Chapitre 38
NICO
Monique rit doucement en me regardant badigeonner mes cheveux de gel. J'avais passé et repassé le peigne tant de fois, que j'avais fini par me retrouver avec une coiffure bizarre qui semblait moulée dans de l'argile.
Je soufflai, offusqué et passai ma tête sous le robinet d'eau pour enlever les plastrons et les laisser comme d'habitude.
Rudolf n'arrêtait pas de me suivre dans toute la maison, semblant s'amuser de la situation. Mon beau-frère était quelqu'un de bien. Il avait discuté avec Justin près de l'enclos et en bon psychologue, j'espérais qu'il avait réussi à lui faire comprendre certaines choses concernant pépé. Rudolf était un homme intelligent et joyeux qui avait un sens de l'humour certain, et plus important, il était toujours disponible pour les gens qu'il aimait ou appréciait. C'est lui qui m'avait suggéré de reprendre tout à zéro avec Justin. Me disant de le surprendre et surtout, d'y aller doucement avec lui. Justin avait beaucoup souffert, beaucoup plus qu'il ne le laissait paraître et je me demandais si je pourrais faire face à ça.
Maintenant, j'arrivais à admettre sans hésiter devant mes amis et ma famille que je l'aimais. Que j'aimais un homme ! Face à la peur de le perdre, j'étais prêt à tout. Même à avouer au Gers entier tout ce que je gardais au plus profond de moi de peur que quelqu'un ne puisse découvrir. Petit à petit, j'espérais réussir à effeuiller une par une mes couches de culpabilité, quitte à finir à poil devant une vérité que je reniais depuis toujours. Je n'avais pas à me priver d'être heureux, peu importait ce qu'en pensaient les autres.
Je commençais à peine à réfléchir à ce que j'allais porter, que Rudolf et elle étaient déjà en train de miauler dans leur chambre. Je les détestais de baiser autant, surtout que, vu les circonstances, j'allais finir par oublier comment on faisait. Sérieusement, les murs de cette maison étaient faits de papier et Rudolf ressemblait à un morse moribond quand il jouissait. Cela faisait presque 15 jours que je supportais cette torture. Je me demandais même si pépé n'avait pas pris le pet au casque parce qu'il les avait entendus. Bref.
On aurait dit qu'ils étaient tous les deux shootés aux endorphines.
— Depuis quand es-tu nerveux avant un rendez-vous, toi ? marmonna ma sœur en entrant dans ma chambre un bon moment après, alors que j'étais encore à la recherche d'une chemise.
Monique m'arracha la bleue que je venais de décrocher du ceintre et m'en tendit une autre noire. Je la regardai mal, même si je commençai à la boutonner sans rechigner.
— Depuis que je ne sais pas à quoi m'attendre avec lui, confessai-je.
Avec Justin, j'avais l'impression qu'il fallait y aller à tâtons, et moi, je ne savais pas trop faire ça. J'apprenais. Je l'aurais bien secoué pour qu'il comprenne qu'avec lui, c'était sérieux. Il me déconcertait et c'était loin d'être gagné, mais malgré lui, il me donnait l'impulsion nécessaire pour déployer mes ailes, me mettre à voler et le rattraper.
Monique me regarda avec tendresse et attrapa ma main, la serrant avec force, me faisant sentir que je n'étais pas seul. Ça me fit du bien, parce que c'était compliqué pour moi, et pourtant, si je voulais le récupérer, lui montrer que j'étais prêt à braver les obstacles, je devais avoir confiance.
— Nico, c'est joli de ne pas savoir où nous mènent les choses parfois. Ça permet de profiter de ce qu'on découvre le long du chemin.
— Tu as peut-être raison. Mais tout ça, c'est nouveau pour moi, et ça me fous la trouille. J'ai l'impression d'avoir 15 ans et ne pas savoir si je dois lui tenir la main ou s'il attend de moi que je l'embrasse à un moment ou à un autre. Ou si je ressemble à un idiot en riant de toutes les conneries qu'il dit par moments.
Je sentis le poids de sa tête quand elle la posa sur mon épaule, et ce simple geste me tranquillisa un peu.
— Je suis nerveux parce que je veux être avec Justin plus que je n'ai voulu rien d'autre dans ma vie, et avec notre différence d'âge et mon caractère, je ne sais pas si je suis la personne dont il a besoin.
— Alors, n'essaye pas d'être ce dont il a besoin. Sois toi-même. Aide-le en restant toi, parce que tu ne t'en rends pas compte, Nico, mais tu es peut-être le meilleur qu'il peut arriver à quelqu'un dans sa vie.
Je la serrai contre moi.
— Mais quand est-ce qu'elle va descendre ? Me demanda Rudolf quand je le rejoignis dans la salle à manger.
— J'en sais rien, elle est en train de se faire un truc sur la tête.
