Chapitre 2 : Louise
Plongée dans une rue piétonne noire de monde, Louise a l'impression d'être en enfer. Les gens ne cessent de la regarder. En effet, de vulgaires inconnus la dévisagent pour une raison qui lui échappe. Quoique non... Tous doivent sans doute la juger trop moche pour oser se promener à la vue de tous. Pourtant, la jeune fille est habillée très sobrement : un vulgaire T-shirt et un jean qui lui tient cruellement chaud en cette période estivale.
Sa gêne demeure si forte qu'elle accepterait de faire n'importe quoi, juste pour devenir invisible. Désespérée par cette situation, Louise s'accroche à sa mère comme une petite fille en mal d'amour. Elle a accepté de sortir sous la contrainte. Caroline souhaite que sa fille active considérablement sa vie sociable qui se voit totalement inexistante, à l'heure actuelle.
Le reste de son année scolaire, Louise la passa exclusivement dans une salle de classe et sa chambre. Les fêtes et les sorties avec ses camarades partirent aux oubliettes... Constamment surveillée par sa mère, Louise travailla sans relâche afin de s'assurer un avenir glorieux dans ses études. Au final, elle obtint son bac avec mention et s'assura une place dans une école prestigieuse de journalisme.
Cette réussite scolaire, Louise la doit bien évidemment à sa mère qui ne la lâcha pas d'une semelle. Si elle n'avait pas été là, la jeune fille aurait sans doute trouvé mieux à faire... comme errer dans les rues pour braquer des supérettes... Effectivement, on peut dire que Caroline a sauvé la vie de sa fille en décidant de la reprendre en main. C'est d'ailleurs l'une des rares personnes qui ne lui tourna pas le dos.
Depuis l'accident de Baptiste, son père l'évite à tout prix, en triplant ses déplacements. Son frère ne lui adresse plus la parole et Jeanne ne la regarde plus comme avant. Seules sa mère et Vanessa lui sont restées fidèles malgré le mal qu'elle leur a causé. Louise leur en est profondément reconnaissante, particulièrement envers Vanessa qui s'est toujours montrée indulgente avec elle.
D'ailleurs, son unique amie s'apprête à lui faire le plus beau des cadeaux en venant passer le reste des vacances à ses côtés. Louise s'impatiente de retrouver Vanessa qui saura égayer son quotidien. En attendant, la jeune fille est piégée parmi une foule d'inconnus qui semblent la scruter sans besogne. Caroline s'arrête soudain devant la vitrine d'une boutique de vêtements branchés.
- Cette robe t'irait à merveille ! déclare-t-elle, avant de disparaître dans le magasin.
- Maman ! Reviens tout de suite !
C'est déjà trop tard ; Caroline fait signe à sa fille depuis l'intérieur. Résignée, Louise pénètre dans une véritable caverne d'Ali Baba, dans laquelle nombre de jeunes filles cherchent des tenues légères. Elle se sent perdue dans cet univers qui lui renvoie l'image désastreuse qu'elle a d'elle-même en pleine figure. Loin de s'attarder sur les réticences de sa fille, Caroline déambule dans les rayons comme un poisson dans l'eau.
Chaque vêtement qu'il lui tape à l'œil se retrouve dans le panier qu'elle a trouvé, à l'entrée du magasin. Bien sûr, aucun ne lui est destiné ; la mère de famille rêverait de voir sa fille porter ces ensembles modernes et colorés. Louise tente de calmer l'excitation de sa mère, en la sommant de cesser d'attraper tout ce qui gagne son regard.
- J'adore l'esprit de cette boutique. Les vêtements sont frais et d'actualité, constate Caroline. Tu sais, il est temps de renouveler ta garde-robe !
- Je ne suis pas de cet avis, souffle-t-elle, en croisant les bras.
Caroline s'arrête net et se retourne sur sa fille pour lui tendre son panier rempli de fringues. Puis, elle passe la main dans les cheveux de Louise avec tendresse.
