Ton idiot

Ses pas s'arrêtèrent naturellement. Peut-être pouvait-il essayer cette fois ? Son choix était simple. Il pouvait faire comme d'habitude et continuer sa route, sa propre porte était si proche après tout. Mais la sienne aussi. Car oui, l'autre option se trouvait être même plus facile d'accès, sur son chemin et à seulement quelques mètres de sa position actuelle.

Ironie du sort, lors de l'attribution des chambres, le jeune homme s'était retrouvé à partager le même étage que la musicienne. Mais alors que la distance physique s'était considérablement réduite, il n'arrêtait pas de penser à l'écart mental qui ne faisait qu'augmenter.

Le temps passant, l'énergique restait constamment au point de départ alors qu'elle n'avait de cesse d'avancer. Pourtant, il n'avait qu'un pas à faire pour tout changer. Mais s'il mourrait d'envie de franchir cette ligne, la principale raison de ses réticences se plaça sur sa route, sortant de son objectif.

Katsuki Bakugo... Le regard du blond se voilà et son éternel sourire disparu. L'explosif était l'opposé pur et simple du jeune héros. Globalement, on pouvait affirmer que tout réussissait au premier alors que le second échouait constamment.

Bakugo était à la fois le meilleur élève de la classe pour sa force que pour son intellect qui, sans être au sommet, le plaçait toujours dans le top trois derrière Yaoyorozu et Iida, les deux têtes de la classe. Dans la même lignée, il semblait avoir un génie global pour changer ses objectifs en réussite.

Denki ne nierait jamais que pour se faire, le jeune ambitieux était un réel bosseur qui ne négligeait aucun détail. En effet, que ce soit sur le plan physique ou scolaire, Bakugo n'hésiterait jamais à passer des heures à faire le nécessaire pour rester en haut du classement.

Cependant, il avait tout autant cet inné lui permettant d'atteindre les hauteurs que son ambition incommensurable lui dictait. C'était un gagnant peu importe ce qui pouvait se produire et son charisme à lui seul le démontrait en permanence. Effectivement, sa présence en elle-même avait le don d'impressionner qui que ce soit.

Denki ne pouvait que lui vouer une admiration sans borne. Après tout que pouvait-il faire d'autre ? Ce n'était certainement pas le plus mauvais élève de la classe, le plus idiot, le plus feignant, le plus faible, en soit le moins absolue des premières de ce lycée si prestigieux qui aurait pu espérer se placer à ses côtés.

Si Bakugo n'acceptait déjà que peu la concurrence, ce n'était pas le caillou sur son chemin qu'était Denki qui allait le rattraper. Pourtant, malgré son classement, la pile électrique n'avait pas abandonné. Entre l'émulation commune et sa propre envie de montrer sa valeur, il n'avait pas négligé ses efforts pour parvenir à s'améliorer. Cependant, il n'avait pas prévu que ce soit ses propres limites qui le restreindraient ainsi.

Aujourd'hui, il ne comptait plus le nombre d'heures qu'il avait consacré aux études, essayant de surpasser son niveau initial qui était clairement au plus bas. Ni le nombre de nuit qu'il avait fini par rattraper en cours par fatigue pure, augmentant à nouveau l'écart et le retard qu'il avait sur les autres scolairement parlant.

Pour ce qui est de la condition physique, il regrettait amèrement sa négligence passée. Que ce soit en primaire ou au collège Denki avait toujours eu le niveau suffisant pour se tenir dans les bons élèves de la classe. À vrai dire, il se croyait alors comme un sportif, certes, peu entraîné mais un sportif tout de même. Être le meilleur envers et contre tout ne l'avait jamais intéressé et il n'avait donc jamais eu de raisons de faire quoi que ce soit pour améliorer ses scores.

De même, son alter avait le don d'attirer les faveurs et d'éloigner les fauteurs de trouble. Jamais auparavant quiconque aurait osé braver la puissance de ses éclairs. Et finalement, sa bêtise avait tendance à plaire alors tout allait bien. Oui... tout allait bien, pas vrai ?