— Monique ? Mais elle porte toujours les cheveux lâchés !
— Mouais... oui, enfin, ne me demande pas j'en sais rien.
Je haussai les épaules.
— Alors, dis-moi, tu l'aimes vraiment ce jeunot, hein ?
Il m'adressa un coup d'œil par-dessus son verre.
— Ouais, au point de m'apprêter à faire ce que j'aurais dû faire depuis longtemps, assumer que je suis gay. À mon âge, je n'ai plus le temps de me poser des questions. Je ne veux plus chercher à plaire, mais faire ce qui me plait. Ça fait trop longtemps que je vis comme ça. D'un côté, je flippe et de l'autre, je suis soulagé. Je crois que je vais marcher un peu plus léger. Et ce qui m'importe le plus, c'est vous, même si pour pépé, c'est fichu, je crois.
— Je suis content pour toi, et Pépé est âgé, tu dois comprendre ça, Nico. Il n'a plus la tête pour digérer ces choses-là. Ce n'est pas pour autant que tu ne dois pas faire ta vie. Allez, t'inquiète pas, me dit-il en me claquant l'épaule. Vous arriverez bien à feinter avec ce vieil entêté.
— Pour ça, il faudrait déjà que ça marche avec Justin.
— Tu sauras faire ce qu'il faut, j'en suis certain. Et lui aussi.
Il se resservit un fond de verre de whisky pendant qu'il me parlait de son travail. Même si je les voyais peu, et que je leur en voulais parfois de ne pas venir plus souvent, ils étaient ma seule famille avec pépé. C'était important pour moi qu'ils m'acceptent sans condition.
Sylvain, Lionel et Thierry, un autre ami, arrivèrent presqu'en même temps que Justin qui marchait dans le chemin avec sa lampe torche. Je voulais qu'on prenne tous un verre avant de l'emmener au restaurant. Il s'assit tranquillement au bout de la table après avoir salué tout le monde, un peu intimidé devant Monique. Je le laissai faire, mais je m'installai à côté de lui.
Nous parlâmes de bêtises sans importance à refaire le monde avant de le désordonner à nouveau. Justin supporta dignement les moqueries de mes amis au sujet de notre rendez-vous.
— Tu m'enverras un SMS quand vous arriverez à Auch, commença Monique.
— Surtout, ne mangez rien qui contienne de l'ail, renchérit Sylvain.
Je lui fis un geste avec mon majeur en me levant.
Justin rigola en ignorant le quolibet de Rudolf qui nous recommanda d'utiliser des capotes alors que nous passions la porte, assez fort pour se faire entendre. Je crois que Justin s'empourpra devant le commentaire.
Et moi j'avais envie de lui croquer les joues.
Il était tendu pendant le trajet qui mena en ville. Peut-être que je m'étais trompé en croyant qu'il avait envie de sortir ce soir. Ou peut-être que sortir avec moi en ville ne lui convenait plus, finalement. Peut-être qu'il allait me ranger dans sa Friends-zone sans espoir d'en sortir.
Merde...
— Tu n'as pas l'air à l'aise, Justin. Si tu ne veux pas faire ça, ou si tu regrettes d'avoir accepté ce rendez-vous, nous pouvons rent...
— Non ! c'est super, vraiment, c'est que je suis surpris, voilà.
— Toi, surpris ?
— Oui, je ne sais pas vraiment ce que tu attends de moi. Ou si tu sais toi-même ce que tu cherches avec cette façon de faire.
Je le regardai en souriant. Parce que, du coup, j'avais envie de sourire à nouveau. Je voulais devenir Nico Barjac, celui qui ne se connaissait toujours pas lui-même avec lui à mes côtés, tant qu'à faire.
— Je sais ce que je veux, Justin, même si j'ai encore pas mal de chemin à faire pour arriver où je dois. Mais justement, je ne veux plus le faire tout seul. Je suis fatigué de nier qu'avec toi tout est meilleur, alors peut-être que le chemin qu'il me reste à parcourir sera plus facile si tu me tiens la main et si moi je tiens la tienne ?
— C'est que je ne comprends pas bien ton histoire de rendez-vous. Je veux dire, toi et moi nous connaissons déjà assez pour savoir ce que nous voulons, non ?
Il me suivit jusqu'au restaurant de sushis. Il m'avait dit une fois qu'il aimait la cuisine japonaise et spécialement ce type de menu quand c'était frais et bien préparé.
— Peut-être, mais je veux faire les choses bien cette fois-ci. Il y a quelques mois, tu as rencontré un mec imbu de lui-même, qui semblait toujours sûr de lui, un peu con sur les bords et dans le placard.
Moi, dans toute ma splendeur.
Je ne sais pas ce que j'espérais qu'il me dise, mais sa façon de sourire, et de tendre la main pour entrelacer ses doigts aux miens me parut la meilleure des réponses.
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