- Fais-moi plaisir et va les essayer, supplie Caroline. De tout de façon, tu n'as rien à perdre !
- C'est une perte de temps, s'agace Louise, en se dirigeant précipitamment dans une cabine d'essayage.
La jeune fille se déshabille en vitesse, sans jeter un œil sur l'énorme miroir qui reflète son corps de haut en bas. Elle saisit le bout de tissu en haut de la pile et constate en l'enfilant qu'il s'agit d'une robe légère, à volants bleu marine.
Louise marque une pause, tête baissée avant d'oser affronter la réalité. Selon elle, le résultat est détestable... Cette tenue ne la met pas en valeur. Elle la tasse, révèle tout ce qu'elle déteste et la rend mal à l'aise. Caroline glisse sa tête dans la cabine et dévoile un sourire satisfait sur son ravissant visage.
- J'ai beaucoup de goût, se félicite Caroline. Je pourrais parfaitement me reconvertir dans une carrière de styliste.
- Dans ce cas, ne compte pas sur moi pour être ta cliente, crache Louise, avec désespoir. Cette robe me rend affreuse ! Elle me boudine...
Sa mère se rapproche de sa fille afin de cintrer la robe qu'elle porte. Louise ne masque pas son dégout face à son reflet. Caroline l'encense à en perdre haleine mais rien n'y fait.
- N'insiste pas, conseille Louise. Mon corps a la forme d'une bonbonne de gaz là-dedans.
- C'est une taille 36, Louise, explique Caroline. Tu ne peux pas être plus mince.
- Bien sûr que si ! Il y a un an, je rentrais dans du 32, rappelle Louise, avec nostalgie.
- Il y a un an, tu étais anorexique ! s'énerve la mère de famille. Tu ne fais aucun effort. C'est consternant !
Louise fronce les sourcils. La gronder n'arrangera pas son manque de confiance en elle. Cela dit, elle comprend l'agacement de sa mère qui ne cesse de tout entreprendre pour soulager l'âme de sa fille. Caroline sort de la cabine sans un mot. Louise s'oblige alors à poursuivre ce calvaire qu'est cette séance d'essayage en faisant mine de ne pas se détester.
Caroline apprécie la peine que se donne Louise pour lui faire plaisir. Chacune des tenues lui sied à merveilles et Caroline s'inquiète de l'opinion que Louise a d'elle-même. Elle est si faussée que c'en est déroutant. Les derniers mois durant lesquels Caroline lui a répété qu'elle était tout bonnement belle furent vains. La quinquagénaire est désespérée et ne cesse de se remettre en question. En tant que mère, Caroline est censée trouver une solution à chaque problème que rencontre ses enfants.
Seulement, Louise n'a toujours pas trouvé l'issue qui l'amènerait à oublier ses complexes. Le supplice de Louise s'achève sur un maillot de bain deux pièces aux imprimés psychédéliques. Autant dire que cette séance de shopping ne se termine pas du tout en beauté. C'est bien simple, Louise ne se supporte plus. Sans prendre de précaution, Caroline tire brutalement le rideau qui sépare Louise du reste de la clientèle.
En face d'elle, une jeune fille, elle aussi accompagnée de sa mère porte exactement le même maillot de bain. La gêne de Louise est perceptible. L'inconnue qui porte fièrement le bikini dévisage Louise et la mère de celle-ci s'en donne aussi à cœur joie. Caroline lance alors pour détendre l'atmosphère :
- Une chance que vous ne vous soyez pas rencontrées sur la plage !
- C'est clair, assure la jeune fille. On aurait été ridicule.
Loin d'être amusée par cette situation, Louise s'engouffre dans la cabine pour mettre fin à cette mascarade. Là en ce moment-même, elle rêverait de se glisser dans la peau d'une toute petite souris. Les larmes coulent spontanément sur son visage juvénile.
