CHAPITRE 11
Le bruit assourdissant du coup de feu mêlé au fracas du pare-brise qui vola en éclats sous l'impact me fit sursauter.
Putain mais c'est un grand malade ce mec !
Des crissements de pneus ainsi qu'un vacarme monstrueux s'en suivirent.
Complètement dépassée par la situation, tremblante et mes ongles incrustés dans le cuir du volant, j'osai un rapide coup d'œil dans le rétroviseur de l'habitacle.
Mes yeux s'écarquillèrent d'épouvante sur-le-champ.
Le conducteur de la voiture derrière nous avait perdu le contrôle. Pas plus d'une seconde suffit à ce qu'elle aille s'encastrer dans la lice de sécurité, valdinguer dans les airs comme un vulgaire chiffon avant d'exploser en s'écrasant sur la chaussée.
Oh. Mon. Dieu.
Tout en se rasseyant correctement sur son siège, le basané lâcha un profond soupir.
—Là je t'ai eu, sale fils de pute.
Mon regard oscilla plusieurs fois entre lui et la route.
L'arme toujours nichée dans sa main gauche, il porta ses deux paumes à hauteur du visage puis baissa la tête. Des gouttes de sueur perlaient de sa tempe et dévalaient jusqu'à l'arrondi de sa mâchoire.
—Putain de chiotte de bordel de merde, maugréa-t-il à voix basse.
—Tu peux m'expliquer ?
—Fait chier !
—Oh, Bex !
—Connard de médeux, murmura-t-il.
—Sérieux mais c'est quoi ton problème ?! hurlai-je.
Tandis que je restai focalisée sur la circulation, je sentis ses yeux se poser sur moi.
—Mon problème ? répéta-t-il d'une voix aussi calme que glaçante.
Je tentai un rapide coup d'œil dans sa direction mais me ravisai aussitôt en reportant fissa mon attention sur la route. Le peu d'assurance que j'essayais de me donner venait de disparaître, atomisé en une fraction de seconde par le regard meurtrier qu'il me dédiait.
L'atmosphère dans l'habitacle venait de se charger de mauvaises ondes, alourdissant davantage la tension déjà présente de manière plus que brutale.
Lucide sur ma capacité à enchaîner les bourdes dans ce genre de situation, j'inspirai profondément afin de neutraliser toutes les questions transformées en missiles à têtes chercheuses qui ne demandaient qu'une seule chose : franchir de ce pas la barrière de mes lèvres pour pouvoir aller atteindre leur cible.
—Tu pourrais au moins me dire où est-ce qu'on va, maugréai-je.
—Continue de rouler et prends la prochaine sortie. Les axes secondaires seront plus sûrs.
Je soufflai d'exaspérations.
—Plus on s'éloignera de Vegas et mieux ça sera, ajouta-t-il.
Bex sortit son portable de la poche de son jean et se mit à pianoter dessus.
—J'ai vraiment besoin de te rappeler qu'on vient de provoquer un accident ?! Enfin non, me repris-je en secouant la tête désabusée. TU as créé un accident. Sauf que c'est moi qui suis au volant donc ça fait de moi la pitoyable responsable. Délit de fuite, non assistance à personnes en danger, ça te parle ou bien tu t'en fous ?!
—Ferme-la un peu, tu veux.
—La police doit déjà être en route, continuai-je. Et avec un pare-brise en moins ça va pas être trop compliqué de faire le rapprochement, hein !
—Tais-toi, putain...
—Contrairement à toi, très cher Bex, mon casier judiciaire est vierge. Et j'aimerai bien qu'il le reste !
Il leva les yeux au ciel.
Sans se soucier plus que ça de mes états d'âme, il porta le téléphone à son oreille.
—On a un problème, lâcha-t-il à son interlocuteur.
(...)
Après avoir traversé plusieurs petites villes du sud du Nevada, le panneau indiquant que nous allions fouler le sol de l'Arizona se dessinait sur le bord de la route.
