Préface - Riche
Une fois on m'a demandé qu'elle était ma plus grande peur.
J'ai répondu le silence.
Le silence de ces couloirs vides.
Le silence de ces sourires polis, plats.
Le silence de ces départs, de ces absences.
Mes propres silences.
Ils envahissaient ma vie, et la définissaient peu à peu. Je ne voulais pas de ce vide, ce blanc.
Cette solitude, j'ai cherché à la combler.
Les mots de ma mère. Son fantôme, ses règles, je m'en suis purgée.
Chaque jour, chaque minute, chaque seconde.
C'était une manière de remplir mon esprit. Ce bruit ne parvenait jamais jusqu'à mes oreilles mais il restait un guide divertissant. Il offrait une voie simple, nette et précise.
Cette voix que j'étais la seule à entendre, encore et encore, éloignait la peur comme un feu de camp effrayant les bêtes sauvages et réchauffant mon corps face au froid. J'étais à l'abri.
Ces mots m'apprirent bien des choses. Ils me cadraient et finalement me façonnèrent à la place de ce que je fuyais. Ils étaient une coquille, une protection que je croyais acquise. Au fil du temps, je me suis mise à comprendre que ce n'était pas tout à fait exact. Ça n'avait jamais été moi que ces paroles sécurisaient. C'était les autres.
Ma mère était tranquillisée.
Mon père était à l'abri.
Les autres étaient enveloppés d'un voile de bienveillance et de bienséance dans lequel j'avais appris à entourer les gens.
Et finalement ces mots me permettaient d'oublier, de m'oublier aussi.
Tant qu'ils suffisaient à m'écarter de ce silence, tout me convenait. Je n'en pouvais plus d'entendre cette mélodie.
Un temps, je crus que les codes m'avaient offert une autre alternative. Un nouveau jeu, un nouveau son, cet instrument allait me permettre d'ouvrir une nouvelle voie façonnée par mes propres mains.
Mais évidemment ça n'était pas si simple.
Les doigts d'un être au silence si tenace ne pouvaient parvenir à la mélodie qui l'en sortirait. L'habilité ou l'entrainement ne changeait rien. Les écoutes étaient forcées, les félicitations fades et les accompagnements nuls. Finalement, tout ne revenait qu'à ce vide aussi présent que passé, et sans doute éternel.
Rien ne changerait, mon monde était écrit de cette manière, je n'avais qu'à l'accepter.
Je survivrai au silence grâce à mes frêles ressources, mes courtes escapades, et mes fuites du monde réel.
Si les mots ne pouvaient m'atteindre, je n'avais qu'à laisser les pensées m'envahir de l'intérieur.
A défaut d'un abri, j'aurai un lieu personnel, une cache, où enfin, pour un instant, j'aurai le droit d'être égoïste, et où je pourrai m'extraire, même faussement à ma solitude.
Le problème de cette dernière est qu'en sortir n'est pas toujours signe de chaleur humaine.
Non, elle ne permet qu'aux loups égarés de venir roder et d'assouvir leurs instincts.
C'était dans ces moments-ci sans doute que j'aurai aimé éloigner ce silence.
C'était dans ces moments-là que penser me permettait de m'éloigner de moi-même.
Loin de ces yeux froids poursuivant sa proie d'un désir toujours inassouvie.
Loin de cette démarche lente et soi-disant rassurante du prédateur.
Loin de ces crocs acérés en quête d'une chair fraîche et tendre.
Loin de ces frissons incontrôlables qui me feraient perdre tout courage.
Cette tête bien remplie ne laissait ainsi plus rien rentrer de plus, ni douceur, ni douleur. J'avais toujours essayé de m'en convaincre tout du moins.
Mais quand la musique a réinvesti ma vie à travers toi. Toi qui résonnais de toute part, qui vivais de sons.
J'ai remis en doute mon existence et me suis raccrochée à la tienne.
J'ai aimé écouter encore et encore les nuances et les tempos vibrant dans ta voix.
J'ai voulu conserver ce feu puissant qui donnait pâle figure à ma faible étincelle de tentatives.
J'ai espéré réécrire ma partition avec tes notes à la justesse inégalée.
Peut-être qu'en ayant croisé ta route plus tôt mon histoire aurait-elle été différente.
Peut-être qu'en ayant croisé ta route plus tôt sa froideur aurait-elle fondu face à tes flammes.
Peut-être qu'en ayant croisé ta route plus tôt tu aurais eu le cran de crier à ma place.
Peut-être qu'en ayant croisé ta route plus tôt ta seule présence aurait-elle rendu cette solitude plus vivable.
Sauf que ces «peut-être» sont à peine digne d'un futur et n'ont jamais valu la peine d'investir mon passé.
Ne laissant une place qu'au silence, celui dont toi, dans ma plus grande incompréhension, tu rêves.
*~*~*
Ohayo tout le monde ! ^^
Encore un petit prélude de notre chère Momo et le dernier d'ailleurs, annonçant les couleurs de ce nouveau chapitre qui nous permettra de conclure l'arc notamment dédié à la demoiselle et surtout d'aborder quelque peu son passé !
En espérant qu'il vous aura plu et que la suite le fera tout autant,
A la prochaine ! :D
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