Elle se demande pourquoi sa mère l'oblige constamment à affronter son physique. Cela ne rime à rien si ce n'est à la rendre davantage triste. Caroline perçoit les pleurs de sa fille et s'empresse de la consoler.
- On arrête le massacre, lui promet-elle. Je voulais juste te voir dans des tenues moins ternes.
- Pardonne-moi. Je gâche tout, comme d'habitude.
- Ne raconte pas de sottises, dit Caroline. C'est de ma faute. Je n'aurais pas dû m'énerver. Maintenant, on fait ce que tu veux ! De quoi as-tu envie ?
- D'être seule, avoue Louise, en se rhabillant. Seule pour au moins une heure.
La jeune fille sort de la cabine, les joues encore embuées de larmes. Sa mère recadre sa montre pour s'informer de l'heure qu'il est.
- Il est onze heures. On se retrouve à midi tapante, sur la grande place pour manger au restaurant.
- Merci maman ! s'écrie Louise, avant de décamper.
La jeune fille fuit la foule, au plus vite et regagne un petit square qu'elle avait aperçu en se promenant avec sa mère. Ici, il n'y a que des enfants jouant et des parents les surveillant. Louise s'installe sur un banc, idéalement placé sous un chêne qui lui permet de se reposer à l'ombre. La jeune fille s'adonne alors à l'une de ses activités favorites, celle de prendre des nouvelles de son ex petit-ami sur les réseaux sociaux.
Grâce à internet et ses inventions, elle a appris que Léo partageait sa vie avec une belle brune à la peau mate. Chaque jour, le couple manifestement amoureux poste des nouvelles photos de tous les deux s'embrassant langoureusement, derrière un paysage paradisiaque. Léo semble heureux, bien plus qu'il ne l'était avec Louise. A l'époque, elle malmenait les nerfs de Léo en piquant des crises de jalousie et en le harcelant pour qu'il ne regarde qu'elle. A cela, on ajoute ses troubles alimentaires qui la rendaient infâme...
Au fond, la jeune fille comprend qu'elle a fait fuir le garçon dont elle est amoureuse depuis maintenant six ans. Il n'empêche que la manière dont il l'a quittée est tout sauf honorable. Un « c'est fini entre nous », au téléphone, cela n'a rien d'élégant... Son manque total de galanterie aurait dû contraindre Louise à le détester.
Cependant, son cœur bat indéniablement pour Léo. Quelle tragédie ! Elle aime un homme qui coule des jours heureux avec une fille qui n'est pas elle... Perdue dans ses tourments, sa petite heure de liberté passe à une vitesse folle. Elle se dirige donc à l'endroit qu'elle a convenu avec sa mère. Cette dernière l'attend, les mains prises par des sacs. Louise l'interroge du regard.
- Finalement, j'ai acheté les vêtements pour Jeanne, explique Caroline. Mais, j'espère tout de même que tu finiras par les piqués à ta sœur.
- On ne sait jamais, affirme Louise, même si elle en doute.
Caroline prend sa fille par le bras puis elles partent à la recherche d'un restaurant offrant des plats alléchants. Elles se mettent d'accord sur une jolie taverne proposant de savourer des mets du sud. La mère et la fille s'installent en terrasse, aux yeux et à la vue de tous, pour le plus grand malheur de Louise. Elle cache sa gêne tant bien que mal et s'attarde sur la carte qu'un serveur lui a tendue. L'alimentation de la jeune fille est tout ce qu'il y a de plus saine.
Louise se nourrit de manière équilibrée, sous le regard très attentif de sa mère. La vie de la jeune fille est redevenue tout à fait normale. Louise a compris qu'il était préférable de rester en bonne santé, pour elle en premier lieu mais aussi pour ses parents. Elle ne peut se permettre de les faire souffrir une nouvelle fois. Leur commande passée, Caroline s'exclame alors :
- Baptiste m'a appelée il y a cinq minutes...
- Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
- Qu'il prenait l'avion avec Vanessa pour Saint-Tropez, demain matin ! s'écrie Caroline, enjouée de retrouver son fils adoré. Tu te rends compte, ton frère a décidé de finir ses vacances avec nous.
- C'est plutôt Vaness' qui en a décidé ainsi. Elle vient me tenir compagnie et comme Baptiste ne peut se passer d'elle, il la suit.
- Et dire que je pensais que je lui manquais... soupire sa mère, regrettant ce fils qui pendant son enfance, n'avait d'yeux que pour elle.
Louise hausse les épaules, ne sachant que répondre. Elle ne s'intéresse guère aux états d'âme de Baptiste qu'elle n'a pas beaucoup vue ces derniers mois. Depuis son passage à l'hôpital, suite à cette chute infligée par Damien, Baptiste se montre irascible, impatient et peu avenant. Particulièrement envers Louise qu'il n'a toujours pas pardonnée pour ses actes immatures mais aussi et surtout pour avoir osée clamer qu'elle ne le considérait pas comme étant son frère.
Louise regrette ses paroles et Baptiste en a conscience. Pour la simple et bonne raison que la jeune fille le lui a fait comprendre de toutes les manières qui puissent exister. Elle lui a exprimé ses remords de vives voix, par des lettres écrites avec émotion ainsi qu'à travers des personnes interposées, telles que sa mère, Vanessa et Jeanne.
Baptiste ne cilla pas ; il n'excusera jamais sa parole malencontreuse qui n'aurait jamais dû être prononcée. Louise s'est faite une raison : elle ne peut le forcer à lui parler s'il ne le souhaite pas. Le temps favorisera peut-être leurs rapports...
- Vanessa et Baptiste sont inséparables ! se plaint Caroline. Quant à Jeanne et Elias, je préfère me passer de commentaires les concernant.
- C'est vrai qu'ils sont très unis, répond Louise.
- De vrais siamois ! C'est à peine si ta sœur se souvient qu'elle a une famille en dehors d'Elias. Heureusement que j'ai ma petite Louise ! Toi, au moins, tu ne risques pas de m'abandonner pour un garçon.
Louise fronce les sourcils. Sa mère sous-entend que sa vie ressemble à celle d'une vieille fille. Une gentille pucelle, dévouant sa vie à sa maman adorée. Vivre une histoire d'amour comme ses frères et sœurs, Louise n'attend pourtant que ça !
- Maman ? prononce la jeune fille, penaude.
- Oui...
- Est-ce que tu crois que Léo m'aime encore ? demande Louise, honnêtement.
Caroline attrape aussitôt un morceau de pain qu'elle engloutit bruyamment. Son regard est fuyant. Louise est dans l'incompréhension. A chaque fois qu'elle évoque Léo, sa mère se mue dans un silence de plomb. C'est systématique et surtout regrettable car la jeune fille hésite toujours à se confier sur son ancienne relation avec sa mère.
- Maman, réitère Louise. Je t'ai posé une question.
- Et je m'apprêtais à t'y répondre, lâche-t-elle. Vois-tu, ma chérie... il arrive que dans une relation, l'un éprouve des sentiments plus forts que l'autre...
- Ce qui signifie ? s'interroge Louise.
- Je pense que Léo t'appréciait beaucoup mais ne t'aimait pas suffisamment pour rester avec toi.
Louise soupire. Sa mère dit sans doute vraie, sinon Léo serait avec elle, à cette heure-ci.
- J'aimerais tellement trouver quelqu'un qui m'aime vraiment...
- Ça arrivera, assure Caroline. Mais par pitié, raye Léo de ton esprit.
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Chapitre 2 : Posté
Les complexes de Louise dominent et gouvernent encore son quotidien. Qu'en pensez-vous ?
Quant à Léo, croyez-vous qu'il réapparaitra dans la vie de la jeune fille ?
Rendez-vous samedi prochain pour le chapitre 3, centré sur Baptiste en personne !
N'oubliez pas de voter et de commenter.
Bises!!!
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