13 - Never leave again. Promise?

"Ne pars plus jamais. Promis ?"

☆~°

Jeudi 29 août, 10:21

La porte se referme derrière moi, signe que Taiyou vient de quitter la pièce. Je m'approche sans quitter Tenma des yeux. Son lit a été réhaussé pour qu'il puisse être dans une position semi-assise. Mes pas sont lents, atrocement lents, comme si le moindre mouvement brusque risquait de briser l'illusion. Je m'assois sur la chaise à côté du lit comme je n'ai eu de cesse de le faire tout le mois durant.

Mais cette fois, quand ma main se pose sur la sienne, je sens ses doigts se resserrer faiblement autour des miens.

Ce contact, il est réel. Tout est réel. Ce n'est pas une illusion.

Nos regards ne se détachent pas l'un de l'autre. Les yeux de Tenma brillent d'un éclat renouvelé, bien qu'encore un peu désorienté. Un doux sourire éclaire son visage angélique, ce sourire qui m'avait tant manqué. Je le lui rends, bien sûr, comme promis.

Malgré tout, il ne prononce pas le moindre mot. Je ne sais pas si c'est parce qu'il n'ose rien dire ou parce qu'il sort tout juste du coma, alors je lui demande d'une voix hésitante :

- Comment tu te sens ?

- Un peu bizarre. J'arrive pas trop à bouger.

Sa voix est faible et enrouée, mais je l'entends clairement malgré tout. J'hoche la tête sans rien ajouter. Tant de pensées se bousculent dans ma tête que je ne parviens pas à articuler le moindre mot. La surprise, le soulagement, l'angoisse qui retombe d'un coup... l'amour aussi, aucune parole ne peut les exprimer avec justesse, pour le moment.

- J'ai dormi un mois, c'est ça ? il demande, toujours d'un ton presque murmuré.

J'imagine que les médecins ont déjà dû lui expliquer le gros de la situation à son réveil. J'acquiesce, caressant doucement le dos de sa main avec mon pouce. Un mois... un mois qui est passé à la fois vite et lentement, comme si j'avais été en transe tout ce temps. Ou plutôt, comme l'a si bien dit Sakura, en "pilote automatique". Tout me semble déjà flou, en particulier en présence de Tenma, avec qui je me sens plus vivante que jamais.

- Kyouka ? il m'interpelle alors.

- Oui ? je l'invite à poursuivre.

- Je suis désolé.

Ses yeux se sont détachés des miens, teintés de peine et de culpabilité. Il a à peine la force de bouger, et, pourtant, je peux sentir sa main tressaillir dans la mienne. Voix désormais tremblante, il poursuit :

- J'aurais pas dû partir. J'aurais pas dû te dire de partir. J'aurais pas dû mentir en disant que j'y croyais plus. J'ai dit que c'était pour te protéger, mais en vrai, c'était tellement égoïste. J'ai inquiété tout le monde, j'en ai fait qu'à ma tête, et à cause de ça, j'ai failli... Je suis tellement désolé... Si tu m'en veux, je-

Je ne le laisse pas finir. Je me lève précipitamment et l'attrape par les épaules pour le serrer contre moi. Il ne peut pas lever les bras pour répondre à l'étreinte, mais je sens sa tête s'enfouir contre mon épaule. Ses larmes viennent mouiller mon haut, et les miennes mes joues. Malgré tout, je parviens à articuler :

- Juste... promets-moi de plus jamais refaire un truc pareil.

Je ne lui en ai jamais voulu. Comment aurais-je pu ? C'est lui qui a souffert le plus, dans cette histoire. Pourtant, je réalise que j'avais besoin d'entendre ses excuses. J'avais besoin de l'entendre dire que me repousser a été une erreur. Néanmoins, hors de question que je le laisse s'en vouloir plus longtemps. Il a déjà enduré bien assez d'épreuves comme ça.

On reste ainsi pendant une durée indéterminée. Une minute ? Cinq ? Dix ? Peu importe. Le temps qu'il faut pour que toute la peine accumulée ressorte. Lorsque, enfin, nos larmes ont fini de s'écouler, je lâche Tenma et m'écarte légèrement. Lui me regarde de nouveau droit dans les yeux, et me réponds avec ce sourire si tendre qui lui est propre :

- C'est promis.

Puis, il ajoute quelque seconde plus tard, comme s'il avait du mal à réaliser :

- C'est vraiment fini, pas vrai ? Ils ont réussi à me sauver ?

