Chapitre 4
Le reste du week-end n'a pas été des plus plaisants pour moi. Les enfants ne cessaient de parler de Blaise et de ses confiseries alors que Pierre avait fait exprès de poser la boite contenant ma baguette sur la table basse du salon alors que jusque lors elle était dans un tiroir du meuble près de la baie vitrée qui donne sur le balcon. Je l'ai rangé à sa place qui était inchangée depuis cinq ans, mais à chaque fois, elle réapparaissait sur la table basse. A force de me batailler avec mon passé, j'ai fini par abandonner et la laisser prendre la poussière. Mon frère regardait de temps en temps la boite pour voir si elle n'avait pas bouger, et à chaque fois la tristesse se lisait dans son regard quand il voyait que la boite ne bougeait pas d'un centimètre. Les enfants étaient curieux au départ, Paul avait voulu ouvrir la boite une fois et après s'être fait réprimander par son père, la boite est devenue un objet de décoration.
La semaine suivante passa lentement, au travail j'étais régulièrement irritée par les vendeuses du magasin qui m'appelaient pour un rien ou par les actionnaires qui voulaient un rendez-vous avec le PDG du groupe français. Je mangeais seule le midi, et quand le soir arrivait je redoutais le moment où je passerai dans le salon pour quelconque raison et que mon regard se posera sur la boite rectangulaire noire. La nuit était bien souvent pire que la journée car mes nuits étaient hantées de cauchemars, de hurlements, de sang et de feu. Un cercle vicieux s'était installé dans ma vie. Il m'arrivait de penser à fuir à nouveau pour partir loin de ma famille, loin de cette boite. Mais le problème est qu'aujourd'hui, il y avait Scorpius et je ne devais plus jouer à l'égoïste. Le week-end je ne sortais plus au parc avec les enfants, je laissais Pierre s'occuper des trois montres tout seul. Il ne disait rien, il ne me brusquait pas, mais même si son attitude ne le trahissait pas, son regard lui, était empreint d'une profonde tristesse. Je crois même que j'ai replongé. La moindre manifestation de magie me rendais désormais hystérique. J'ai même failli tuer un hibou du ministère à coup de poêle, heureusement qu'Alejandro était à la maison quand c'est arrivé car sinon, Pierre aurait du faire un rapport sur mes agissements. J'essayais de me contenir devant les enfants, mais c'était dur. Quand je suis seule, je me remets à pleurer. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même.
Je pensais que cette période était passé, que j'avais remonté la pente, que la guerre n'était plus qu'un mauvais souvenir. Mais cette putain de boite me fait revivre tout mes démons que j'ai essayé de faire taire. Je les croyais morts et enterrés, mais non, il a fallu que Blaise revienne comme une fleur, il a fallu que les enfants l'adore et que Pierre décide avec force que je redevienne la Théa d'il y a cinq ans. Mais je suis désolée, cette Théa est morte. Plus jamais je ne pourrais être celle que j'ai été durant cette guerre. Plus jamais je ne pourrais être la jeune fille forte et courageuse qui tient tête à un mage noir.
Comme la semaine qui venait de passer, les jours passaient sans qu'ils n'aient une quelconque emprise sur moi. Je vivais, non, je survivais plutôt. Je me levais le matin uniquement pour aller travailler et après le travail je retournais au lit. Je ne m'occupais plus des enfants. Pierre a du faire modifier son emploi du temps pour pouvoir s'occuper de ses enfants et du mien. Les enfants ne posaient pas de question, mais je voyais bien qu'ils ne comprenaient pas la situation.
Désormais, je ne mangeais plus, je trouvais ça futile. Rapidement, je perdis du poids. Mes vêtements devenaient trop grands pour moi. Je continuais de m'enfoncer. Je ne me lavais plus et puis vient le jour où je ne me levais même plus du lit. Pierre ne dormait plus avec moi, il passait sûrement ses nuits sur le canapé. En revanche, tous les matins, il venait m'engueuler comme quoi il fallait que je me bouge, que je me reprenne. Du fait que je ne réagissais pas il finit par abandonner au bout de deux semaines je crois. J'ai perdu la notion du temps. C'est drôle je trouve de ne pas savoir quel jour nous sommes. En revanche, une chose qui ne changeait pas c'est que tous les matins Scorpius venait me faire un bisou, c'était mon seul repère de la journée. Pierre venait ouvrir les volets, c'était l'excuse qu'il avait trouvé pour s'enquérir de mon état. Une chose que je trouve étrange, c'est qu'il n'a pas prévenu nos pères, car s'il l'avait fait, ça aurait fait un moment que j'aurais eu leur visite.
