CHAPITRE 32 : Harry Styles
Je n'attends pas plus longtemps pour demander à rencontrer Elizabeth le lendemain loin de mon cabinet. Je choisis Hyde Park, dans un petit coin agréable. N'ayant pas eu de réponses de sa part, je suis inquiet de ne pas la voir mais c'est une jeune fille emmitouflée dans une grosse écharpe rose qui arrive à mon niveau. Elle a l'air épuisée et ses cheveux d'un naturel blond rayonnant, sont flasques. Je lui propose un café et nous marchons un bon moment. L'ambiance n'est pas pesante, juste très détendue. C'est quand nous nous asseyons sur un banc que j'attaque les questions, sans préliminaires :
« J'ai besoin de savoir. Qu'est ce qu'il s'est VRAIMENT passé avec Louis ?
-J'ai déjà tout dit. »
Oh non, tu n'as pas tout dit apparemment. Irrité au possible, je sors de ma pochette les photos pour les lui montrer. Je la vois pâlir d'un seul coup, comme si elle avait vu un fantôme.
« Nous n'avons pas la même définition de tout dire on dirait. »
D'une main tremblante, elle prend les photos en les regardant longuement. Un moment, je me dis que je l'ai peut-être trop brusquée et qu'elle ne me dira rien. Mon manque de tact a déjà causé quelques dégâts auparavant... Elle repose les photos sur le banc et son regard se perd au loin, comme si elle avait peur d'affronter le mien.
« J'étais amoureuse de lui. C'est cliché une étudiante amoureuse de son professeur. Je l'ai tout de suite apprécié. Sa manière d'apprendre, de travailler. J'ai été admirative au début pour petit à petit, en tomber amoureuse. Et puis, ce n'était pas super discret. Un faible sourire se dessine sur ses lèvres, en se remémorant ces moments. J'ai failli mourir de honte quand j'ai appris qu'il prenait notre groupe en travaux dirigés. J'étais super studieuse et j'essayais de réussir, de parler le plus possible et de me faire remarquer en quelque sorte. Ça n'a pas vraiment marché parce que j'étais une élève très moyenne. Je ne sais pas si j'aimais vraiment la sociologie. Mais je me suis accrochée. Accrochée à un rêve. Je suis devenue un peu plus assidue en cours. Les progrès ont payé. Et puis... »
Elizabeth s'arrête soudainement de marcher. Son visage prend une expression que je connais très bien.
« Et puis, les choses ont changé... Très vite. Trop vite.
- Louis n'a rien fait. Tout le monde le sait, alors pourquoi cacher le véritable coupable ?
- Est ce que vous avez déjà été agressé Monsieur Styles ?
Sa question me laisse un moment sans voix. Son regard est plus soutenu que d'habitude, la peine qui voile son regard s'efface un peu.
- Non.
- Eh bien parfois, sous la peur, ça nous arrive de dire des mensonges, d'avoir peur de représailles. Même si l'on a parlé, c'est le poids du regard des autres qui pèse, la culpabilité d'en avoir trop dit ou peut être pas assez.
- Sauf que là, c'est un innocent qui va aller en prison. Elizabeth, si vous l'aimez, vous avez encore une chance de le sauver de la prison pour un crime qu'il n'a jamais commis. Je vous assure que je pourrai coffrer le coupable.
- Je...
C'est mon fichu téléphone qui nous coupe en pleine discussion. Je suis même tentée de pas répondre mais quand je vois le nom de Niall s'afficher sur mon téléphone, je décroche tout de suite.
- Rentre tout de suite au cabinet, Laurel a à te parler, c'est urgent.
- Ok, j'arrive.
- J'espère que t'as pas merdé encore une fois, Harry. Il me dit très sérieusement. Parce que tu risques vraiment de te faire virer du barreau.
- Je sais, mais je pense que ça vaut le coup que je prenne des risques.
- Si tu le dis. Il soupire et raccroche.
Elizabeth est devenue muette sur le trajet du retour, pour mon plus grand malheur. Je n'ai pas réussi à reprendre notre conversation là où elle en était avant l'appel de Niall. Il me manque juste quelques éléments pour innocenter Louis. Mais il y a encore trop de pièces manquantes, même si les preuves et photos du corbeau ne constituent pas un dossier solide. Je la dépose en silence devant le grand portail hostile de la villa des Pemberton.