Mon sourire s'agrandit. On est fin août, et pourtant, Tenma se trouve bel et bien devant moi, toujours aussi rayonnant malgré tout ce qu'il a traversé. Oui, il est vivant, peut-être bien plus qu'il ne l'a jamais été.

- Oui, c'est fini, je l'assure. Une fois que tu seras rétabli, tu vas pouvoir reprendre une vie normale.

Son rétablissement risque de prendre du temps. A cause du coma, déjà, mais aussi parce que son corps doit s'habituer à ce nouveau cœur qui bat dans sa poitrine. Ça va sans doute être long, et éreintant. Mais je ne doute pas une seconde qu'il s'en sortira. C'est de Tenma qu'on parle, après tout.

On frappe soudain à la porte, et une infirmière entre. Je la reconnais. Elle s'appelle Honoka, elle s'est souvent occupée de mon frère, et aussi de Tenma, ces derniers temps. Elle est incroyablement gentille et attentionnée, mais aussi intransigeante quand il s'agit du bien-être de ses patients.

- Dis-donc jeune fille, les visites ne sont pas autorisées à cette heure-ci, elle me rappelle à l'ordre en souriant.

- S'il vous plaît Honoka, Kyouka peut pas rester encore un peu ? la supplie Tenma.

- Désolée Tenma, mais j'ai des examens à te faire passer. Kyouka, tu veux bien sortir ?

J'acquiesce à contre-coeur. C'est vrai qu'à force de voir Taiyou frauder, c'est difficile de se rappeler que, de base, les visites ne sont pas autorisées le matin. Je serre une dernière fois la main de Tenma dans la mienne, lui promettant de revenir dès que possible, avant de me diriger vers la porte. Avant que je sorte, Honoka me glisse :

- Ne t'en fais pas, tu pourras revenir dans l'après-midi.

Je la remercie en souriant et sort de la pièce. Une fois dans le couloir, je m'adosse au mur quelques minutes et ferme les yeux, respirant profondément. Il est clair que moi et Tenma avons encore bien des choses à nous dire. Néanmoins, pour le moment, je me retrouve assaillie par des tas d'émotions qui me retombent dessus d'un coup. Des émotions positives, certes, mais pas moins difficiles à gérer.

Je finis par me remettre en marche, lentement, incapable de presser le pas. J'atteins le coin du distributeur, où je retrouve Taiyou, comme je m'y attendais. En me voyant, il se lève aussitôt pour me rejoindre et demande simplement :

- Alors ?

- Il doit passer quelques examens. On pourra retourner le voir cet aprem.

Taiyou hoche la tête sans chercher à en savoir plus. Je sais bien que ce n'est pas la réponse qu'il attendait, et j'apprécie qu'il respecte ma volonté de garder le silence à ce sujet. Je préfère que notre conversation reste entre moi et Tenma, au moins jusqu'à ce qu'on ait pu tout mettre au clair.

- Bon, ben, en attendant, reprend Taiyou, Yuuichi m'a proposé de passer manger avec lui. Tu viens ?

C'est vrai qu'il nous reste trois bonnes heures à tuer avant que les visites ne commencent officiellement. Néanmoins, je lui réponds :

- En fait... je préférerais rester un peu seule.

J'ai besoin d'un moment pour souffler, pour me remettre de mes émotions avant qu'elles ne reviennent à la charge de plus belle cet après-midi. Compréhensif, Taiyou accepte, mais pose tout de même une main réconfortante sur mon épaule et demande en souriant :

- On se retrouve à quatorze heures, alors ?

- Ouais, à tout à l'heure.

Et on se sépare sur ces mots. En sortant, la chaleur d'été me retombe dessus d'un seul coup. Or, cette fois, en levant les yeux vers le soleil brillant haut dans le ciel, je souris.

16:47

L'après-midi s'est avérée riche en visites. Rien d'étonnant : Tenma est entouré de proches qui se sont inquiétés pour lui. Aki, Sakura, Konoha, Hakuryuu... même Yuuichi est passé lui dire bonjour. Ranmaru, lui, a promis qu'il viendrait demain.

La plupart sont désormais repartis chez eux, cependant. Seules moi et Aki sommes restées sur place. Cette dernière a passé un long moment seule avec Tenma. Elle aussi devait avoir beaucoup de choses à lui dire, à n'en pas douter. Lorsque je la vois revenir dans la salle d'attente, elle arbore un grand sourire, et me dit simplement :

- C'est à toi d'y aller, je pense.

