que le mec fonçait soudain sur lui.

Brian ? Quel prénom à la con. Ça ne lui allait vraiment pas, se dit-il en se préparant à l'impact.

Quand elle claqua, la voix du brun était rauque, basse et rendue encore plus agressive par l'accent bostonien qui lui faisait rouler les consonnes.

— Hey, tu t'crois où, mon gars ? Tu sais pas lire ? Range-moi ta clope et que ça saute.

V se contenta de fixer le mec en portant lentement sa main gantée à sa bouche pour saisir la cigarette entre son index et son majeur. Le regard de Brian se porta un instant sur l'accessoire avant qu'il ne redirige toute son attention sur lui. Le vampire garda le silence tout en affichant une moue goguenarde.

— T'as des soucis avec l'oral ? Vire-moi ça avant que je te l'écrase sur la tronche, menaça le brun.

À sa tête, V sut qu'il en était capable et un frisson d'excitation lui étrilla la peau.

— Aucun souci avec l'oral, mec, répondit-il lentement, en faisant consciencieusement rouler chaque syllabe sur sa langue, donnant à sa phrase un double sens aussi sirupeux qu'évident.

Les deux hommes s'affrontèrent un moment du regard sans que personne ne lâche rien. V se trouva contraint de mettre un terme à ce petit duel lorsqu'à côté de lui Rhage s'ébroua enfin, l'air d'avoir trouvé ce qu'il cherchait. V abandonna donc la bataille et ouvrit docilement sa blague à tabac pour y ranger son mégot.

Brian suivit son mouvement avec circonspection et finit par hocher la tête en un geste d'assentiment avant de reprendre de ce timbre rauque qui darda la colonne de V de frissons :

— Bien. Et maintenant, allez donc voir ailleurs si j'y suis.

Aucun des trois hommes ne lui répondit, mais V sentit qu'à côté de lui Z lançait son regard des mauvais jours tandis qu'Hollywood déployait sa haute stature. Pourtant l'humain ne tiqua pas et, à aucun moment, le vampire ne sentit de peur l'effleurer. Décidément, ce mec lui plaisait bien...

— Allez, les gars. On met les voiles, finit-il par lâcher en s'avançant droit vers le flic. Le mec ne se décala même pas et ne le lâcha pas des yeux jusqu'à ce qu'il le dépasse. V s'écarta au dernier moment, pas assez cependant pour éviter de heurter l'épaule du mec qui gronda comme un pitbull. Une bouffée de son odeur monta jusqu'aux narines du vampire, éclipsant toutes les saloperies rassemblées dans ce rayon : camphre, cuir et quelque chose d'intensément masculin qui ne devait appartenir qu'à cet humain.

Quand ils l'eurent dépassé de quelques mètres, il sentit Hollywood lui passer un bras autour des épaules en rigolant.

— Je crois que tu lui plais, mon Frère ! s'esclaffa le blond sans même essayer d'être discret.

Pas autant qu'à moi, pensa V en retenant un sourire satisfait.

Les pensées encore fixées sur cette tête brûlée de vigile, V ne sentit pas que sa poche s'alourdissait de quelques grammes. Pas plus qu'il ne vit le coup d'œil entendu qu'échangèrent Z et Rhage.

***

Butch avait repris sa petite filature. Il ne comptait pas en rester là avec ces trois zozos. Il ne serait tranquille que lorsque les mecs auraient enfin fichu de camp pour de bon. Le flic les suivit jusqu'à la caisse et se hâta de passer de l'autre côté, surveillant d'un œil attentif leurs gestes. Encore heureux qu'il le fasse, parce que ça n'était pas le pauvre caissier complètement ébloui par la présence solaire du dénommé Rhage qui risquait de remarquer quoi que ce soit d'autre...

Mais rien de notable ne se produisit jusqu'à ce que les trois types passent le portail de sécurité. Du moins, deux d'entre eux le franchirent-ils. Parce que lorsque le barbu s'y présenta, les yeux toujours fichés dans ceux de Butch avec un sourire suffisant, l'alarme se mit à hurler de manière stridente.

Un éclair de triomphe traversa le flic tandis que le barbu se crispait en une grimace d'incompréhension avant de se tourner vers ses potes qui haussèrent les épaules.

Jubilant par avance, le flic se dirigea vers son client en deux enjambées fermes.

