Chapitre 19
NICO
Je terminai de faucher les fanes sèches des asperges avant de passer la herse pour débuter les sillons. La terre serait au repos jusqu'au mois de février où je ferais un léger chaussage avec un apport en engrais organique avant de faire des butes, recouvertes de plastique. Cela permettait d'accélérer la pousse et de commencer la récolte dès la mi-mars.
Dimanche, ma sœur viendrait passer les deux semaines de vacances de fin d'année avec Rudolf, mon beau-frère. J'étais content de les revoir et ça me permettrait de passer plus de temps avec Justin. Monique m'avait assuré qu'elle trouverait quelqu'un pour s'occuper de notre grand-père. En attendant, je devais me débrouiller, j'avais deux réunions importantes avec les adhérents de la CUMA et Jean-Pierre avait pris ses jours de congé parental. Il était enfin papa d'une belle petite fille.
— Je vais rester avec lui, m'assura Justin sans hésiter en se recouvrant du plaid.
Je n'aurais pas dû lui parler de ça. Je l'avais rejoint chez lui, comme tous les soirs après m'être assuré que mon grand-père était dans son lit. Le temps que nous passions à discuter, à nous embrasser et à nous tripoter, était devenu vital pour moi. Plus que tout le reste. J'avais besoin de le tenir dans mes bras, de me rassurer en constatant qu'il était aussi heureux que moi de me voir.
— Je ne crois pas. Il me faut quelqu'un pour jeudi et vendredi matin, mais je ne peux pas te demander ça, même si ce n'est que pour lui monter son repas du midi puisqu'il refuse toute compagnie. Ce n'est pas parce que tu es parvenu à approcher ce cheval que tu vas réussir à dompter pépé. Il est pire que tu ne l'imagines !
— Et pourquoi pas ? Il est bien descendu avec moi faire pisser son chien le jour où tu as mangé à l'extérieur avec Sylvain et Lionel !
Je me tournai vers lui, ahuri.
— Il t'a accompagné dehors ?
— Oui, pas longtemps, mais il est descendu.
Je n'en revenais pas.
— Bordel de merde ! Ce vieil entêté allait finir par me rendre malade.
— Écoute, je veux essayer si ça peut te rendre service, insista-t-il. S'il me pose un problème, je t'appelle, OK ?
Je méditai quelques instants ses paroles en secouant la tête et me redressai pour m'asseoir contre la tête de lit.
— Je ne serais pas loin, et je serais là en tout début d'après-midi. Putain ! gueulai-je en me levant pour faire les cent pas. Vivement que mon beau-frère et ma sœur arrivent, j'en peux plus !
— J'imagine que ça te soulagera un peu.
— Oui, il leur a laissé la maison après tout. D'accord, j'accepte ton aide, mais au moindre problème tu m'appelles, OK ?
Je revins m'allonger auprès de lui dans le lit en lui tendant les bras pour qu'il vienne se blottir contre moi. Il trifouilla avec ses doigts les quelques poils qui formaient un triangle entre mes pectoraux. Merde, il était magnifique. Mes yeux errèrent sur le corps souple, mince, mais robuste. Depuis sa longue jambe posée sur la mienne jusqu'à son visage. Il releva les paupières et sa bouche qui promettait de grands moments se fendit d'un large sourire. Mon cœur battit délicieusement fort.
— Tu veux oublier pépé ? Attends, tu vas voir.
J'éclatai de rire quand il se mit à califourchon sur mes hanches en ondulant des fesses contre mon bassin. Je caressai son dos avant d'agripper ses cheveux pour l'obliger à baisser la tête. Sa bouche se posa sur la mienne. Elle avait le goût sucré et mentholé de son dentifrice. Je me frayai du bout de ma langue un passage entre les ses lèvres qui s'ouvrirent à moi avec passion. Un baiser qui me consuma. Ma retenue s'envola, s'il restait dans cette position, je ne répondais plus de moi. Mon désir s'éveilla instantanément. J'eus l'impression que la terre allait m'engloutir si je ne faisais rien. Je devais le toucher, l'embrasser, me repaître de lui. J'agrippai fermement ses fesses, et d'un mouvement de hanche le fis basculer pour le surplomber. Ma langue descendit le long de son cou, traçant un sillon humide. Il frissonna quand j'atteignis sa poitrine, gémit quand je descendis sur son ventre. Ses mains s'accrochèrent à mes cheveux comme si je risquais de disparaître. Il y avait peu de chances que je parte, il n'y avait rien chez lui qui ne me rendait pas fou. Il soupira quand mon souffle effleura son sexe qui pointait vers moi dans une invitation. Je relevai les yeux pour le regarder avant de l'engloutir dans la chaleur de ma bouche.
