Chapitre 45

NICO

- Tu veux vraiment monter ? S'exclama Justin en regardant Jordan, un sourire jusqu'aux oreilles. Ça va être génial, et je reste à tes côtés.

- Je suis content que tu sois disponible, lança Alain en tendant la main à Justin pour le saluer. Jordan est un peu nerveux, tu crois qu'il peut essayer ? Je ne suis pas rassuré du tout, moi.

- Oui, il le peut. Je viens de le faire galoper et de toute façon je vais lui passer une longe pour le tenir. Je ne serai pas loin, ne vous inquiétez pas. Je ne louperais ça pour rien au monde, ajouta-t-il en souriant avant de rejoindre le gamin qui se tenait contre la barrière, appuyé sur ses béquilles.

- Bonjour, Jordan, comment tu vas ? Lui demanda-t-il à voix basse en le regardant fixement. Tu veux vraiment essayer ?

Jordan ne répondit pas. Il se contenta de soutenir son regard et de hocher la tête, attendant que Justin lui ouvre le portail pour avancer en claudiquant vers le centre du pré où Tempête broutait tranquillement.

- Jordan, je viens avec toi ! s'étrangla presque Julien en sautant par-dessus la barrière.

Il tenta de le suivre, mais Justin le retint par le bras.

- Non, attends, laisse-le faire. L'étalon ne va pas bouger, j'en suis certain. Reste ici, je te ferai signe pour m'aider à le soulever et l'installer sur la selle.

Nous attendîmes dans un silence oppressant qu'il s'approche de l'animal en lui murmurant des paroles que nous n'entendions pas. Tempête réagit en baissant la tête vers la main qui tenait l'une des béquilles et la poussa légèrement avec le museau. L'ado sourit, enroula les rennes autour de son poignet et commença à marcher, s'appuyant sur ses cannes avec Tempête à ses côtés.

- Il le fait très bien, me lança Justin à voix basse en s'agrippant à mon bras.

Ils firent le tour du pré avant de s'arrêter. Jordan lui murmura encore quelque chose, et ils se regardèrent fixement. Voir la façon dont leurs yeux s'accrochaient soulagea un peu l'attente. Ils étaient peut-être prêts à se retrouver.

Jordan leva les yeux vers Justin qui partit dans leur direction les yeux embués. Je crois qu'il venait de comprendre que bientôt, Tempête partirait avec son propriétaire. Et c'était normal. Quand j'avais proposé à Julien de garder cet animal, je l'avais fait pour son fils et lui éviter un traumatisme supplémentaire si l'issue était que Tempête finisse par être euthanasié. Et un peu pour me débarrasser de Julien aussi. J'avais bien fait, sans ce cheval je n'aurais jamais pu approcher Justin de cette manière.

- Au moindre signe de nervosité, on arrête, le prévint-il Jordan en levant l'index.

- Mais oui, t'inquiète, je gère, rétorqua Jordan sans hésiter.

Les ados géraient toujours, c'était bien connu.

- Je tiens la longe, le rassura Justin en accrochant la longue corde au licol.

Julien hocha la tête, pinça les lèvres, mais aida Justin à hisser le gamin sur la selle et à caler ses pieds correctement sur les étriers.

Émerveillé, je regardai l'étalon avancer docilement alors que Justin les suivait en assurant la corde autour de ses poignets. Jordan nous regardait, les yeux grand ouverts et se coucha pour serrer le cou puissant de l'animal qui continuait d'avancer d'un pas décidé, mu par un courage qu'il venait de retrouver. Il ne lui fallut pas longtemps pour reprendre un peu de sécurité et de confiance. Tempête commença à trotter quand Justin lâcha du mou et je souris en rencontrant le regard d'Alain qui me regardait d'un air extasié.

- Je suis tellement soulagé, souffla-t-il en riant.

Les rires de Jordan ressemblaient à de la musique. La complicité, l'alchimie, l'amour qui transpirait entre l'ado et le cheval était presque brutal, de la pure magie. On pouvait presque sentir leurs cœurs battre à l'unisson. Deux âmes jumelles qui se retrouvaient, unies par quelque chose de fort.

Nous les observions, envoûtés. Comme des aveugles qui voyaient la couleur pour la première fois.

- Si pépé pouvait voir ça, me lança Mr Floissac.

- Je vais filmer, lui assurai-je en enclenchant la vidéo de mon téléphone.

- Je vais toucher le ciel ! cria Jordan, en levant la main quand tempête se mit à galoper.

Justin pleurait et riait en même temps. Rien d'étonnant. J'imaginais son bonheur d'être parvenu à dresser tout seul son premier cheval, et ce que ça signifiait pour lui. Ce qu'il avait accompli était incroyable. Dire que je l'avais traité de charlatan et que je le pensais vraiment !

- Merci, merci, mille mercis ! cria l'ado à Justin en riant quand son père l'aida à descendre de l'animal après quelques tours supplémentaires en le serrant contre lui.

- Tu peux le remercier, Jordan, Justin a fait du beau travail. Mais ce n'est pas fini, n'est-ce pas, demanda-t-il en se tournant vers l'homme dont j'étais si fier aujourd'hui.

- Il y a encore un peu de travail. Avec un peu de chance, Jordan, quand tu marcheras sans les béquilles, Tempête sera au top. Merci à toi de m'avoir permis de faire partie de ça, murmura Justin à l'ado en lui tapotant le bras. C'était incroyable de vous voir, c'était magique.

- C'est grâce à toi, lui assura Jordan en tombant dans ses bras. Merci encore.

Je filmai les visages autour de moi pour les montrer à mon grand-père. Et peut-être aussi pour garder ce moment dans mon esprit pour toujours. Le bonheur de Justin, son expression radieuse ne me quitterait jamais.

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