Une victoire absolue

Kyoka soupira en ouvrant la porte de sa chambre. Ce spectacle n'était pas nouveau mais elle avait encore du mal à le considérer comme habituel. Après tout, la personne à son origine était tout sauf prévisible et l'assimiler à un tel mot était impossible aux yeux de la jeune femme. D'un visage aussi neutre qu'à son habitude, elle apostropha la boule de nerf qui lui faisait face.

— On ne t'a jamais appris qu'il ne fallait pas entrer dans la chambre d'une fille ? Encore moins sans son autorisation.

À sa voix monotone, seul un fracas sans nom lui répondit. Il fallut qu'elle répète son interrogation une seconde fois pour que son interlocuteur daigne remarquer sa présence. Relevant la tête de son air bourru habituel, le jeune homme aux yeux de braises cessa enfin son vacarme avant de laisser sortir un léger «J'avais juste envie» entre ses dents serrées.

Si celui-ci se donnait l'attitude de quelqu'un s'imposant sans autre forme de procès, donnant un ordre implacable, sa voix était moins forte qu'à l'accoutumée pour une oreille attentive. Ainsi, de sa respiration erratique, Bakugo n'avait réussi, sous le regard expérimenté de Kyoka, qu'à transmettre comme seul et réel message «J'en avais besoin». La sueur luisant sur sa peau en parti découverte ne faisait qu'accentuer sa déduction.

Ce n'était pas la première fois que l'explosif venait ici pour se défouler, c'était devenu sa manière à lui d'extérioriser autrement que par la violence pure. Mais comme les autres fois, malgré le manque de remarque de la musicienne, exposé ainsi, sa fierté finirait par le faire fuir.

— Tu sais que tu pourrais t'en acheter une, si tu aimes tant que ça en jouer ?

Sous le manque de réaction du jeune homme, l'héroïne arqua un sourcil de mécontentement. Il n'avait même pas pris la peine de répondre cette fois-ci. Et comme prévu, avant même que Kyoka ne réagisse, le futur héro à la crinière cendrée déposa sans aucune délicatesse les baguettes en bois qu'il fracassait jusqu'alors violemment sur les diverses percussions, et commença à s'éloigner de la batterie. Soupirant une seconde fois, entre lassitude et agacement, la jeune femme agrippa la serviette entourant encore son cou nu et l'envoya d'un mouvement ample mais calculé en plein visage du fuyard.

— Jouer toute seule est plutôt lassant, tu sais ? Maintenant que tu es là, rends toi utile au moins.

Et sans attendre la réaction du batteur, elle pris la direction de son lit où reposait en équilibre sa basse. Bakugo, au bord de l'explosion par la remarque de celle-ci, finit pourtant par rebrousser chemin en jurant. Personne n'entendra jamais la teneur de ses paroles mais quiconque avait eu la sensibilité suffisante aurait compris, dans sa manière plus douce de jouer, la reconnaissance cachée derrière sa rage feinte.

C'est comme cela que débuta une session de près de deux heures où leur passion s'accorda de concert avec leurs frustrations respectives. Pas une parole ne fut prononcée, et c'est à peine si la chanteuse de la A-band se permit aux grès des notes de laisser entendre sa voix afin d'accompagner la mélodie.

Finalement, ces festivités improvisées leur permettaient à tout deux d'oublier honte comme fierté pendant un temps. Cela faisait bien longtemps que Kyoka avait su trouver en la musique cet exutoire si efficace. Pourtant, jamais elle n'aurait cru qu'elle lui permettrait de se sentir en osmose avec une telle anomalie qu'était Bakugo.

Le futur héro à la sociabilité douteuse était de toute évidence une personne au caractère difficile. Souvent agressif, sans tact ni patience, et prenant de haut la grande majorité des gens, Kyoka avait préféré l'ignorer la plupart du temps, sa propre patience ayant des limites qu'elle ne souhaitait explorer. C'était plus simple ainsi, et finalement ça leur avait convenu à tous les deux. Pourtant malgré qu'elle n'ait prévu de devoir changer ses habitudes, ce festival avait bouleversé ses repères à un point qu'elle n'avait pu imaginer.

