Chapitre 16


C'est dans ces moments-là que l'on se rend compte que nos démons nous tournent toujours autour. Jamais ils ne nous laissent tranquille. Ils attendent juste le moment opportun pour faire leur réapparition. Ils se nourrissent de nos peurs et de nos faiblesses pour mieux nous assujettir. Ils cultivent notre désespoir pour nous isoler du monde, nous faire broyer du noir.

Voilà, les ténèbres m'entourent à nouveau. En cinq ans je n'ai pas eu un seul moment de répit. A croire que des forces divines me font payer mes actes de quand j'étais à Poudlard. Comme quoi le karma est une belle salope. J'essaie d'entrevoir la lumière mais comment puis-je être positive sachant que mon fils est entre les mains d'une immonde sorcière ? Comment a-t-elle pu kidnapper Drago ? A-t-elle été aidée ?

-Je dois rejoindre le Ministère, Théa. Je te laisse avec Ginny, elle va s'occuper de toi, d'accord ?

« Ginny ? Qui est Ginny ? Où est-ce que je suis ? A la maison ? Où est mon frère et ses enfants ? Harry ? Ne me laisse pas avec des inconnus. Potter ! Tu m'entends ? »

En fait, non, il ne peut pas m'entendre. Je suis reclus dans mon coin, loin de la lumière. Je suis assise à même le sol, les jambes repliées, mes bras les entourant et ma tête posée sur les genoux. Mes cheveux en pagaille tombent sur mes yeux. Je suis aveugle. Ce rideau naturel permet de me protéger des autres agressions à venir. L'image d'un ange blond s'imprime sous la barrière de mes paupières. Mes yeux s'humidifient et les larmes coulent toutes seules, s'échappent et roulent contre mes joues pour s'écraser sur mes vêtements. Je suis une maman pathétique. Scorpius a de quoi être un enfant déséquilibré et en manque de pilier solide et de figure paternel comme me le reprochait sa maitresse d'école l'année dernière. Je suis incapable de tenir debout et d'encaisser les coups de la vie.

Au loin j'ai entendu une porte se fermer. La solitude s'accroche à moi comme un animal à sa proie. Je suis la proie, bonne à manger, appétissante, effrayée. Une odeur de crème hydratante vient chatouiller mes narines. Je relève mes yeux trop rouges par les larmes vers la personne qui dégage cet effluve entêtant. Mon regard est heurté par des couleurs vives. Je suis obligée de cligner plusieurs fois pour m'habituer à cette nouvelle intervention. Un visage féminin est trop proche de moi, me faisant sursauter. D'un revers de la main, j'essuie les dernières larmes sur mes joues pour me rendre moins dramatique. Face à moi, une jeune femme rousse avec pleins de tâches de rousseur me sourit tristement. Ses cheveux sont attachés dans un chignon flou, où s'échappent quelques mèches qu'elle balait d'un geste de la main pour les coincer derrière ses oreilles.

Elle me tend sa main pour toucher la mienne doucement. La chaleur de sa peau contraste avec mes doigts froids.

-Tout va bien se passer, Théa, je suis là et puis Harry va tout faire pour retrouver ton fils et Drago.

-Mon Dieu, Ginevra, tu es enceinte ? Mais...

-Je sais, c'est troublant car... Bref, j'ai fait un déni de grossesse, dit-elle en posant ses mains sur son ventre rebondi. Viens on va s'assoir sur le canapé.

A contrecœur, je la suis et quitte ma zone de confort, l'ombre, pour la lumière. Une fois assise je m'effondre à nouveau. Je pleure et bafouille des mots incompréhensibles pour mon interlocutrice. Un plateau de petits gâteaux sablés est posé sur la table basse en face du canapé ainsi que des tasses fumantes de thé. La Weasley se sert et me demande si j'en veux. Je secoue la tête pour répondre. Une boule se forme dans ma gorge, je serais incapable d'avaler quoique ce soit sans le régurgiter. Je suis littéralement un poids mort pour Harry et Ginny.

« Réfléchi, Théa ! Où peuvent être Drago et Scorpius ? »

Mon regard fixe la vapeur d'eau qui s'échappe de la petite tasse en porcelaine posée sur sa petite coupelle. Mon cerveau tourne à mille à l'heure malgré le brouillard qui m'empêche de réfléchir correctement. Mes yeux ont arrêté de pleurer et mes joues me démangent à causes des larmes qui ont séché. C'est dur de penser. La cadette du clan Weasley se penche pour attraper un gâteau et l'apporter à sa bouche. Mes yeux, eux, suivent son mouvement et remarque qu'elle me regarde toujours avec son petit air triste.

-Quand est-ce que tu as vu Astoria pour la dernière fois, je demande d'une voix grave.

Elle avale sa bouchée avant de prendre une gorgée de son breuvage et de me répondre.

-C'était à Poudlard, lors de la rencontre des anciens élève. Elle était toujours accrochée au bras de Malefoy et se pavanait en disant à tout le monde qu'ils allaient bientôt se marier.

-Le mariage ? Quel mariage ?

-Bah, celui que Malefoy a annulé pour toi et ton fils. Tu ne t'en rappelles pas ?