Denki releva la tête en direction du dos de son rival. Bien que la rivalité n'existât que dans son propre esprit, elle avait une importance toute particulière pour le blond hyperactif. Ils étaient presque partis sur les mêmes bases, tout autant populaire à leur manière. Leur arrivée au lycée n'aurait rien dû changer à tout ça. C'était ce qu'il avait cru.

Mais Denki et Bakugo n'étaient pas de la même trempe ni du même monde. C'était justement son manque de raisons, d'objectifs qui avait laissé l'électrique si passif. Son réveil comme chaque matin avait sonné sans parvenir à le ramener du monde des rêves et maintenant un même cauchemar remplissait ses nuits.

Denki Kaminari était le dernier, le faible, le moins que rien. Mais il savait sourire. Et ce sourire constituait tout ce qu'il pouvait offrir, tout ce que son rival ne voudrait jamais donner car celui-ci savait prendre, mais ne savait faire que ça.

C'était son atout. Ou sa prison. Il était l'idiot de service, au service de l'humour et de la rigolade. Le prendre au sérieux, personne ne pouvait le faire, personne ne lui demandait de l'être non plus. Ce n'était pas sa place. Changer ça, c'était aller mal, ce n'était pas être <<lui>>. Car les autres savent toujours mieux que soi-même. Bref, Kaminari Denki était un idiot, un idiot qui admire et par conséquent déteste Bakugo Katsuki.

En réalité, être cantonné à cette place de chauffeur de salle lui convenait bien jusqu'à présent. Ce qu'il ne supportait pas, c'était que son opposé lui vole la seule autre qu'il voulait atteindre. Qu'il veuille être au-dessus de tout, grand bien lui fasse. Denki l'encouragerait toujours pour le faire. Après tout, il était l'homme du métier. Tout son être semblait être fait pour accomplir l'impossible. Mais ce qu'il n'avait pas pu supporter c'est qu'il la lui prenne.

Bakugo pouvait bien obtenir toute la fortune du monde, la gloire d'un dieu, ou accomplir tous les miracles imaginables. Il n'y avait qu'une terre défendue, qu'un cœur à garder loin de son avarice. Denki, s'il n'avait pas d'objectif, pouvait au moins se vanter d'avoir un souhait, un seul.

Beaucoup penseraient que l'intérêt du blond s'arrêtait à plaire, aux filles comme aux gens en général. Paraître cool en somme. Et être cool, Denki l'avait toujours voulu, c'est vrai. Mais à la différence près qu'aujourd'hui il voulait l'être pour quelqu'un.

Seulement, il avait beau enchaîner tentative sur tentative, tout ne revenait qu'à un gag. Il était la définition même du pitre de service alors que Bakugo était alors celle de ce qu'il cherchait à atteindre. Ce dernier était tout ce que symbolisait le terme ''cool'' pour le jaune.

Frustrant était alors un mot bien faible pour représenter son incapacité à se rapprocher de son idéal. Davantage encore par le fait qu'il ne semblait pas le seul à y voir ce sens. L'objet même de son affection la plus profonde, la personne dont il souhaitait attirer le regard, avait choisi son rival à lui-même. Il la comprenait en étant sincère. Pourtant, il ne pouvait parvenir à retenir ce sentiment négatif d'envahir son esprit.

Ses doigts commencèrent à trembler, d'appréhension sans doute par l'envie qui commençait à les secouer. D'excitation peut-être.

Pourquoi avait-il le droit de venir dans sa chambre ?

Son bras, où les tremblements nerveux commençaient à s'étendre, se mit en mouvement, attiré irrémédiablement.

Pourquoi devrait-il se restreindre à rester dans l'ombre ?

Il commença à tendre la main vers l'avant, comme absorbé, toujours en proie à une force inconnue.

Pourquoi devait-elle le rejeter inlassablement quand lui était accepté si facilement ?

Débuta alors le parcours d'une sensation familière, un frisson agréable de libération, une force rassurante bien éloigné de son soi banal.

Pourquoi ne pouvait-il pas simplement disparaître ?