Tout ce qu'elle s'était évertuée à éviter avait fini par se produire. Et elle n'admettrait sans doute jamais le côté positif de tout cela. Kyoka avait dû s'exposer face aux autres, montrer une part d'elle-même qu'elle souhaitait conserver dans l'ombre.

Mais finalement, rien n'avait pourtant changer après ce fameux concert. On ne la regardait pas plus, on ne la jugeait pas plus. C'était à peine si quelques références à l'événement refaisaient surface de temps en temps. Et si elle était reconnaissante de ce fait, elle n'avait pas prévu que celle dont elle aurait envie de se plaindre le plus, ce soit elle-même.

Des pensées qui, tout comme sa passion, s'étaient cloisonnées au fond d'elle-même, avaient refait surface. Lui apportant trouble et bon nombre d'autres sentiments parfois incohérents, la jeune femme détestait ça. La musique était alors sa bouée de sauvetage, la sortant de l'eau quand elle commençait à trop s'éloigner des terres connus.

Ce qu'elle n'avait pas vu venir non plus, c'était qu'elle ne serait pas la seule à être emporté par cette tempête-ci. Oui, de toutes les anomalies qu'elle avait dû combattre depuis ce festival scolaire, Bakugo était bien la dernière qu'elle aurait cru affronter.

Tout d'abord, lorsqu'elle avait appris son nouveau don, cette fois bien plus proche de son registre que d'ordinaire. Qui aurait cru qu'il jouait de la batterie ? Et si bien en plus. Pas elle en étant honnête.

Elle a alors dû faire face au caractère explosif du blond et le contenir au mieux. Il y eu bien des fois où elle voulu tout arrêter. Après tout, en serait-elle même capable ? Cette phrase avait tourné un nombre incalculable de fois dans son esprit, et avait failli la faire plier tout autant de fois. Mais ironiquement, c'est l'un de ses principaux problèmes qui l'en empêcha.

L'être qu'elle s'était promis d'ignorer, les crises qu'elle voulait éviter, les colères et les cris qu'elle ne souhaitait pas entendre. C'est l'ensemble de ces critères qui ont su lui redonner courage et confiance. Tout ce qu'était Bakugo, lui était revenu en pleine figure malgré tout le rejet qu'elle avait su opérer jusqu'à présent. En une réplique, elle avait appris à respecter Katsuki Bakugo.

Son propre comportement en avait alors été modifié. Elle était parvenu à répondre à ses doutes internes et sa mise à l'écart du monde de la boule de nerf prit fin.

Comme elle savait si bien le faire avec le reste de la classe, elle prit alors l'habitude de l'observer de loin, silencieuse et discrète. Elle avait alors pu entendre plus clairement toutes ses émeutes, ses coups de gueule, mais aussi une part qu'elle ne pensait pas voir un jour. Encore moins, depuis qu'elle avait eu envie de s'intéresser à lui à vrai dire.

Ce jour-là, il ne l'avait pas seulement encourager elle mais bien lui-même. En règle général, il ne se croyait pas supérieur, il voulait l'être. Et il n'était pas le plus fort, il faisait tout pour le devenir. Elle a commencé à entendre les failles dans sa voix, à voir les doutes dans son regard. Tout ce que son observation du monde lui avait offert comme leçon, lui avait fait découvrir un nouveau Bakugo.

Triste, craintif, frustrer, ou même amoureux, Kyoka avait su lire chacun de ces visages se dessiner sur ses traits. L'amour restera sans doute le plus étonnant. Pourtant, c'était bien cela qu'elle avait vu. Bien des fois. Et c'était justement la raison de ces rendez-vous inopinés. Donc, oui, si on lui avait dit qu'elle se sentirait un jour sur la même longueur d'onde que Bakugo, encore plus sur ce sujet. Elle n'aurait su qu'en rire à gorge déployée.

Ce sentiment qu'elle avait repoussé était le même que celui que l'explosif rejeté aujourd'hui comme bien d'autres fois. Oh, bien-sûr, leur cœur ne battait pas pour la même personne. Mais le même genre de sentiments traversait alors leur âme, et ainsi, durant un morceau, les unissait.

