Chapitre 46

JUSTIN

J'ouvris la porte du grenier et plantai mon nez contre sa clavicule.

- Arrête-toi, me dit-il.

-Pourquoi ?

- Je suis un peu nerveux. Tu comptes me montrer une version momifiée d'un de tes ancêtres assis sur un rocking-chair ?

Je le poussai pour pouvoir me tenir l'estomac. Je laissai tomber ma tête en arrière pour éclater de rire et me cognai contre le bois en cherchant l'interrupteur à tâtons. L'ampoule nue du plafond s'alluma montrant dans un coin un chaos ordonné.

Sur une table à la verticale et calée contre le mur, il y avait quatre chaises passées de mode, deux vieilles lampes, un vieux vélo avec les roues dégonflées et les six boîtes en carton que j'avais rangées là en arrivant.

Souvenirs...

Je ne me souvenais plus trop de ce que j'avais mis dedans, mais je me dirigeai vers celle qui était de grandeur similaire, mais en plastique dur et noir.

Je pris deux chaises que je plaçai dans l'espace libre qu'il restait dans ce coin, m'installai et l'invitai à faire de même.

Quand il daigna s'asseoir face à moi, je tirai sur le couvercle qui maintenait Dylan en sécurité.

Il se pencha vers l'intérieur de ce qu'avait été ma vie et sortit une photo dans un cadre qui nous montrait Dylan et moi, riant probablement d'une connerie qui n'était peut-être pas si marrante que ça. Nous riions de tout, même de ce qui semblait grave aux yeux des autres et qui nous atteignait bien peu à cette époque. Mais cette photo était unique, parce que c'était un selfie que nous avions fait quelques heures avant le drame. Je lui pris des mains et caressai la vitre qui protégeait l'image en souriant avec nostalgie, avec tendresse, et beaucoup de peine.

- C'est horrible ce qu'il lui est arrivé, Justin.

- Oui.

- Il était beau.

- Oui, très beau et très hétéro, répondis-je avec un petit rire.

Au fond de la boite il y avait une pierre, un petit crapaud en plastique, un accroche-rêves, les billets d'entrée en boite, d'autres de cinéma, un petit couteau que mon père m'avait offert et des clés. Des objets pour lesquels il n'osa rien me demander. Il prit un paquet de photos pour les regarder une à une, s'arrêtant de temps en temps sur un cliché.  Comme s'il étudiait les frôlements et les regards que je jetais à mon ami. C'étaient ceux d'un garçon amoureux. Ça transparaîssait clairement.
Aujourd'hui mes yeux brillaient pour Nico, mais impossible d'ignorer, qu'à ce moment-là, cette lueur  appartenait à un autre.

Et enfin la lettre que j'avais écrite à Dylan après sa mort. Les larmes m'échappèrent. Ce seraient les dernières que je verserais en pensant à lui, je le savais. Dorénavant, j'avais quelqu'un sur qui compter.

Il posa le tout dans la boite.

- Tu veux me parler de lui ?

- Non, je t'ai raconté le principal.

- C'est une façon de me dire que tu as encore besoin de temps pour...

- Non ! le coupai-je. Au contraire. Ce que je veux que tu comprennes c'est que parler de lui avec toi ne me fait plus mal. Tu m'as aidé à comprendre que Dylan n'avait pas à disparaître de mon coeur, mais qu'il devait simplement rester à la place qui lui correspond.

J'avançai ma chaise et m'approchai de lui autant que je le pouvais pour le regarder dans les yeux. Pour le sentir proche parce que je détestais quand il s'éloignait.

Plus maintenant, plus jamais.

- Nico, je pourrais te dire beaucoup de choses pour te convaincre que les excuses et les chemins parcourus à moitié ne valent plus rien, mais je suis fatigué de me taire.

- Alors, dis-moi, susurra-t-il tellement près de ma bouche que j'en perdis le fil.

- Je ne sais pas faire les discours. Pas plus que toi. Et je ne sais pas si je vais savoir t'expliquer ce qu'a signifié ton arrivée dans ma vie. Je peux te dire, par contre, qu'hier, je me suis rhabillé en pensant à me remettre à poil très vite. Que tes baisers trouveront toujours une destination parce que je n'arrêterais jamais de sourire quand tu seras près de moi. Que tu me manques déjà alors que tu n'es même pas parti. Que depuis que j'ai entendu ton rire la première fois, tout le reste m'a semblé sans intérêt.

Une seule larme dévala ma joue, solitaire. Sincère.

Il avança sa main pour l'essuyer avec le pouce et m'embrassa doucement. Un baiser tellement tendre qu'il me scia toute conscience.

Cela faisait quelques années que mon cœur était divisé en deux parties. La part qui appartenait à Dylan, et l'autre, celle que j'avais gardée pour moi, bien enfouie, sans la partager.

Quand Dylan était mort. Sa part était revenue à moi, sans jamais se ressouder à la mienne.

Un morceau de mon cœur dans ma main. Sans savoir quoi en faire.

Nico avait rassemblé les deux morceaux qu'il avait patiemment gagnés ces dernières semaines en me démontrant son amour.

Il ne se rendait même pas compte qu'être sans lui n'était plus une option.

- Je t'aime, Nico, c'est aussi simple que ça. J'en ai marre de nier des choses qui n'ont de sens que si tu es avec moi. Je n'avais jamais pensé vivre ça en arrivant ici.

Il ne me répondit pas. Il m'embrassa simplement jusqu'à ce que sa saveur emplisse tout et que le bonheur caresse mon corps au même rythme que ses mains.

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