Les éclairs surgirent et surent lui apporter un sentiment de contentement extrême. Tout allait prendre fin.

Son bras fut soudainement bloqué.

Denki retrouva alors ses esprits. Ouvrant à nouveau les yeux sur son environnement, il remarqua la présence de Kirishima, son alter activé, face à lui.

— Qu'est-ce qu'il te prend mec ?

Profondément troublé par son propre geste, le blond ne retrouva pas la parole immédiatement. Il ne fut alors capable que de regarder sa main dans une hébétude totale.

Kirishima de son côté avait rétracté sa protection et regardait son ami d'un air grave.

— J'te cherchais alors je suis venu pour voir si tu t'trouvais dans ta chambre... je m'attendais pas à te découvrir planter là, en plein milieu ! Ça fait au moins cinq minutes que tu regardes le vide sans bouger... enfin, jusqu'à c'que tu m'attaques !

Bakugo était parti depuis belle lurette, l'abandonnant à son ridicule combat interne. Sans doute, n'avait-il même jamais aperçu le blond en premier lieu. Depuis longtemps déjà celui-ci avait rejoint le décor et les figurants du film sur les origines de la vie du génialissime numéro un. Après tout, chacun savait que l'explosif n'était pas du genre à se perdre en futilité.

Mais finalement son trouble ne provenait pas de ce fait. Non, il avait peur, peur de lui-même, de ses pensées, de ce que lui avait soufflé sa jalousie.

Sentant une frappe ferme sur son épaule, Denki se força à émerger enfin. Il entendit alors la voix grave de Kirishima raisonner jusqu'à ses oreilles.

— Hey, ça va ?

L'inquiétude de son ami eu le don de lui remettre les idées en place. Il ne devait pas laisser son océan de pensées le submerger. À défaut de l'être réellement, il devait paraître fort. Le rester face aux autres, être «lui». Reprenant son éternel sourire, il acquiesça plusieurs fois rapidement, en se grattant l'arrière de la tête, comme gêné.

— Oui, oui, désolé ! Je pensais juste à un truc...

Prenant soudain un air un peu plus sérieux, il s'approcha de son ami, chuchotant près de son cou.

— Vu que lorsque j'utilise toute mon électricité, je suis comme... hum... à plat ! Je peux peut-être devenir plus intelligent en utilisant moins mon alter ? Pas vrai ?

Reculant tout aussi vite, il pointa un doigt dans sa direction montrant une attitude fière.

— J'suis un génie en fait ! Hé, hé !

Ayant repris son masque habituel, il accentua ses mots de diverses mimiques tout en rigolant quelque peu. Rire qu'il s'attendait transmettre à son acolyte après le voir soupirer comme tant de fois, un «t'es con» désespéré au bout des lèvres.

Seulement, il n'avait pas prévu que l'attitude du roux reste exactement la même.
De ce fait, il ne remarqua pas immédiatement son manque de réaction et poursuivit dans sa feinte.

— Ou alors, je grille les autres ! Pour diminuer la concurrence !

La tête entre les bras, on aurait dit que le jeune homme se voyait confronter à une énigme indéchiffrable.

— ...hum, non ! C'est trop violent ! Tu en penses quoi, Ei ?

Ne constatant toujours pas le silence de son ami, son délire continua, le faisant parler seul quelques minutes encore avant qu'un simple mot vienne prendre le blond de court.

— Arrête.

Son ton était dur, presque froid. Denki n'avait jamais vu son ami agir ainsi qu'une fois. Sauf que si ce moment avait su l'inquiéter à l'époque, aujourd'hui c'était davantage un choc qu'il ressenti. Son sourire se tari et ses yeux se plissèrent imperceptiblement, il avait été découvert.

***

Les deux amis se trouvaient désormais dans la chambre du blond, tout deux allongés de manière peu élégante sur le lit du propriétaire.

— Ei ?

Le cornu sursauta légèrement face au silence soudainement brisé mais continua de regarder son camarade, attendant avec impatience ses prochaines paroles.

— Hum ?

