15 - Because you're in my arms

"Parce que tu es dans mes bras"

☆~°

Samedi 28 septembre, 17:48

Je regarde mon téléphone pour la troisième fois depuis dix minutes. Plus que douze à attendre. Aucun message reçu. Je vérifie encore que tout est fin prêt. Je fais craquer mes doigts à nouveau. Hakuryuu perd patience, et râle :

- Tu veux pas t'asseoir deux minutes et rester tranquille ? On dirait Taiyou, là !

Je soupire, et viens m'installer à ses côtés sur le canapé. Il a raison, ça ne sert à rien de tourner en rond en attendant que l'heure passe. Yuuichi, jusqu'ici dans la cuisine, nous rejoint et me rassure :

- Ils vont bientôt arriver, de toute façon, ne t'inquiète pas.

- Je sais, je soupire, sans pour autant parvenir à me raisonner complètement.

Ça va faire un mois que Tenma est réveillé de son coma. Et, au vu des progrès qu'il a fait au niveau de sa rééducation ces derniers temps, les médecins ont décidé de le laisser sortir aujourd'hui. C'est vrai que, s'il arrivait à peine à marcher il y a deux semaines, maintenant, même si ça reste fatiguant, il y parvient sans trop de problème. Et ça, c'est parce qu'il n'a rien lâché. Je suis tellement fière de lui.

Bien sûr, dès que la nouvelle de sa sortie a fait le tour de notre groupe d'amis, certains (comprendre Taiyou et Sakura) ont insisté pour qu'on fête ça, histoire de marquer le coup. C'est là que Yuuichi a proposé d'organiser une petite soirée ici. Rien de bien méchant, bien sûr : Tenma est encore un peu fatigué, alors pas d'alcool, ni de musique à fond jusqu'à 2h du matin. Juste une petite soirée tranquille avec nos amis les plus proches.

D'ailleurs, après quelques minutes à me faire violence pour rester assise, la sonnerie retentit enfin. Tout le monde hormis deux personnes est censé venir vers dix-huit heures trente, alors il ne peut s'agir que d'eux. Je bondis hors du canapé, me récoltant un rire moqueur de Hakuryuu. Je l'ignore et me dépêche d'aller à l'entrée.

A peine ai-je le temps d'ouvrir la porte qu'une tornade brune se précipite sur moi, me serrant fort dans ses bras. Partageant sa joie, je réponds à son étreinte, ne pouvant retenir le grand sourire qui se dessine sur mes lèvres.

- Ça y est, je suis libre ! Tenma s'exclame.

- Et j'ai même pas eu à te faire sortir en douce, plaisante Taiyou, qui est venu le chercher à l'hôpital.

Je lui lance un regard noir, le connaissant assez pour savoir que, si les médecins avaient tardé à laisser sortir Tenma, cette plaisanterie n'en serait pas restée une. Avant son opération, j'ai arrêté de compter le nombre de fois où Taiyou s'est échappé de sa chambre pour aller jouer au foot ou voir Hakuryuu. Ce dernier s'est d'ailleurs arraché les cheveux un nombre incalculable de fois, à cause de cet idiot.

Tenma et moi nous séparons légèrement pour nous embrasser, puis je le regarde un peu plus attentivement. Il a revêtu une salopette en jean bleue, avec un pull jaune en dessous, et ses baskets blanches habituelles. Ca parait bête, mais ça faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu porter autre chose que sa tenue d'hôpital que le voir ainsi me réchauffe le coeur.

Puis, tandis que Tenma retire ses chaussures, Taiyou déclare alors :

- Au fait, on est pas venus seuls !

Tiens, c'est vrai que maintenant qu'il le dit, il n'a pas fermé la porte d'entrée... Tenma et Taiyou s'échangent un regard complice, et ce dernier jette un coup d'œil furtif à Hakuryuu, toujours assis sur le canapé, trop flemmard pour venir saluer son copain. Oh. Je crois que j'ai compris. Taiyou, tu es sois un génie, sois un idiot fini. Probablement les deux à la fois.

Et, effectivement, quelques secondes plus tard, Shuu entre à son tour dans l'appartement. Lorsqu'il salue Hakuryuu, celui-ci manque de s'étouffer avec... rien du tout, juste de l'air. Taiyou explique alors :

- On l'a croisé par hasard en venant, alors on lui a proposé de venir avec nous !

