Chapitre 7 : Louise
La gare de Fréjus, située à une heure de Saint-Tropez fourmille de monde. Vanessa tente de se frayer une place parmi la foule afin de dégoter un billet direction Paris. Le réseau faisait des siennes dans la maison des Legrand, il fallut donc se déplacer pour espérer obtenir une place dans ses trains bondés de vacanciers.
Intimement, Louise espère que Vanessa ne pourra pas partir aujourd'hui. Le séjour de son amie n'aura duré guère longtemps. Quatre jours en tout et pour tout. En même temps, c'est elle qui l'a poussée à rencontrer Patrick Müller mais elle ne pouvait pas deviner qu'il demanderait à la revoir sur Paris !
En l'espace d'une journée, Vanessa ainsi que tous ses proches furent convaincus par la perspective que l'enfant de la famille devienne l'égérie d'une confédération internationale. Alexi félicita sa fille et ne cessa de l'encenser. Nathalie fut ravie de savoir que sa belle-fille risquerait de devenir célèbre. Elias s'extasia en apprenant que sa sœur en personne s'apprêterait à faire le tour du monde.
Matilde et sa tante Bénédicte crièrent de joie au téléphone, alors qu'elles assistaient à une réunion professionnelle. Quant à Alyson, elle n'arrêta pas de lui envoyer des messages, lui donnant déjà des conseils beauté afin de paraître magnifique aux yeux du monde. Pour les Beaumont/Diakos, l'affaire est déjà dans le sac mais Vanessa garde les pieds sur terre. Elle n'est pas la seule à concourir.
D'ailleurs, Baptiste n'hésita pas à le lui faire remarquer. Quel goujat il fait ! Au lieu de la soutenir, il l'assena de reproches, affirmant que Vanessa n'était pas réellement capable de porter un tel poids sur ses épaules. Caroline aussi fut septique à l'annonce de cette histoire folle. Ce genre de chose, dit-elle n'arrive qu'à de très peu de gens !
Louise n'est pas de cet avis ; elle a envie d'y croire et serait tellement heureuse si Vanessa remportait ces élections. Vanessa n'est pas le genre de fille que l'on cache dans un placard. Elle mérite d'être connue, au sens propre comme au figuré ! D'ailleurs, la jeune fille ne doute pas que son amie sera bien entourée.
Patrick Müller est un type absolument fantastique, soucieux de faire entendre la voix de Vanessa. Il l'a écoutée très attentivement lorsqu'elle parlait de son parcours et il n'en fut que plus admiratif. D'après ses dires, cela faisait longtemps qu'il n'était pas tombé sur une jeune fille aussi intéressante qu'elle. Depuis plusieurs décennies, les françaises ne furent pas représenter dans le monde, souvent classées en bas de l'échelle à chaque élection.
Le thème de l'année qui approche lui parlait beaucoup mais aucune des femmes rencontrées jusque là ne l'avaient captivé. De ce fait, Patrick désespérait de ne pas trouver cette perle rare qu'il cherchait depuis des mois. Une femme avec des formes et surtout qui les assume. Non seulement Vanessa correspond à ses recherches mais elle décroche les meilleures notes dans pleins d'autres catégories.
Elle a la chance d'être jeune, intelligente, belle et surtout adorable. Patrick Müller saura la mettre en avant ; Louise en est persuadée. Dans le hall de la gare, l'attente est longue. Louise s'arme de patience en compagnie de sa mère qui eut la bonté de les conduire jusqu'à Fréjus. Le visage peiné de Louise témoigne de sa tristesse. Caroline contourne la valise de Vanessa qui la sépare de sa fille pour la prendre dans ses bras.
- Ne fais pas cette tête, Louise. Tu la reverras à la rentrée. Je te rappelle que Vanessa viendra vivre chez nous.
- Vu ce qu'il l'attend, je doute fort qu'elle emménage chez nous, clame Louise, en tripotant ses cheveux.
- Vois le bon côté des choses, déclare Caroline. On va profiter du reste des vacances avec Baptiste.
- C'est censé me consoler ?
Caroline soupire lorsque Vanessa débarque un billet à la main. Louise croise les doigts pour que son train soit prévu le lendemain.
- Alors ? s'interroge Caroline. As-tu réussi à te dénicher une place ?
- Pas une mais deux ! s'écrie Vanessa, en se trémoussant sous le regard amusé des passants.
Vanessa brandit deux billets en poussant des petits cris surexcités.
- En première classe, ajoute Vanessa, tout sourire. ça m'a couté une blinde mais c'était tout ce qu'il restait.
- Tu n'espères tout de même pas emmener Louise avec toi ! scande Caroline, appréhendant la tournure que va prendre cette journée.
- C'est grâce à Louise que je me lance dans ce projet ! Je ne peux pas continuer sans elle.