— Tu ne les trouves pas vachement proches Baku et Kyo ?

Fronçant les sourcils, Kirishima fut quelque peu surpris de cette question mais ne laissa rien paraître.

— Non, pas particulièrement. Bakugo n'est pas du genre à être proche de qui que ce soit de toute façon.

Un rire faible s'éleva dans la pièce.

— Je le croyais moi aussi avant... je... je m'demande s'ils ne sortent pas ensemble.

Les yeux de Kirishima s'écarquillèrent d'incrédulité. Cette hypothèse lui semblait tellement absurde.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Ils ne se parlent jamais !

— C'est qu'ils savent ce qu'ils font !

Denki prononçait ces mots d'un ton amer mais aussi convaincu. Comme s'il cherchait à se cacher, ou peut-être ne plus pouvoir constater tout ce qu'il avançait, il déposa le dos de sa main gauche sur son visage afin de recouvrir ses yeux.

— Ça n'arrivait que quelques fois au début... Mais maintenant, c'est limite si chaque jour, ils ne passent pas un peu de temps ensemble. Alors oui ! Devant tout le monde, ils ne laissent rien paraître ! C'est vrai ! Mais tu ne passes pas tout ton temps dans la chambre de quelqu'un que tu n'aimes pas, non ?

Kirishima avait retourné son regard vers son ami, inquiet par le désarroi dans sa voix.

— Eh, calme-toi, mec. Je comprends mieux d'où venait les bruits de batterie... je pensais que c'était juste quelqu'un qui n'avait pas trop de limite en termes de volume sonore, je t'avoue. Mais savoir ça n'est pas un drame !

Le faux roux se releva quelque peu et attrapa le bras de son interlocuteur pour qu'il le regarde à son tour.

— Bakugo aime jouer et il a son instrument fétiche juste à côté. Il squatte, c'est tout ! Tu connais le tact du personnage, non ?

— Elle n'est pas du genre à se laisser faire non plus ! Moi, elle m'aurait dégagé depuis longtemps !

— Et Bakugo l'aurait forcé à accepter quand même !

Face au cri du blond, son ami viril ne put qu'hausser le ton encore davantage. Leurs deux visages étaient désormais à quelques centimètres l'un de l'autre alors que le silence regagnait du terrain.

— En fait, ce n'est pas ce que, lui, fait qui te dérange mais ce que tu ne peux pas faire, toi. Avoue !

Énervé par la remarque de son meilleur ami, Denki retira vivement son bras de la prise ferme de celui-ci et lui tourna le dos.

— Bien sûr que ça me dérange ! Elle l'aime putain !

— Qu'est-ce que tu en sais ? Arrête de sauter aux conclusions !

Même si le cornu ne pouvait plus le voir, il percevait les tremblements dans la voix du blond, et sentait sa retenu qui, bientôt, ne fonctionnerait plus.

— Je ne dis pas ça pour rien. J'ai même mis du temps à l'admettre ! Mais je ne vois pas d'autres explications ! Elle l'ignorait constamment comme elle le faisait avec tout le monde. Maintenant, elle le regarde, et l'écoute. Ça se voit et c'est discret en même temps. Ce ne sont que des détails en fait. Mais tu vois... elle sait souvent où il est, elle l'a même inconsciemment défendu l'autre jour. J'ai beau être idiot, je ne suis ni aveugle, ni sourd ! Et toi, alors ?!

Denki s'était depuis retourné vers le roux sans vraiment s'en rendre compte. Il laissait ses émotions le submerger, ses barrières avaient cédé, elles n'attendaient que ça. Alors brutalement, le blond passa du désespoir à la peine et désormais à la colère et l'indignation. Pourquoi était-il le seul ?

— Et toi ? Tu n'es pas jaloux peut-être ?! Je t'ai dit que Baku et Kyo étaient peut-être ensembles... et tu ne dis rien ?

Pour le coup, il surprit réellement son ami. Celui-ci fixait son vis-à-vis sans comprendre. Ses répliques dûment préparées afin de répondre aux bêtises du blond disparurent dans le néant que devint soudainement son esprit.