Elle n'avait pas encore compris la plupart de ces choses là quand il s'était présenté la première fois et la musicienne avait été donc prête à l'expulser bien vite de son chez soi.

Pourtant, elle avait décidé de jouer la prudence et d'éviter d'attiser sa colère. Entrant ainsi sans se faire voir, elle avait entrepris de l'écouter jusqu'à ce qu'il daigne se rendre compte de sa présence. Quoi que, la curiosité avait peut-être orienté son choix ce jour-là.

En tout cas, cela lui avait au moins permis d'éviter de s'écorcher la voix à surpasser les sons qu'il produisait à la batterie. Mais ça n'empêcha pourtant pas le reste. Prit sur le fait, Bakugo avait assez mal réagi, montant vite dans des hauteurs que seule sa voix habituée lui permettait d'atteindre. Tout aussi rapidement celui-ci avait alors quitté la pièce.

Kyoka avait alors pensé à une lubie subite et n'avait pas prévu de le retrouver au même emplacement une semaine plus tard, ni même quelques jours après ou encore toutes les autres fois.

Les horaires n'étaient jamais les mêmes, de même pour la durée de ces séances improvisées sur le tas. Malgré tout, il finissait toujours par revenir. Quand bien même elle ne l'attrapait pas directement, son ouïe et ses observations lui permirent de savoir «quand» et ainsi de comprendre peu à peu le «pourquoi». Ses humeurs devenaient plus logiques, plus naturelles pour son regard averti. Et cela la conforta dans sa prise de position, elle continuerai de se taire.

En effet, si chaque entrée dans son domaine envahi débutait toujours par l'un de ses propres commentaires, jamais elle ne fit la moindre remarque précise ni demande réelle envers lui. Bakugo en avait d'ailleurs été étonné lui-même car il avait fini par en demander la raison à la jeune femme. Bien que cracher les mots serait plus juste.

— Tu ne m'demandes pas pourquoi ?

Les sourcils aussi froncés que possible, le jeune homme était alors sur la défensive. Kyoka, elle, n'avait qu'hausser les épaules avant de répondre simplement.

— Ta vie n'intéresse pas tout le monde, tu sais ?

Cette remarque sembla l'énerver plus qu'autre chose mais comme s'il avait remarqué que les conséquences de cette pensée étaient en sa faveur, il poursuivit finalement sa route vers la porte entrebâillée en haussant à son tour les épaules, main dans les poches et le regard mauvais. C'est alors que la jeune musicienne se décida à lâcher ce qu'elle peinait à contenir.

— Mais s'il arrivait que quelqu'un ait besoin d'une oreille attentive...

Elle se gratta alors l'arrière de la nuque, incapable pour la première fois de le regarder.

— ...il serait ironique et particulièrement déplacé de ma part en tant que future héroïne de la lui refuser. Tu ne crois pas ?

Pointant du doigt ses propres oreilles, elle prononça ces mots avant de porter un léger sourire à ses lèvres. Elle parvint finalement à prononcer ce qui lui brûlait les lèvres.

— Même s'il s'avère être le futur numéro un.

Encore hésitante, et surtout gênée, elle s'était détournée avant de connaître la réaction de son interlocuteur bougonneux.
Dès lors, il s'attarda sur place de plus en plus, quand bien même la propriétaire des lieux était présente.

***

Au bord de l'épuisement, l'improbable duo se trouvait affalé contre un mur de la pièce, épaule contre épaule. Tous deux en sueur, Kyoka était allé chercher un ensemble de bouteilles placées habituellement sous son lit afin d'en tendre une à son partenaire de jeu.

C'était ainsi, dans un silence confortable, qu'ils reprirent doucement leur souffle. Le héros aux yeux assassins en profita alors pour utiliser la serviette lancée précédemment afin de s'en servir pour son utilisation initiale. À savoir, dans son cas, s'essuyer le visage.