Par hasard ? Ce cachotier de rouquin avait bien prévu son coup, oui. Au moins, ça confirme ce que je pensais : tant que Hakuryuu est honnête avec lui, ça ne dérange pas Taiyou qu'il ait aussi une relation avec Shuu. Maintenant, il faut juste que Hakuryuu le roi du déni accepte d'avouer ses sentiments...

C'est ce moment que Yuuichi choisit pour déclarer :

- Ah, Yuuka m'appelle, je reviens dans deux minutes.

Un appel ? C'est impossible, il ne laisse jamais son téléphone... ah. Oui, je vois. Je me tourne vers Tenma, et, d'un seul regard, on comprend qu'on a eu la même idée. Je lui prends la main, et commence à l'emmener en direction de ma chambre.

- Bon, on vous laisse, on aimerait bien avoir un peu de tranquillité avant que tout le monde débarque.

Hakuryuu, qui a très bien compris mon petit manège, me lance un regard noir. Je le soutiens quelques secondes, le temps de faire passer un message.

"Tu sais ce qu'il te reste à faire."

"Je vous déteste tous."

"Sauf Taiyou et Shuu visiblement."

Et, sur ces mots, on entre dans ma chambre, laissant les trois autres régler leurs affaires de cœur. Tenma prend un instant pour regarder un peu partout. C'est vrai que c'est la première fois qu'il vient ici. Ma chambre n'a rien de très particulier : les murs lavande sont parsemés de posters de jeux vidéos, sur le bureau s'entassent des tas de feuilles de cours, et mon miroir porte encore les traces de rouge à lèvres que Hakuryuu s'est amusé à dessiner pour m'emmerder il y a cinq ans.

- Elle est jolie ta chambre, j'aime bien, déclare pourtant Tenma.

- Hum, merci, j'hésite, ne sachant pas trop comment réagir.

On s'assoit sur mon lit, contre le mur, et Tenma se blottit contre moi. C'est le genre de gestes devenus familiers en un mois, mais qui paraissent tout de même plus spéciaux maintenant que Tenma est hors de l'hôpital. Je remarque cependant qu'il joue nerveusement avec l'une des attaches de sa salopette depuis tout à l'heure.

- Tout va bien ? je lui demande.

- Oui, t'inquiète. C'est juste que... il hésite. Mh, je crois que je stresse un peu, c'est tout.

C'est vrai que, si tout le monde venait lui rendre visite régulièrement à l'hôpital, c'est la première fois depuis son réveil qu'il les verra tous en même temps. D'autant que la soirée d'aujourd'hui est à son honneur, et, malgré ses airs extravertis, Tenma se sent vite mal à l'aise quand toute l'attention est sur lui. Et puis, j'imagine qu'il craint encore que certains lui en veuillent pour sa fuite...

- Ça va aller, je le rassure. On a bien précisé à tout le monde que ça devait être tranquille. Et puis, même si tout le monde a eu peur cet été, ce qui compte c'est que t'ailles bien maintenant. Tout au plus, tu te feras agresser de câlins chaque fois que quelqu'un arrivera.

Il laisse échapper un petit rire à cette dernière phrase.

- Moi ça me va les câlins.

Je le serre un peu plus fort dans mes bras. Tout ira bien pour lui, j'en suis persuadée. Je serai toujours là pour le soutenir, quoi qu'il arrive. Et je ne suis pas la seule. S'il y a bien une chose que ces derniers mois ont prouvé, c'est que Tenma a toute une armée prête à voler à son secours. Il le mérite bien, après tout ce qu'il a enduré.

- Kyouka ?

- Mmh ?

- Je t'aime.

- Moi aussi, Tenma.

18:31

La sonnerie retentit pour la première fois depuis l'arrivée de Tenma, Taiyou et Shuu. En parlant des deux derniers, je me demande s'ils ont fini de discuter avec monsieur la drama queen. Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir, de toute façon. Tenma et moi sortons de ma chambre. A peine pose-t-on un pied dans le salon que mon petit ami se fait assaillir par une étreinte. Ai-je besoin de préciser qu'il s'agit de Sakura ?

- Tenmaaaaaa !!! T'es enfin sorti, je suis trop contente !

Konoha est là aussi, les deux ayant sûrement fait le chemin ensemble. Elle fait également un câlin à Tenma, et, de sa voix timide, lui déclare :

- Je suis heureuse pour toi.

