Sapin

En arrivant ce jour là dans la grande salle, Drago grimaça, écœuré. Un énorme sapin tape à l'œil et bien trop chargé de décorations clinquantes se dressait dans un coin, rappelant à tous que Noël approchait.

Autrefois, avant l'emprisonnement de son père, avant la marque sur son bras, il avait aimé Noël. Il s'était émerveillé comme tous les enfants des décorations joyeuses et des lumières. Il avait apprécié l'euphorie qui contaminait tout le monde, cette espèce de joie et d'attente.
Mais désormais, la fête était gâchée. Noël ne lui apprenait qu'une chose : l'année se terminait et le compte à rebours s'égrenait pour lui, bien trop rapidement. L'échéance donnée par Voldemort approchait dangereusement, et Drago n'avait pas encore pu atteindre Dumbledore. Pas plus qu'il n'avait réussi à réparer cette fichue armoire malgré ses efforts...

Depuis son affrontement avec Potter et son court séjour à l'infirmerie, il n'était pas retournée dans la salle sur demande. Il s'en était tenu à l'écart, comme si les choses avaient changé. Mais finalement... rien n'avait changé. Il avait toujours cette épée de Damoclès au dessus de la tête, et plus il tardait, plus les risques que sa famille soit blessée par sa faute étaient grands.

Avec un soupir résigné, Drago se renfrogna et fit demi-tour immédiatement, avant même de prendre place et de manger. Il s'était éloigné de ses obligations, mais il était temps pour lui de se montrer un peu plus appliqué et de faire ce qu'on attendait de lui, s'il voulait sauver ses parents. Cette débauche de joie alors qu'il s'enfonçait dans le désespoir lui avait coupé l'appétit.
Un bref instant, il pensa à sa mère, isolée de tous dans le Manoir, entourée de Mangemorts, devant offrir le gîte et le couvert à Voldemort. Il se jura de lui écrire plus souvent pour prendre de ses nouvelles, puis il repoussa fermement son inquiétude alors qu'il faisait des allers et retours devant le tableau immonde qui gardait la salle va-et-vient.

L'adolescent entra, et ignora le capharnaüm. Il y avait bien longtemps que l'entassement d'objets pour le moins hétéroclites ne le surprenait plus. Sans la mission qu'il avait à accomplir, il se serait peut être émerveillé de tout ce qu'il y avait à découvrir dans cette pièce. Tous ces objets qui avaient eu de la valeur pour quelqu'un à une époque, perdus par leurs propriétaires puis rassemblés par la magie du château en cet endroit.

Il parcourut les allées formées entre les amoncellements d'un bon pas, les yeux dans le vague. Depuis le début de l'année, il avait appris à connaître par coeur le chemin, et il aurait pu se rendre près de l'armoire les yeux fermés.

Enfin, il arriva. Il tendit une main tremblante en direction du bois sombre de l'armoire, et en caressa le bois sculpté quelques instants, avant de soupirer et de sortir sa baguette pour se mettre au travail.


Avec patience, il jeta sortilège après sortilège pour réparer l'objet magique. Il savait qu'il était près de réussir, même si au fond de lui il n'était pas vraiment pressé.
Heureusement, l'armoire était complexe, et la réparer demandait bien plus d'efforts qu'un simple reparo. Son mécanisme était si délicat que la moindre erreur pourrait avoir des conséquences désastreuses, et la tâche titanesque qui l'attendait l'obligeait à se concentrer et à agir avec prudence. C'était probablement pour cette raison qu'il avait eu un délai si long : rendre ses propriétés magiques à l'armoire à disparaître n'étaient pas à la portée de n'importe quel sorcier et le Maître exigent qu'était Voldemort en avait conscience.

