Chapitre 11 : Baptiste (1/2)

Baptiste erre comme une âme en peine dans cet appartement que sa mère considère comme étant leur cocon familial. Le jeune homme n'a pas l'impression de vivre chez lui. Certes, on a fait rapatrier la plupart de leurs meubles qui occupaient leur maison à Deauville, mais il n'empêche que ce lieu reste très impersonnel.

Ironie du sort, Baptiste se sentait davantage à l'aise dans la demeure grecque des Diakos plutôt qu'ici. Il en connait la raison. Vanessa partageait son quotidien. Il avait la chance de vivre chaque seconde à ses côtés. C'est un fait avéré, Baptiste pourrait vivre n'importe où et s'y sentir bien uniquement en la présence de sa petite-amie.

Le jeune homme n'a cessé d'essayer de joindre cette dernière, depuis son arrivée sur Paris. Ses tentatives de réconciliations furent vaines. Vanessa reste cruellement inaccessible, n'ayant même pas pris la peine de se déplacer pour voir l'appartement dans lequel elle sera amenée à vivre dans les prochains mois. Caroline a d'ailleurs tout prévu.

Elle a attribué la plus grande chambre au jeune couple. On y trouve deux bureaux placés l'un à côté de l'autre, deux placards afin que les tourtereaux ne mélangent pas leur garde-de-robe, ainsi que deux tables de nuits et bien d'autres objets, tous achetés en double. Baptiste passerait bien ses journées dans cette pièce tant elle est confortable mais il n'en voit pas l'intérêt sans la présence de Vanessa.

Par conséquent, il a passé ses deux dernières nuits sur le canapé du salon, à veiller tel un zombie devant la télévision. Ses migraines persistent, l'empêchant totalement de trouver le sommeil. Seulement, ce n'est pas ce qu'il le préoccupe... Apprendre à ses dix-huit ans que l'on possède un frère qui partage entièrement son patrimoine génétique n'est pas une révélation que l'on parvient à digérer du jour au lendemain.

Dissocier des jumeaux à la naissance entre certainement dans la liste des pires crimes commis au monde. Comment une personne normalement constituée peut-elle provoquer la séparation de deux êtres humains unis avant même d'avoir été mis au monde ? Pire qu'une simple erreur, c'est une infamie !

Baptiste ne sait pas si cette décision fut prise par les personnes chargées de son adoption ou tout simplement par la femme qui lui donna la vie. La deuxième option ne l'étonnerait pas. De tout de façon, il imagine cette femme capable des pires choses... Sa lettre ne dit pas grand-chose. Juste qu'elle espère que Baptiste lui pardonnera de l'avoir abandonné et qu'il a la chance d'être uni par un lien infaillible avec ce Pablo.

Pour le moment, Baptiste n'a guère évoqué le sujet avec ses proches. Son père l'a bien évidemment contacté, ayant été averti par sa femme. Il fut ébranlé par la nouvelle et s'en voulut de ne pas avoir consulté cette fichue lettre des années plus tôt. Jeanne réagit avec joie, contente que la famille s'agrandisse. Baptiste aimerait la ressembler davantage ; tout semble si facile pour elle. Jeanne se veut optimiste et relativise en toutes circonstances.

Quant à Caroline, elle resta étrangement silencieuse ces derniers jours, tentant désespérément d'avaler la pilule. Du coup, elle se réfugia dans le travail et occupa son temps par des heures insensées qu'elle accorda volontairement à ses patients. Du moins, un en particulier... Le soleil tombe pour laisser place aux étoiles.

Caroline rentre du travail, le repas du soir dans ses mains. Elle retire ses chaussures et les fait virevolter dans un coin de l'entrée. Baptiste reste avachi sur le canapé et change de programmes télévisuels toutes les trente secondes. Sa mère dépose un baiser sur son front, avant de contourner le sofa pour s'asseoir à ses côtés. Elle farfouille dans son sac en carton, décoré du logo d'un restaurant japonais et en sort tous un tas de mets asiatiques qu'elle installe sur la table basse.