Bex n'avait plus prononcé le moindre mot depuis son échange téléphonique. Il s'était plongé dans un mutisme si lourd que j'en avais presque oublié sa présence à mes côtés.
Je soupirai.
J'avais chaud, j'avais soif, j'avais faim et pour couronner le tout, mon corps encore fragile se faisait un malin plaisir de me rappeler à quel point j'avais perdu en souplesse. Les heures à rouler m'avaient filé grave mal aux fesses et au dos. Les deux mains sur le volant et tout en grimaçant, je me redressai et tentai de m'étirer.
La voix grave du basané ne tarda pas à claquer comme un fouet dans l'habitacle.
—Qu'est-ce que t'as à te tortiller comme ça ?
Je l'affrontai un bref instant en posant mes yeux sur lui.
—Coma, rééducation et conduite, tu fais le rapprochement ?
Neutre et silencieux, il plissa le regard.
Cette façon qu'il eût de me détailler, à la fois sombre mais soucieux, me mit clairement mal à l'aise. Je cédai donc la première à cet échange visuel en regardant de nouveau la route.
—Nan tu vois pas ? insistai-je. Normal y en a pas.
Je claquai la langue sur mon palais pour lui signaler mon agacement.
—Arrête-toi à la prochaine station-service, souffla-t-il après avoir calé une cigarette entre ses lèvres. On va faire le plein et ensuite, je prendrai le volant.
Ah, quand même...
—Tu vois que tu peux avoir de bonnes idées des fois.
—Putain d'idiote, ricana-t-il.
J'ignorai sa pique.
—Toute façon on n'a plus vraiment le choix, on roule sur la réserve depuis un moment.
Au bout d'une dizaine de minutes, la devanture d'une station essence apparût sur notre droite, me revigorant enfin d'un regain d'énergie.
Sans attendre, je ralentis et bifurquai pour me garer devant la pompe.
—J'm'en occupe, dit-il en prenant les clés avant de sortir de la sportive.
—Si t'insiste.
À mon tour je sortis pour aller acheter de quoi me rafraîchir, mais un détail affreusement réel me coupa dans mon élan. Je m'immobilisai puis me tournai vers le basané.
—Bex ?
—Quoi ?
—Je n'ai ni papiers, ni argent sur moi vu que tu m'as gentiment emmenée de force en te foutant ouvertement de mon avis.
Sourire factice collé au visage, je tendis une main dans sa direction.
Clope toujours pincée entre le coin de ses lèvres, il se mit à jurer en récupérant son porte-feuille dans la poche arrière de son jean.
—Dix dollars devraient suffire, grogna-t-il en déposant un billet dans ma main.
J'arquai un sourcil.
—Tu rigoles j'espère ?
Le regard noir, il en sortit un deuxième.
—Là, c'est bon ?! cracha-t-il.
Je lui offris bon plus beau sourire hypocrite.
—Je te remercie.
Non mécontente de ma petite victoire personnelle face à lui, je n'attendis pas sa répartie et filai dans la boutique.
Aucune envie de me frotter à ses remarques acerbes encore une fois.
Deux paquets de gâteaux et une bouteille d'eau achetés plus tard, je retournai près des pompes à essence, mais plus personne.
Plus aucune trace de l'Audi et encore moins du basané.
Sans déconner !
La panique commençait à titiller sévèrement mes sens.
Il ne m'aurait pas laissée en plan ? Si ?
Inquiète, je balayai rapidement les alentours des yeux, quand le bruit d'un moteur inconnu provenant de derrière le bâtiment arriva à mes oreilles.
Ni une ni deux me précipitai dans cette direction.
Après quelques pas, j'aperçus Bex, tranquillement installé derrière le volant d'une Ford Mustang décapotable à la carrosserie bleue défraîchie.
Mes pieds se plantèrent dans le sol tandis que mes deux sourcils s'arcs-boutèrent.