Quelques longs mois plus tôt, avant d'être marqué, avant de comprendre ce que tout ça signifiait, Drago se serait rengorgé d'avoir été choisi pour cette mission, parce que cela signifiait qu'il était puissant. Et doué. Il aurait apprécié le compliment implicite, s'en serait peut être vanté.
Mais il aurait préféré ne pas avoir la capacité de le faire, pour ne pas avoir à porter sur les épaules le poids de ce qui allait en résulter. Les conséquences risquaient d'être terribles, et la culpabilité le rongeait déjà.

Plusieurs heures passèrent, durant lesquelles il n'épargna pas sa peine, agissant presque avec rage. Épuisé, il lança un dernier sortilège, avant d'inspecter minutieusement l'armoire pour s'assurer qu'elle était toujours intacte et que les enchantements qu'il avait lancé étaient toujours actifs.

Avec un soupir, il se passa la main sur son front couvert de sueur, puis il se laissa glisser au sol pour prendre un peu de repos sans quitter l'armoire presque menaçante des yeux.
Une fois encore, il décida que l'objet était hideux. C'était un bloc sombre qui agressait l'oeil et ses lignes ne semblaient pas former d'angles droits. Les sculptures délicates gardaient des traces de dorures à l'or, presque disparues au fil du temps.
Au final, l'armoire donnait l'impression de se dresser au dessus de lui, prête à s'effondrer.

Elle était immense. Suffisamment pour qu'un ou deux adultes puissent s'y tenir sans être serrés. Pour l'instant, les planches formant les étagères à l'intérieur empêchaient d'y entrer, mais une fois qu'il aurait fini, il aurait à les ôter, et il obtiendrait une entrée non protégée et quasiment indétectable au coeur de Poudlard.

Un bref instant, Drago se demanda si le vieux fou de Directeur savait ce qui se cachait au milieu de son école. S'il avait conscience de tous les objets qui prenaient la poussière en cet endroit. Il y avait probablement des trésors dans tout ce fatras. Des trésors et des choses plus dangereuses, comme cette armoire à disparaître...

Lorsqu'il eut repris son souffle, et qu'il se sentit un peu moins épuisé, Drago se leva. Il posa la main sur la porte de l'armoire, et soupira.
C'était l'instant de vérité.

Il était loin d'avoir réparé l'objet, mais il pensait pouvoir utiliser ses propriétés pour transporter des objets inanimés. Il ne prendrait pas encore le risque de placer un être vivant là dedans, mais si un simple objet pouvait être envoyé et ramené, il saurait qu'il était sur la bonne voie.

Le jeune homme fouilla son sac avant d'en extraire une pomme. Une magnifique pomme, lisse, parfaitement ronde, d'un beau rouge brillant. Appétissante. Parfaite.
Il la déposa soigneusement sur l'étagère face à lui, et la contempla un instant avant de refermer doucement la porte. Il y eut un bruit indéfinissable et il ouvrit la porte de l'armoire.

Vide.

Concentré, Drago hocha la tête. La pomme avait disparu. Restait à espérer qu'elle n'avait pas été détruite par le voyage, ou perdue quelque part. Beaucoup d'objets avaient simplement disparus lors de ses précédents essais, sans jamais réapparaître.
Il referma lentement la porte de l'armoire, jusqu'au déclic indiquant qu'elle était prête à fonctionner. Puis, il attendit, tendu, tous ses sens en alerte.

Le jeune homme eut l'impression que ça durait des heures avant que le son lui indiquant que quelque chose s'était produit ne lui parvienne. Les mains tremblantes, il ouvrit la porte de l'armoire, et il cligna des yeux, incrédule.
La pomme était de retour.

Toujours aussi rouge, toujours aussi parfaite. Elle n'était pas flétrie, comme lors de l'un de ses essais.
Il avança la main, et hésita brièvement avant de saisir le fruit. La pomme était réelle, lisse et lourde dans sa main.

Fasciné il la tourna jusqu'à découvrir une marque de dents dans le fruit. Quelqu'un avait croqué dedans, lui indiquant que la pomme était allée quelque part avant de revenir.
Il lâcha un rire nerveux, et secoua la tête, les yeux écarquillés.

Il avait réussi.

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