Louis sent son cœur battre à cent à l'heure. Elle n'est pas sûre de mériter une amie telle que Vanessa. Personne encore ne s'était donné autant de peine pour essayer d'égayer son quotidien.
- C'est impossible, expose Caroline. Louise n'a pris aucune affaire avec elle.
- Elle non mais moi si, répond Vanessa du tac au tac. J'ai fait rentrer le maximum de ses vêtements dans ma valise. Vous voyez, j'ai tout prévu !
- Tu aurais dû m'en informer avant, s'énerve Caroline. Il est hors de question que Louise s'en aille de cette façon. Maintenant, tu te retrouves avec un billet de trop sur les bras !
Louise est consternée par le caractère décidément très obtus de sa mère. Elle ne la savait pas si égoïste ! Sa mère souhaite juste garder sa fille dans ses jupons car elle se sent indispensable aux yeux de Louise. Cependant et pour la première fois depuis les huit mois qui viennent de passer, la jeune fille souhaite vraiment s'émanciper ! Vanessa constate que son initiative est très mal interprétée ; sa joie vient de retomber tel un soufflet.
- Je ne pensais que cela poserait problème, glisse-t-elle, maladroitement.
- Ne t'en fais pas, répond Caroline. On va essayer de te faire rembourser ton billet.
- Matilde aurait accepté que je parte ! s'exclame soudainement Louise, osant affronter sa mère.
Caroline se retourne lentement sur sa fille. Louise se décompose.
- Tu parles de la mère de Vanessa, je présume ?
Louise n'ose répondre et cherche du réconfort dans le regard de Vanessa qui est autant affolée qu'elle.
- C'est évident que Matilde te paraît incroyablement permissive ! Seulement contrairement à moi, Matilde peut faire confiance à Vanessa. Elle n'a jamais été contrainte d'intégrer sa fille dans une clinique privée pour être certaine qu'elle mange correctement. Et je reste persuadée que Matilde ne redoute pas que sa propre fille retombe dans la délinquance en braquant de modestes commerces.
- Dis tout de suite que je suis une calamité ! renchérit Louise, la gorge nouée.
- Tu es une calamité ! reprend Caroline. Que j'aime profondément mais tu en restes une...
Un silence s'installe. Louise fulmine intérieurement. Sa mère vient de la faire passer pour quelqu'un de la pire espèce, comme si c'était un calvaire de l'avoir pour enfant. Certes, elle a commis des erreurs mais elle s'est lourdement repentie depuis ! Vanessa fait un pas en avant et déclare :
- Je ne veux pas être à l'origine d'une dispute entre vous deux. Caroline, j'aimerais vraiment que Louise m'accompagne...
- Je n'en doute pas mais...
- Elle sera très entourée ! l'interrompt Vanessa, prête à tout pour faire céder sa belle-mère. On va s'installer chez ma cousine, Alyson. Ensuite, mes parents nous rejoindront d'ici quelques jours pour rencontrer Patrick Müller. Mon père dormira à l'hôtel mais ma mère viendra nous tenir compagnie. Ne vous inquiétez pas, on ne sera pas sans surveillance.
Les arguments de Vanessa parviennent à faire mouche. Un choix cornélien s'impose à la mère surprotectrice. Si Louise venait à se mettre en danger, elle ne pourrait jamais se le pardonner. Si seulement Charles était là ! D'habitude, les Legrand prennent ce genre de décisions éducatives à deux... Seulement, depuis que Louise a semé la zizanie dans leur vie, le mari de Caroline s'est considérablement éloigné de sa famille et en prime des problèmes qu'elle cause ! En clair, Caroline doit supporter tous les maux de son foyer sur ses frêles épaules. Non seulement cela n'est pas facile à gérer mais maintenant elle passe pour la mère ingrate et intolérante ! Que sa fille ainée s'épanouisse, elle ne souhaite que ça mais si possible en restant dans son champ de vision. Est-ce si difficile à comprendre ?
- Le train part dans cinq minutes, signale Vanessa, impatiente de fuir cette situation gênante.
Louise supplie sa mère du regard. Caroline réalise qu'elle pourrait combler sa fille pour la première fois en huit mois. Caroline n'est pas aveugle ; elle a bien remarqué que Louise n'avait pas affiché un sourire sincère et rayonnant sur son visage, depuis plusieurs semaines. Ses efforts pour la sortir de sa déprime furent vains. Seule Vanessa possède ce don ; détendre les âmes tourmentées est innée chez cette jeune fille.
- C'est d'accord, finit par lâcher Caroline.
A peine eut-elle prononcée sa permission que Vanessa et Louise lui sautent dans les bras.
- A une condition, poursuit-t-elle. Je tiens à ce que vous m'appeliez plusieurs fois par jours !
