Chapitre 27 : Louise (1/2)
Le jeune trentenaire aux allures d'adonis réalise comme par enchantement, qu'il commet la plus grande erreur de son existence. Celle de ne pas tout entreprendre pour reconquérir la femme de sa vie.
Maladroite, bavarde, naturelle, il n'avait pas réellement succombé à son charme, au premier regard. D'habitude, ce chef d'entreprise ne se retournait que sur les jeunes filles à la plastique exemplaire mais dotées d'un QI d'huitre. Cependant, la magie de l'amour a mystérieusement opéré et le jeune homme est subitement tombé amoureux de cette adorable petite brune. Tous les ingrédients pour créer une incroyable idylle étaient réunis, jusqu'à ce que les désaccords apparaissent, au sein du couple.
A l'issu de multiples disputes, l'homme cessa de se battre pour sa relation et la quitta. Deux mois plus tard, la jeune fille accepta un poste, à l'autre bout du pays, souhaitant laisser derrière elle, les souvenirs de cette relation amoureuse tumultueuse. Le quai d'une gare, un train qui s'apprête à partir d'une seconde à l'autre, une foule démesurée qui empêche le héros d'atteindre sa cible. Tout à coup, il l'aperçoit. Elle tend son billet à un contrôleur.
Fou de joie, il court un sprint et manque de tomber plusieurs fois avant de la rattraper. Surprise, son âme-sœur reste coi. Tentant le tout pour le tout, il pose un genou au sol et lui fait sa demande. Encore une fois, tout y est : une déclaration mielleuse totalement surréaliste, des larmes versées chez les deux protagonistes et enfin le baiser final, rehaussé pas une musique romantique à souhait.
Louise attrape le paquet de biscuit qu'elle vient d'engloutir et le jette violemment sur l'écran de la télévision. Les comédies romantiques, elle en avait ingurgité un volume monstrueux. Aujourd'hui, elle fait une overdose ! L'amour que tous ces réalisateurs vendent dans leur film, n'est clairement pas représentatif de la réalité.
Rien ne se finit bien, tout se termine mal ! Rien n'est vrai, tout est cruellement fabriqué de toutes pièces, dans l'unique but de faire rêver des pauvres filles, désespérément seules. Louise n'y croit justement plus... Quand on se fait larguer, à travers un simple coup de téléphone, il y a de quoi ne plus croire en l'amour. Elle savait pourtant que tous les hommes et sans exception, étaient pourvus de l'aptitude à faire souffrir chacunes des filles qui tombent dans leur bras.
Louise aurait dû s'en douter ; elle avait effectivement remarqué que Léo ne se comportait plus comme avant. En outre, il lui a annoncé leur rupture sans apporter la moindre explication. Par conséquent, elle se demande bien ce qu'il lui reproche. Si seulement, il éclaircissait ses doutes, elle saurait quoi entreprendre pour le récupérer. Sept jours que sa tristesse demeure et perdure. Sept jours qu'elle tente vainement de le contacter. Sept jours que Louise a l'impression qu'on lui a arrachée le cœur...
Perdue dans sa déprime, Louise consulte la collection de DVD que disposent les étagères du salon, à la recherche d'une nouvelle histoire romantique, à blâmer. Dirty Dancing s'impose. Elle attrape la pochette de ce film et le pose sur la table de basse. Avant de le visionner, elle a grandement besoin de se recharger en cochonneries. Son but n'est pas de vomir après ; la jeune fille a juste incroyablement faim. Louise vient en effet de découvrir qu'une rupture provoque certes de la tristesse et une morosité lancinante, mais ouvre surtout l'appétit...
Parvenue dans la cuisine, Louise ne doute pas de trouver son bonheur, dans les placards. Pour cause, Jeanne a toujours été très friande des sucreries, de gâteaux apéritifs et de gâteaux en tout genre, sans jamais avoir pris un maudit gramme de sa vie. Il faut croire que la nature l'a gâtée. Attrapant un paquet de chips, laissé à l'abandon, Louise ne remarque pas, en premier lieu, la présence de ses parents.
- Des chips à vingt-deux heures... Est-ce bien raisonnable ? demande Caroline.
