Chapitre 21 : Vanessa (2/2)

Cette fois-ci, c'est l'heure. Sans se retourner sur ses proches, elle entre dans la salle de conférence. Dos au public, elle voit apparaitre cent paires de yeux se tournées vers elle. Vanessa déglutit, face au long escalier qu'elle va devoir descendre dans un silence immuable.

Elle respire un bon coup, avant d'afficher un sourire de connivence. D'un pas serein, elle descend les marches en tentant de montrer une certaine assurance. Des femmes de tous âges sont présentes, le but étant de convaincre des personnalités aussi différentes les unes que les autres.

Elle arrive enfin sur l'énorme estrade. Tenant fermement la télécommande à la main, elle appuie sur un bouton et comme par enchantement, son nom s'affiche sur le rétroprojecteur. C'est le début de sa présentation. Vanessa inspire profondément et s'apprête à réciter bêtement le texte qu'elle s'est entêtée à apprendre ses derniers jours.

Quand soudain, le geste d'une femme assise au premier rang l'interpelle. Cette inconnue tire nerveusement sur son haut, afin de le rendre plus agréable à porter. Elle porte une jolie blouse fleurie mais dont la taille est un peu trop petite pour son gabarit corpulent.

Vanessa sait parfaitement ce qu'éprouve cette femme, elle connait parfaitement quelle fut sa réflexion ce matin, lorsqu'elle se trouva face à son miroir. Souhaitant sortir de l'ordinaire, elle prit la décision de se vêtir d'une tenue moins terne, moins passe-partout, moins ample...

Puis, elle se souvint de ce joli haut qu'elle avait acheté il y a de cela des mois, sans jamais encore ne l'avoir porté. Lorsqu'elle l'enfila, elle fut satisfaite de l'image qu'elle rendait d'elle-même, se persuadant qu'une tenue de la sorte ne pouvait qu'égayer son physique bien charnu.

Sa pensée fut toute autre, quand elle se confronta au monde extérieur. Désormais, cette femme est gênée de s'être permis cet impair. Elle a l'impression que tout le monde la regarde, la juge, la raille... Elle est mal à l'aise dans cette tenue qu'elle ne s'accorde que très rarement de porter.

En l'espace d'une seconde, Vanessa s'identifia à cette femme. Elle sait ce qu'elle ressent mais surtout, elle sait que son discours très impersonnel ne pourra pas la convaincre que sa beauté est véritable. Le regard de Vanessa s'attarde alors sur le fond de la salle. Là se trouve toute son équipe qui l'observe avec appréhension.

Elle leur accorde un sourire, tout en posant la télécommande sur le pupitre. Puis, elle s'exprime librement à l'assemblée, abandonnant ce discours qui ne l'a jamais captivé. Quelque peu incertaine, elle s'exclame en anglais :

« Bonjour à toutes, je m'appelle Vanessa Lyne Diakos, j'ai dix-huit ans. Je vais essayer de paraître la plus sereine possible même si intérieurement, je suis morte de trouille ».

Quelques sourires incitent la jeune fille à poursuivre son monologue.

« En une heure, je dois vous convaincre que je suis la plus apte à porter le drapeau de la tolérance à l'égard de l'apparence durant toute une année. Parmi toutes les candidates que vous avez eu la chance d'admirer, je ne suis certainement pas la plus expérimentée et la plus préparée à tenir ce rôle d'égérie. ».

Profondément choquée par ce retournement de situation, l'équipe de Vanessa la dévisage lourdement.

« Mais, je suis de toute évidence la plus motivée. Je sais ce que c'est que de ne pas rentrer dans les codes si strictes dictés par notre société. Durant une bonne partie de ma scolarité, j'ai vécu l'enfer car mes camarades se servaient de ma différence pour me dominer, me juger, me diminuer.

Je suis persuadée que parmi vous, beaucoup ont malheureusement vécu cette triste expérience. Et c'est justement parce que la société ne nous prépare pas à la différence que les moqueries ne cessent de continuer. »

La plupart des femmes paraissent intéressées par les paroles de la jeune fille et le démontrent en hochant la tête à chacun des mots qu'elle prononce.

