Enfin, elle arrivait.

La nuit.

Nuit douce et bienfaisante.

Nuit silencieuse et délicate.

Nuit tant crainte par d'autres mais tant aimée par Valia.

Certes, la nuit avait, par le passé, été témoin de beaucoup d'atrocités mais elle n'en était pas fautive.
Les Elfes de la Nature comme Mila et Valia n'étaient pas censés aimer l'obscurité - au contraire, les Elfes de la Nature la craignaient quelque peu - mais, sans savoir pourquoi, l'Elfe aînée l'adorait. Peut-être était-ce dû à la probabilité, voire la quasi certitude, qu'elle avait un peu de sang d'Elfe de la Nuit dans les veines. Comment l'avait-elle découvert ? Elle ne savait plus. Ah si, elle avait surpris une discussion mentale entre les deux dragons, sans le vouloir mais elle ne comprenait pas d'où de telles affirmations pouvaient leur venir. Savaient-ils quelque chose que les Elfes ignoraient ? Bref. La guerrière chassa bien vite ces pensées de son esprit. Elle réglerait cette histoire plus tard, ainsi que tout le reste. Ce n'était pas le moment de s'en inquiéter.

Suivant son instinct, Valia entra dans la forêt. Une fois-là, elle s'arrêta, debout entre les arbres, ferma les yeux, vida son esprit et étendit ses sens invisibles à toute la forêt. Elle ressentit la vie de cette forêt, entendit les animaux nocturnes sortir de leur tanière, perçut les vibrations de leurs pattes délicates sur le sol en mousse et apprécia la douce brise dans ses cheveux. A ce moment, Valia devint la forêt et étendit ses sens plus loin encore. Au-delà de ce bois. Au-delà de ces arbres, grands esprits de la Nature. Au-delà de leurs branchages et de leurs feuilles.

Une chouette hulula, perçant le silence alentour. Un son plutôt sinistre à vrai dire mais agréable pour l'Elfe. Un son synonyme de vie et de nuit. Encore ce mot.

Soudain, des sons différents vinrent caresser ses oreilles pointues. Des sons doux mais également plus durs et secs. A présent, l'Elfe entendait une voix qui chantait et accompagnait ces sons. C'était une voix d'homme. Ou plutôt, de jeune homme. L'ensemble chant et mélodie donnaient un accord parfait. C'était sublime, magnifique, merveilleux, envoûtant. Trop envoûtant.

Plus charmée qu'intriguée, Valia suivit la mélodie et s'arrêta au bord d'une clairière au centre de laquelle brûlait un bon feu. Les flammes la fascinèrent. Danseuses dans le ciel noir, elles semblaient l'appeler, l'inviter à avancer, à les rejoindre. Et Valia voulait avancer et danser au milieu de ces flammes. Elle voulait sentir leur chaleur lécher ses bras, sa peau. Se fondre en elles. Se laisser posséder par elles.

Mais l'Elfe détourna les yeux du spectacle magnifique que donnait ce feu et élargit légèrement son champ de vision. Autour de l'élément se trouvait un groupe de jeunes hommes dont l'un jouait de la guitare et chantait. Tous les regards étaient tournés vers lui. Les flammes se reflétaient sur la chevelure brune du musicien et, en cette nuit sans lune, lui donnaient un aspect d'ange des ténèbres. Un être qui appartenait à l'obscurité. Oui, il était beau ainsi...

Puis, tout-à-coup, le charme se rompit. La guitare se tut et la douce mélodie se perdit. Le chanteur se tourna vers les arbres et vit une silhouette s'esquiver. Il fronça les sourcils.

- Qu'est-ce qu'il y a frangin ? demanda un jeune homme, se tournant dans la même direction.

- Tu n'as rien senti ?

- Non.

- J'ai dû rêver alors, déclara le musicien sans conviction.

Les autres le regardaient, incrédules, se lever, sonder les sous-bois du regard et partir dans leur direction.

- J'vais me dégourdir les pattes, donna-t-il comme explication.

En réalité, il voulait savoir ce qu'il avait vu. Et senti. Il n'était pas fou ! Il avait ressenti une présence et avait détecté de la rage ainsi qu'une haine profonde, enfouie et sombre. De plus, son flair lui avait confirmé qu'une personne étrangère se trouvait non loin de là. Et cette personne n'avait pas l'odeur d'un humain. Mais malgré cela, le jeune homme était attiré, aussi étrange que cela pouvait être, et voulait retrouver cette personne qu'il avait aperçue.