La première fois que j'ai vu la liste, c'était un soir d'été, où l'air était électrique de rires et de promesses d'aventures. Les projecteurs du lycée éclairaient la cour comme des étoiles artificielles, et le son de la musique pulsait dans mes veines, créant une mélodie de tentations. On était le groupe, les rois du lycée, les dragueurs invincibles. On avait tout, sauf la patience pour résister à la tentation.

C'était Carter, le plus vieux de notre bande, qui avait sorti la liste. Une feuille froissée, usée par des mains avides, portant le nom de chaque fille que notre groupe avait réussi à conquérir. Une véritable œuvre d'art narcissique. Là, au sommet de cette montagne de noms, trônait mon prénom en majuscules, comme un trophée de chasse. Ça aurait dû me flatter, m'envoyer dans un état d'euphorie. Au lieu de cela, une ombre s'est installée dans le coin obscur de mon esprit.

Mon regard a glissé sur les lignes noircies, chaque nom représentant une conquête, chaque conquête une victoire. Mais plus je descendais, plus la liste devenait floue, comme si la réalité elle-même se dissolvait dans un brouillard insaisissable. Je savais que c'était mal, que ce n'était qu'un jeu entre potes, mais il y avait quelque chose dans la manière dont mon prénom était inscrit là, comme un contrat tacite que j'avais signé sans le savoir.

Carter riait, ignorant les nuances de mon expression. Pour lui, c'était un triomphe, une affirmation de notre suprématie masculine. Mais moi, je me sentais pris au piège. Comme si mes propres choix, mes propres désirs, m'échappaient. J'avais construit un empire sur des fondations fragiles, et la liste était le tremblement de terre qui menaçait de tout détruire.

Alors que la nuit avançait et que les rires résonnaient autour de moi, je me suis éloigné de la fête, laissant derrière moi le tumulte de la musique et des rires. Mon ombre, plus dense que jamais, m'accompagnait, me murmurant que je n'étais pas le roi, mais un pion dans un jeu que je n'avais pas choisi.

La liste était devenue un fardeau, un poids sur mes épaules. Et dans l'obscurité de cette nuit, je sentais que quelque chose avait changé. Que le jeu prenait une tournure que personne d'entre nous n'avait anticipée. Et au lieu de célébrer, je me suis retrouvé à me demander si la victoire valait vraiment le prix que nous étions tous en train de payer.