Louise sursaute. Ses parents la fixent comme si elle était un extraterrestre. Louise déteste quand ils portent ce regard accusateur sur ses agissements. Si cela avait été Jeanne ou même Baptiste, jamais ils n'auraient réagi de cette façon.
- Je meurs de faim ! répond-elle.
- Mange un yaourt, propose Charles, son père.
Louise fait la moue. Est-ce une plaisanterie ? Quelle personne dans ce monde dévore allégrement un yaourt, lorsqu'il est affamé ? Pas Louise, en tout cas...
- Le train était-il en retard ? s'interroge Louise, voulant clore cette discussion.
- Non. Ils arriveront vers vingt-trois heures, à Paris. J'espère qu'Alyson sera bien à l'heure, pour les récupérer, s'exclame Charles, quelque peu sceptique quant à la maturité d'Alyson.
Louise peut comprendre l'inquiétude de son père. La cousine de Vanessa semble être tout sauf rationnelle ! Durant la semaine, Alyson s'était invitée chez eux, comme s'ils se connaissaient depuis des lustres. Ce n'était pas pour déplaire aux Legrand ; ils l'ont trouvée sympathique mais un peu trop lunaire, pour gérer deux adolescents.
Au téléphone, Matilde Beaumont avait calmé les appréhensions des Legrand et de Caroline, en particulier. Elle lui avait affirmé que toutes deux pouvaient faire confiance à leurs marmots et qu'ils avaient bien droit à un peu de liberté. Finalement, les talents de persuasion de Matilde eurent gain de cause. Les Legrand acceptèrent de laisser leur "Baptiste adoré", prendre son envol pour un petit week-end, en amoureux.
- Cela dit, je suis très heureuse que Baptiste et Jeanne se soient acoquinés de Vanessa et Elias. Ils sont très charmants, fait remarquer Charles. Ma petite Louise, j'espère que ton tour viendra, bientôt...
- Je suis d'accord. Un gentil garçon ne te ferait pas de mal ! renchérit Caroline, en lavant quelque tasse, dans l'évier.
Louise ne préfère pas relever leurs sous-entendus. Sont-ils frappés d'une amnésie aiguë ? Elle fut tout de même la première à découvrir l'amour. Pendant que Jeanne et Baptiste butinaient plusieurs fleurs, la jeune fille vivait une belle relation avec Léo. De nature bornée, Louise ne veut pas se résoudre à tourner la page, tant qu'elle ne connaîtra pas les raisons de leur séparation.
- Bon, je vais me coucher, s'exclame Charles.
- Je te rejoins, dans cinq minutes, répond sa femme, en lui souriant.
Charles dépose un baiser sur le front de Louise et s'éclipse. Caroline fait alors volte-face et arrache le paquet de chips, des mains de sa fille. Louise bougonne mais n'insiste pas davantage, attristée par l'air désemparé qu'affiche sa mère.
- Ma chérie, je souhaite vraiment que tu te battes pour ne pas replonger.
- Je vais très bien !
- Je sais que Léo te perturbe et j'ai peur que cela te fragilise. N'hésite pas à te confier à moi. Je suis ta mère !
Louise garde le silence. Dès lors que l'on rentre dans les détails de sa maladie, de ses faiblesses, elle se noie automatiquement dans un profond mutisme. Sa mère s'installe sur un tabouret et cale une mèche rebelle, derrière son oreille.
- Ma chérie, j'aimerais tellement que l'on soit plus proche. Avec Jeanne, c'est si simple : elle me dit tout mais toi, tu es si...
- Complexe, chiante, déprimante, lâche violemment Louise, énervée qu'elle la compare à sa sœur.
- Pas du tout ! Je voulais dire « secrète ».
- Ça va maman, j'ai parfaitement conscience que tu préfères Jeanne à moi...
Caroline écarquille les yeux, consternée que Louise ose lui cracher cela, en pleine figure.
- Tout comme papa aime davantage Baptiste, poursuit Louise, décidant d'enfoncer le clou.
- C'est insensé ? Qu'est-ce qu'il te fait dire ça ?