— Monsieur, je vais devoir vous demander de me suivre, lui annonça-t-il en tentant de ne pas avoir l'air du chat tombé dans un bol de lait.

— Cette saloperie déconne, grommela le barbu en désignant le portique.

— Bien sûr, c'est toujours le portique qui déconne... On va quand même aller vérifier ça tous les deux derrière, hein ?

— Sois pas con, lâcha le barbu avec un reniflement de mépris. Tu nous colles au cul depuis qu'on est arrivé. Pourquoi j'irais prendre le risque de piquer quelque chose maintenant ?

— Ça, c'est pas mes oignons, rétorqua le flic avec un sourire un brin sadique avant de désigner l'autre côté du couloir au barbu. Maintenant, tu vas me suivre sans faire d'histoires...

Le barbu se tourna vers ses compagnons mais, au lieu de faire quoi que ce soit qui le sortirait de là, le blond se défaussa avec un drôle de sourire malicieux qui laissa apparaître une rangée de dents éclatantes.

— Allez, V. Écoute ce que te dit le gentil monsieur de la Sécurité. C'est sûrement une erreur. On ne va pas perdre du temps avec ça, conclut-il avec un air d'innocence un peu trop angélique au goût de Butch.

Le dénommé V souffla, jeta un regard à son pote, puis au balafré qui garda un air impénétrable, avant de faire comprendre à Butch qu'il le suivait. Prudent, le flic lui fit signe de passer devant pour le guider jusqu'à une petite pièce à l'écart. Au-dessus de la porte, un panneau à moitié délavé indiquait « staff only ».

D'une bourrade pas trop douce, l'Irlandais poussa le dénommé V à l'intérieur.

Dans le petit réduit, il n'y avait qu'une table et deux chaises à moitié branlantes. Presque aussi glauque que les salles d'interrogatoire auxquelles il était habitué... Butch verrouilla la porte derrière eux tandis que le mec prenait ses aises, se laissant choir sur l'une des deux chaises, jambes écartées, les mains dans les poches de son pantalon de cuir qui, du coup, moula un peu plus ses cuisses puissantes.

Butch se percha de l'autre côte de la table, une fesse calée sur un angle, les yeux plantés dans ceux de son suspect.

— Allez, fini de jouer. Vide tes poches, ordonna-t-il après quelques secondes de silence.

— Je ne crois pas, non, répliqua le mec avec cet air d'arrogante supériorité qui commençait à taper sur le système de l'Irlandais.

— Je te conseille de faire ce que je te dis, gronda le flic. À moins que tu ne cherches la merde...

— Sauf que tu ne peux pas m'y obliger, répondit le mec, goguenard.

— Tu préfères la fouille au corps peut-être ? susurra Butch en rentrant dans le jeu du barbu.

— Ça dépend de ce que tu cherches, s'amusa le tatoué, un sourire carnassier aux lèvres. Mais, reprit-il après une pause, tu n'as pas plus le droit de faire ça que de me demander de vider mes poches. Alors, sois tu me fous la paix, on en reste là et je repars tranquillement, soit tu vas devoir attendre que les flics arrivent... conclut le mec avec un sourire suffisant.

Ce fut au tour de Butch d'afficher une expression prédatrice, de celles qu'arborent les mecs qui ont une longueur d'avance.

— Pas besoin, ronronna-t-il en glissant la main dans la poche arrière de son jean pour en sortir son insigne qui ne le quittait jamais.

Il fut ravi de voir une lueur de confusion passer dans les yeux du mec lorsqu'il déchiffra son nom sur la carte plastifiée. Mais celui-ci se reprit bien vite.

— On fait des heures sup, Inspecteur O'Neil ?

Son nom roula suavement sur la langue du mec lorsqu'il se pencha en avant et ce son vint heurter quelque chose dans les tripes de Butch.

Alors comme ça l'enfoiré voulait jouer...

— Que veux-tu, le crime ne paye plus... répondit le flic en croisant les bras sur sa poitrine.

— Je vois ça, s'amusa le barbu, pas mal à l'aise pour un sous. Mais, je suis sûr qu'un mec dans ton genre aurait quand même pu trouver mieux que vigile...

— Ouais, bah en attendant, je suis là, s'impatienta Butch. Et il me semble t'avoir demandé de vider tes poches.

