Chapitre 42
NICO
Pépé avait enfin sa place à la maison de retraite «Le chant des pins» et nous avions déménagé la totalité de sa chambre. Rien ne devait le perturber quand il arriverait à l'endroit où il allait vivre désormais. J'avais presqu'envie de pleurer devant son air démuni.
- Mon petit, tu vas pas me laisser là ?
- Monsieur Barjac, intervint l'aide-soignante d'un ton suave. Vous savez jouer à la belote ?
- Bien surrr que je sais jouer, et je suis bon ! répondit-il d'un ton offusqué, comme si c'était évident. Quel vantard !
- Je vous le demande parce que ce soir nous organisons un petit concours. Il y a même des petites choses à gagner et Monsieur Delest ne trouve pas de partenaire aussi fort que lui pour battre les frères Lacoste. Vous croyez que vous pourriez être à la hauteur ?
- Je les met capot dirrrect, moi ! se pavana pépé, tout à coup intéressé. C'est qui ces cons ?
- Mr Barjac, ce ne sont pas des cons, pouffa-t-elle en mettant la main devant sa bouche. Ce sont Jules et Armand Delest. Et ils sont très gentils, juste un peu imbus d'eux-mêmes.
- Eh ben, s'exclama Monique, vous avez tiré le gros lot à la loterie avec pépé en plus! bon courage, madame.
Rudolf lui mit un coup de coude alors qu'elle le regardait d'un air de dire «quoi, c'est vrai !»
- Et tu vas venirrr me cherrrcher le week-end, Nini ? Et les bêtes, tu vas t'en occuper ? Et Zoé ?
- Oui, pépé, je te l'ai déjà dit, je vais bien m'occuper de tes animaux et je viendrais te voir en semaine aussi. Je te téléphonerai tous les soirs, ou à midi, ça te va ? Zoé, c'est toi qui as demandé à Monique de la prendre avec eux.
Il hocha la tête l'un air un peu perdu.
- Tu as prrris mes disques de Charrrles Trrrénet ?
- Oui pépé, tout est là.
- Quand je viendrrrais tu dirrras à Daniel de m'apporrrter quelques alouettes je les ai pas encorrre goûtées cette année.
Je répondis, oui, évidemment. Même si je savais qu'il n'en mangerait pas, parce que la chasse à l'alouette était interdite. Il s'aida de sa canne et partit s'installer dans son fauteuil face à la fenêtre. L'établissement était d'une propreté irréprochable, et le personnel très sympathique. Ça allait coûter une fortune, mais le principal était que les dernières années qu'il lui restait à vivre soient le plus confortable possible. Mais bon sang, j'étais à la limite de chialer quand Monique et Rudolf me tirèrent par la manche pour partir.
***
- Où tu m'emmènes ?
Hier au soir, je n'étais rentré chez moi qu'après qu'il se sente mieux. Et j'avais passé un bon moment dans mon lit, me demandant quoi faire pour l'aider. Et une idée m'avait traversé la tête. J'étais réveillé depuis 5 heures du matin. Le temps de dire au revoir à mon beau-frère et à ma sœur qui devaient reprendre la route avec Zoé. Rudolf adorait la chienne et il ne faisait aucun doute qu'elle serait heureuse chez eux. Ils étaient revenus quinze jours, rognant sur leurs congés d'été pour accompagner pépé jusqu'à son nouveau chez lui.
Et l'idée m'était venue, devant mon petit déjeuner.
- Ça fait au moins sept fois que tu me le demandes ! si je ne t'ai pas répondu avant, pourquoi crois-tu que je risque de le faire maintenant ?
- Parce que ça va te soûler, me dit-il en riant.
Toutes ses réponses idiotes me faisaient sourire comme un imbécile. J'étais amoureux de ce type jusqu'à la couenne.
- Allez, tu vas bientôt le savoir.
Je me garai sur le parking devant un bâtiment anodin et sonnai à l'interphone du portail.
- Bonjour, je suis Mr Barjac, j'ai appelé ce matin.
- Bonjour, oui, c'est moi que vous avez eu au téléphone, je vous ouvre.