- C'est une impression qui m'est propre... clarifie la jeune fille. Je ne dis pas que papa et toi ne m'aimez pas, c'est juste que vous partagez plus d'atomes crochus avec Jeanne et Baptiste.
La mère de famille se lève aussitôt et prend immédiatement sa fille, dans ses bras. Savoir que Louise se sent délaisser, conduit Caroline, à se remettre en cause. Jeanne et Baptiste sont équilibrés, joyeux et prennent la vie avec sagesse. Qu'a-t-elle bien pu détruire chez Louise pour qu'elle soit si fragile psychologiquement parlant ? Le cœur lourd, elle prend le visage de sa fille entre ses mains et s'exclame :
- Chasse cette idée saugrenue, de ton esprit ! Ton père et moi t'aimons autant que ton frère et ta sœur.
- Alors pourquoi parlez-vous uniquement de ma maladie, lorsque vous vous adressez à moi ?
- Parce qu'on s'inquiète et qu'on ne te voit pas chaque jour, comme la plupart des parents. Je suis responsable de toi et de ta maladie. Je ne peux laisser les choses se reproduire alors que je m'en veux déjà énormément...
Ne saisissant pas ses dernières paroles, Louise se contente de froncer les sourcils. Sa mère s'enquit alors :
- Je te rappelle que je suis une professionnelle de la médecine. J'ai passé onze année de ma vie, à l'étudier avec acharnement. Je pensais bien connaître mon métier mais je n'ai pas été suffisamment vigilante pour remarquer que ma fille souffrait d'un trouble grave. J'ai honte...
- Ce n'est pas de ta faute, assure Louise. Je me porte bien : ma nutritionniste te l'a d'ailleurs garantie, par mail.
Malgré les dires de sa fille, Caroline ne semble pas convaincue. C'est la première fois que Louise surprend sa mère, dans cet état. Elle l'a toujours considérée comme étant la femme idéale. Caroline a absolument tout réussi dans sa vie, aux yeux de Louise. Cette femme a trouvé un homme extraordinaire, avec qui elle vit le grand amour depuis plus de vingt-ans. Possédant une intelligence hors-pair, c'est un médecin qui s'investit corps et âmes dans son métier, quitte à traverser le monde pour faire avancer la recherche contre le cancer. Éternellement belle, Caroline ne change pas, au fil du temps et demeure naturellement séduisante. Elle fait partie des femmes, à qui sourit la vie. La seule ombre au tableau réside en Louise et sa maudite maladie !
- Ne te sens pas coupable, exige la jeune fille. Pour te rassurer, je pense davantage à Léo qu'à mon poids.
- Un conseil : oublie-le ! rugit Caroline, avec hargne.
- Avant, je voudrais lui rendre visite à Clermont-Ferrand. Histoire que l'on règle nos problèmes.
Caroline grimace, en caressant tendrement les cheveux blonds de Louise.
- Je ne veux pas que tu y ailles.
- Pourtant ? Tu as bien accepté que Baptiste parte à Paris.
- C'est différent, affirme Caroline. Léo a été clair, il ne veut plus te voir alors lâche l'affaire !
Louise trouve louche que sa mère se montre si véhémente au sujet de Léo qu'elle appréciait pourtant beaucoup. De nombreuses fois, elle avait clamé qu'il était le gendre idéal. Elle avait salué le fait qu'il effectue d'innombrables allers-retours entre la Suisse et la France, afin de soutenir Louise, dans sa souffrance.
Ce brutal changement d'opinion étonne Louise, voire lui est incompréhensible. Sa mère jette toutes les friandises dont regorgent les placards, dans un sac. Elle lui explique en même temps, qu'elle n'a aucun intérêt à poursuivre sa relation avec Léo.
- Permet-moi d'en penser le contraire ! s'énerve Louise. Et puis, qu'importe ton autorisation, je n'hésiterai pas à aller le voir, dans ton dos !
- Je finirai par le savoir...
- J'en doute fortement ! s'exclame Louise, repensant à la fête qu'elle a organisé avec Baptiste et Jeanne, sans que personne ne s'en rende compte (ni ses parents, ni Vanda).
