Chapitre 29


    JUSTIN

    Je laissai mes doigts le long de son cou, effleurant ses lèvres des miennes, avant de me perdre dans un baiser avide. Je voulais effacer ce moment de détresse et le laisser partir loin, très loin de mon esprit. Ce baiser était différent de tous ceux que nous avions partagés jusqu'à maintenant. Il n'était ni tendre ni léger, il était intense, furieux, même. Avec beaucoup d'attention, il me souleva légèrement pour me plaquer un peu plus contre lui. Mes mains s'agrippèrent à ses cheveux alors que ses doigts s'enfonçaient dans mon dos.

— Est-ce que tu m'aimes vraiment, Nico ?

— Bien sûr que je t'aime, Justin, sinon je ne serais pas là.

— Ce soir on va faire l'amour, alors, soufflai-je contre sa bouche.

    Il recula la tête contre le dossier quelques secondes, me regardant d'un air indécis, hésitant, cherchant un signe de folie dans mes yeux. Il n'y avait aucun doute dans mon esprit, j'étais parfaitement conscient de ce que je faisais. Il n'avait jamais dépassé les limites que j'avais imposées, à savoir ne jamais aller au-delà de quelques gâteries. Jamais je ne m'étais déshabillé en dessous de la ceinture autrement que dans la pénombre. Le jour de la balade au refuge, quand je l'avais rejoint dans les eaux chaudes du bassin, j'avais gardé mon boxer. Ça couvrait bien ces sous-vêtements, surtout que les marques étaient bien en dessous du nombril, heureusement. Là, j'avais tout simplement envie de lui, et tout de suite. Pour la première fois depuis longtemps, je voulais sentir mon corps nu contre celui d'un autre. Aller jusqu'au bout, me prouver à moi-même que j'étais bien vivant. Que je pouvais encore ressentir. Et je le voulais avec Nico, personne d'autre.

— Justin, ce n'est pas une bonne idée, je ne veux pas que tu regrettes après. Je peux attendre.

— Je ne regretterais jamais tant que c'est avec toi. Allons dans ma chambre.

    Il se leva sans cesser de me regarder et m'emporta jusqu'à ma chambre dont la porte était ouverte. J'étais agrippé à lui comme une moule à son rocher. Il trébucha contre le pied de la chaise sur laquelle il s'était assis en arrivant, et qui gênait face au canapé, jura, mais continua son chemin. Je tendis la main et éteignis la lumière de la salle à manger en passant. Je voulais juste me retrouver avec lui sur mon lit pour aller au bout de mes envies. Nos bouches se cherchaient désespérément, dans un ballet frénétique de langues.

    Il me lâcha, et nos fringues volèrent dans la pièce. Il n'avait pas cherché à allumer l'ampoule du plafond, il valait mieux, parce que de toute façon, elle était grillée depuis que j'avais emménagé et je ne l'avais pas changée. La porte était ouverte et les flammes qui dansaient dans la cheminée suffisaient à éclairer sommairement la pièce. Il avait l'habitude avec moi de se coucher à mes côtés sans me voir clairement. Il ne m'avait jamais posé de questions, même si je l'avais vu froncer les sourcils à plusieurs reprises, mais ne m'avait jamais rien demandé. C'est ce que je préférais chez Nico, parce que ce n'était pas de l'indifférence, juste de la discrétion. Même si ce n'était pas tout à fait faux, la réalité était tout autre. Et puis, cela avait peu d'importance en cet instant. Est-ce que c'était mal sachant que je ne serais certainement un jour qu'un fantôme de son existence ? Peut-être pas, mais je ne voulais pas penser à ça. Et je ne comptais pas m'arrêter, parce que mon désir était beaucoup trop fort.

    Je ne sais pas à quel moment je tombai nu sur la couette. Il me poussa doucement sur le lit et s'éloigna un peu pour me contempler. Ses yeux parcouraient mon corps comme s'ils voulaient graver la moindre parcelle dans son esprit. Et moi, j'étais là, exposé devant lui, vulnérable et à sa merci. Mes mains se posèrent machinalement sur le bas de mon ventre, à la limite de mon pubis où les cicatrices avaient marqué ma chair. Je tournai la tête quelques secondes, incapable de le regarder en face.