Je peux affirmer qu'il y a quelque chose que je n'ai pas contrôler dans cette période de déni de moi-même, c'est que je n'avais pas prévu de tomber gravement malade. Je me rappelle voir tousser toute la nuit, avoir eu chaud puis froid, transpirer comme pas possible. Quand Pierre était venu ouvrir les volets j'ai pu voir l'étendu des dégâts. Je toussais du sang et le lit en était souillé. Les draps étaient trempés de sueur, je grelottais. La tristesse prit place à la peur dans le regard de mon frère. Il a sortit sa baguette pour envoyer un patronus à je-ne-sais-qui. Je me rappelle avoir hurlé comme une folle. Il avait utilisé la magie devant moi, mais à cause de ma grande faiblesse, les ténèbres m'ont envahie rapidement.
A mon réveil, les murs blancs et un silence de plomb m'ont accueillie. Le lit n'était pas confortable et quand je passai une main devant mes yeux je remarquais aussitôt qu'elle n'était plus aussi osseuse qu'avant. En inspectant mon corps du bout des doigts, je remarquais que je ne sentais plus mes os enfin si, mais moins. Je soupirais, et une porte s'ouvrit.
-Te voilà réveillée, Théa, dit une voix trop reconnaissable à mes oreilles.
L'homme s'approcha de moi et se pencha sur mon lit.
-Tu nous a fais une sacrée peur, tu sais ? Je ne t'en veux pas car il fallait s'en douter que tu fasses une rechute, j'en veux surtout à ton frère de n'avoir rien dit, s'exclama Marcus
Il continuait de me parler de mon frère, de ma santé, des soins qui m'ont été prodigués, mais je n'en avais que faire.
-Quel jour sommes nous papa ?
-Nous sommes le vendredi 10 janvier 2003, sourit-il.
Quatre mois, quatre mois sont passés sans que je ne m'en rende compte. J'ai loupé les fêtes de fin d'année avec les enfants. La culpabilité me monta à la gorge et j'éclatai soudainement en sanglot. Mon père me prit dans ses bras et la chaleur de son corps familier me réconforta.
-J'aimerai que tu avances Théa, que tu arrives à nouveau à manier la magie. Prends le temps qu'il faudra mais n'abandonnes pas ce pour quoi tu es faite, ma chérie. Tu as toujours été la plus forte et la plus téméraire de la famille, prouve-moi que tu l'es toujours. Avance et ne regarde plus jamais en arrière. Fais de tes peurs ta nouvelle façon de te battre. Fais de tes démons tes nouveaux alliés, mais surtout ne baisse plus jamais les bras car tu as affronté bien pire que ça.
En méditant sur la tirade de mon père, je me suis faite une promesse à moi-même : renouer avec la magie avant l'évanouissement de cette nouvelle année. J'avais un plus de trois cents jours pour renouer avec le monde magique.
Le soir même je pouvais sortir. Les enfants étaient heureux de me revoir tout comme moi, je les ai pris dans mes bras et après ce petit moment de tendresse je restais assise dans le canapé pour éviter de faire trop d'effort. Sur la table basse résidait toujours la boite rectangulaire noire, cependant, je n'avais pas encore la force de le faire, j'étais beaucoup trop faible pour le moment.
Le temps reprenait tranquillement son rythme de croisière. Je recommençais à travailler. La société pensant que j'ai fait un burn-out et a donc transféré mon poste, je suis désormais assistante de gestion, ce qui me permet d'être plus polyvalente et moins embêtée par les vendeuses du magasin. Le soir quand je rentre j'essaie de retrouver une vie de famille. Je me suis remise à la cuisine, je m'occupe de leurs devoirs, je joue plus volontiers avec eux. Mais un jour, alors que Gretchen jouait avec les enfants, à cause d'un coup de queue, elle fit tomber la boite, faisant rouler son contenu sous le meuble de la télé. Jurant comme un charretier, invoquant les dieux moldus, Merlin et Morgane, je demandai gentiment aux enfants d'aller jouer dans leur chambre avant que le repas du soir soit prêt. Gretchen, elle est partie se réfugier dans la cuisine. Je ramassais la boite et la posa sur le fauteuil près de la télé, m'allongeant au sol, je tendis le bras sous le seul, en cherchant à tâtons un objet long et effilé. Après plusieurs tentatives, je mis enfin la main sur l'objet qui me ramenait si souvent à mon passé. Je secouais la tête pour éviter d'avoir des pensées négatives et me remis sur pied avant de m'effondrer sur le fauteuil où j'y avais posé la boite rectangulaire.
