Chapitre 2 : Baptiste

Une odeur de vomi qui a méchamment tourné vient titiller les narines du beau Baptiste Legrand. Il ouvre un œil puis l'autre. Le jeune homme réalise alors qu'après cette fête incroyable à laquelle il a participé la veille, il s'est retrouvé dans la chambre de son meilleur ami, Julien, dans un état lamentable. Le son d'une musique electro résonne encore dans sa tête. C'est clair : il a la gueule de bois. A ses yeux, ce vulgaire mal de tête est minime face à la folle nuit qu'il a vécue. Ce genre de soirée lui a vraiment manqué.

En suisse, Baptiste n'a eu guère l'occasion de s'amuser tant il était préoccupé par sa sœur. Maintenant qu'elle va mieux, quoi de plus normal qu'il s'accorde un peu de bon temps et ce bien mérité ! Un sourire se dessine sur son visage aux traits réguliers lorsque des bribes de souvenirs lui parviennent à l'esprit.

C'était cool quand il s'est déchainé sur les dernières musiques de cette année.

C'était cool quand il a avalé autant d'alcool qu'il trouvait. C'était cool quand une bombasse l'a abordé. C'était encore plus cool quand Monsieur « le beau gosse » a honoré cette bombasse dans les toilettes de la maison de Julien. Certes, tout cela est loin d'être romantique mais Baptiste est beaucoup trop jeune pour l'être.

A son âge, on s'amuse et on essaye de séduire le plus de filles possible. La porte de la chambre s'ouvre soudain. Julien entre dans la pièce, une bière à la main. Baptiste explose de rire et s'exclame :

- Mec, je crois que tu vas développer une sorte d'alcoolisme à l'aube de tes dix-huit ans !

- C'est pas de la bière ! rétorque Julien. Je ne trouvais plus aucun verre propre pour boire mon café.

- Il suffisait de faire la vaisselle.

- T'as qu'à la faire, toi ! propose son ami, en s'installant sur son fauteuil pour démarrer une bonne partie de jeux vidéo.

Pour Baptiste, Julien est le résumé d'un gros gosse de riche qui ne pense qu'à s'amuser. En bref, il est génial !

- Quand est-ce que rentrent tes parents ? demande Baptiste, en enfilant son jean.

- J'sais pas... mais bien après que la femme de ménage ait fait disparaitre toute cette merde.

- T'as de la chance, putain ! Chez nous, la femme de ménage ne fait que nous surveiller. Si j'organisais une fête, elle raconterait tout à mes parents et dans les moindres détails.

Julien hausse les épaules comme s'il était le roi du monde. Au fond, Baptiste sait que son pote souffre de l'absence permanente des ses parents. Ici à Deauville, c'est chose commune. Tous les adultes ou presque ont une situation aisée et gâtent leur enfants afin de pouvoir se permettre de ne rien partager avec eux. Chez Baptiste c'est différent.

Certes, ses parents ont des postes à hautes responsabilités (sa mère étant cancérologue et son père architecte reconnu) mais ils se soucient constamment de ses sœurs et lui. Voilà pourquoi ils n'ont pas hésité à mettre leur vie professionnelle de côté pour traiter les problèmes de Louise.

- Au fait, t'as fini par te taper la blonde ? s'interroge Julien.

- Oh que oui ! se vante Baptiste. Et je ne le regrette pas !

- Tu fais chier, mec ! Avec ta gueule de latino, tu chopes les plus belles meufs.

Baptiste passe la main dans ses cheveux, en le narguant. C'est sûr que dans le coin, il y a peu de mexicains. Et pour cause, l'adolescent a été adopté à l'âge de six mois par les Legrand. Lorsqu'il est en compagnie de sa famille, le doute n'est plus permis. Baptiste est aussi brun et méditerranéen que ses parents et ses sœurs ont les yeux clairs et un teint scandinave. Dans son enfance, cette différence le gênait car pleins de petits cons lui rappelaient en permanence qu'il n'était pas un Legrand à part entière.

A l'heure d'aujourd'hui, ça le laisse de marbre : être un étranger consiste en un véritable avantage. Les filles aiment l'inconnu ; ça les excite carrément. Cependant, Baptiste possède une autre qualité très utile : il est beau et c'est indéniable. Dans sa famille on le nomme légitimement « le beau gosse ». Son côté un peu narcissique l'oblige à vérifier sa coiffure volontairement négligé devant le miroir, avant de quitter son ami.

Il est huit heures trente, ce qui signifie qu'avec un peu de chance, ses parents dorment encore. Quand on fait le mur, tout est une question de temps. Baptiste enjambe son vélo et parcourt la ville encore endormie à une vitesse folle. Il se sent libre et tout bonnement heureux. Ça lui fait vraiment du bien d'être de retour à la maison.

Une demi heure plus tard, il parvient jusqu'au portail imposant de la grande demeure de ses parents. A partir de maintenant, tout est une question de discrétion. Baptiste compose le code à l'interphone, faisant ouvrir les grilles qui s'apparentent plus à une grande muraille grinçante. Il entre avec son vélo, le dépose minutieusement dans le garage avant de ressortir à l'extérieur. Il préfère s'introduire dans la maison côté jardin; c'est plus prudent. La baie vitrée est facile à ouvrir. Sans le moindre stress, il met donc son plan à exécution, convaincu que personne ne le verra. Il réalise alors qu'il avait tout faux lorsqu'il tombe nez à nez avec sa mère.

- Hé merde... jure-t-il, entre ses dents.

- C'est ce qui s'appelle être pris en flagrant délit, rétorque Caroline. Allez, viens, j'ai préparé des gaufres.