    Est-ce que les stigmates de ce que j'avais subi entraîneraient des conséquences sur son désir pour moi ? Je n'en savais rien, mais je ne voulais pas qu'on me voie comme ça, c'était plus fort que moi. Ces stigmates me rappelaient trop de choses et j'avais l'impression qu'en permettant à quelqu'un de les voir clairement, je sombrerais encore dans la dépression si je décelais de la pitié.

    Raison de plus si c'était lui, parce que ça lui rappellerait les risques de ce que nous étions, alors qu'il se donnait tant de mal à le cacher.

— Tu es beau, Justin.

    Mes yeux dérivèrent vers l'érection qui tendait le tissu de son boxer. Ça, c'est moi qui l'avais provoqué, je n'avais aucun doute là-dessus.

    Il s'allongea au-dessus de moi, traçant de ses lèvres un chemin de ma bouche à la vallée de ma poitrine sur laquelle il resta quelques instants avant de redescendre lentement sur mon ventre. Mes gémissements et ma respiration hachée inondaient la chambre éclairée simplement par la lumière de la lune qui passait à travers les branches du chêne complètement déplumé de ses feuilles.

    Peu à peu. Ses lèvres descendirent sur mon ventre. Juste au niveau de mes cicatrices. Il fit courir sa langue sur la peau sèche. Les voyait-il ? Ou du moins avait-il lu les deux lettres que les salauds avaient pris le temps de marquer, ce soir-là ?

    Ça faisait beaucoup trop de questions pour ma pauvre tête. Finalement, quelle importance. Demain, j'aurais le temps d'analyser tout ça et certainement de m'en vouloir aussi.

    Sa langue s'enroula autour de mon gland avant que mon érection qui commençait à retomber avec mes questionnements ne me fasse perdre la tête. Un frisson envahit mon corps. Je n'imaginais plus être capable de ressentir à nouveau cela un jour. Le désir irrépressible, impérieux et incontrôlable. Sa respiration me parvenait, aussi erratique que la mienne.

    Je ne sais pas d'où il ne sortit le sachet de lubrifiant ni le préservatif. Je serais incapable de me souvenir du moment exact où il s'en était recouvert. Mes mains parcouraient son dos avec une certaine appréhension alors qu'il essaimait sur mon cou un chemin de feu avant de revenir sur ma bouche. Je ne saurais plus décrire non plus la sensation de ses doigts plongés dans mon intimité quand ils m'envahirent pour me préparer. Nos yeux se rencontrèrent et je perçus dans les siens un moment de doute, comme une demande de permission. Je ne pus que le serrer avec force un peu plus pour le serrer contre moi, ruant en avant.

    La brûlure fut minime, l'excitation était trop forte, puissante, irrépressible. Ses coups de reins passèrent de lents à rapides. Mes ongles traçaient un chemin sur la peau de son dos alors que mes jambes emprisonnaient son bassin. Deux va-et-vient de plus suffirent à me faire perdre pied. Les premiers spasmes m'envahirent avant qu'un liquide chaud se déverse entre nos deux corps. Je tremblais, submergé dans un monde que je croyais ne plus jamais connaître. Le plaisir entre les bras de quelqu'un. Ceux de Nico.

— Je t'aime, haletai-je alors que son corps s'arquait contre le mien et qu'un grondement s'échappait de sa gorge avant de retomber sur le lit à mes côtés.

    Je n'obtins pas de réponse. Je me contentai de me recroqueviller en me tournant vers lui dans l'attente qu'il passe ses bras autour de moi pour me serrer contre lui. Cela n'arriva pas. Il resta allongé sur le dos. Le dos de la main posée sur ses yeux.

    Et je réalisai vraiment que j'étais à poil, le bas du ventre exposé, avec ces deux putains de lettres qui me narguaient. La lampe de chevet était allumée.

    Ma tête intégra qu'il les avait vues et qu'il réfléchissait. Ce mec avait chamboulé ma vie au point de remettre en question tout et n'importe quoi. Le sexe faisait partie de la vie, mais moi je flippais sans savoir exactement de quoi.

    Il passa ses doigts sur mon ventre. Ma peau s'électrisa à ce contact, mais pas de désir. Là, tout de suite, je ne le supportais pas. Le trop-plein de la soirée du réveillon, suivi de la matinée du jour de l'an, le manque de sommeil et la vue du papi avec son fusil dans le mobil homme c'était la goutte qui avait fait déborder le vase.

    Il tendit à nouveau le bras, éteignit la lampe et je laissai le sommeil m'emporter loin, très loin de tout ça en lui tournant le dos.

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