- Je t'ai pris des nouilles, dit-elle en lui tendant une boite en carton.

- Je n'ai pas faim... marmonne-t-il.

- Oh... je t'en supplie, ne me dis pas que tu es en train de développer une sorte de phobie pour la nourriture ! ironise-t-elle.

Baptiste fait non de la tête, n'appréciant pas sa mauvaise plaisanterie. Caroline tend l'oreille en direction du couloir puis se tourne totalement vers son fils.

- Où est ta sœur ?

- Dans la salle de bain. Elle s'applique un genre de masque sur le visage. Je crois que ça va prendre du temps...

- J'ai l'impression que son séjour chez Alyson lui a redonné confiance en elle. Dire que c'est ce que j'essaye d'entreprendre depuis des lustres ! Entre Louise qui s'épanouit quand je ne suis pas là, Jeanne qui ne cherche plus à me joindre et toi qui m'en veut pour cette histoire incroyable concernant ta naissance, je constate que j'échoue cruellement dans mon rôle de mère.

Baptiste ne tente pas de la consoler ; elle a raison. Pour le moment, elle n'est guère un modèle de perfection... Comprenant que son fils n'est d'aucun réconfort, Caroline se jette sur la nourriture et accorde une très grande importance à de vulgaires nems. Baptiste sait que sa nonchalance cache une profonde angoisse.

Elle a peur de mener des recherches pour connaître le frère de son fils adoptif. Elle tremble à l'idée que sa fille apprenne que Léo est atteint d'un cancer foudroyant. Elle craint même que sa fille cadette ne l'oublie définitivement, en la laissant poursuivre son cursus scolaire à Deauville.

- Tu es sûre que tu ne veux pas manger ? réitère Caroline.

- Certain !

- Fais attention ! Je risque de tout dévorer avant que tu changes d'avis !

- Maman, arrête de faire semblant de bien aller, rugit Baptiste brusquement. Parle-moi plutôt de Léo.

Caroline appuie son index sur la bouche de son fils, en regardant en direction du corridor.

- Ta sœur pourrait tout entendre, s'inquiète Caroline.

- Elle est en pleine discussion avec Alyson qui lui fait grâce de ses conseils beauté. On parle d'Alyson, maman ! répète Baptiste, avec fatalité. Leur conversation devrait durer des heures.

Sa mère opine, consciente que la cousine de Vanessa est une véritable pipelette. En revanche, elle prend soin de fermer la porte du salon, avant d'oser évoquer la maladie de Léo.

- Son état est redevenu stable. Mais, tout cela ne peut pas durer. On peut vivre avec lymphome si l'on décide de se soigner mais Léo campe sur ses positions. Je n'arrive pas à comprendre qu'un jeune homme de son âge n'ait plus le goût de vivre.

- Peut-être que Louise pourrait changer la donne, souligne-t-il.

Caroline le fusille du regard.

- Un garçon gravement malade et sans perspective d'avenir, c'est vraiment ce que tu souhaites pour ta sœur ? s'offusque-t-elle.

- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

- J'espère bien ! clame-elle. Tu ferais mieux de t'occuper de ton couple. Je crois savoir que Vanessa ne t'a pas contacté une seule fois depuis notre arrivée à Paris. Il serait temps que tu réagisses !

Baptiste dévisage sa mère. Jamais elle ne lui avait parlé aussi crûment. La situation que lui impose Léo fait d'elle une femme aigrie qui pousse ses enfants à s'éloigner d'elle. Cependant, la remarque de sa mère aussi sèche fut-elle, ne passa pas dans l'oreille d'un sourd. Caroline a raison ; Baptiste laisse Vanessa s'échapper sans tenter de la retenir alors qu'il aime éperdument.