J'acquiesce et retourne dans la chambre 108. En me voyant entrer, le visage de Tenma s'illumine. Il semble plus alerte que ce matin, bien que paradoxalement plus fatigué. Il doit être vidé après autant de visites. Je m'assois, et, comme ce matin, lui prend la main. Ses doigts se resserrent autour des miens avec un poil plus de force qu'avant.

- Ça va ? Pas trop fatigué, après toutes ces visites ? je lui demande quand même.

- Un peu, admet Tenma avec un sourire gêné. Mais, ça m'a fait plaisir de voir tout le monde.

- Crois-moi, eux aussi, ça leur a fait plaisir de te voir.

Un court silence s'installe. Maintenant que le flot de visite s'est estompé, et qu'aucune infirmière n'est là pour nous interrompre, notre conversation de ce matin peut reprendre là où elle s'est arrêtée. Les yeux dans le vague, Tenma admet :

- Je crois que j'ai encore un peu de mal à réaliser... je vais vraiment pouvoir continuer à passer du temps avec tout le monde. J'ai plus besoin de dire adieu à qui que ce soit... je vais enfin pouvoir vivre !

Sa voix, bien qu'encore enrouée, trahit tout son soulagement, sa joie, son enthousiasme... Comment ne pas sourire en le voyant si heureux ? Sa vie ne se contente pas de continuer, elle commence tout juste. Resserrant un peu sa main dans la mienne, je réponds :

- Oui. C'est bien réel, c'est pas un rêve. Tu vas vivre, Tenma.

Il hoche légèrement la tête. Puis, je le sens hésiter avant qu'il ne m'interpelle de nouveau :

- Kyouka ?

- Oui ?

Ses yeux bleus comme le ciel plongent dans les miens, et dieu sait que je pourrais m'y noyer pendant des heures.

- La dernière fois, tu m'as dit que tu... est-ce que... tu pourrais le redire ? Comme si... comme si c'était la première fois que tu me le disais ?

"Comme si cette dispute n'avait jamais existé." Or, c'est faux. On aura beau prétendre, essayer d'oublier, d'enfouir, le fait est qu'elle existe, et qu'elle nous a fait mal à tous les deux. On ne peut pas rembobiner le temps. La première fois que je lui ai dit je t'aime n'est ni un souvenir heureux, ni romantique. Mais elle restera la première fois à jamais.

- Désolé, s'excuse alors Tenma, lisant ma réponse sur mon visage. J'imagine que c'est pas possible...

Je me lève alors, et m'approche jusqu'à ce que nos fronts se collent. Le regardant tendrement, je rectifie :

- C'est vrai, je peux pas te le redire pour la première fois. Mais je peux te le dire une deuxième. Et une troisième. Et autant d'autres fois que tu le veux.

On ne peut pas rembobiner le temps. On ne peut pas corriger les erreurs qu'on a déjà commises, ni effacer la douleur qu'on s'est mutuellement infligée. Ce qu'on peut faire, en revanche, c'est apprendre de ces erreurs, et soigner les plaies encore ouvertes. Du coin de l'œil, je remarque que Tenma essaye de bouger ses mains. Je les attrape pour les serrer dans les miennes.

- Oui, t'as raison. Ça me va.

On se sourit. Le temps ne s'arrête pas, il ne ralentit même pas. Pour quoi faire ? Qu'il s'écoule une seconde ou une heure, ça ne change rien. Pas de tragédie, pas de décompte des aiguilles à l'horizon, alors nul besoin de se presser.

- Je t'aime, Tenma, je déclare finalement.

Ce n'est pas la première fois que je lui dis, et, pourtant, mon cœur s'emballe. Surement parce que cette fois, je sais que sa réponse ne sera pas entachée par la peur de tout perdre. Je prends le temps de profiter de cette sensation qui réchauffe mon corps tout entier, en particulier lorsqu'il répond :

- Moi aussi, Kyouka.

Fermant les yeux, je pose mes lèvres sur les siennes. Mille saveurs se mélangent dans ce baiser : celle du jus d'orange, des cookies, des rires échangés en cours, des étreintes, des larmes, du décompte de l'horloge, de la séparation, et, enfin, des retrouvailles. Lorsqu'on se sépare, il n'y a qu'une question qui me vient en tête :

- Prêt à passer tous les prochains jours de ta vie avec moi ?

Et des jours, il y en aura beaucoup, tellement qu'il est impossible de les compter. Ca n'empêche pas Tenma de répondre sans hésiter :

- Plus que prêt, même. Kyouka, tu sais quoi ?