- Notre rencontre restera secrète si vous le voulez bien. Je lui demande.
- Je n'en parlerai pas, promis. Merci.
- Est ce que l'on pourrait se revoir par la suite pour continuer notre discussion ?
- Je ne pense pas que ça soit la meilleure solution...
- Très bien. Je griffonne sur un bout de papier mon mail. Donnez-moi des informations sur cette boite mail personnelle. Le procès arrive bientôt et si vous avez d'autres informations, vous pouvez me les envoyer, elles seront en sécurité.
Pas très loin de ma voiture, une berline noire similaire à celle qui m'a emmené ici la première fois. Une fois Elizabeth descendue de mon véhicule, j'observe les occupants de la berline descendre. C'est sans surprise que Catherine descend habillée de noire, accompagnée de son mari. Les deux ont l'air de se disputer vivement. Heureusement, ils ne prêtent pas attention à moi. J'en profite pour ne pas rester plus longtemps et je m'en vais. Sur le trajet du retour, je ne pense qu'à mes recherches et même pas à Laurel qui va sûrement m'annoncer que je vais devoir renoncer à mon affaire. Je m'y prépare et même si je ne ressens pas le poids de la presse, je sais que cette affaire fait beaucoup de bruits et que je suis sûrement épié par des sbires de Hans. Il aime être sous le feu des projecteurs, alors il en profite pour défier toutes les règles en s'amusant à dénoncer mes écarts.
Quand je franchis le pas du cabinet, le silence est pesant. Même Cristal est bien silencieuse derrière son écran d'ordinateur. Elle me gratifie d'un petit sourire et m'indique que Niall et Dua sont partis au tribunal et que l'on m'attend dans mon bureau. Laurel déambule dans mon bureau regardant un peu partout. Elle observe chaque détail.
-Tu voulais me voir ?
- Oui. La famille Pemberton a décidé de te dessaisir de l'affaire.
- Les motifs ?
- Tu veux vraiment les connaître ? Me demande Laurel avec un sourire mi-amusé, mi-énervé.
Je sais pourquoi. Miles Pemberton n'a sûrement pas aimé que je commence à m'investir un peu trop contre lui. Ce n'était pas vraiment mon travail, j'en suis conscient. Et pourtant, je continue à penser que quelque chose ne va pas. Qu'on a accusé quelqu'un à tort. Surtout depuis les images qui montrent Catherine en compagnie du doyen de l'Université de Westminster. Tout cela ne peut pas être une simple coïncidence. Discrètement, j'ai demandé à Dua de chercher des informations sur lui. Rien de très prometteur cependant. Malgré tout, mon intuition ne m'a jamais fait défaut.
- Écoute Harry, je suis désolée de t'annoncer cette nouvelle mais là, tu brises toutes les règles d'éthique et un peu plus et tu finis radié du barreau.
- Je sais mais, quelque chose ne va pas dans cette histoire. C'est même Elizabeth qui le dit. Ses paroles sont contradictoires quand elle parle de Louis. Je te jure..
On a toujours été de très bons amis avec Laurel. C'est encore plus compliqué de voir que dans ses yeux, elle ne me croit pas. Elle ne pense pas que j'ai raison. Personne ne me croit. Niall et Dua sont contre ma démarche depuis le début, Laurel ne me croit plus et ma famille a du mal à comprendre.
-Tu devrais prendre des vacances. Me dit-elle avec bienveillance.
- Non. Je dois terminer cette affaire. Je veux au moins réussir ça. Même si je ne suis plus l'avocat de cette affaire. Maintenant, j'en suis convaincu, Louis n'est pas coupable.