Voyant que pour la première fois, celui-ci n'avait pas l'air de vouloir partir, Kyoka pris le risque de faire un pas vers lui. Peut-être l'avait-il écouté jusqu'au bout l'autre jour finalement ? Jouant avec sa bouteille d'eau, elle se mordit la lèvre inférieur avant d'entamer la conversation.

— Pourquoi tu ne lui dis rien ?

Le jeune homme se figea, le visage encore caché par le tissu au touché doux. Se voulant détachée, elle avait prononcé ces mots de son ton neutre habituel. Pourtant, pour la première fois depuis longtemps, la jeune femme craignait la réaction de son camarade.

Ainsi, pendant plusieurs secondes, un silence absolu régna dans la pièce de manière bien moins appréciable que la première fois. Ce fut finalement Bakugo qui le brisa, en se retirant de l'objet qui voilait encore sa vue. Contrairement à ce qu'elle s'attendait à voir, le visage à présent découvert du batteur n'exprimait aucune colère, seulement de la... frustration ?

— Pourquoi tu ne le fais pas toi ?

Passant de l'étonnement à ce même sentiment, la jeune femme enroula ses doigts dans ses longs lobes d'oreilles tout en évitant volontairement le regard en coin que lui offrait le blond.

— Je n'ai jamais dit être un bon exemple.

L'explosif renifla avant de passer la serviette dans sa chevelure cendrée.

— Je n'en ai pas besoin de toute façon. L'exemple, un jour, se sera moi. Je n'perd juste pas mon temps dans des choses inutiles.

Kyoka arrêta son mouvement avant de rétorquer.

— Mais aujourd'hui, tu es un exemple encore pire que moi. En plus, je ne vois pas en quoi ce que tu viens de faire est plus utile pour ton objectif.

Au fur et à mesure que les propos de la jeune femme sortaient de sa bouche, la vitesse à laquelle Bakugo se séchait la crinière augmentait de plus en plus. Les dents serrées, encore plus qu'à l'accoutumée, il ne répondit pourtant pas.

— Vous êtes toujours ensemble. Pourquoi ne pas tenter ta chance ? Peu auraient la patience de te supporter, tu sais ? Pourtant, il est toujours là. Profites-en.

Là encore, ces paroles eurent pour seul effet d'accentuer tout élément de son visage pouvant devenir plus agressif. Bakugo semblait prêt à exploser, littéralement. Seulement, encore une fois, ce ne fut pas ce qui se produisit. Après un certain temps d'acharnement contre lui-même, le cendrée relâcha toute pression et laissa ainsi la serviette, ou ce qu'il en restait, pendre lamentablement sur son crâne.

Le ton qu'il employa alors était toujours aussi agressif, ses mots toujours aussi brusques, et son attitude toujours aussi violente. En fait, si elle l'avait vu de loin, elle n'aurait jamais pu croire un instant le caractère inédit de ce moment. Mais ses yeux fermés, déterminée à ne rien rater de cette déclaration qu'elle n'entendrait jamais plus, elle laissa son ouïe si précise lui renvoyer tout le désarroi de son ami.