« Parce que la technologie évolue, on a vu apparaitre ces derniers temps ce nouveau phénomène qu'est le body shaming, à travers lequel de parfaits étrangers se permettent de critiquer le physique de femmes qu'ils estiment laides.

Et en parallèle, les médias continuent d'encenser les femmes dites belles parce qu'ayant des mensurations de rêve et de vanter les mérites des régimes. Je ne vous cache pas que pendant longtemps, j'ai cru profondément que pour être appréciée, aimée des autres, il fallait que je mincisse.

J'ai donc entamé un régime draconien, sans me préoccuper du mal que je faisais subir à mon corps et à mon esprit. Ce fut un succès puisque je perdis énormément de poids. Malheureusement et en dépit des nombreux kilos dont je m'étais débarrassée, je n'étais toujours pas satisfaite de mon apparence.

Je ne cessais de me comparer aux filles de mon lycée que je considérais plus belles, plus attirantes et surtout plus minces. Jusqu'au jour où j'en eux assez de continuellement me détruire. En raison de mes complexes, je m'interdisais de rire, de vivre, d'être tout simplement moi-même.

Et tout ça, pourquoi ? Pour plaire à des personnes purement superficielles et que je voulais impressionner ! Bien heureusement, ce déclic, je l'ai eu jeune. Mais, j'ai conscience que des femmes bien plus matures ne parviennent toujours pas à s'accepter comme elles sont.

Car mesdames, c'est à cause de nos fichus complexes que l'on passe sans doute à côté d'une belle histoire d'amour, du job idéal, de notre épanouissement personnel ! ».

La femme qui poussa Vanessa à bouleverser le déroulement de sa présentation laisse échapper une larme. Alors, Vanessa comprend. Elle comprend qu'elle a le mérite d'avoir touchée cette inconnue.

« Sachez que je ne fais pas l'apologie des rondeurs. J'ai la chance d'avoir des formes, tout comme les femmes plus minces ont la chance d'avoir une taille de guêpe. Nous avons toutes des qualités qui nous sont propres.

Mon but est donc de mettre sur un piédestal la beauté féminine sous toutes ses formes et la faire accepter à notre société si critique. Je veux que les femmes soient appréciées pour ce qu'elles sont et non pour leur physique.

Je veux qu'on apprenne à respecter la différence, à la saluer voire même à la glorifier. Je veux surtout faire comprendre aux femmes qu'il est important de s'aimer plutôt que de changer afin de convenir à une image totalement stéréotypée ! ».

L'engouement de Vanessa se veut contagieux. L'auditoire semble conquis et applaudit à tout rompre. Très émue, la jeune fille marque un temps avant de réaliser que toutes ses femmes apprécient sa présentation. Finalement, il était inutile de les impressionner. Il suffisait juste de leur parler avec son cœur. C'est justement là que se trouve l'originalité tant cherchée par Vanessa.

« Si je suis élue, je vous promets d'être le porte-parole de toutes ces femmes qui souffrent en silence du regard si dur des autres. Je souhaite redonner confiance aux victimes des moqueries en tout genre et alarmer les harceleurs quant à leur méchanceté injustifiée. Nous le savons : nous n'avons qu'une seule vie alors autant la rendre la plus belle possible ! ».

Cette fois-ci, l'assemblée est déchainée. La quelque centaine de femmes se lève d'un seul coup et salue le discours de Vanessa en la sifflant et en l'applaudissant. Tout au fond, l'équipe de la jeune fille est médusée par sa prise de risque et la réaction si enjouée du public.

Vanessa culpabilise alors de ne pas avoir respecté le travail de Kaitlyn et Christophe en faisant la présentation prévue. Seulement, son angoisse est vite chassée lorsqu'elle aperçoit les sourires glorieux qui se lisent sur les visages de ses professeurs.

Quant à Matilde, Patrick et Anton, ils poussent des cris stridents, enflammés par la foule. Sachant qui lui reste pas moins de quarante minutes pour intéresser l'assemblée, Vanessa se ressaisit et s'enquit :

« Mesdames, depuis le début de l'après-midi, vous avez été spectatrices de diverses prestations. Désormais, je pense qu'il est nécessaire d'échanger les rôles. Je vous invite donc à vous confier et à m'expliquer ce que vous attendez précisément de moi en tant qu'égérie. ».

