Le ciel était noir à vous donner des frissons dans le dos.

Cette nuit, la météo annonçait une pluie torrentielle. Le vent chargé de poussière, fouettait les vignes avec force. Les coups de tonnerre se succédaient en illuminant les toitures des habitations voisines. L'air lourd et pesant menaçait quiconque de mettre le nez dehors.

A l'intérieur de l'une des habitations, le souffle saccadé, une jeune fille s'agitait dans son lit.

Des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Dans l'obscurité, elle semblait se battre contre une présence. Ces jambes donnaient des coups dans le vide et ses lèvres murmuraient des paroles inaudibles. Les doigts resserrés autour de la couette, sa tête se balançait violemment d'un côté à l'autre. La couverture qui l'enveloppait s'écrasa sur le sol en un bruissement de tissu. Un énième coup de tonnerre, un peu plus bruyant que les précédents retentit et la jeune fille se réveilla en sursaut. Respirant difficilement, elle observa sa chambre sans rien remarquer. Elle savait qu'elle n'avait rien à craindre pourtant, l'angoisse qui l'étreignait refusait de la lâcher. Soupirant, elle caressa les marques dans son cou, les paupières serrés.

Aussitôt, le parfum de la tristesse l'envahit, provoquant un déluge de larmes à peine contenu.

Face à cette douleur, il lui était impossible de feindre. Aussi, la elle se laissa aller la tête appuyée contre ses genoux. Peu à peu, l'atmosphère se remplit de gémissements, de murmurs. Pour la seconde fois, Linda sursauta en détaillant son environnement. Comme sous l'action d'une main invisible, sa chambre s'effaçait.

Stupéfaite, la jeune fille observa son nouveau milieu. Où se trouvait-elle ? Clignant des paupières, elle frissonna au contact de la pluie. Grinçant, la porte en face d'elle s'ouvrit aussitôt. Écarquillant les yeux, Linda serra la terre en voyant qui approchait. Sa démarche était lourde, menaçante, arrogante. Alors qu'un rictus faussement moqueur se dessinait sur sa bouche, l'inconnu se baissa pour emprisonner l'une des chevilles. Se débattant, la brune lui envoya de la terre dans les yeux.

Une jambe en avant, elle bondit dans un tas de feuilles et prit la fuite.

Elle courait, filait à travers les arbres sans que le rire de son assaillant ne se taise. Ne pouvant s'empêcher de jeter des coups d'œil en arrière, elle finit par se cogner contre une branche. Le coup l'atteignant en pleine tête, lui fit perdre l'équilibre. Paniquée, elle griffa le sol en continuant d'avancer malgré la douleur. Le goût métallique du sang lui emplit la bouche mais elle s'interdit de le recracher. Se réfugiant sous un arbre, elle referma ses mains tremblantes sur sa poitrine.

Dressant les oreilles, elle écouta son environnement. Elle ne saisissait rien, la pluie camoufflait tout.

Se caressant le front en grelotant, la brune constata qu'une bosse y avait élu domicile. Malgré l'élancement dans sa nuque, elle se força à se remettre en route. Rigides, ses jambes l'empêchaient de marcher à un rythme soutenu. Chaque pas était une torture qu'elle endurait sur ce chemin inconnu. Ces poumons en feu, l'obligeaient à respirer par la bouche alors qu'elle zigzaguait entre les arbres, se heurtant à des branches jusqu'à ce que timide, la noirceur des ténèbres fasse progressivement place aux différentes nuances de l'aube. Petit à petit, le paysage sauvage se dévoila avec ses feuillages touffus, sa terre boueuse.

Le pyjama taché, le visage livide, les cheveux crasseux et les yeux injectés de sang, Linda se déplaçait avec difficulté au soleil.

Soudainement, une main l'agrippa en tirant brutalement sur ses mèches. Quand des ongles s'enfoncèrent dans sa gorge, elle hurla. Coincée contre un tronc et maintenue par l'inconnu, Linda lutta de toutes ses forces sans parvenir à se dégager. Alors que son corps tremblait, des larmes s'échouèrent sur ses joues. Chevrotante, sa voix supplia l'énigmatique qui avait déjà commencé à baisser son pyjama. Pendant qu'il lui murmurait des mots sensuelles qui la glacèrent, sa main descendit lui caresser les fesses en un geste possessif. Les mains enfoncées dans l'écorce, Linda se sentait mourir. Elle ne voulait pas de cette langue dans son cou ni de ces mains sur sa peau. Hélas, elle n'y pouvait rien.