- Promis juré, s'écrie Louise, en couvrant sa mère de baisers.
Après des adieux déchirants entre la mère et la fille, Louise pénètre dans le train accompagnée de sa fidèle alliée. C'est véritablement maintenant que les vacances commencent. Les deux amies quittent le Sud pour le Nord sans encombre. Le trajet s'avère long mais comblé par une flopée de films que Vanessa et Louise visionnent sur une tablette.
Le train s'arrête à Paris-Gare de Lyon, en fin d'après-midi. Les filles s'engouffrent rapidement dans un métro, afin d'atteindre le quartier de Montmartre où logent Alyson. Louise ne perd pas Vanessa de vue , tant elle se sent agressée par le monde qui abonde dans les sous-sols de la capitale.
A Deauville, la population est clairement moindre ; Louise est d'ailleurs persuadée que sa ville natale abrite plus de mouettes que d'être humains ! La jeune fille est heureuse de construire sa vie d'adulte dans la ville des amoureux. Toutefois, elle devra considérablement s'affirmer pour trouver sa place parmi ces millions d'habitants...
Dans les alentours de dix-huit heures, Vanessa et Louise sonnent enfin à l'interphone de l'appartement d'Alyson. Cette dernière déverrouille la grille, permettant aux deux jeunes femmes d'accéder à l'ascenseur. Trois étages plus tard, Alyson leur ouvre sa porte, couverte d'un simple bikini. Louise sait d'avance qu'elle ne va pas s'ennuyer !
Elle eut l'occasion de la rencontrer quelque fois sur Deauville sans jamais avoir réellement l'occasion de discuter avec elle. Alyson semble être une fille drôle, agréable et très confiante. Elle est tout le contraire de Louise ; pour cette raison, cette dernière l'aime déjà.
- Coucou les bombasses ! hurle-t-elle sur son paillasson. Bienvenue dans le monde d'Alyson !
Louise découvre un univers cosy et très girly. Les tons pastels gouvernent la décoration du salon ainsi que celle de la petite cuisine américaine. Louise envie son indépendance. Cela n'est pas donné à tous de vivre seule, dans un appart' bien placé et moderne, au sein même de la capitale. La tante de Vanessa semble penser comme Matilde en laissant Alyson mener sa propre vie... Timide, Louise s'assoit sagement sur un pouf et observe de sa place la relation qui lie Vanessa à sa cousine.
- Pourquoi t'es à moitié à poil ? s'étonne Vanessa, en faisant rouler sa valise dans un couloir.
- Je crève de chaud ! se plaint Alyson, en leur servant un verre de jus de fruit. Figure-toi que la canicule ne touche pas que les vieux !
- Achète un ventilo', conseille Vanessa, en s'installant sur un petit sofa couleur crème.
Alyson explique que son ventilateur est justement tombé en panne ce matin-même.
- Soyons clair, clame Alyson avec sérieux. J'aime avoir chaud mais de préférence quand c'est un beau garçon qui me met dans cet état.
- Toutes mes félicitations ! répond Vanessa, en pouffant. Tu as tenu une minute avant d'afficher ta nymphomanie.
Louise ne regrette pas d'avoir quittée les siens. Alyson est une vraie bouffée d'air frais !
- Tu es jalouse parce que tu n'arriveras jamais à égaler mon tableau de chasse, rétorque Alyson en déposant leur boisson sur la table basse.
- Je n'oserai jamais te concurrencer ! affirme Vanessa. Par contre, Louise est libre en ce moment !
Louise fusille Vanessa du regard mais c'est déjà trop tard ; Alyson vient de reporter toute son attention sur la jeune fille pourtant très introvertie. Elle la scrute de son regard de célibataire endurcie et lance :
- Louise, je t'ai cerné ! Tu enchaînes les mecs cherchant activement le grand amour, sans jamais y parvenir. En bref, tu traverses exactement le même problème que moi.
- C'est à peu près ça... souffle Louise, qui ne souhaite pas vexer Alyson.
- Tu as tout faux ! reprend Vanessa, hilare.
Interpellée par l'histoire si mystérieuse de Louise, Alyson la bombarde de questions. Louise y répond sans grand enthousiasme, expliquant sa vie sentimentale dans les grandes lignes. Parler de Léo lui brise encore le cœur. A l'appellation de son prénom, la jeune fille sent les larmes lui monter aux yeux.
- Comment a-t-il fait pour quitter une aussi belle fille que toi ? s'étonne Alyson.
- Tu n'es pas obligée de mentir pour me faire plaisir, rétorque Louise en rougissant. Je sais bien que je ne suis pas une fille sur laquelle les mecs se retournent dans la rue. C'est la vérité, je n'ai rien d'extraordinaire ! J'imagine que c'est pour cette raison que Léo n'a plus voulu de moi.