- Pour une fois, écoute ta mère : je te déconseille fortement de remuer le couteau dans la plaie. Et maintenant, je vais rejoindre ton père.
Sa mère attrape le sac poubelle, qu'elle compte sans doute cacher dans sa chambre. Louise la suit, plus d'humeur à regarder un film. La mère et la fille grimpent l'escalier. La porte de la chambre de Jeanne est ouverte. Cette dernière est en grande discussion avec Elias, au téléphone. Elle glousse toutes les trente secondes et minaude comme si son petit-ami se trouvait, en face d'elle.
- Jeanne, s'exclame Caroline, en penchant la tête, dans sa chambre. Ne passe pas toute la nuit, avec Elias. Le sommeil est la clé de la réussite.
- Promis, réplique-t-elle.
Jeanne lance un clin d'œil, à sa sœur, lui faisant clairement comprendre qu'elle ne risque pas de lâcher Elias, de sitôt. Louise se souvient de ce genre de conversations nocturnes qu'elle tenait avec Léo. A l'heure actuelle, la jeune fille en garde une grande amertume. Caroline et Louise atteignent la porte de leurs chambres respectives. Elles sont en face, l'une de l'autre.
- Passe une bonne nuit, ma Louise ! lâche sa mère. Et au fait, tu me feras penser de contacter le camping « Les flots bleus ».
- Tu comptes camper, ce week-end ! plaisante Louise.
- Une amie de Baptiste vient de se retrouver dans la rue, avec sa famille. Il ne t'en a donc pas parlée ?
- Ça a dû lui échapper, riposte la jeune fille, avec une pointe de sarcasme dans la voix que sa mère ne discerne pas.
Loquace, sa mère continue son récit. Elle explique que les parents de cette mystérieuse fille se sont endettés, en développant une addiction au jeu. Baptiste a donc fait appel à Caroline et Charles, afin qu'ils viennent en aide à ce foyer, en pleine perdition. C'est très étonnant que Baptiste ne lui ait pas évoqué cette histoire rocambolesque. D'habitude, le frère et la sœur partagent tout.
- Comment s'appelle son amie ? demande Louise. Je dois sûrement la connaître.
- Euh... Mince ! Je l'ai sur le bout de la langue... Ça commence par un L. Ce n'est pas Louise, évidemment ! C'est...
- Lisa Gomez, prononce la jeune fille, dans le plus grand des hasards.
- Exactement ! Elle porte d'ailleurs le même nom de famille que ton ancienne nutritionniste : c'est marrant !
- Oui, très marrant, reprend Louise.
Ce n'est pas surprenant que son frère ne l'ait pas tenue informer de sa prétendue vengeance, à l'encontre de Lisa. Quel traître ! Il s'est laissé manipuler par cette garce qui doit tourner les choses, à son avantage.
- Ses parents ont totalement perdu la raison, emportant leurs trois enfants, dans la précarité. Une famille de cinq personnes... prononce sa mère. Ton père et moi avons donc décidé de leur louer un mobil-home.
- C'est tout à votre honneur ! s'exclame Louise, admirant la bonté de ses parents.
- Ton frère y tenait. Au moins, ils dormiront au chaud, le temps de récupérer un logement décent.
« Tiens donc ! Monsieur Baptiste se soucie du bonheur de cette pouffe de Lisa », pense Louise. Cette dernière est choquée. Si elle avait été dans la situation de Baptiste, elle ne l'aurait certainement pas soutenue. Bien au contraire, elle se serait empressée d'avertir tous ses camarades que "la Terreur du lycée" se retrouve à la rue.
Louise rejette l'idée de se montrer compatissante envers Lisa. Cette fille ne mérite que de la malveillance. Baptiste a peut-être choisi de calmer le jeu. Ce n'est pas le cas de Louise qui vient d'obtenir une véritable pépite. Maintenant, Lisa et Louise sont à égalité. Elles possèdent toutes deux un secret sur l'autre. Louise finit par se séparer de sa mère, nullement consciente de la bombe qu'elle a lâchée.
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Chapitre 27 à demi-posté.
La suite est à la page suivante ;-)
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