Tenma leur sourit à toutes les deux, visiblement ému. Moi, j'en profite pour tourner mon attention vers les trois qu'on a plantés ici quelques minutes plus tôt. Hakuryuu et Shuu sont assis côte à côte sur le canapé. Taiyou, qui s'est levé pour ouvrir aux filles, lève le pouce en l'air en souriant. Regardant de nouveau mon ami d'enfance, je remarque qu'il tient discrètement la main de Shuu. Il me fixe aussi d'un air mauvais, pour changer.

"Va voir ailleurs si j'y suis."

"Ça t'aura pris moins de temps que je le pensais."

"Très drôle."

"Félicitation Haku. Pour de vrai, je suis contente pour toi."

"Ouais... merci."

Notre passionnante conversation télépathique est interrompue par la sonnette. Cette fois, c'est Yuuichi, qui entre-temps est aussi revenu dans le salon, qui part ouvrir. Il ne manque plus qu'une seule personne, alors aucune surprise quand on voit Ranmaru arriver. Je repense à notre conversation un mois plus tôt au café. Pourtant, aucune trace de peine n'est présente dans son regard, et il prend lui aussi Tenma dans ses bras en déclarant :

- Content de te revoir.

Cette fois, c'est moi qui sourit. Pour Tenma, mais aussi pour Ranmaru, qui est elle aussi bien entourée, désormais. Yuuichi annonce qu'il va commander les pizzas. A la base, il ne comptait pas rester, ne se sentant pas légitime d'être présent à une soirée qui rassemble les amis proches de Tenma. Or, il lui a souvent rendu visite ces derniers temps, et Tenma l'adore. Alors, moi et Taiyou, on a réussi à le convaincre de rester.

Toutefois, avant que mon grand frère ne s'éclipse dans la cuisine, Hakuryuu se lève soudainement et l'arrête :

- Attends. On a dit que c'était la soirée pour se détendre, donc avant, y'a un truc que j'aimerais régler une bonne fois pour toutes.

Tout le monde le regarde d'un air intrigué. Même moi, je n'ai aucune idée de ce dont il parle, et ça semble aussi être le cas de Taiyou. Hakuryuu s'approche de Tenma et vient se planter devant lui, le fixant droit dans les yeux.

Puis, d'un coup, il le gifle.

Mon sang se met à bouillonner dans mes veines. Hors de moi, je m'apprête à me précipiter sur Hakuryuu pour l'éloigner de Tenma. Une main sur mon épaule m'arrête. C'est Shuu. Il secoue la tête, me faisant comprendre que je ne dois pas intervenir. J'entends alors Hakuryuu crier :

- Ca, c'est pour le sang d'encre qu'on s'est fait quand tu t'es barré ! J'espère que t'as retenu que c'était une idée à la con, parce que sinon je te jure que la prochaine fois je te retrouve et je t'enterre moi-même !

Puis, brusquement, il serre Tenma dans ses bras, et continue d'une voix plus calme mais toujours aussi émotive :

- Et ça, c'est pour te rappeler que t'es pas seul. Alors refais plus jamais un coup pareil, pigé ?

Et, enfin, je comprends. Bien sûr, Hakuryuu est mieux placé que n'importe qui pour savoir à quel point s'enfuir sans prévenir n'arrange rien du tout. Il a vu de ses propres yeux l'impact que ça a eu sur ses proches, s'est pris de plein fouet la frayeur que ça nous a causé. Il comprend mieux que personne pourquoi Tenma a fui, c'est pourquoi ça l'énerve autant que ça le touche.

Tenma répond à son étreinte, et lui promet de ne plus jamais recommencer. Lorsqu'ils se séparent, je cherche le regard de mon petit ami, inquiète. Toutefois, bien qu'il soit visiblement un peu secoué, il me sourit pour me rassurer. Il a compris la leçon. Et, si je n'apprécie toujours pas que Hakuryuu l'ait frappé, je peux difficilement le lui reprocher quand j'ai eu la même réaction quelques années plus tôt.

- Voilà, c'est bon, j'ai dit ce que j'avais à dire, déclare simplement Hakuryuu. On les commande, ces pizzas ?

Il faut quelques secondes à Yuuichi avant d'hocher la tête et de partir dans la cuisine pour appeler. La scène a vraiment secoué tout le monde. Néanmoins, ils se rappellent aussi de ce qu'on s'est dit sur le groupe : laisser de l'espace à Tenma. C'est pourquoi l'altercation est vite oubliée, et les conversations dérivent sur des sujets plus légers.