La baguette roulait doucement entre mes doigts, je sentais tous les reliefs des fleurs de lys incrustés dans le manche. Je ressentais sa puissance, elle m'appelait. Les démons du passés m'entouraient dangereusement, mais je ne les écoutais pas. L'ignorance est la meilleure manière de les faire taire. D'un mouvement irréfléchi, j'empoignai fermement l'objet magique et pointai la couverture posée sur le canapé. Je réfléchis un long moment avant de me décider à lancer un sort. La baguette commence à me peser lourd et finalement je baisse mon bras, trop lâche.
« Non je ne suis pas lâche », pensais-je.
Cette fois je me levai et pointa à nouveau la couverture déterminée.
-Windardium leviosa !
Le sort était chuchoté, mais la puissance de la magie se répandait dans mon bras pour venir faire battre mon cœur trop longtemps arrêté. En face de moi, la couverture lévita doucement pour retomber mollement. Toute cette force trop longtemps abandonnée. Toutes mes émotions me submergèrent. Colère, désespoir, joie, tristesse, émerveillement. Cependant de rage je balançai ma baguette à travers le salon. Je me rassois dans le fauteuil en essayant de calmer mes nouveaux amis qui ont pris possession de mon corps. Je fermais les yeux et les images de la guerre refaisaient surface, mais maintenant, j'ai appris à ne plus avoir peur du passé, revoir mon passé ne me faisait plus rien. Je rouvris les yeux brusquement, tendis la main devant moi, et fis exploser la magie primitive que je retenais trop longtemps en moi. Avec une force jusque lors inconnue, ma baguette vient directement se loger au creux de ma main. A nouveau je me levais et me dirigeai cette fois-ci vers le grand miroir collé derrière la porte d'entrée. J'essayais de calmer ma respiration et pointa calmement ma personne avec le bout de bois d'olivier. Je me voyais transformer, le brun de mes cheveux redevenait petit à petit gris argenté. Un gris qui me définissait en tant que Théa Beauregard par la communauté sorcière. Je laissais mon bras descendre le long de mon corps pour faire apparaître les vestiges de mon ancienne moi. Ainsi, ma peau n'était plus vierge, des dessins à l'encre noirs et de vilaines cicatrices couvraient ma peau.
J'étais différente, mes cheveux étaient maintenant plus court, dans un carré flou. Mon corps était plus féminin, le bleu de mes yeux reflétait la maturité et la force que j'ai acquise au cours de ces quelques semaines de rémission. Le mélange de l'ancien moi et du moi actuel étaient une combinaison parfaite pour reprendre ma vie en main.
Je me précipita vers le téléphone fixe, composa le numéro des voisins.
-Al' ?
-Non, c'est Cleo.
-Est-ce que tu es disponible pour garder les enfants là , maintenant, demandais-je rapidement.
-Euh... Oui, pourquoi ?
-Parfait, je file alors. Ils sont dans leurs chambres à jouer, j'essaie de ne pas revenir trop tard.
Et je raccroche. Je cours jusqu'à ma chambre, ouvre le dressing et me précipite vers les affaires de Pierre. A côté de ses chaussures se trouvaient les portes-baguettes. J'en pris une, la sangla à mon avant-bras gauche et inséra ma baguette dedans. Puis toujours précipitamment je pris un manteau long, une écharpe noire et sortis rapidement de l'appartement.
Je montais dans la voiture familiale, démarra en trombe et fila vers la capitale qui n'est qu'à quelques kilomètres de là . Une fois sur Paris, je laisse ma voiture où je peux et continue le chemin à pied. Je cours. Je suis essoufflée, mais bien vivante. Mon cœur bat à tout rompre dans ma cage thoracique. Je me sens libre, loin de l'enfer que j'ai vécu il y a quelques semaines. Je continue de courir, je rigole même. Je pense que les parisiens me prennent pour une folle, mais je m'en moque complètement. Les cheveux au vent, j'accélère le pas de course quand j'entrevois la rue qui m'intéressait. En bousculant les passants, je m'engouffre dans un magasin de vêtement. En essayant de reprendre mon souffle, je me dirige vers les cabines d'essayage sans articles. Je prends celle la première à gauche, je ferme le rideau et me tourne vers le miroir qui orne le mur blanc. Je souris à mon reflet. J'ai les cheveux en pagaille, le nez rougit pas le froid hivernal et les joues aussi rouges que mon nez. Un rire nerveux s'échappe de mes lèvres. Je prends ma baguette et pointe le miroir, que je tape à trois reprises. Mon reflet s'efface pour laisser place à un long couloir de pierre où des voix retentissent au bout. Sans réfléchir je fonce dans ce couloir, je le longe pendant quelques mètres avant de finalement arriver à destination.
Me voilà de retour dans la communauté sorcière.
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Je suis entièrement désolée pour ce retard :/
J'espère quand même que ce chapitre sombre vous a plus :)
N'hésitez pas à voter et à commenter
Cp
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