—Nan mais qu'est-ce que t'as encore foutu ?!
—Magne, gronda-t-il en me désignant le siège passager.
Tout en le considérant avec prudence, je m'avançai puis finis par venir m'installer à ses côtés.
—Ça n'était pas vraiment à ça que je pensais quand on parlait de faire le plein, me moquai-je en refermant la portière.
Pied au plancher, il démarra dans un nuage de poussière pour reprendre la route.
—Tiens, dit-il en me tendant son portable, appelle Barrosa pour moi.
Sceptique, mon regard passa du téléphone à son visage de profil plusieurs fois. J'évaluai la situation dans mon esprit mais mon envie de lui dire ma rancœur de vive voix prit l'ascendant sur ma raison.
Je lui pris le téléphone des mains d'un mouvement un peu trop spontané pour être honnête, et commençai à faire défiler l'écran.
—Mets l'appel en haut-parleur et en visio, précisa-t-il.
—Pourquoi en visio ? demandai-je, peu convaincue.
Lui cracher mon animosité au bout du fil était une chose, lui dire droit dans les yeux avec son franc-parler légendaire en était une autre.
—Je veux voir sa tête quand je lui dirais que c'est son homme de confiance, qui nous l'a faite à l'envers.
Une ride creusa mon front.
—Le type dans la caisse derrière nous tout à l'heure, reprit-il.
—Oui et ?
—Son bras droit d'après ses dires, s'énerva-t-il devant mon incompréhension.
J'avais peur de la suite.
—Quoi attends tu veux dire que celui qui nous poursuivait tout à l'heure, c'était...
—Sebastian, compléta-t-il d'un air absent.
L'horreur déforma mes traits.
C'était impossible.
Non pas lui...
—Bon tu l'appelles, merde !
Je sursautai.
—Je... oui oui.
La sonnerie retentit.
Plusieurs fois.
Mais rien.
Encore sous le choc de cette révélation, je réitérai l'appel.
Deux fois.
Trois fois.
—Putain mais qu'est-ce qu'il fout ?! m'agaçai-je.
—Il est peut-être occupé avec Irina.
Une boule amère obstrua ma gorge alors que que je dévisageai Bex.
Un fin rictus ourlait ses lèvres.
P'tit con !
Je secouai la tête pour chasser cette image puis lançai l'appel une quatrième fois. À mon grand soulagement, le visage d'Isaac apparut enfin sur l'écran.
—Barrosa, répondit-il d'une voix sèche.
Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que ce n'était pas à Bex qu'il avait affaire, mais bien à moi. Sa bouche s'incurva légèrement et son regard intraitable muta en quelque chose de plus léger. De plus joueur.
Les paroles du basané étaient toujours bien imprimées dans mon esprit et ma colère grimpa en flèche.
—Mais merde, Isaac ! Pourquoi t'as mis autant de temps pour répondre ?!
—Trop de sang.
—Hein ?
—Sur mes mains, mi querida, précisa-t-il comme si de rien n'était. J'avais trop de sang sur les mains et l'écran tactile ne voulait pas marcher.
Pas bien sûre de comprendre, je le fixai, incrédule, avant que ma conscience ainsi que mon discernement daignent refaire surface.
—Dis plutôt que t'étais trop occupé avec ta russe, le piquai-je.
J'entendis le basané ricaner mais j'en fis abstraction.
Isaac arqua un sourcil curieux tandis qu'un rictus arrogant commençait à étirer ses lèvres.
Je levai les yeux au ciel.
Le mode connard venait de s'enclencher.
J'hésitai encore sur lequel des deux se foutait le plus de ma gueule.
—Trésor, commença-t-il d'une voix railleuse, toi aussi, tu m'as manqué.
—Bon trêve de plaisanterie, lança Bex en m'arrachant le portable des mains. J'ai deux mauvaises nouvelles pour toi, Barrosa. Par laquelle j'commence ?
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