— Je ne cherche pas à le faire. Plaire, je veux dire. J'm'en fou. Je préfère pas même. Y a rien de plus énervant qu'une bande de nazes qui te suit sans cesse. Pourtant, il y a toujours eu des imbéciles pour le faire. Même ici où les gens ont plus de couilles. Sérieux, j'pensais pas quelqu'un pouvoir m'dire ça en me regardant en face comme tu l'as fait ! Avant, jamais ça n'aurait été possible. Mais tu l'as dit ! J'suis pas un bon exemple ! On me regarde, on m'admire parfois, mais personne ne m'copie, personne ne veut être moi. On me craint en fait. On l'a toujours fait ! C'est pour ça qu'on faisait ce qui m'irriter plus qu'autre chose. D'la lèche. Former une bande, très peu pour moi ! Mais il y a eu c'te tête d'orties ! Comme tous les autres, il était là. Je ne compte plus le nombre de fois où je lui ai dit de dégager. Encore, encore et encore ! À croire qu'il était coller le con ! 'Fin non, contrairement à ce nerd de Deku, il partait parfois. Mais il n'était jamais loin et finissait toujours pas revenir. Le pire c'est que s'il le f'sait ce n'était pas par crainte. Non ! Lui c'était par sympathie. Il souriait, pour de vrai, et sans arrêt. Toujours son putain de sourire ! Et tu sais quoi le pire ?! C'est que j'ai fini par m'habituer à ça ! A force de me prendre le bras, mettre le sien autour de mon cou, de faire ses accolades à la con ! J'ai commencé à attendre ces contacts, à en frissonner d'impatience. A force de gueuler à deux pas de mon visage, sans faire attention au nombre de tympans qu'il explose au passage ! J'ai commencé à entendre les nuances de sa voix, à en percevoir les humeurs qu'elle dégageait. A force de l'avoir H24 dans mon champ de vision au point de voir rouge en permanence. J'ai commencé à chercher ses regards, à vouloir m'y plonger. A force qu'il me colle chaque seconde de ma putain de vie, j'ai même fini par le reconnaître à son odeur. Maintenant que je ressens tout ça, que je ne peux plus m'en passer, maintenant que j'en deviens fou, merde ! Je me rends compte que je n'ai jamais eu quoi que ce soit de tout ça.

La voix de Bakugo était montée durant tout son discours de plus en plus dans les aigus. Et alors que son son allait crescendo, ses membres parvenaient à un ballet de plus en plus saccadé. Ballet ponctué par une multitude de mini-explosion inconsciente venant accentuer les soubresauts des mains du jeune homme. Chaque mot semblait plus fort, chaque son semblait plus triste.

Ses barricades avaient lâché, son cœur était à l'air libre, libre d'être déchiré. En attendant c'était sa voix qui l'était. Sa dernière réplique n'avait alors été qu'un râle faible. Car il ne restait plus que ça, cette faiblesse. Cette affreuse faiblesse qu'il détestait plus encore que tout le reste. Ses forces semblaient définitivement épuisées. Pourtant, il n'arrivait plus à s'arrêter non plus.

— On est toujours ensemble, tu dis ? C'te blague ! Ouais, il a toujours été du genre à me coller aux basques. Mais tu vois, il ne l'a jamais été non plus. À quoi ça sert d'avoir quelqu'un à ses côtés si c'est toujours autre chose qu'il vise ? Ses regards dont j'te parlais. Je les ai trouvés ! Mais ils n'étaient pas pour moi !

Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, Bakugo rit. Elle aurait sans doute plaisanté sur le fait que ce jour était à inscrire dans l'histoire si jamais il n'avait pas été si terne, si amer et comme tout le reste, si faible.

— Il était là. Toujours là. Au point d'en devenir dépendant. Mais alors que moi, j'en devenais avare ! Lui, il n'était pas vraiment là ! Non, c'était elle qu'il regardait ! Elle vient peut-être de là sa patience en fait. Il s'en foutait de moi, c'est tout ! Et moi, je me suis fait avoir. Je ne suis pas du genre à courir après ce que je ne peux avoir, alors si, c'est putain d'inutile.

Kyoka était encore sous le choc. Si elle croyait avoir été surprise jusqu'à présent, elle n'imaginait pas voir un jour le cendrée aussi vulnérable. Encore moins devant quelqu'un. Peut-être était-ce ça ? Bakugo avait simplement oublier sa présence. Elle ne pouvait concevoir qu'il accepte de se montrer sous ce jour-là. Pas de manière si évidente en tout cas.

Mais c'était bien l'un des problèmes concernant le personnage, qu'on le craigne ou l'admire, on le place systématiquement à part. On ne peut le plaindre car il paraît simplement inatteignable. A trop admirer quelqu'un, on oublie qu'il est humain, comme nous.

Et peut-être avait-elle fini par faire la même erreur que les autres. Pour se reprendre, elle réfléchit davantage à ses paroles. Et sans vraiment prendre compte de quoi que ce soit, elle résuma ce qu'elle avait su en tirer.