— À vos ordres alors, Inspecteur, répondit le mec en appuyant sur le dernier mot comme s'il chuchotait le prénom du flic après une nuit passée à s'envoyer en l'air.

Un frisson qui n'avait rien à voir avec la méfiance secoua pour la seconde fois l'échine de l'Irlandais. Il le réprima mais il semblait que ça n'ait pas échappé au barbu qui lui adressa un clin d'œil sans équivoque.

Bordel, se sermonna Butch, il ne voulait pas se sentir attiré par ce type. Aussi fascinant et déroutant qu'il soit, ça n'était pas le moment... Mais son corps n'avait pas franchement l'air de partager cet avis s'il en croyait l'érection naissante qui commençait à le tarauder.

***

V réprima un sourire satisfait lorsque l'odeur, légère mais indiscutable, de l'excitation du flic commença à saturer l'air de la petite pièce. Le mec ne s'en laissait pas compter mais, comme lui, il ne semblait pas être immunisé contre ce petit jeu de cache-cache. V n'était pas habitué à ce qu'on lui résiste, et étonnamment, il semblait qu'il adore ça. Et quelque chose lui disait qu'en menant habilement sa barque, il pourrait amener l'inspecteur O'Neil exactement là où il le voulait.

Voilà qui ferait un joli cadeau de Noël, se dit le barbu en commençant à vider ses poches sans lâcher les yeux noisette.

Un à un, il posa tous les objets qui encombraient sa veste en cuir sur la table : sa blague à tabac, un lourd briquet de métal gravé, son portable, quelques tickets de caisse et... Il fronça les sourcils lorsqu'il se saisit d'un objet inconnu. Avant de le sortir, il l'étudia du bout des doigts sans réussir à l'identifier. Il ne se souvenait pas avoir placé là cet étui de plastique un peu mou.

Qu'est-ce que c'était encore que cette connerie ? se demanda-t-il.

Son mouvement n'échappa pas au flic, visiblement un inspecteur chevronné, dont l'attention se reporta sur ce qu'il extrayait désormais de sa poche. Ils le découvrirent en même temps, encore serti de son antivol : un double paquet de préservatifs taille XXL.

V étouffa un grognement. Mais qu'est-ce que ?

Puis ça lui revint. Le rayon parfumerie, l'accolade et le commentaire salace de...

Enfoiré de Rhage, putain !

— Je n'ai pas piqué ce truc, assena-t-il fermement en fixant de nouveau le regard du flic.

— Mais bien sûr, dit le mec en croisant de nouveau les bras, un sourire malicieux aux lèvres. Et ça a atterri tout seul dans ta poche ? poursuivit-il en agitant le paquet sous le nez de V avant d'en déchiffrer les petites lignes. XXL ? siffla-t-il. Et prétentieux avec ça, ricana-t-il en jetant un regard entendu à l'entrejambe de V.

— Je te répète que ce n'est pas moi qui l'ai fourré là. C'est encore une connerie de Rhage, grogna-t-il. Dont le but était sûrement que tu vérifies toi-même à quel point mon... ego est surdimensionné, acheva-t-il néanmoins avec un sourire salace tout en écartant un peu plus les cuisses.

Butch déglutit deux fois, son regard allant de la boîte de préservatifs au mec qui ne semblait guère alarmé par la situation. Au contraire, celui-ci cherchait toujours à le provoquer voire à l'allumer.

Allons, se sermonna le flic, il ne fait ça que pour se sortir d'un mauvais pas... Il essaye de me mettre mal à l'aise pour que je le vire. Voyons un peu comment il réagit si on met la barre un cran plus haut.

— Debout, ordonna-t-il sèchement au mec.

Celui-ci leva un sourcil perplexe avant de s'exécuter, sans doute un peu surpris que le flic ne relève pas.

— Tourne-toi, face au mur, les mains à plat dessus, bien écartées.

L'étincelle brûlante dans le regard du mec s'enflamma, transformant les diamants de ses pupilles en un véritable brasier. Comme il ne faisait cependant pas mine de s'exécuter, Butch le retourna d'une vigoureuse bourrade, le plaçant lui-même en position. Un drôle de bruit roula dans la gorge de V, quelque chose de sauvage et d'animal, comme un feulement. Pour autant, il ne chercha pas à se dégager de l'emprise du flic.