Les jours qui suivent, je ne retourne pas au cabinet. Je ne suis pas vraiment prêt à avoir tous les regards tournés vers moi. Heureusement, mes associés sont compréhensifs. Niall a pris quelques dossiers et rendez vous que j'avais durant les quelques jours. Pendant cette courte pause, je mets tout à plat. Tous les dossiers, toutes les preuves que j'ai collecté. Tout est éparpillé par terre. Je me perds dans tous ces mois d'enquête. Après une nuit blanche, j'ai pu reconstituer les faits. Un travail de titan. Elle ne veut pas dire la vérité pour protéger quelqu'un. Ce n'est pas elle qui a déposé la plainte. Je regarde méticuleusement chaque interview d'elle, chaque vidéo. À chaque fois, je remarque qu'elle ne parle jamais. Jamais elle ne s'est réellement expliquée sur l'affaire. J'en profite pour envoyer un mail à Cher. Elle est psychologue. Elle devrait m'être d'une grande utilité. Malgré ma séparation avec Louis et tous les événements récents, nous sommes restés en contact. Il y a quelques semaines, elle m'a même envoyé un long message pour dire que malgré tout, elle me soutenait et restait une amie pour moi. Pourtant, le stress s'empare de moi au moment de l'appeler. Et si elle avait changé d'avis ? Qu'elle ne voulait plus m'aider ? Je prends une grande bouffée d'air et je lui envoie un message.
Un appel et quelques minutes plus tard, elle arrive chez moi. Mais en bonne compagnie. Niché dans un petit couffin, un bébé emmitouflé dans un petit ciré jaune et des bottes rouges. Avant que je ne dise quelque chose, elle me saute dans les bras.
-Je ne pensais pas que tu viendrais !
- J'étais dans le coin et ça avait l'air important. Et puis, je crois que tu n'as pas encore fait la connaissance de Tom, qui a un an et demi.
Je me penche vers le bébé aux yeux verts qui m'observe, curieux. Des petites boucles blondes sortent de son petit bonnet. Sans aucun doute, il ressemble à Eddie. Je ne crois pas l'avoir vu. L'année dernière, j'étais très pris dans mon travail comme cela ne faisait que quelques mois que j'avais ouvert le cabinet.
-Venez vous asseoir !
Cher dépose son bébé et lui retire son manteau.
-Ça fait un siècle que je ne suis pas venue ici. Tu es encore avec Peter ?
- Non, nous nous sommes séparés il y a quelques mois.
- Je suis désolée.
- Tu veux boire un café ? Une tisane ? J'ai aussi du thé..
- Je veux bien un thé.
Nous discutons un peu avant de véritablement se mettre au travail. Elle m'explique qu'elle a changé de cabinet et qu'elle va se spécialiser dans la psychologie infantile. Un projet qui prend un peu de temps et crée quelques tensions dans son couple avec Eddie, même s'ils s'entendent toujours aussi bien. Leur complicité m'a toujours fasciné. Tom est arrivé un peu par hasard. Mais apparemment au bon moment. Cher a toujours voulu avoir des enfants et être présente pour leur éducation.
- Je n'ai pas été la meilleure amie du monde ces derniers temps. J'aurais dû t'apporter plus de soutien.
- Ne t'en fais pas. Oublions tout ça. Je la rassure.
- Si l'on commençait ? Tu as quelque chose à me montrer ?
Elle s'installe confortablement alors que je prépare un biberon pour Tom qui est sagement assis dans le canapé. Il est si mignon avec ses yeux très expressifs. Je recapitalise l'affaire dans les détails à Cher en recoupant mes informations et celle de l'enquête préliminaire de police. Parfois, je la vois tiquer quand elle entend le prénom de son frère. Ça ne doit pas être facile pour elle... Puis, je passe rapidement à la personnalité d'Elizabeth, ce qui m'intéresse le plus. Durant plusieurs minutes, elle prend des notes sur les interviews, relit le procès-verbal. Je la sens très professionnelle, notant chaque détails. Au bout d'un moment, elle repose son carnet.
- Je vais te faire mes retours rapides. Tout aurait été plus simple si j'avais eu cette jeune femme pour un accompagnement plus long sur plusieurs séances. Déjà les parents et l'omniprésence de ceux-ci. Surtout de sa mère. C'est le genre de personne qui a bâti sa vie entière sur sa fille et qui en apparence, fait tout pour la protéger alors que c'est tout l'inverse.
- Comment ça ?
- Catherine est le genre de personnes toxiques. Elle utilise sa fille pour ses propres intérêts, elle la façonne à son image. Elle la manipule.
- Tu penses qu'il y a quelque chose de louche ?