Une fille assez jeune nous reçut devant le refuge avec un enthousiasme contagieux. Je crois que Justin n'avait toujours pas compris où nous étions, alors je profitai de son visage qui se dérida quand, Ariane, c'est le prénom que nous avait donné la fille, nous conduisit dans un parc couvert et assez grand, plein de petits animaux qui attendaient de trouver un foyer.
- Vous cherchez quoi ? Un bébé ? Un chien adulte ? Une race en particulier ?
- Non, en vérité, je n'ai pas réfléchi, répondis-je en jetant un coup d'œil discret vers Justin qui semblait extasié devant les petites bêtes magnifiques. Je ne cherchais rien pour moi, et la fille le savait, je l'avais prévenue ce matin. C'est pour lui que j'étais ici. Justin resta à nos côtés quelques minutes, avant de déambuler dans une annexe extérieure avec des zones herbeuses et où certains chiens se reposaient les pattes en l'air. Je m'éloignai un peu de mon guide pour le regarder caresser tous ceux qui s'approchaient de lui et ma poitrine se gonfla.
Je ne croyais pas à l'amour au premier regard, mais si ce que j'avais ressenti devant Justin n'était pas une flèche plantée dans le cœur, je ne savais pas comment on pouvait appeler ça, alors j'espérais qu'il ait un coup de cœur pour l'une des petites bêtes qui se trouvaient ici. Justin revint à mes côtés, et dans l'une des cages extérieures qui entouraient le périmètre, un chien nous regardait, tranquille et attentif. Il ressemblait à un berger Allemand, mais son pelage moucheté de blanc confirmait qu'il était croisé avec une autre race de berger. Un Suisse, peut-être. Sa tête était entièrement marquée d'une tache énorme de poils blancs. Il devait s'agir d'une illusion d'optique, mais j'aurais pu jurer qu'il sourit à Justin quand il l'approcha.
Il s'agenouilla à ses côtés, tourna la tête vers moi avec un sourire d'oreille à oreille alors que l'animal reniflait sa main. Il se leva, et s'approcha de Justin en bougeant la queue pour appuyer sa tête contre son genou.
- Celui-ci, lança-t-il. Prends-le, Nico, s'il te plait. Il est adorable, regarde.
Le ton mielleux de Justin me fit tourner la tête immédiatement.
- Oui, et tu lui plais aussi je crois.
- Il s'appelle Yoyo, nous ne connaissons pas exactement son âge. Six ou sept ans à peu près. Ça fait deux ans, qu'on l'a trouvé plein de boue, caché sous une voiture accidentée aux abords d'une maison abandonnée, nous expliqua la fille.
Justin regarda encore Yoyo, puis moi, et se tourna à nouveau le chien.
- Prends-le, Nico.
Je n'avais aucun doute là-dessus. J'allais prendre Yoyo pour lui.
Nous passâmes la demi-heure suivante à remplir un questionnaire payer les frais, et écouter la fille nous conseiller sur son alimentation. Je ne savais pas qu'il fallait autant de renseignements pour adopter un chien. En écoutant sur le chemin du retour une chanson de je ne sais quel artiste qui se lamentait en demandant un amour impossible, je décidai que je voulais tout donner à Justin. Le possible et même l'impossible s'il voulait bien de moi. Lui m'avait donné bien plus, quelque chose que je pensais ne jamais récupérer. L'espoir.
- Ça ne va pas faire trop avec Zoé ?
- Non, Zoé est partie avec ma sœur et Rudolf ce matin. Celui-ci est à toi, si tu es d'accord et tu peux même le rebaptiser.
- Il est pour moi ?
- Oui, et tu viendras me voir avec lui.
- Oh mon Dieu, merci, hurla-t-il en me pétant les oreilles. T'entends Yoyo, lança-t-il au chien qui était harnaché à l'arrière. tu vas venir avec moi ! Tu crois que Nico cherche des excuses pour que j'aille le voir plus souvent ?
- Peut-être, répondis-je en riant.
Il était euphorique quand je stoppai la voiture devant un magasin pour acheter le nécessaire pour son nouveau compagnon.
- Je t'aimerai toujours Nico Barjac, merci, me dit-il en arrivant chez lui.
J'étais l'agriculteur le plus heureux de la terre.
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