— Alors, le roi peut obtenir tout ce qu'il souhaite hormis l'amour de sa promise, hein ?

Alors c'était ça ? Bakugo était jaloux. Jaloux de la relation entre Ashido et Kirishima. En quelques sortes, elle le comprenait. Après tout, elle-même avait déjà été dérangé par le côté tactile de la rose envers l'électrique. Mais quand bien même sa propre jalousie pouvait être compréhensible, elle n'était rien à côté de celle que devait ressentir Bakugo.

Même si elle ne s'était jamais penchée dessus, en s'y attardant davantage une évidence voyait le jour : le lien qui unissait les deux cornus étaient bien au delà d'une simple amitié. Kyoka ne pouvait que le reconnaître et comprenait d'autant plus son camarade. Ces deux-là entretenaient un lien spécial, avaient un passif en commun.

Quant à savoir lequel, on ne pouvait que se l'imaginer par contre. Ils étaient assez discrets à ce sujet alors même qu'ils avaient tout deux l'habitude du contraire pour bien des choses. Pour autant, même si ce n'était qu'hypothèse, la musicienne n'y voyait pas une quelconque romance.

— Tu te souviens de comment était Midoriya à ton égard ?

Un soudain regain d'énergie traversa l'explosif. Comme un réflexe, il rejeta tout en bloc.

— Que vient foutre ce maudit nerd dans cette histoire ?!

D'un regard sévère, absolument pas impressionnée cette fois-ci, Kyoka répondit immédiatement d'un ton implacable.

— Ça a tout à voir justement, alors répond !

— La ferme !

Pourtant, perdu dans son incompréhension, le jeune homme se mit inconsciemment à se perdre dans ses souvenirs. Une multitude d'entre-eux le traversa mais c'est finalement un datant de près d'un an qui refit surface avec plus de vigueur, coïncidant avec la période sous-entendu par Jirou. Les paroles de son rival raisonnèrent en lui et s'entrecroisèrent avec celles de leur combat plus récent.

«C'est parce que je t'admire que je souhaite te surpasser»

«Parce que tu étais un modèle plus proche de moi qu'All Might»

Encore aujourd'hui, il n'arrivait pas à comprendre. Ces mots, il avait fini par les intégrer. Mais les comprendre, il ne pouvait pas. Ce n'était pas son manque d'intelligence ou d'éléments qui le bloquait mais quelque chose d'autre. Cette frontière qu'il avait toujours entretenu avec le successeur d'All Might, il ne pouvait pas encore la franchir.

Être appelé «modèle» ou être source d'admiration, il en avait l'habitude. Pourtant, savoir que lui, l'avait vu comme cela, peu importe ce qu'il avait pu faire, ce qu'il avait pu lui faire. Savoir cela avait le don de lui donner un goût amer en bouche alors même qu'il aurait dû apprécier ce fait. Il en était portant incapable, seul un malaise le prenait.

Son admiration... en était-il seulement digne ? S'il se persuadait lui-même du contraire pour quiconque, il devait bien admettre que si d'entre tous, quelqu'un aurait bien eu le droit de ressentir tout le contraire, c'était bien- 

Bakugo jura. Pas maintenant, pas encore. Un jour, il devra définitivement mettre en ordre tout ça mais aujourd'hui ce n'était pas le propos. Son esprit était assez préoccupé sans avoir besoin d'ajouter quoi que ce soit. À deux doigts d'exprimer son mécontentement en éliminant la source de ces réflexions, il se retient au dernier moment pour lui offrir enfin une réponse constructive.

— Ouais, parfaitement et grâce à toi pour le coup ! T'es contente ?!

— Ce n'est pas le propos. Je ne m'amuse pas de l'agacement des autres.

Esquissant un léger sourire en pensant à l'homme qui la mettait indirectement dans cette position de confidente, elle ajouta rapidement une petite remarque avant de reprendre son sérieux.

— Bien. Pas le tien en tout cas !

— Je m'en fou de tes fantasmes étranges avec la pile électrique ! Tu m'expliques plutôt ?!

Kyoka rougit à la remarque du blond mais fut tout autant soulagée, il semblait redevenir peu à peu lui-même.