- Quoi donc ?

- Je t'aime.

Je ne peux m'empêcher de lâcher un petit rire.

- Tu me l'as dit il y a deux minutes, je te rappelle.

- J'ai dit "moi aussi", ça compte pas, il rétorque. Et puis, t'as bien dit que toi, tu le dirais autant de fois que je le voulais, non ? Alors moi aussi.

- C'est vrai, t'as raison. Moi aussi je t'aime.

Les mièvreries amoureuses, ça n'a jamais été mon truc. Quelques mois plus tôt, j'aurais même dit que ça me répugnait. Mais quand il s'agit de Tenma, je ne peux qu'accueillir à bras ouverts cette douceur pure, presque innocente.

Les minutes s'écoulent tranquillement. J'ai rapproché ma chaise pour pouvoir me reposer contre Tenma. On ne parle pas beaucoup. Je sens qu'il fatigue de plus en plus. Je sais que je vais bientôt devoir le laisser se reposer, mais je ne suis pas tout à fait prête à partir. Et lui n'est pas tout à fait prêt à me laisser partir, puisqu'il finit par demander :

- Dis, sur le mur là-bas, c'est des petits mots qui sont accrochés ? J'ai du mal à voir.

- Mmh, j'acquiesce dans un murmure.

- Tu pourrais me les lire ?

Acceptant, je me lève et marche jusqu'au mur en question. Or, au lieu de lui lire les mots d'ici, je les décroche un par un et retourne à ses côtés. Les yeux de Tenma observent chaque carte avec émotion. Même si, comme ça, il peut très bien les lire lui-même, je les lis malgré tout pour lui.

Aucun de ces mots n'est très long, tenant tous sur un format A5. Le premier, de Sakura, est décoré de petits stickers d'étoiles. Le deuxième, de Konoha, a un petit dessin de Sasuke dans le coin inférieur. Même sans être artiste, chacun a ajouté une petite touche d'originalité à sa carte, un petit grain de personnalité pour montrer à Tenma qu'ils pensent tous à lui.

Arrivés au dernier mot, un long bâillement s'échappe des lèvres de Tenma.

- Tu veux qu'on arrête là ? je lui propose, le sentant vraiment à deux doigts de s'endormir.

- Non, c'est bon, il refuse pourtant. Le dernier mot, c'est le tien, pas vrai ?

La carte est de couleur jaune, la préférée de Tenma. Chaque coin est orné d'un petit dessin : une aile d'ange, un pégase, un ballon de foot, et un verre de jus d'orange. N'étant pas une grande dessinatrice, j'y ai passé des heures. Je me racle la gorge, et entame la lectures des quelques mots écrits à l'encre violette :

Tenma,

Il y a peu de chances que tu lises ce mot avant qu'on se voit, mais on ne sait jamais. Je suis sûre que tu finiras par te réveiller. Et quand on se retrouvera, j'aurai une surprise pour toi. Alors ne tarde pas trop.

Je t'aime,

Kyouka.

- Tu veux savoir ce que c'est, la surprise ? je demande après ma lecture.

Aucune réponse ne me parvient, cependant. En tournant la tête, je découvre que Tenma a finalement rejoint les bras de Morphée. Une chose est sûre, il semble bien plus paisible maintenant que lors de son coma. Souriant tendrement, je me lève et me penche vers lui pour doucement déposer mes lèvres sur les siennes une dernière fois avant de partir.

- C'était ça. A demain Tenma, je t'aime.

Sur ces mots, je quitte la chambre de mon petit ami.

☆~°

Je vais citer ce que j'ai dit à ma beta-lectrice en lui envoyant le chapitre "après dix chapitres de souffrance ils ont gagné le droit d'être cringe"

Voilà j'espère que ce chapitre bien mignon a soigné vos petits cœurs brisés par dix chapitres d'angst à n'en plus finir. Bon du coup ça veut aussi dire qu'on arrive à la fin hein, désolé mais il reste deux chapitres + l'épilogue + potentiellement le bonus dont j'ai parlé (ce qui est déjà pas mal vous me direz).

D'ailleurs le prochain chapitre était pas prévu de base, c'est quelques jours après avoir écrit tout mon plan détaillé que je me suis dit "tiens ça je l'exploite pas plus c'est dommage", du coup pouf il s'est rajouté. Je ne dirai qu'une seule chose : le PDV exceptionnel de Tenma va faire son retour.

Sur ce, à la prochaine 💜

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