Celui-ci commença par palper les bras musclés, s'attardant plus que nécessaire sur les biceps fermes. Sous la peau tendue, il sentait rouler des muscles d'acier. Il laissa descendre ses grandes paluches sur les épaules carrées pour en apprécier la puissance. Pas le genre de carrure qu'on travaille en salle de sport, ça c'était sûr. Il descendit doucement sur les côtes du mec et remonta pour explorer son torse rigide. Passant ses mains dans l'ouverture de la veste de cuir, il sentit des pectoraux saillants se découper sous le tissu moelleux du T-Shirt.

Butch se laissa aller à s'attarder, savourant cette lente exploration faite de palpations appuyées et de caresses à peine esquissées. Il était bien conscient que le mec aurait pu l'envoyer voler d'un revers de main et pourtant il était fasciné par cette puissance maintenue en bride, tout en contrôle. Il résolut de tester cette maîtrise parfaite qu'affichait le tatoué et, comme par inadvertance, il frôla un téton érigé de la tranche de sa main. Un grondement sourd roula dans la poitrine large, faisant frémir les mains de Butch qui sourit de satisfaction...

Pas aussi calme qu'on voudrait bien le faire croire, hein, enfoiré ?

Il laissa ses doigts reprendre leur prétendue fouille et glissa sur les abdos fermes du mec, presque jusqu'à la lisière de son pantalon. Il le sentit déglutir et son souffle s'accéléra. Butch devait faire bien attention à maîtriser sa propre respiration tant ce petit jeu de dupe ne le laissait pas de marbre non plus. À moins qu'il ne soit un peu trop rigide justement, à en juger par la soudaine étroitesse de son jean.

Le flic évita donc consciencieusement de faire courir ses mains sur des endroits trop sensibles, mais il s'arrêta tout de même sur les poches avant du pantalon du mec. Il sursauta lorsque la voix du barbu s'éleva, tranchante comme une lame, presque au bord de la rupture.

— Tu ne sais pas avec quoi tu joues, Cop, gronda-t-il, tendu, mais je serais toi, j'arrêterais tout de suite...

— C'est une menace ? susurra Butch à son oreille sans pouvoir s'en empêcher. Pourtant, il faut bien que je vérifie que tu ne me caches... rien d'autre, dit-il en passant aux poches arrière du mec, en profitant pour mouler avec précision le cul ferme.

— Je te l'ai dit, souffla le type, ce n'est pas moi qui ait pris les capotes. C'est une blague de cet abruti de Rhage...

— Ha ouais, et pourquoi je te ferais confiance ? questionna le flic en glissant un pied entre les bottes de combat du mec pour l'obliger à écarter ses cuisses qu'il palpa en s'attardant un peu plus que nécessaire sur l'intérieur.

De là où il était, il pouvait entendre grincer les dents du barbu.

Très bien !

Une fois son petit numéro terminé, Butch se redressa doucement, prenant bien garde à frôler le corps lourd du sien.

Le tatoué devrait avoir compris, maintenant, se dit-il avec suffisance. C'était pas un petit plan drague qui pouvait faire reculer un mec qui avait son habitude du terrain. Les truands avaient toujours de la gueule pour faire des avances et chercher à le déstabiliser. Mais dès que Butch commençait à rentrer dans leur jeu, les mecs finissaient généralement dans leurs petits souliers. Le barbu ne devait pas faire exception. Surtout qu'il n'y avait pas été de main morte...

Tel est pris qui croyait prendre, enfoiré ! jubila intérieurement le flic.

Mais il dut rapidement déchanter lorsque le barbu se retourna. La lueur sauvage qui s'était allumée au fond de ses yeux semblait désormais rayonner de sa personne tout entière, comme si le mec était baigné d'une intense aura blanche. Butch recula d'un pas quand il comprit que quelque chose clochait définitivement chez ce type.

— Ça tu peux le dire, feula le barbu en comblant la faible distance que Butch avait mise entre eux.

***

En feu. V était en feu. Il avait pourtant bien essayé de prévenir cet imbécile de flic, mais l'autre n'en avait fait qu'à sa tête. Évidemment...

Sauf que les caresses déguisées que le mec avait semées sur son corps pour lui donner une bonne leçon n'avaient fait qu'embraser les appétits du vampire. En quelques attouchements brutaux, destinés à lui rabattre son caquet, l'humain l'avait envoyé plus loin que toutes les sessions dont il pouvait se souvenir. Et, maintenant, il voulait ce mec. Non, il le lui fallait.