Les baisers n'entraient pas dans le contrat... les turlutes, non plus. Parce que ce n'était pas du sexe, ça, pour lui ?
Merci mon Dieu !
***
Un grognement et le couinement de la chienne me répondirent quand je frappai contre la porte. J'hésitai quelques instants avant d'ouvrir. Zoé en profita pour passer entre mes jambes et dévaler les escaliers.
— Bonjour, pépé, comment vas-tu ce matin ? Je t'apporte ton café au lait et des tartines.
Le petit déjeuner, au moins, il le mangeait sans problème.
— Toujourrrs aussi vieux, me répondit-il de son ton amer habituel depuis le fauteuil où il était assis face à la fenêtre. Laisse ça sur la table. T'as dormi où cette nuit ? Je t'ai entendu partir, mais pas revenir.
Je fis une grimace et posai le plateau sans répondre. Il était tellement aigri, que les paroles qui sortaient de sa bouche n'étaient qu'acidité.
— Et avec la même humeur de merde ! lançai-je, me sermonnant en silence pour mon manque de tact.
— Ça va pas s'arrranger, je me demande ce que je fais encorrre en vie !
— Tu ferais mieux de sortir d'ici au lieu de te lamenter tout le temps, respirer l'air pur te fera du bien, ça sent le fennec dans cette chambre !
— Je sens rrrien, moi et si ça te gêne, t'as qu'à pas entrrrer !
— T'as toujours les mêmes réflexions ! descends avec Zoé au moins !
— Je te rrrappelle que je n'ai plus personne pour me sorrrtir prrromener.
Je m'étranglai presque devant sa mauvaise foi.
— T'es culotté ! je te propose de t'accompagner et tu refuses ! mais t'inquiète, quelqu'un va arriver.
— Je ne veux perrrsonne ! cracha-t-il en frappant sur sa cuisse.
— Ah ! tu vois ! eh bien sache que parfois, ce que nous voulons n'a rien à voir avec ce dont nous avons besoin, répondis-je rapidement sans céder.
— Pourrrquoi foutrrre !
— Pour te monter la bouffe à midi !
— Et c'est qui encorrre !
— Tu verras bien, moi j'ai réunion avec la CUMA, et cette personne vient pour me rendre service, alors j'espère que tu te comporteras comme il faut !
— Pas question, j'ai trrravaillé toute ma vie comme un forrrcené, j'ai quelques sous et si j'ai besoin de quelque chose, je l'aurrrai en payant. Le monde fonctionne comme ça depuis la nuit des temps !
—Paye-toi un meilleur caractère alors ! Je ne te reconnais plus, marmonnai-je en secouant la tête.
— Ça y est, tu m'as donné mal à la trrronche, allez, oust !
Je le regardai, attristé. Jamais plus je ne verrais en mon grand-père l'homme qu'il avait été. Il pensait que je ne comprenais pas sa souffrance, mais il se trompait. Il était empêtré dans une sorte de dépression de laquelle il ne voulait pas sortir. Il se laissait mourir, tout simplement.
— Continue à te vautrer dans ton malheur, je venais te prévenir que Justin s'est proposé alors je voudrais que tu le traites avec respect !
— Je te prrréviens, Nini, l'averrrtissement est de trrrop ! je n'ai virrré aucune aide à domicile que je sache !
Nini... je levai les yeux au ciel.
— Ah non, bien sûr que non, elles sont parties d'elles-mêmes parce que tu as été insupportable !
— C'est pas ma faute si elle prrrennent tout au prrremier degrrré !
— Je te préviens pépé. Justin est une belle personne, il a marché des kilomètres pour ramener ta chienne, et il s'occupe de tes animaux tous les jours en plus du cheval que tu as eu la bonne idée de prendre ici, alors sois sympa pour une fois.
Il émit un grognement animal. Un signe d'avertissement. Ça allait être folklorique, j'avais presque envie de dire à Justin de ne pas venir. Mes mains accrochent la poignée de la porte, mais avant de sortir, je lui lançai un dernier avertissement, d'un ton moqueur.
— Ce coup-ci, cela ne te servira à rien de lui offrir de l'argent pour coucher avec toi comme tu as fait avec la dernière aide à domicile, c'est un mec ! lançai-je, me souvenant du motif pour lequel la dernière femme que j'avais embauché avait démissionné en catastrophe. Monique arrive dimanche, on va voir si tu vas te foutre de sa gueule comme tu le fais avec moi, tiens !
Je refermai la porte derrière moi en regardant ma montre. Le mal de tête menaçait de s'installer et j'étais déjà à la bourre. La tâche risquait d'être plus compliquée que prévu pour Justin.
Plus qu'avec ce cheval fou, peut-être.
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