Sa confession marque une véritable coupure dans l'ambiance jusque là si joyeuse et légère. Alyson et Vanessa se lancent des regards furtifs. L'attitude de Vanessa interpelle davantage Louise. Elle ressemble à s'y méprendre au comportement de sa mère lorsque Louise a le culot d'évoquer sa relation avec son ex. Le regard fuyant, des gestes nerveux et un silence de mort : tout est réunit pour manifester une profonde et grande volonté de changer de conversation. Vanessa tombe dans le piège en s'adressant directement à sa cousine.
- Inutile de ressasser le passé ! Aly', tu as dû rencontrer pleins de mecs à l'université. Tu pourrais en présenter quelque uns à Louise.
- Volontiers ! s'exclame Alyson, retrouvant sa joie de vivre. On n'a qu'à sortir ce soir. Les bars du quartier sont toujours très animés. On aura l'embarras du choix !
Vanessa approuve cette idée. Les deux cousines conversent comme si de rien n'était. Seulement, Louise ne peut passer à autre chose. On lui cache indéniablement un fait plus ou moins grave à propos de Léo. Elle ne sait pas de quoi il s'agit mais elle compte bien le découvrir. Mettant les deux pieds dans le plat, Louise s'enquit alors :
- Vaness', si tu as quelque chose à m'avouer, tu ferais mieux de le faire tout de suite.
- Je ne vois pas de quoi tu parles, lâche son amie, surprise par le ton sec de Louise.
- Je crois que si, au contraire !
Vanessa cherche le soutien d'Alyson mais cette dernière vient subitement de se jeter sur un magazine de mode. Se tripotant nerveusement les pointes de ses cheveux bruns, Vanessa finit par lâcher :
- Avant-hier soir, je suis tombée sur ta mère en regagnant ta chambre et...
Alyson relève soudainement la tête de sa revue et s'écrie :
- Pourquoi t'es allée rejoindre Louise dans sa chambre ? Je n'arrive pas à y croire... Toutes les deux, vous couchez ensemble !
- Pas du tout, assure Vanessa, en levant les yeux au ciel.
- Vaness', tu peux tout me dire, je suis très ouverte d'esprit, déclare Alyson, décidément très têtue. Sortir avec le frère et la sœur en même temps, c'est quelque chose que je n'avais jamais encore tenté. Franchement cousine, tu m'épates !
Vanessa fait volte-face et lui certifie une bonne fois pour toute que sa relation avec Louise est purement platonique. Déçue que la vie amoureuse de sa cousine soit on ne peut plus normale, Alyson retourne à sa lecture avec résignation.
- Caroline a reçu un appel, reprend Vanessa. Il s'agissait de Léo.
- Comment peux-tu en être sûre ? demande Louise, tentant de contrôler ses émotions.
- Elle n'a pas voulu décrocher devant moi et son attitude était vraiment bizarre. Sa panique l'a en quelque sorte trahie. Je suis certaine qu'elle a gardé contact avec Léo.
Louise marque une pause. Cette révélation explique beaucoup de faits étranges. Voilà pourquoi sa mère ne cesse de s'agacer lorsqu'elle le prénom de Léo lui vient aux oreilles ! Tous deux partagent un secret qu'ils ne veulent pas révéler à Louise mais en quoi consiste-il ? Alyson jette tout à coup son magazine sur la table basse et clame :
- Louise, je vais dire tout haut ce que Vanessa et moi pensons tout bas : ta mère couche avec Léo.
- Tu es exaspérante ! renchérit Vanessa. Avec toi, il s'agit toujours d'une histoire de fesses... Louise, je suis persuadée que Léo prend juste de tes nouvelles à travers ta mère.
- C'est ridicule, il peut très bien m'appeler directement...
Vanessa admet que ces appels nocturnes sont tout sauf conventionnels. Finalement, les trois filles ont préféré rester à la maison pour ce soir. Alyson a commandé des sushis qu'elles ont dévorés goulument. Puis, Alyson s'est mise en tête de tester avec ses invités tous les masques de beauté qui reposent dans les placards de sa salle de bain, depuis des lustres. Louise feigne la bonne humeur même si au plus profond d'elle, son esprit est tourmenté par la confidence que lui a faite Vanessa...
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Chapitre 7 : Posté.
MUSIQUE : LIAR LIAR - Cris Cab
Bien ! Louise commence peu à peu à parvenir à la vérité que sa mère tente désespérément de lui cacher. Va-t-elle finir par l'atteindre totalement ?
Quant à Alyson et ses blagues salaces, êtes-vous contents de l'avoir retrouvée ?
Prochain chapitre centré sur Vanessa et Patrick Müller, je vous promets un coup de foudre au rendez-vous ? Sur qui Cupidon va-t-il lancer sa flèche ?
N'oubliez pas de voter et de commenter !!!
Bises !
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