— Pour–pourquoi tu dis ça ? Je ne suis pas amoureux de Jiro ! Je ne te ferai jamais ça de toute façon...

Denki, tout aussi incrédule par la naïveté de son ami de son côté, mis quelques secondes à répondre.

— Je ne parle pas de Kyo. Ce n'est pas elle le «problème» dans ton cas.

— Mon problème ? Je n'en ai aucun avec lui, Bakugo est mon meilleur pote !

Il sourit légèrement en pensant au blond cendré.

— Et c'est justement ça ton problème ! Il est et te voit même peut-être que comme ça... pourtant, ce n'est pas ton cas.

Cela n'enleva rien à sa confusion, seule une sorte d'indignation commença à naître au creux de son être, sans qu'il n'en sache la source. Kirishima, malgré sa prévenance habituelle, explosa, essayant de se défaire de cette sensation.

— Mec, arrête-toi ! Je ne comprends pas où tu vas. Et je n'ai rien à voir dans tout ça à la base. Quant à leur relation... eh bien, s'ils sont vraiment ensembles ce n'est peut-être pas plus mal !

Denki écarquilla les yeux. Même si c'était évident sans qu'il n'en touche un mot, il avait fait part de ses sentiments pour la jeune femme au rouquin. Par conséquent, jamais, il n'aurait cru l'entendre prononcer de tels mots.

— Tu penses vraiment ce que tu viens de dire ?

— À ton avis ?

Je ne veux pas savoir.

— Tu me cries dessus, et crache sur Kats' mais au final, tu n'en veux qu'à toi même.

Tu te trompes, je n'ai rien à me reprocher.

— Son choix est peut-être juste le meilleur et ça, tu n'arrives pas à l'accepter.

Je croyais que mes déductions étaient une erreur... elles l'étaient. Pas vrai ?

— Tu passes ton temps à somnoler en cours, et après tu râles de ne pas réussir tes exam'.
Tu te plains de ne pas suivre en pratique mais je ne t'ai jamais vu dans la salle de sport une seule fois depuis le début de l'année.
Tu ne supportes pas que Jiro s'intéresse à un autre mais tu ne t'empêches jamais d'aller draguer la moindre fille que tu croises.
Je t'apprécie beaucoup mec, je t'assure. Mais finalement, si tu veux son bonheur, tu devrais peut-être la laisser partir. Bakugo n'est pas forcément facile à vivre, mais il est clean. En fait, si ça leur convient à tous les deux, on devrait être heureux pour eux. Et puis...

Comme un peu désolé par ce qu'il venait de dire, Kirishima adoucit ses traits avant de faire une dernière tape sur l'épaule de son ami.

— Tu ne peux pas désespérer pour quelque chose pour laquelle tu ne fais pas d'efforts. Oublie tout ça, va ! La tristesse ne te convient vraiment pas !

Sentant son portable vibrer, le rouquin se rendit compte de l'heure tardive et souhaita rapidement «bonne nuit» à son frère de cœur avec un large sourire qui lui fut rendu. Sourire qui disparut immédiatement la porte close.

«La tristesse ne te convient vraiment pas»

Denki Kaminari n'a pas le droit d'être triste. Il doit être heureux, souriant.

«Tu ne t'empêches jamais d'aller draguer la moindre fille que tu croises»

Denki Kaminari est un séducteur de première. Jamais, il ne pourrait laisser une «proie» s'en sortir comme ça.

«Je ne t'ai jamais vu dans la salle de sport une seule fois depuis le début de l'année»

En plus de n'être sérieux sur aucun aspect de sa personnalité, Denki Kaminari doit surtout rester fidèle à lui-même. La fainéantise est une partie de lui, il ne peut s'en défaire.

«Tu passes ton temps à somnoler en cours, et après tu râles de ne pas réussir tes examens»

Denki Kaminari est feignant. Il n'est pas sérieux non plus. Travailler, que ce soit en cours ou devant les autres, lui est impossible.