- Reveille toi ! Linda ! Réveille toi ! Linda !

Faisant intrusion dans sa tête, une voix l'obligea à rouvrir les yeux. Paniquée, la jeune fille se raidit contre le torse sur lequel reposait sa tête. Il n'y avait plus de forêt, plus de pluie, plus de traces de rien. Était-elle vraiment réveillée ? Ressentant encore la main de cet homme sur cette partie de son corps, Linda hurla en donnant des coups.

La berçant, l'homme lui caressa les cheveux en lui chantant une chanson.

Lentement, elle cessa de s'agiter. Mollement, ces mains retombèrent puis lentement, sa tête se relèva. Déformé par l'inquiétude, le visage braqué sur elle l'observait comme s'il s'agissait d'un petit animal sans force qui avait besoin de protection. Sur le coup, l'instinct de la jeune fille lui souffla de le repousser, de l'éloigner en le mettant à la porte bien qu'elle ne le puisse pas. Elle avait trop besoin de son lui. En larmes, elle se blottit de nouveau dans ces bras, se sentant à la fois faible et gênée. Pourquoi ne s'écoutait-elle pas ? Pourquoi se refusait-elle le droit de dénoncer cet homme méprisable ?

●

Lui caressant le dos, la voix douce de Richard continuait de chanter. Jamais il n'avait vu son amie dans un tel état. Il était passé lui remettre une lettre sans imaginer la trouver se débattant sur le sol. Il découvrait même choqué l'une des facettes qu'elle n'avait jamais montré à personne. Que lui arrivait-il ? Au bout d'un moment, il lui demanda :

- Tu vas mieux ?

- Je crois que oui.

Assis face à elle, Richard étudiait chacun de ses gestes. De ses mains qui se resserraient légèrement autour de sa tasse, de sa tête qui demeurait baissée jusqu'à ses lèvres qu'elle mordillait par moment. Devant le mutisme de Linda, ce dernier n'espérait rien tirer d'elle. Fille unique, ses parents ne l'avaient pas soutenu dans son choix de carrière. Alors, elle avait décidé de prendre sa route.

- Tu ne veux rien me dire, je le comprends. J'étais juste passé te remettre ton courrier.

Posant la lettre sur la table basse, Richard jeta un dernier coup d'œil à son amie avant de se dirriger vers la porte. S'il ne sortait pas, il allait finir par casser quelque chose. Linda le connaissait. Il ne tardait pas à réagir brutalement lorsque sa patience était mise à rude épreuve. Malgré son presque départ, elle ne fit aucun geste. Sa tête demeurait baissée sur sa tasse de thé. Ces yeux dévoraient le liquide comme s'il avait des réponses aux questions qu'elle se posait.

- Fait chier ! Hurla Richard en refermant la porte après l'avoir ouverte.

Dehors, le vent soufflait furieusement. Même en courant, jamais il ne réussirait à rallier la propriété principale qui se trouvait à l'autre bout du domaine. Il était pris au piège.

- Merde ! Jura-t-il.

Crispant la mâchoire, Richard revint sur ses pas et se figea. La tasse que tenait Linda venait de glisser sur le sol. Clignant des paupières, la jeune fille observa ses mains trembler alors que son ami accourait. S'agenouillant face à elle, il lui prit les mains. Sa lèvre supérieure tremblait et ces yeux qui pleuraient accentuait l'état de souffrance. Avant que les mots ne s'éteignent, avant que la mélodie des paroles ne disparaisse et la pousse à rejeter les mains qui lui frottait désormais les genoux avec douceur, Linda ouvrit la bouche. Les paupières closes, le visage crispé, elle révéla l'un de ces plus lourds secrets. Chaque mot prononcé, chaque phrase agencée était une torture pour l'esprit qui se rebellait contre cette action. Jamais elle ne s'était livrée comme elle le faisait. Elle allait le faire, supporter le regard de son ami, faire ses valises et s'en aller, sûrement.

Encore merci Rabbit325 pour cette magnifique cover que j'apprécie beaucoup^^.

Premier chapitre, qu'en pensez-vous ?