— Ai-je vraiment besoin de le faire ? Le parallèle est plutôt clair, non ? Ses regards sur lesquels tu craches ressemblent à s'y méprendre à ceux que pouvaient te jeter Midoriya. Kirishima admire Mina.

— Il l'admire ?

Bakugo releva enfin la tête pour autre chose que cracher son venin au visage de la jeune femme, un sourcil relevé.

— Je ne vois que ça.

— Tête d'orties est allé jusqu'à se faire une coupe en référence à l'Alien et tu vas me dire que ce n'est que ça ?!

— Que ça ? Elle est comme son modèle, son objectif. Tu me sembles mal placé pour dire qu'une telle chose n'est rien. C'est bien toi qui oriente toute ta vie pour l'atteindre, non ?

— Ce n'est pas pareil !

— Si. C'est exactement la même chose. Mina a une place importante dans la vie de Kirishima, tout comme être numéro un t'obsède. Il va falloir faire avec. Ça ne veut pourtant pas dire que c'est jouer d'avance.

— Rien ne me dit qu'il aime les gars déjà, c'est-

— Mais rien ne te dit qu'il aime les femmes non plus !

Bakugo la fusilla du regard pour la énième fois de la conversation. Pourtant, il ne pu qu'admettre une fois de plus être en accord avec elle. Là encore, il ne pu que se taire face à l'attitude bien moins réservée de la future héroïne.

— Douter, c'est normal, tout le monde le fait. Je t'ai parlé de l'horrible exemple que j'étais à ce niveau là ? Abandonner, ou ne rien faire, ce qui revient à la même chos-

— Je n'abandonne pas ! J'ai juste choisi de ne pas m'éloigner de ma route pour des conneries !

Brutalement interrompu par son fier camarade, elle allongea instinctivement ses lobes d'oreilles en direction de son interlocuteur telle une menace prête à s'abattre à tout moment. Si cela n'affecta que peu le blond, cela eu le mérite de laisser le silence reprendre ses droits. Elle reprit elle aussi tout en se relevant.

— Je disais qu'abandonner comme rester inactif est facile. Et même franchement tentant. Mais ce n'est pas ton genre, pas vrai ? Si la vie est une guerre, et l'amour l'un de ses combats... Qu'est-ce que tu vas faire ? Ou plutôt que fais-tu d'habitude ? Souviens-toi de l'entraînement auquel nous avons participé ensemble !

D'une moue dubitative, Bakugo commença peu à peu à retrouver une certaine consistance et à comprendre où voulait aller la jeune femme.

— «Il n'y a qu'une stratégie acceptable, une victoire absolue»...

La main tendue, la musicienne acquiesça, le visage armé d'un léger sourire.

— Ce sont tes mots. Ni Mina ni Kirishima ni toi ne doit en pâtir. Tu t'en sortiras, non ? Ce n'est pas un bien grand défi pour quelqu'un qui vise les sommets !

Le cendrée la fixa un instant ainsi que la main qu'elle lui tendait avant de fermer les yeux en soupirant. Il l'empoigna alors fermement tout en se relevant par la propre force de ses jambes. Ainsi, emportée par l'élan et la force du batteur, la bassiste se retrouva plus proche qu'elle ne l'avait jamais été du blond. Mais ce qui lui fit écarquiller les yeux fut le poing plaqué contre son front alors que son autre main tenait encore la sienne.

— «Un quatre à zéro, sans égratignure ! C'est comme ça qu'on gagne quand on est le plus fort !» Si tu sauves mes miches quand je lâche, j'te laisserai pas dans la mouise non plus. Si l'Alien et tête d'orties rentre dans la balance, vous y serez aussi, Pikachu et toi. «Je n'accepterai aucun autre résultat».

Elle ne put rien ajouter de plus. Comme toujours, l'explosif avait repris sa route et avait quitté les lieux, les laissant à leur solitude respective. Pourtant, Kyoka aurait pu, sans hésiter, dire qu'elle ne s'était jamais aussi peu sentie seule de toute sa vie.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top