Son grain de voix était trop aigu. Elle s'inquiétait.

« Drago et Astoria allait se marier ? Il a annulé son mariage à cause de moi ? Pourquoi ? »

-Théa ? Tu te rappelle que Drago est venu chez toi le jour de son mariage ? Tu te rappelle avoir appelé Harry, non ?

Je la regarde avec incompréhension. « J'ai appelé Harry car Drago est venu chez moi ? C'est insensé ! » J'ai mal à la tête à force de réfléchir. Mon sang cogne contre mes tempes.

-Est-ce que tu te rappelles ce qui est arrivé à ton animal de compagnie, fait-elle doucement. Sûrement par peur de ma réaction.

-Gretchen ?

-Oui...

-Elle est à la maison avec Pierre et les enfants, pourquoi ?

Un éclair de tristesse traverse ses pupilles, elle a de suite baissé son regard vers le gâteau à moitié mangé avant de tout reposer sur la table en bois. Elle attrape mes mains, elles sont chaudes et tremblantes. Ses yeux sont humides. Elle inspire une fois, deux fois.

-Non, Théa, je suis désolée mais elle est morte à cause d'Astoria. Elle est venue chez toi. Elle a voulu te lancer un sort de magie noir et Gret... Gretchen s'est sacrifiée.

Sa voix se brise et les larmes perlent de ses canaux lacrymaux.

-Quoi ? Mais non, elle...

Des flashes s'impriment derrière ma rétine. Drago en costume. Astoria en robe de mariée. Le sort lancé. Daphné. Gretchen en sang sur la table du salon. Harry. Scorpius.

-Elle m'en veut d'avoir gâché son mariage. Elle a tué Gretchen et kidnappé mon fils. Elle me fait souffrir alors que c'était la décision de Drago. Elle est complètement folle ! Est-ce que Harry t'a dit où elle a été emmenée ?

-Elle a été prise en charge par sa sœur, je crois...

-Daphné ? Mais oui !

Je me lève déterminée. Je prends la tasse blanche et bois les feuilles de thé d'une traite. L'infusion brûle ma langue ainsi que mon œsophage et le goût âpre me reste en bouche. Je vérifie si ma baguette est toujours présente à mon avant-bras et me tourne vers Ginny.

-Où est-ce que vous ranger vos balais ?

-Dans le garage. Pourquoi ? Tu vas où Théa ?

-Rendre une petite visite de courtoisie à une ancienne amie, je fais en sortant de la maison.

Seulement trois balais sont accrochés au mur. J'attrape le plus à gauche. « Désolée Harry », je pense en enfourchant l'Eclair de Feu II.

-Théa, attends !

-Je dois y aller Ginny. Tu diras à Harry que je viendrais le voir au Ministère après ma petite course.

-Théa Beauregard.

Elle peste contre Merlin mais je m'en moque, je suis déjà haut dans le ciel et dans sa condition elle ne peut pas voler. Je prends la direction de la frontière avec l'Ecosse pour me rendre à l'endroit voulu. La nuit était noire, les nuages cachaient la lune et les étoiles, seul l'éclairage public des villes me guidait sur mon chemin. L'air était froid et mes doigts blanchissaient au fur et à mesure que je filais et que les minutes passaient. Mon vêtement claquait contre le manche en bois du balai. Le sort de vision nocturne était bien efficace pour m'éviter les obstacles sur ma route, quand je ne pleurais pas à cause du vent qui fouettait mon visage. Grâce à cela, je pus distinguer rapidement le manoir Greengrass perché en haut d'une colline. La vitesse du nouveau Eclair de Feu fait monter en moi l'adrénaline et la colère que je contenais depuis le début de la soirée. Malheureusement, je rate mon atterrissage et roule contre les graviers, déchirant légèrement mes vêtements et égratignant mes paumes de mains et mon visage. Quand je me relève, mon genou me fait un peu mal. Je claudique jusqu'à la grande porte d'entrée et frappe le plat de ma main contre le bois de chêne finement décoré. Le son résonne dans la demeure à en faire réveiller les morts. Personne ne vient m'ouvrir. Je tente ma chance à nouveau, mais celle-ci est encore infructueuse. Je recule et observe la façade de grande demeure. Une fenêtre au deuxième étage est ouverte. Je m'élance doucement et vole précautionneusement pour atterrir sur un parquet entièrement lustré.

La pièce est vide de meuble. Le faible lumos de ma baguette permet de voir que les murs blancs sont tachés d'une potion rose dont l'odeur est répugnante. Filtre d'amour. Je me couvre le nez difficilement pour traverser la pièce et sortir. A peine ai-je franchi le seuil de la pièce qu'un grognement étouffé me fait tourner la tête vers le couloir. Une forme sombre se détache, collé au mur. Un humain est ligoté et bâillonné. Prudemment, j'éclaire son visage qui est couvert d'ecchymoses.

-Théodore ?

J'enlève le bâillon.

-Théa ? Théa ! Je suis tellement désolé. Elle m'a obligée.

L'ancien serpentard s'effondre de faiblesse à mes pieds, inconscient.


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