Il agit comme un lâche, plaignant sa condition sans y remédier. Ce constat l'amène à se remettre en question. Tandis que Baptiste médite amplement sur sa relation, Caroline lui évoque les recherches qu'elle compte mettre en œuvre pour retrouver son frère jumeau. Baptiste n'est pas prêt à en parler. Sa priorité consiste à renouer les liens avec Vanessa.

Décidant de prendre le taureau par les cornes, il fait faux bond à sa mère pour se rendre chez Alyson. Vanessa lui manque et Baptiste ressent la nécessité de s'expliquer avec elle. Tel un prince charmant venant à la rescousse de sa princesse, Baptiste s'aventure dans les rues de Paris qu'il ne connait encore que moyennement afin de rejoindre Vanessa.

Après un passage éclair dans les souterrains de la ville, Baptiste sort du métro et atterrit dans le quartier de Montmartre. Les rues lui sont familières. L'année dernière, Alyson l'avait convié avec Vanessa dans son appartement afin de l'aider à emménager. C'est d'ailleurs durant ce séjour que Baptiste prononça son premier « je t'aime » à Vanessa.

Le jeune homme parvient rapidement chez la cousine de cette dernière. Sur le palier de son appartement, il hésite quelques secondes avant de frapper à la porte. Alyson l'accueille aussitôt. Ravie de sa visite, elle l'embrasse chaleureusement.

- J'étais justement au téléphone avec Louise ! explique-t-elle, en l'incitant à rentrer.

- Je sais, répond Baptiste. Louise t'écoutait très attentivement lorsque tu lui parlais de ton masque aux œufs pour obtenir une chevelure d'enfer.

Le jeune homme accompagne sa réponse de mimiques propres aux manières d'Alyson. Loin d'être susceptible, cette dernière se met à rire face à la prestation de Baptiste qui se montre très ironique. Il n'y a pas de doute, l'atmosphère semble bien plus grivoise ici que chez les Legrand.

- En attendant, mes cheveux sont bien plus soyeux que les tiens ! réplique Alyson.

- Avec tout le mal que tu te donnes pour qu'ils le soient, le contraire serait cruelle, affirme Baptiste.

Parvenant jusqu'au salon, Baptiste découvre avec déception que Vanessa ne s'y trouve pas. Alyson remarque son amertume et s'oblige à la faire disparaître.

- Tu as de la chance. Vaness' vient juste d'arriver. Elle prend une douche, dit-elle, en lui désignant la salle de bain.

- Je peux y aller ? demande-t-il en tentant de maitriser sa joie.

N'y voyant aucun mal, Alyson hoche la tête. Le jeune homme s'y dirige. Pire encore, il y court ! Sans annoncer sa présence, il entre dans la pièce sentant le gel douche à plein nez. La seule glace de la salle de bain n'est plus qu'une buée à elle toute seule. Vanessa a toujours aimé prendre sa douche très chaude.

Visiblement, la canicule ne bouleverse pas son habitude. Vanessa chantonne ou plutôt massacre une chanson de Beyonce. Baptiste sent son cœur battre la chamade. Rien qu'en entendant le son de sa voix, le jeune homme comprend que les sentiments qu'il éprouve pour Vanessa sont encore plus forts que lorsqu'ils se sont quittés. Très heureux, Baptiste lâche soudainement :

- Tu me feras penser de ne jamais organiser une soirée Karaoké en ton honneur.

Surprise, Vanessa laisse échapper un cri, lui-même suivi d'une belle chute au beau milieu de la baignoire. Baptiste voit rouge et veut l'aider mais Vanessa lui interdit de bouger. Cette dernière se relève maladroitement, en s'appuyant sur les rebords de la baignoire. Baptiste tente de réfréner un fou rire qui pointe son nez à vue d'œil. Vanessa le devine et s'écrit :

- Ce n'est pas drôle ! Tu m'as prise au dépourvu !

- Désolé. Je ne voulais pas te faire peur.

Vanessa met fin à sa toilette. Elle laisse entrevoir sa tête derrière le rideau de douche. Baptiste lui sourit de toutes ses dents. A l'inverse, Vanessa demeure sans expression.