Cette fois-ci, la salle est étonnamment silencieuse. Des murmures et des sourires timides ont remplacé les applaudissements déchainés. Vanessa croit avoir réellement plombé l'ambiance, lorsque parmi la foule, elle voit une main se lever.

Celle de la femme remarquée auparavant par Vanessa et qui porte ce haut moulant. Vanessa lui sourit et l'invite à la rejoindre sur l'estrade, chose qu'elle fait rapidement. Aussitôt, une discussion s'enchaine, très attentivement suivie par le reste du groupe.

Vanessa découvre que cette femme se nomme Vicky, qu'elle est une mère au foyer qui a pris beaucoup de poids à la suite de ses grossesses et qu'elle peine à aimer son corps depuis.

- Votre changement physique est pourtant le résultat du plus beau cadeau au monde, relève Vanessa. C'est la naissance de vos enfants.

- Je sais bien... murmure Vicky, dans le micro tendue par Vanessa. Seulement, je n'arrête pas de me comparer à ma sœur qui a perdu tous ses kilos de grossesse. Je me dis qu'elle est plus belle que moi, que j'ai l'air d'un gros boudin à côté d'elle.

- Parce qu'elle est mince ? demande Vanessa, même si elle connait la réponse.

Vicky acquiesce. Touchée par cette femme absolument charmante, Vanessa lui saisit la main et rétorque :

- Pour commencer, je vous conseille fortement d'arrêter de vous confronter à l'apparence de votre sœur. Apprenez à vous connaître, à connaître votre corps. C'est à vous de décider s'il a besoin de perdre quelques kilos ou non.

- C'est si facile à dire, lâche Vicky.

- Vous avez raison, affirme Vanessa. Mais, c'est aussi parce qu'on laisse nos complexes se glisser dans notre esprit très facilement. C'est un travail de longue haleine à entreprendre mais ça en vaut la peine. Vicky, promettez-moi d'essayer de changer votre vision de vous-même.

- J'ai trois petites-filles. Plus tard, je désire avant tout qu'elles soient bien dans leur peau. Comme je suis leur modèle féminin, je pense qu'il est essentiel que je réapprenne à m'aimer.

Vanessa appuie ses propos mais lui rappelle qu'elle doit le faire surtout pour elle. Vicky clos leur conversation en embrassant chaleureusement Vanessa, qui n'en attendait pas tant. Vanessa fait ensuite la connaissance d'autres femmes de l'assemblée qui prennent le courage de se dévoiler.

La jeune fille est comblée par la prise de parole de ces inconnues. D'une certaine manière, ce sont elles qui font sa présentation à sa place ! L'heure passe donc à une vitesse folle et lorsque Vanessa est contrainte de quitter la salle, sa sortie est bercée par une ovation grandiloquente. Son équipe l'attend à l'extérieur, excitée par ce retournement de situation.

Les yeux de Matilde sont remplis de fierté. Pour la première fois, Vanessa a la sensation d'avoir clairement accomplie un exploit. Du haut de ses dix-huit ans, elle a enfin eu l'impression d'être écoutée et surtout comprise.

D'autant qu'elle parvint à s'exprimer excellemment dans la langue de Shakespeare ! C'est tout de même triste de réaliser qu'autant de femmes ont souffert de brimade au cours de leur vie... C'est en fin de soirée qu'Every Women dévoile le nom des dix dernières participantes à l'issu de cette deuxième épreuve.

C'est sans grande surprise que le public a voté en partie pour Vanessa mais aussi pour Inaya et Julie. Les autres candidates sont aussi belles que brillantes. Par conséquent, il sera difficile de les départager. Demain se tiendra le défilé, diffusé sur les chaines principales des pays anglophones et sur le câble dans le reste du monde.

Vanessa ainsi que ses concurrentes porteront plusieurs tenues et devront cette fois-ci étaler leur beauté aux yeux du monde. Vanessa est près du but et l'approche du dénouement l'empêche de gagner le sommeil. Le silence qui réside dans sa suite démontre au contraire que ses proches dorment comme des bébés.

Vers minuit, la jeune fille se lève de son lit et ose s'aventurer sur la terrasse qui offre une vue splendide sur l'opéra de Sydney. La température a considérablement chuté durant la nuit et Vanessa réalise que sa petite nuisette n'est pas suffisante pour affronter cette brise automnale.