Denki Kaminari possédait une image très claire aux yeux des autres dont il ne pouvait se soustraire. Qu'importe qu'il ait travaillé d'arrache-pied durant des nuits entières. Qu'importe qu'il ait honte d'aller à la salle à cause de son corps si maigre comparer à ses congénères. Qu'importe qu'il parle aux filles dans l'espoir d'être rassuré, de recevoir le moindre compliment. Qu'importe qu'il ait besoin de crier de toute son âme.

Denki restait Denki. Et c'était pourquoi il devait rester drôle, bête et joyeux. Réfléchir à toutes ces choses ne lui ressemblait pas. Il ne savait sans doute plus ce qui lui ressemblait de toute façon.

Mais si Denki devait avoir cette attitude devant les autres, rien ne l'empêchait, ce soir de rester un peu là. Allongé dans son lit, les jambes plaquées contre son torse, entourées par ses bras, il pleurait, encore et encore.

Il supportait le trou dans sa poitrine, acceptait qu'il s'agrandisse, et l'empoisonne un peu plus. À l'abri des regards, il laissa définitivement sa peine s'échapper de son enveloppe pour que demain, il puisse sourire de nouveau.

Il entendit raisonner un poing contre la porte, quelqu'un était là.

— Kaminaze ?

Le cœur de Kaminari sauta un battement.

— Tu es réveillé ?

Non.

— J'ai entendu du bruit...

Pas maintenant.

— Comme des pleurs.

Pas elle.

— Kaminari ? Je... je rentre...

Non !

La porte s'ouvrit doucement. Denki s'était relevé dans un geste désespéré de l'arrêter à temps, ne parvenant qu'à se mettre à genou sur son matelas, encore emberlificoté dans la couverture, le bras levé vers l'entrée.

— Ça v–

Le visage de la violette n'exprimait que peu de choses, comme à son habitude, pourtant il su déceler une once d'inquiétude dans ses prunelles sombres. Inquiétude qui s'étendit à toute sa figure quand elle aperçut le blond.

Le visage de celui-ci était envahi de larmes comme personne n'avait pu le voir auparavant. Tant dis que le jeune homme cherchait une excuse pour l'éloigner, le voir ainsi, fit perdre tout contrôle à la jeune femme qui se rapprocha.

— Denki !

Entendre la fille qui faisait autant trembler que bercer ses nuits prononcer son nom lui fit plus de bien qu'il ne l'avouerait jamais. Comme si un baume était délicatement posé sur ses plaies, une chaleur se répandit en son sein.

Dans sa course pour comprendre la peine de son ami, la musicienne s'était rapprochée du blond, posant une main sur son épaule comme sur sa joue droite. Ses yeux balayaient son visage de part en part à la recherche d'une trace des raisons de ces larmes. Dans un même temps, son pouce proposait un ballet similaire pour en atténuer le flot.

Voir aussi clairement l'inquiétude de la jeune femme aussi désintéressée d'ordinaire le troubla profondément. Seulement ce qui le choqua particulièrement fut ses gestes.

Elle n'avait déjà pas pour habitude d'entrer en contact avec qui que ce soit, se sentant toujours mal à l'aise à ce propos, il était étrange de la voir si proche. Les seules fois où elle dérogeait à cette règle, c'était pour punir férocement le jeune homme de ses bêtises à l'aide de son alter.

Or, aujourd'hui s'il sentit bel et bien ses lobes d'oreilles se poser sur son visage, à l'extrémité de chacune de ses joues, ce ne fut que pour ressentir une douceur qu'il n'aurait cru pouvoir provenir de la jeune femme.

Il était pratiquement sûr qu'elle n'avait même pas remarquer ce contact, cette part d'elle-même était une extension de son corps mais aussi de ses pensées, l'inconscient avait la faculté à lui tout seul de faire bien des choses.

Cela pouvait se matérialiser par de petites mimiques comme un simple mouvement de droite à gauche, exprimant son désaccord, ou alors lorsqu'elle portait ses fins morceaux de chair à ses lèvres en signe de réflexion. Tout ce qui exprimait à la place de ses expressions faciales ce qu'elle ressentait vraiment, tout ce qu'il aimait tant observer chez elle.