La bonne ambiance règne pour le reste de la soirée. Une fois les pizzas arrivées, Taiyou sort son Uno pour qu'on commence à jouer. Avec neuf personnes, chaque partie prend au moins quinze bonnes minutes à se finir. Ce n'est pas grave, parce qu'on s'amuse bien. Je gagne la première partie, Yuuichi la deuxième, et Shuu toutes les autres. Je précise qu'il n'avait jamais joué au Uno avant aujourd'hui. C'est officiel, le nouveau copain de Hakuryuu me terrifie.

Une fois lassés du Uno (enfin surtout de voir Shuu nous battre à plate couture), Yuuichi trouve un film au hasard sur Netflix. On ramène des coussins pour que tout le monde puisse s'installer confortablement, et moi et Tenma nous asseyons l'un contre l'autre dans un coin du canapé. Le calme commence à régner, si on occulte les commentaires incessants de Taiyou et Sakura et Ranmaru qui n'arrêtent pas de chuchoter sans aucune forme de discrétion.

Plus le film avance, plus je sens que Tenma est de moins en moins réactif. Ses yeux se ferment tout seul à plusieurs reprises, avant de s'ouvrir en grand d'un seul coup. Il lutte contre le sommeil, c'est évident. Je lui murmure discrètement :

- Tu veux aller dormir ?

Il secoue légèrement la tête.

- Tout le monde est venu pour fêter ma sortie, je vais pas partir en plein milieu.

- Ils savent que t'es encore fatigué, je rétorque. Personne t'en voudra. Et puis, on pourra toujours réorganiser quelque chose du genre plus tard.

Il garde le silence quelques secondes, réfléchissant sans doute à mes propos, puis accepte :

- D'accord. Tu me rejoins bientôt ?

- Bien sûr.

Tenma se lève puis s'éclipse dans ma chambre d'un pas lent. Personne ne fait la moindre remarque. Tout le monde sait que, malgré sa sortie d'hôpital, il a quand même besoin de repos. D'ailleurs, après son départ, Ranmaru et Sakura cessent de chuchoter si fort, et Taiyou ne fait plus aucun commentaire.

L'horloge indique presque minuit lorsque le film se termine. Nos amis décident qu'il est temps pour eux de rentrer. Après avoir salué tout le monde, Yuuichi, Hakuryuu et moi nous retrouvons seuls dans le salon. Mon grand frère commence à ranger un peu le bazar, et je m'apprête à l'aider quand mon ami d'enfance me pousse en direction du couloir.

- Toi dégage, on s'en occupe.

Dit avec amour et politesse, comme toujours. Je comprends toutefois le message, et leur souhaite bonne nuit avant de retourner dans ma chambre. Je retrouve Tenma emmitouflé sous ma couette, l'expression apaisée. Cette vision me réchauffe le cœur.

J'enfile rapidement mon pyjama, puis vient me glisser à ses côtés. C'est alors que ses deux bras m'attrapent pour m'attirer contre lui. Un rire m'échappe.

- Je t'ai réveillé en rentrant ?

- Mh, pas grave, il marmonne d'une voix toujours ensommeillée.

Je referme mes bras autour de lui pour le serrer contre moi.

- Bonne nuit Tenma, je t'aime.

- Bonne nuit, moi aussi je t'aime.

Dans les bras l'un de l'autre, le sommeil ne tarde pas à nous trouver pour un repos bien mérité. Après tout, aujourd'hui n'était que le commencement du renouveau pour Tenma. Et ce renouveau, je le vivrai à ses côtés.

Parce qu'on a toute la vie devant nous. 

☆~°

Bon. Vous savez ce qui vient après. Toutes les bonnes choses ont une fin. 

Hakuryuu qui fout une claque à Tenma c'est vraiment le truc que je voulais faire depuis le début. C'est sa manière à lui de dire "je suis pas un exemple" et "je me suis inquiété pour toi pauvre débile". Comme l'a si bien dit Kyouka "Dit avec amour et politesse, comme toujours".

Du coup, on se retrouve demain pour l'épilogue (il est déjà écrit, oui je poste en retard demandez pas pourquoi j'avais juste la flemme)

Sur ce, à la prochaine 💜

(PS: Tkt Gab j'ai pas oublié le caméo)

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