- Passe-moi ma serviette s'il te plait, lui demande-t-elle.

- Tu es pudique, maintenant ! s'amuse Baptiste. C'est bien nouveau...

- Nous sommes en froid, rappelle-t-elle très justement. J'estime que tu ne mérites pas de me voir à poil pendant cette période.

- Pourtant, ça calmerait les tensions, laisse-t-il entendre.

Vanessa s'impatiente. Baptiste cède à sa requête en attrapant une serviette. Choisissant de jouer avec ses nerfs, il agite l'objet de ses fantasmes sous ses yeux sans qu'elle ne puisse l'atteindre. Face à la bonne humeur de Baptiste qui se veut contagieuse, Vanessa se détend quelque peu. Le jeune homme s'en aperçoit et en profite pour l'embrasser alors qu'elle se trouve encore sous la douche.

Vanessa ne le repousse pas mais attrape sa serviette qu'elle noue autour de son corps. Baptiste lui tend sa main afin qu'elle sorte de la baignoire. Se tenant l'un devant l'autre, Vanessa et Baptiste n'hésitent pas à se prendre dans les bras. Baptiste se sent presque renaître. Il avait oublié qu'elle sentait si bon, qu'elle était si belle, si attirante et que sa présence lui apportait un profond bien-être.

- Tu m'aimes encore ? demande-t-il avec inquiétude.

- Evidemment. Je dirais même que je t'aime toujours, assure-t-elle, mettant fin à leur dispute.

Baptiste ne pouvait rêver mieux comme réponse. Comblé par ses retrouvailles inattendues, le jeune homme lance alors :

- Je t'invite à dîner ! J'ai vraiment besoin de te parler.

- Me parler de quoi ? s'interroge-t-elle, en attachant ses cheveux pour appliquer une crème sur son visage. De la fille que tu as rencontré dans un supermarché de Saint-Trop' ?

- Elle n'existe même pas, garantit Baptiste. Je l'ai inventé pour te rendre jalouse et il semblerait que cela ait marché...

Vanessa hausse les épaules, masquant vainement son soulagement. Elle s'applique alors à effectuer un maquillage plus prononcé pour le soir. Baptiste n'en demandait pas tant. Seulement, elle rompt ses illusions lorsqu'elle s'exclame :

- On devra reporter cette sortie à plus tard. Je suis déjà prise ce soir.

- Tiens donc... Je constate que notre dispute te t'a en rien bouleversée. Moi, je n'ai pas arrêté de penser à nous, à notre couple... alors que toi t'avais juste envie de faire la tournée des boîtes avec ce Patrick.

Vanessa fouille dans sa trousse de maquillage, comme si rien n'était. Sa perpétuelle nonchalance déstabilise Baptiste. Il serait plus facile pour lui qu'elle se défende et qu'ils en viennent à se quereller. Seulement, la jeune fille l'ignore voire le laisse s'énerver et monter dans les tours sans intervenir. Après tout, Baptiste n'a pas besoin d'elle pour se fâcher. Baptiste finit par se taire ; Vanessa lui sourit.

- Tu n'as qu'à m'accompagner.

- Comment ça ? s'étonne Baptiste.

- Tu viens avec moi, répète Vanessa. Il y aura effectivement Patrick mais aussi ma mère qui ne le lâche pas d'une semelle. C'est le prix à payer pour passer la soirée avec moi. Je ne peux pas faire refuser l'invitation de Patrick.

Baptiste aimerait négocier mais il sait pertinemment que Vanessa ne changera pas d'avis. Alors, il cède uniquement pour avoir la chance de passer du temps avec elle. Autrefois, il était le centre d'intérêt de Vanessa. Désormais, il doit la partager avec tous un tas de personnes qui lui semblent prétentieuses et suffisantes.

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Chapitre 11 : à demi posté.

La suite à la page suivante

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