Ce qui su le calmer pour de bon fut un dernier facteur. Bien des fois, il avait ressenti cette douleur, celle que les raisonnements du cœur de la chanteuse pouvaient procurer en les augmentant à l'extrême.

Seulement, les entendre à nouveau, à leur intensité normale, à travers ses câbles fragiles pourtant armes bien plus dangereuses qu'elles n'en avaient l'air à première vue, eu le don de le rassurer. Le son des battements de cœur lui rappela qu'après tout, elle était encore là, il l'était aussi. Ils respiraient, leurs cœurs battaient, ensemble et en rythme. Il su à nouveau l'importance et la chance qu'il avait de vivre malgré tout.

Il était bête. Il était un parfait idiot. Prêt à accuser les autres de son propre mal être. Prêt à commettre l'irréparable pour tenter de se réparer soi-même. Prêt à se perdre pour essayer de tout retrouver. Mais il ne perdait rien.

— Je... j'ai l'impression d'avoir plongé dans un long, un très long cauchemar... juste... je ne suis pas encore sûr d'être revenu...

— Qu'est-ce que tu me chantes ? Bien sûr que tu es revenu. Je peux t'assurer que tu es bien réveillé ou alors nous faisons le même rêve et là, ça craint.

Elle lui pinça les joues pour appuyer ses propos, profitant au passage de ce contact avec le jeune homme.

— Chanter ? Mais oui !

Se relevant brusquement, il percuta le front de la jeune fille au passage. Elle se massa par réflexe le haut du visage mais ne dit rien de plus. Elle souhaitait davantage cacher sa gêne qu'atténuer une quelconque douleur.

— Tu ne pourrais pas chanter quelque chose ? Histoire de me ramener du monde des rêves ! Ou pour être sûr du coup.

Rougissant encore plus, la musicienne fut au moins heureuse de la pénombre des lieux.

— Je ne vois pas pourquoi je ferai ça. C'est ridicule comme raison !

— Il n'y a jamais de mauvaises raisons pour entendre ta voix !

Le blond souri pour la première fois depuis l'arrivée de la jeune chanteuse. Inconsciemment, la seule pensée de l'entendre, surtout lors d'un tel moment privé, avait su lui rendre une part de sa bonne humeur.

Ce fait n'échappa pas à l'œil observateur de la jeune héroïne dont les réticences furent bien vite ébranlées. Le jeune homme, percutant que sa demande avait été refusé, reprit son attitude précédente.

— Bien... après tout, il est tard. Tu devrais aller te coucher plutôt ! C'est déjà gentil d'être venu, me–

— Toi aussi. Tu auras intérêt à bien dormir après ça.

Fermant les yeux, toujours en proie à une gêne grandissante, la bassiste s'assit sur le rebord du lit. Le blond écarquilla les yeux en comprenant le sens des mots de son amie.

— Tu auras intérêt à nous offrir un beau sourire après ça !

Le jeune homme soupira.

— Oui, je sais «ça me convient mieux», «ce n'est pas vraiment comme Denki, ça», tout ça, tout ça. Ne t'en fais pas, je sais !

Kyoka releva un sourcil d'incompréhension.

— Bah non. Tu es toujours «Denki» en ce moment. N'importe qui a le droit de pleurer ou d'être triste.

C'était si évident, l'entendre de sa part le semblait encore plus. Pourtant, jamais cela n'avait vraiment percuté l'esprit du jeune homme. Il en fut sans voix.
-— Mais même si c'est vrai, c'est mieux si cette personne est heureuse. Toi, tu le montres en souriant, non ? Comme la plupart en fait, mais tes sourires sont si... grands. Ils sont... pas communs disons.

Denki ne pipait mot. Ces paroles étaient tout ce qu'il avait attendu. Ceux dont il avait besoin, et qu'il avait recherché, que personne n'avait su lui offrir jusqu'à présent. En les entendant sortir de sa bouche, il se sentit stupide de les avoir cherchées ailleurs. Kirishima n'avait peut-être pas eu si tort finalement.