Il ne se souvenait pas déjà eu avoir besoin de quelque chose à ce point. S'il ne le touchait pas maintenant, quelque chose en lui allait exploser sans qu'il puisse le maîtriser. Et si Vishous détestait une chose, c'était bien ce qu'il était incapable de contrôler.

Alors, sans même chercher à s'en empêcher, il se jeta sur l'humain et le plaqua à son tour au mur. Un éclair affolé traversa le regard noisette pour la première fois depuis leur rencontre, mais V ne comptait pas lui laisser le temps de paniquer. Se penchant à l'oreille du mec, il en mordilla doucement le lobe.

— Je t'avais prévenu, Cop, feula-t-il doucement dans le cou du mec.

Sous ses lèvres, il pouvait sentir pulser son pouls, et juste quelques millimètres sous l'épiderme une veine palpitait follement. Il sentait d'ici le parfum de son sang, lourd et entêtant comme le flic lui-même. L'urgence qui l'avait saisi se fit frénésie et il sentit poindre ses canines qu'il avait eu un mal fou à contrôler jusque-là.

— Qu'est-ce que... piailla l'humain en sentant les dents aussi aiguisées que des poignards s'enfoncer dans sa chair.

Il s'agita sous l'étreinte du vampire qui s'empressa de le tranquilliser d'une suggestion mentale.

— Laisse-toi faire, Cop. Tu vas aimer ça...

Quand les lèvres du vampire se mirent à aspirer le sang de sa blessure, le mec commença à geindre doucement et ne tarda pas à relâcher un gémissement sourd. Contre la peau parfumée, V étouffa un sourire tout en continuant à savourer son flic.

Vishous, fils du Bloodletter et guerrier de la Confrérie de la Dague Noire, avait eu l'occasion de se nourrir à de nombreuses veines depuis sa transition. Des civil(e)s, des aristocrates de la Glymera et même quelques-unes des précieuses Élues de sa divine génitrice. Mais rien de tout ça ne s'approchait ne serait-ce qu'un peu de l'effet que produisit sur lui le sang de cet humain. V se sentait incapable de se rassasier, comme si une soif intense et inextinguible s'était emparée de lui.

Pour un peu, il aurait voulu se glisser sous la peau du mec et passer le restant de ses jours à baigner dans ses arômes riches et complexes. Mais ça aurait été se priver d'une partie tout aussi intéressante, réalisa-t-il en sentant les hanches de l'humain se coller aux siennes.

Visiblement l'inspecteur O'Neil commençait à apprécier la balade. V savait que la morsure de son espèce avait le pouvoir de plonger ses victimes dans une douce léthargie intimement liée au plaisir sexuel, une léthargie qui ne laisserait pas le moindre souvenir de cette partie à l'humain. Mais l'abandon du flic n'avait rien de doux s'il en jugeait par la manière presque désespérée dont le mec remuait le bassin.

V n'était pas homme à refuser une telle invitation. Il se colla plus étroitement contre le corps ferme du flic tout en scellant les entailles sur son cou d'une pression de la langue qui arracha un nouveau gémissement à l'Irlandais. Quand le vampire laissa sa main prendre la direction de la braguette du mec, il escomptait bien lui en arracher quelques autres, tout aussi plaisants à l'oreille. D'un geste habile, il fit sauter les boutons du jean élimé et ne perdit pas de temps pour se faufiler à l'intérieur du boxer du mec.

L'humain relâcha un grognement affamé lorsque les doigts rugueux s'enroulèrent sans hésitation autour de sa queue. V se donna néanmoins le temps d'explorer sa trouvaille, testant la douceur de la peau, en appréciant la rigidité et commençant à en prendre les mesures en une lente caresse de haut en bas. Quand son pouce frôla le gland humide, un sursaut agita le corps de l'Irlandais dont la tête vint heurter le mur en un bruit mat.

***

La douleur de sa tête s'écrasant contre le mur crasseux rendit un zeste de lucidité au flic, pas plus. Mais c'était suffisant pour qu'il prenne la mesure de la situation. Il était maintenu plaqué au mur par un mastodonte tatoué, mesurant une bonne tête de plus que lui. Et il devait avoir eu une putain d'absence parce qu'il n'arrivait pas à se souvenir de comment ils étaient passés d'un simulacre de fouille corporelle à la main du mec s'agitant avec gourmandise sur sa queue.