- Ça peut expliquer certains comportements. Surtout la méfiance d'Elizabeth sur cette image.
Cher revient en arrière sur une interview donnée pour BBC. Catherine est à côté d'elle, tenant fermement la main de sa vie, alors qu'elle répond aux questions. C'est la première fois qu'elle a réellement parlé de l'affaire. Et pourtant, chaque regard qu'elle a, elle le dirige vers sa mère avant de parler.
-Tout ça, ne constitue pas une preuve. Me rappelle Cher. C'est juste un indice. Tu ne pourras pas dédouaner mon frère, si tu penses qu'il n'est pas coupable. Les expertises sont là uniquement pour se faire une idée. Avec ça, tu n'arriveras pas à grand-chose...
Je me lève. Elle a raison. Et pourtant, j'ai l'impression que la clé du problème est là, devant moi. Elizabeth est une victime. C'est indéniable, mais pas de Louis. Elle ne dira rien et un homme risque la prison.
-Pourquoi ce changement ? Me demande enfin Cher. Cette question devait lui brûler les lèvres depuis le début.
- Parce que j'ai besoin de coincer le réel coupable. Louis a été un connard avec moi. J'ai sûrement pris trop à cœur cette histoire sans voir le réel problème. Louis a un alibi pour le soir de l'agression.
- Lequel ? Elle s'empresse de me demander et je regrette d'en avoir trop dit.
J'ai eu des informations de la part de Dua qui a réussi par je ne sais quel contact, à faire parler cet arrogant de Hans. Sa carte principale : son relevé bancaire. Un simple achat de cigarettes dans un bureau de tabac à l'heure de l'agression. Et en plus, le dépôt de plainte d'Elizabeth est antérieur aux faits. Elle a porté plainte un mercredi et selon elle, elle a été agressée le vendredi matin. Rapidement, sans entrer dans les détails, je lui raconte tout. Elle reste silencieuse un instant.
-Cette gamine souffre. Elle a besoin d'aide, c'est indéniable. Mais ce n'est pas mon frère. C'est le discours classique d'une sœur mais... je sais qu'il n'en est pas capable. La seule personne qu'il a aimé, c'est toi et personne d'autre. Jamais il n'aurait osé poser la main sur cette gamine.
- Il m'aimait aussi quand il m'a trompé avec Sacha et qu'elle est tombée enceinte de lui ? Je lui réplique, sarcastique. Malgré tous les efforts du monde, cette trahison me blesse encore.
Cher ne dit rien. Elle en a aussi beaucoup voulu à son frère d'avoir fait ça. Elle était tiraillée entre son frère et moi, son ami. Fidèle à elle-même, elle ne s'est jamais mêlée de l'affaire. Doucement, elle vient se placer à mes côtés.
-Je ne vais pas m'excuser pour Louis ou même te dire de lui pardonner. Je suis mal placée pour te dire quoi faire. Mais je sais une chose, c'est que Louis a été sincèrement amoureux de toi et il l'est sûrement toujours. Louis n'est pas le père de l'enfant de Sacha. Ils ont couché ensemble mais ce n'est pas lui. Elle avait un doute et le test était négatif. Il n'a rien pu te dire. Tu étais déjà parti. Je pensais que tu aurais voulu le savoir.
- Ça ne changera pas grand chose, mais merci de me l'avoir dit.
Au final, si, ça change beaucoup de choses. Peut-être que je ne serais pas parti en croisière en Écosse suite à ça et je n'aurais pas rencontré Peter. C'est trop tard pour faire machine arrière.
-Enfin, oublions tout ça. Reprenons ! Me dit Cher.
La soirée s'éternise. Tom est tombé de fatigue dans les bras de sa maman. Nous le mettons confortablement dans le canapé au milieu de nombreuses couvertures. Elle me dit toutes les informations qu'elle remarque dans chaque interview. Étrangement, elle est très axée sur la mère, Catherine. Finalement, nous avons les mêmes conclusions. Catherine est impliquée. Sa personnalité envahissante, presque menaçante envers sa fille n'est pas saine ou normale.
Dua, 23h30
Lis ça. Tu devrais trouver des informations très intéressantes et sûrement le véritable coupable.
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