Très étonné qu'elle ne soit pas plus agacée que ça, Baptiste la suit presque gaiement. Il adore les gaufres. Sa mère et lui regagnent la cuisine américaine en silence et elle lui sert une assiette à l'odeur alléchante. Il dévore plusieurs gaufres, sous le regard tendre de sa mère.

- T'en parleras pas à papa, s'il te plait ? Il est moins cool que toi, s'exclame Baptiste.

- Je ne lui dirais rien, assure-t-elle. Je comprends que tu ais eu envie de changer d'air. Ce qu'on a vécu ne fut pas facile...

Baptiste perçoit une certaine détresse chez sa mère. Il cesse immédiatement de se goinfrer comme un ogre.

- Ne t'inquiète pas, maman. On va s'occuper d'elle.

- Ton père et moi allons reprendre le travail. Nous sommes très demandés. J'ai peur qu'elle rechute et...

- Çà n'arrivera pas, je te dis ! assure Baptiste. Je ne vais pas la lâcher d'une semelle.

- C'est pourtant ce que tu as fait la nuit dernière, fait remarquer Caroline, très justement.

- J'ai vérifié que Louise dorme avant de partir, promet Baptiste. Maman, tu peux me croire, je ne laisserai pas cette putain de maladie la bouffer une nouvelle fois !

Les larmes aux yeux, Caroline contourne le comptoir pour étouffer son fils de baisers et de câlins. D'ordinaire, Baptiste se serait plaint face à ce débordement de d'affection. Le jeune homme n'est pas vraiment tactile, sauf quand le besoin s'en fait ressentir. Et il s'avère qu'en ce moment, sa mère en a rudement besoin.

- Dis moi, tu t'es protégé hier soir ? demande soudainement Caroline, en caressant ses belles boucles brunes.

- Maman !

S'il y a bien un truc qui met Baptiste mal à l'aise et comme la plupart des jeunes de son âge, c'est de parler de sexe avec sa mère.

- Baptiste Juan Legrand, as-tu utilisé un préservatif avec ta petite-amie, la nuit dernière ?

- Oui ! répond son fils. Et je n'ai pas de petite-amie !

- C'est bien dommage. Le sexe est dix fois mieux avec quelqu'un qu'on aime.

- Stop, on arrête. Je ne veux pas parler de ça avec toi. Merci pour les gaufres et maintenant je vais prendre une douche et me coucher.

- Pas si vite beau brun, s'enquit sa mère, en le retenant par le bras. Tu ne crois tout de même pas que tu peux faire le mur sans en payer les conséquences.

Baptiste déglutit. Finalement, sa mère n'est peut-être pas si cool qu'il ne le pensait. Il croise les doigts pour qu'elle ne le prive pas de sorties. Il ne peut plus se permettre de vivre comme un vieux de quatre-vingt ans. A son âge, on a besoin de s'amuser comme il se doit. Sinon, qu'est-ce qui différencient réellement les jeunes des adultes ?

D'un air grave, sa mère ouvre le garde-manger, dans lequel plusieurs sacs poubelle ont été déposés. S'il se trouvait dans un film d'horreur, Baptiste pourrait croire que sa mère a tué un homme dans la nuit et l'a découpé en morceaux, avant de cacher ses membres dans ces sacs.

- En raison de ton comportement intolérable, clame sa mère. Je te sanctionne de corvées de poubelles pour le mois à venir.

- Très drôle ! dit Baptiste, un brin agacé de s'être fait avoir.

Sa mère rit de bon cœur face à la tête de son fils.

- Comment ça se fait qu'on ait autant d'ordures alors qu'on est arrivé hier ?

- J'ai fait le tri dans les conserves et un paquet était périmé.

- Ok, j'y vais, cède Baptiste, soulagé que la punition ne soit pas plus lourde.

- Et au fait, ajoute Caroline. La prochaine fois que tu veux sortir, ça m'arrangerait que tu me préviennes.

Son fils hoche la tête puis sort de la maison, en traînant son amas de sac poubelle. Il descend les escaliers en bougonnant. Comme tout être normalement constitué, sortir les poubelles est un acte simple mais terriblement chiant. Il descend les quelques marches du pavillon, traverse l'allée rapidement et atterrit dans la rue. Il se dirige ensuite vers la benne à ordures à la hâte en réalisant que quelques uns de ses voisins sont déjà repartis chez eux. La plupart de ces maisons sont des résidences secondaires. Deauville est une petite ville de trois mille habitants environs. Voilà pourquoi dans le petit cercle des résidents annuels, tout le monde se connait.

Baptiste s'apprête à faire demi-tour lorsque ses yeux tombent sur une silhouette féminine absolument ravissante. De l'autre coté de la rue, une brune remonte la côte en courant activement. Ses formes se voient bien dessinées dans sa tenue de jogging moulante. Baptiste croit voir apparaître une déesse tant elle est belle. Un mélange de pensées obscènes lui viennent à l'esprit.

Est-ce possible que des seins aussi beaux, une paire de fesses presque irréelles tant elles sont excitantes et un visage si sublime se retrouvent dans le même corps ? Cette inconnue le prouve. Et le fait qu'elle ignore Baptiste royalement, çà l'attire davantage.

Elle s'arrête soudain devant une maison, située à deux pas de la sienne. Baptiste croit en un miracle. Une bombe atomique vit juste à deux pas de chez lui. Elle sort ses clés de sa poche et disparait chez elle. La journée n'aurait pas pu mieux commencer. Maintenant, Baptiste a un but, celui de conquérir le cœur de cette fille.


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