Butch étouffa un nouveau gémissement en se rendant compte qu'en dépit du caractère improbable de la situation, il était excité comme rarement. Pourtant le flic avait vu quelques paires de mains se promener sur lui depuis son adolescence. Mais c'était bien la première fois qu'elles appartenaient à un géant aux allures de trafiquant d'uranium.

Et le pire dans tout ça ? C'est que le flic s'en foutait que ce soit un mec qui lui offre la branlette de sa vie au fond d'une arrière-salle crasseuse de grand magasin. Parce que ce type avait un don incomparable pour mettre le feu à toutes ses terminaisons nerveuses. Pas qu'il semble en meilleur état lui-même si Butch devait en juger aux grondements que le mec étouffait parfois dans son épaule. Contre sa cuisse, il sentait buter son érection, au moins aussi rigide que la sienne.

Sauf que personne ne s'en occupait, réalisa le flic. Le barbu le caressait avec voracité, comme si sa vie en dépendait et lui restait planté là, profitant égoïstement de la chose. Dès lors, rendre la politesse s'imposa comme une évidence, sans même qu'il ait besoin d'y penser.

Glisser sa main dans le futal d'un autre mec aurait dû au moins être déstabilisant. Mais non. Le flic dut admettre que de trouver le barbu complètement à poil sous son pantalon de cuir l'étrilla à vif. Tout autant que le rugissement de fauve qui s'échappa de sa gorge lorsque Butch glissa sa paume calleuse tout le long de l'impressionnante tige de chair.

Non, définitivement, y avait pas d'erreur sur les capotes XXL.

Butch se sentit infiniment puissant lorsque le sexe du colosse ne tarda pas à palpiter entre ses doigts, avide de se libérer. Et c'était lui le responsable de tout ça... Il avait réussi à susciter un tel désir chez ce mec étrange et non moins impressionnant. À tel point qu'il se laissait apprivoiser, offrant sa virilité et son plaisir à Butch sans arrière-pensée.

Comme pour lui donner raison, le mec se mit à gémir son prénom alors qu'il le serrait plus fort dans sa main.

— Brian...

La voix du colosse naguère railleuse et hautaine était désormais chaude et caressante, emplie de désir et presque... oui... de besoin... Sauf que le flic était plutôt déstabilisé par l'emploi de son prénom. Comment le mec avait-il su d'ailleurs ? Ha oui, le foutu badge.

Brian... Un autre lui-même qu'il connaissait à peine à vrai dire. Personne ou presque ne l'appelait comme ça. Et, à ce moment encore moins qu'à un autre, il n'avait envie de se glisser dans un costume qui n'était pas le sien.

— Butch, réussit-il à articuler entre deux souffles rauques. Je m'appelle Butch.

L'autre mec, V, se figea un instant et releva la tête, ses yeux de diamant se fichant dans ceux du flic. Et, à cet instant, elles n'avaient plus rien de distantes ou de froides ces extraordinaires prunelles.

— Butch, répéta docilement le barbu sans cesser de caresser le flic, plus doucement peut-être, plus sensuellement.

— Oui, V... répondit le flic en hochant.

Il vit la surprise dans les yeux du barbu en entendant son nom dans la bouche du flic. Mais l'inspecteur O'Neil était réputé pour son sens du détail...

Sans qu'ils se quittent des yeux, les rythmes des deux hommes se synchronisèrent et ils commencèrent à gémir de concert. Une petite pointe d'appréhension traversa le flic. Avec les yeux du mec fiché dans les siens et son prénom roulant par intermittence entre ses lèvres minces, tout ceci n'avait plus grand-chose à voir avec un coup rapide dans une arrière-salle.

Lorsque le mec accéléra encore, insufflant à son poignet une vitesse presque diabolique, cette question cessa de tourmenter Butch qui ferma de nouveau les yeux et se laissa aller à la marée montante qui l'envahissait. Bordel, il n'avait jamais ressenti quelque chose d'aussi puissant. La vague enflait en lui, et finalement il se laissa emporter, inconscient d'avoir grondé le nom du mec pour l'emporter dans l'orgasme.

***

— V, rugit le flic tandis que son sexe se contractait violemment dans la paume du vampire.