Mais, la jeune fille ne frémisse guère longtemps car un gentleman du nom d'Anton vient rapidement à sa rescousse en déposant un gigantesque plaid sur ses épaules nues. Vanessa le remercie par un sourire. Puis, tous deux s'installent sur deux chaises longues comme s'ils étaient en plein jour.

Vanessa constate qu'il n'est vêtu que d'un T-shirt et d'un caleçon. D'autres filles pourraient être très en émois face à ce spectacle mais cela laisse Vanessa totalement indifférente. Certes, le physique nordique d'Anton a bien des qualités mais il n'attire en rien le regard de Vanessa.

- Tu as été fantastique aujourd'hui, lance-t-il. Comme toujours d'ailleurs...

- Merci beaucoup, lui répond-elle, tout en se nourrissant de la vue qui se trouve devant elle.

Anton soupire alors bruyamment, incitant Vanessa à se tourner sur lui.

- Qu'est-ce que ce soupir signifie ? s'interroge-t-elle.

- Oh, rien de spécial... lâche-t-il. Je me disais juste que si tu étais à moi, je me battrai bec et ongle pour te rendre heureuse.

- Mais je ne suis pas à toi, rappelle Vanessa.

- Cela n'est qu'une question de temps.

Vanessa écarquille les yeux. Si elle avait su plut tôt qu'Anton pouvait être attiré par elle, cette dernière aurait immédiatement posé des limites dans leur relation. Seulement voilà, une complicité s'est crée entre les deux jeunes gens et Anton se permet maintenant d'agir tout sauf comme un ami le ferait.

- Je suis et resterai profondément amoureuse de Baptiste, assure Vanessa, avec conviction. Et c'est réciproque. Nous deux, c'est fait pour durer !

- Quelle bonne blague ! pouffe Anton.

- Pourquoi ?

- Vous êtes très mal partis pour finir vos jours ensemble. Tu es à Sydney, il est à Paris. Tu demeures incroyable, il est cruellement ordinaire. Mais le pire, c'est qu'il ne réalise absolument pas la chance qu'il possède d'être ton petit-ami puisqu'il ne cherche pas à te contacter.

Vanessa lève les yeux au ciel. Elle devrait le laisser croire ce qu'il lui plait et l'ignorer. Seulement, elle ne supporte pas que l'on s'attaque à son couple et se sent obligée de le protéger coûte que coûte.

- On fait une pause, en ce moment. Juste le temps que le concours se termine.

- La jeunesse te rend naïve. Les pauses se concluent toujours par des ruptures.

- N'importe quoi... dit Vanessa, sans conviction.

Un silence s'installe, ponctué par le sourire arrogant d'Anton et l'inquiétude de Vanessa.

- Est-ce que ? commence-t-elle. Est-ce que tu éprouves des sentiments pour moi ?

- Non, affirme-t-il. Tout du moins, pas encore.

- Anton !

- On est ami, tu l'as dit toi-même, rectifie Anton, afin de la rassurer. Je ne fais que te signaler que ce Baptiste ne te mérite pas.

- Ça n'est pas à toi d'en juger, rétorque-t-elle, en se levant brusquement.

Elle repose son plaid sur sa chaise longue désormais vide. Puis, elle fait volte-face pour regagner sa chambre. Anton l'interpelle. Vanessa s'arrête mais ne se retourne pas pour autant. Il s'exclame alors :

- La célébrité transforme les gens. Je préfère te prévenir : ta relation risque de vivre bien des mauvais jours car on sait tous les deux que tu remporteras le concours.

Vanessa l'ignore royalement et regagne sa chambre. Malheureusement, son avertissement hante son esprit et la jeune fille espère bien qu'il ne sera pas prémonitoire...

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Chapitre 21 : Posté.

Deuxième chapitre concernant le concours. Par son honnêteté et son charme, Vanessa a su conquérir le cœur de toutes ses femmes. Reste à savoir si elle saura convaincre le jury lors du défilé...

Plus sérieusement, on remarque qu'Anton se dévoile peu à peu. Ses intentions envers Vanessa sont elles réellement bonnes ?

N'hésitez pas à voter et à commenter !

Bises !!!


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