Kyoka, de son côté, cherchait ses mots. Ce n'était pas de la gêne cette fois. Entendre des compliments envers sa personne avait le don de la rendre rouge pivoine et plus agressive que jamais. Pourtant, faire l'inverse, tant que c'était parfaitement sincère, elle pouvait se plier à l'exercice sans problème. Être honnête ne pouvait faire de mal à personne, au contraire, ce monde en manquait suffisamment.

— ...ce n'est pas négatif ! N'interprète pas mal ce que j'essaye de dire. Ils sont... comment dire ? Rayonnants !

Pour ne pas dire magnifiques et envoûtants. Mais ça, la jeune fille le conservera pour elle encore quelques temps. L'honnêteté avait ses limites.

— Ils ont le mérite de donner du courage, et sont plutôt contagieux aussi ! Tu avais l'air de dire que la remarque n'était pas nouvelle... si on te dit que ça te convient bien ça ne veut pas dire que tu dois sourire tout le temps ! Ça veut dire que quand tu le fais, ça semble comme... naturel !

Il en resta ébahi. Le silence reprenant ses droits, la jeune femme se demanda si elle n'en avait pas trop dit. Pour se redonner consistance et faire disparaître la gêne qu'elle était pourtant la seule à ressentir, elle reprit la conversation à son stade précédent.

— Par contre, ne prend pas de mauvaises habitudes. Je ne compte pas jouer le rôle de ta berceuse tous les soirs !

Comme soudainement rechargé, l'électrique se jeta sur son lit afin de se mettre en position et attendit avec impatience que la jeune femme daigne faire entendre sa voix mélodieuse, ce qu'elle ne tarda pas à faire après avoir repris son souffle de façon peu discrète.

Même si le jeune blond souhaitait véritablement pouvoir écouter chaque note, comme chaque son que produirait la chanteuse, il eut vite fait de se faire emporter dans les bras de Morphée.

Il put au moins affirmer qu'il avait ressenti des frissons d'apaisement le traverser jusqu'à la racine de ses cheveux comme si la jeune femme y avait laissé glisser ses doigts fins. Mais aussi, et surtout, il aurait pu déclarer sans aucun doute que ce fut la nuit la plus agréable qu'il avait vécu jusque-là. Il ne rêva pas ni ne cauchemarda, ce fut une nuit sans vagues, seulement calme, relaxante et reposante.

Il avait toujours lu des histoires toutes plus ridiculement orchestrées les unes que les autres où l'amour semblait alors absurdement simple.

Seulement, aussi beau que ce sentiment était généralement décrit, quand Denki l'avait connu, il avait très vite compris que le terme «simple» était bien le dernier qu'on pouvait attribuer à ce mot. Il n'avait, à vrai dire, jamais rien connut de plus complexe.

Allant souvent dans un sens comme dans son contraire, il était à la fois magnifique et agréable comme horrible et destructeur. Si on pouvait parfois le chérir, ce sentiment nous donnait parfois à haïr. Et détesté, ça, il l'avait fait, à tort et à travers, sans grande raison, à s'en vouloir profondément. Il l'avait même fait envers l'objet même de son amour. Il avait parfois eu envie de tout rejeter, dont elle.

Mais cette nuit-là, il s'était souvenu, souvenu de pourquoi il ne l'avait pas fait, et surtout pourquoi il ne pourrait jamais le faire. Denki Kaminari était heureux d'être tombé amoureux de Kyoka Jiro. Il ne pouvait que remercier le destin pour lui avoir permis cela. En attendant, c'était à elle qu'il, dans son propre sommeil, souhaitait rendre grâce à tout prix.

— Merci...

Denki Kaminari était un idiot. Mais s'il avait le choix, il dirait que ce terme n'était pas tout a fait exact. Oui, d'entre toutes les choses qu'il pouvait désirer, Denki n'avait en fait qu'un souhait.

J'aimerai être un idiot, mais pas n'importe lequel... laisse moi être ton idiot.

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