Plus que les mouvements spasmodiques de Butch sur sa queue, ce fut ce cri rauque et sauvage qui fit basculer le barbu à son tour. Il relâcha sa jouissance dans un grondement de fauve, se retenant de justesse de mordre à nouveau l'humain pour parfaire encore le moment, si possible. Mais des années d'une discipline de fer avaient appris à Vishous à contrôler ses instincts les plus animaux. Alors, il se laissa simplement aller, la tête chutant contre l'épaule du flic en murmurant doucement son prénom.

Il reprit pied petit à petit en écoutant les battements du cœur de Butch se calmer, pas loin de son oreille. Quand le mec s'agita, sans doute un peu écrasé par la masse compacte du vampire, V s'accorda une dernière bouffée de ce parfum qu'il n'oublierait pas de sitôt avant de relever la tête.

Les deux hommes se regardèrent un moment, un peu incertains quant à la conduite à tenir. Ils étaient toujours à demi avachis contre le mur, leurs mains couvertes de la semence de l'autre et les braguettes grandes ouvertes. Après quelques secondes d'un silence embarrassant, l'esprit pratique de V reprit le dessus et il se dégagea pour aller attraper un rouleau d'essuie-tout oublié dans un coin.

Sans dire un mot, il en détacha quelques feuilles avant de revenir vers Butch pour essuyer sa main souillée avant de s'occuper de la sienne. Le petit sursaut surpris du mec ne lui échappa pas, mais il ne fit aucun commentaire avant de se détourner pour reboutonner sa braguette. Il entendit le flic en faire de même avec un petit toussotement gêné.

Il était sans doute temps de disparaître, se dit le vampire. Mais, avant cela, il hésitait encore. Devait-il ou non effacer l'esprit de son flic ? Son flic ? Rien que cette tournure ridiculement possessive votait pour une retraite rapide avec oblitération totale des souvenirs liés à cet épisode. Pourtant une tête de mule d'Irlandais en décida autrement...

***

Il allait partir. V allait se tirer. Tout dans son attitude distante, presque sur la défensive, le criait. Et, bizarrement, cela attrista le flic. Quelque chose en lui se rebellait à l'idée que tout ça n'ait été qu'un divertissement très sophistiqué pour truand désœuvré.

Alors, avant que le mec ne prenne la poudre d'escampette, il lui attrapa résolument le bras pour le forcer à se tourner vers lui, bien résolu à lui expliquer sa façon de penser. Mais quelque chose dans le regard de diamant mit à mal tous ses projets. Une étrange douleur voilait les extraordinaires pupilles, comme s'il en coûtait au mec de partir, bien plus qu'il ne voulait bien le dire.

Ce fut cet éclat qui poussa le flic à céder à une nouvelle impulsion, quitte à se fourrer dans il ne savait quel pétrin. Enfin comme d'habitude...

D'un coup sec sur l'avant-bras musclé du barbu, il attira le mec à lui et, sans se donner le temps de la réflexion, il le força à baisser la tête pour plaquer ses lèvres contre les siennes. V eut un mouvement de surprise et Butch crut qu'il allait l'envoyer valser. Pourtant, après quelques secondes, le grand corps se détendit et un léger souffle s'échappa de la bouche désormais entrouverte.

Alors le flic se laissa aller et parcourut les lèvres soyeuses des siennes, goûtant directement sur lui un peu de ce tabac épicé que le mec avait l'air d'affectionner. Le bouc de V lui chatouilla le menton et il sourit à cette sensation inédite.

Sous la sienne la bouche du mec était étrangement immobile. Ni rigide, ni verrouillée, simplement hésitante. Oui, comme si V ne savait pas vraiment comme s'y prendre ou ce que le flic attendait de lui par ce geste. Mais c'était impossible n'est-ce pas ? Ce genre de mec ne pouvait qu'avoir des dizaines voire des centaines d'expériences du genre au compteur...

****

Quand la bouche du flic vint capturer la sienne, V se retrouva figé dans l'instant, incapable d'avancer ou de reculer, piéger par l'impulsion de l'Irlandais. Contre lui, les lèvres du flic étaient tièdes et tentantes. Quelque part à leur commissure s'attardait un léger goût de café. V resta immobile un bon moment, perdu par les sensations inconnues que ce geste faisait naître en lui. Le désir, la luxure, le sexe, la violence, la douleur, tout ça il pouvait gérer sans problème. Après tout, c'était ainsi qu'il avait toujours fonctionné. Mais la tendresse ? Parce que c'était bien de ça qu'il s'agissait, non ?

Presque imperceptiblement, les lèvres du flic appuyèrent sur les siennes, testant sa résistance et ses limites. Sauf que, pour une fois, V n'avait pas la moindre idée d'où les fixer. Il ne connaissait pas ce genre d'intimité, ne l'avait jamais connue et jusqu'ici n'avait jamais pensé la désirer. Pourtant, la bouche du flic unie à la sienne faisait naître toute une palette de frissons inédits dans son corps blasé. V pensait avoir tout vu, tout vécu et tout expérimenté concernant le sexe. Du plus hard au plus étrange.

Et pourtant, ce petit bout d'humain qui ne totalisait sûrement pas un sixième de son âge était en train de lui ouvrir les portes d'un monde étrange.

Alors, quand le flic darda doucement sa langue pour suivre les contours de sa lèvre inférieure, Vishous accepta de se laisser guider sur ce chemin. Il ouvrit presque docilement la bouche, concédant un étroit passage à l'Irlandais qui ne se le fit pas dire deux fois. Sa langue parfumée vint forcer le barrage des dents du vampire, caressant légèrement ses incisives pour l'inciter à céder un peu plus de terrain.

Et quand V sentit la lourde paume de Butch s'enrouler autour de sa nuque, il céda complètement et rendit les armes avec un soupir inconscient. La langue du flic vint s'enrouler à la sienne pour danser un étrange ballet, fait de caresses et d'attouchements légers. V se sentit envahi par le goût unique du flic, le même qu'il avait goûté dans son sang. Alors seulement il comprit tout ce que ce geste pouvait avoir d'intime et il commença à rendre ses caresses à l'Irlandais.

La valse de leurs langues et de leurs souffles emmêlés se poursuivit pendant ce qu'il sembla être une éternité à V. Pas qu'il eut envie d'y mettre fin, ceci dit. Il étouffa même un mouvement pour retenir Butch lorsque celui-ci se détacha de sa bouche. Le mec se recula alors doucement en lui adressant un sourire malicieux, un sourire qui envoya un drôle d'électrochoc dans l'estomac du barbu.

Puis le mec commença à reculer vers la porte sans se départir de cette expression complice. Avant de franchir le seuil, il attrapa quelque chose qu'il balança à Vishous avec un rire canaille.

— Je te les laisse. Les perd pas, ça pourrait toujours servir, dit-il avant de déverrouiller la porte.

Machinalement, V attrapa le projectile et y jeta un œil tandis que le flic franchissait seuil, laissant le battant entrebâillé derrière lui. Le vampire, toujours un peu secoué, éclata pourtant de rire en voyant que l'Irlandais venait de lui balancer la boîte de préservatifs.

***

Butch avait déserté son poste assez longtemps. Il était temps qu'il reprenne sa ronde. Au pire, si le patron venait lui dire quelque chose, il pourrait toujours prétendre avoir interrogé un mec terriblement louche. Sauf qu'apparemment, c'était lui qui venait bel et bien de dérober quelque chose au suspect.

Finalement, le flic se dit que ça n'était peut-être pas une mauvaise chose de s'être engagé à venir aussi bosser le lendemain. Qui pouvait dire ce que le jour de Noël allait lui réserver après un réveillon pareil !

***

— Alors cette petite garde à vue ? gloussa Hollywood confortablement installé sur le siège passager de l'Escalade lorsque V se glissa au volant de son bolide.

— Je commence à comprendre ce que les humains trouvent à cette fête à la con, répondit V avec un sourire énigmatique tout en glissant une roulée entre ses lèvres qui portaient toujours la trace de ce premier baiser volé par un humain inconscient à un vampire tricentenaire. Pas impossible que je vienne faire des courses de dernière minute demain, conclut le vampire qui avait jeté un coup d'œil à l'emploi du temps des vigiles avant de quitter le centre commercial.


C'est fini. J'espère que cette petite connerie sans prétention vous aura plu.
N'hésitez pas à me laisser votre avis, ça fait toujours plaisir.

En tout cas, je vous fais plein de bisous.
Un bisous supplémentaire à la petite bande habituelle ;)

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top