Mon problème (2/2)
Kirishima était perdu. Son frère de cœur affrontait son meilleur ami. Voir le premier se dépasser, et aller jusqu'au bout était dans un sens rassurant. De même, avoir la chance de voir un combat opposant deux convictions aussi fortes l'une que l'autre. Il pouvait bien le dire ici, il avait rarement assisté à une chose plus viril.
Seulement, les frissons qui parcouraient son être n'étaient ni d'excitation ni d'admiration. Ce combat lui donnait froid dans le dos. Quand il regardait ces deux têtes blondes, il ne souhaitait la défaite d'aucune des deux. Et il comprenait que ni l'une ni l'autre ne le permettrait. Aucune ne l'accepterait.
Quiconque de censé aurait parié sur Bakugo. De par son caractère comme sa force, on ne pouvait douter de lui. Sa fierté à elle seule l'empêchait de pouvoir même envisager la défaite.
Pourtant, même si Kirishima avait conscience de tout cela. Même s'il aurait souhaité encourager son ami électrique plus que tout, rien qu'en simple soutien. Son cœur parla tout seul, l'adrénaline traversant ses cordes vocales avant son esprit.
Prit dans la tension ambiante, il eu peur. Une peur instinctive. Elle n'avait même pas lieu d'être. Pourtant, elle fut son moteur lorsqu'il hurla ces mots.
— KATSUKI, GAGNE !
***
Denki respira un grand coup. Ses jambes tremblaient, ses bras n'étaient que douleur, et ses poumons étaient en feu. Son intellect déjà peu développé d'ordinaire ne semblait pas vouloir intervenir dans cet échange non plus. Il était au plus bas. Et ce n'était certainement pas le «tout va bien» qu'il venait de lancer qui lui permettrait de tenir davantage et encore moins de remporter la victoire.
Pourtant, les flammes qui entravaient ses poumons lui paraissaient bien faible en comparaison du brasier de sa détermination nouvelle.
La douleur ne lui semblait plus si importante, elle partait elle aussi en fumée, jusqu'à quitter son corps ou tout du moins ses considérations. Et ces tremblements, il n'était au final que le reflet de son adversaire. Fardeau commun, il n'y voyait plus un quelconque handicap. Non, ils étaient la preuve de son excitation.
Un sourire se dessina sur son visage. Son corps était peut-être à plat mais son énergie n'avait pas diminué d'un iota depuis le début de cette confrontation. Il sentait le flux de cette force familière parcourir ses veines, pas un centimètre de sa peau n'était épargné par ce frisson.
Elle bouillonnait, cette énergie qui n'attendait qu'un instant pour se déverser.
Comme si elle était prête à déborder, on pouvait apercevoir un certain nombre d'éclairs recouvrir le corps du blond. De même, ses cheveux ne tenaient plus en place emportés par la statique de son alter. N'en pouvant plus de rester inactif, il repartit en trombe à la recherche du contact qui redéfinirait le combat.
Alors que son opposant se remettait, Bakugo reprenait également son souffle. Mais comme Denki semblait l'être, ses propres bras étaient à bout. Dans une volonté de ne pas laisser son adversaire utiliser son alter, il n'avait eu de cesse de forcer une distance entre eux. Seulement, il n'avait pas prévu que l'électrique tienne autant. Il était tellement célèbre pour ses combats éclairs que l'explosif n'avait pas douté de sa propre endurance.
Malgré tout, il devait se l'avouer, il ne pouvait continuer cette stratégie bien longtemps. Lorsque l'autre blond recommença à avancer, il remit ses deux bras en avant mais attendit cette fois-ci. Il allait ménager ses membres supérieurs en réduisant la puissance de ses explosions, plus question d'activer le moindre Flashbang comme il l'avait fait jusqu'à présent. Plus faible mais tout aussi rapide, il ne doutait pas de l'efficacité de ses ressources restantes.
Kaminari fonçait droit devant lui, comme toutes les autres fois.
Bakugo demeurait les pieds ancrés dans le sol fermement, prêt à sévir.
L'engrenage infernal de ce combat allait recommencer. Rien n'avait changé. Ce n'était qu'une course de plus, qu'une autre explosion. Oui, qu'une manche de plus, ou peut-être, de trop.
Elle s'écoulait.
La distance se réduisait. Chaque pas représentait une chance de plus pour l'électrique. Chaque centimètre parcouru était une avancée vers la fin qu'il souhaitait.
Pas maintenant.
Chaque seconde comptait, et l'était. Pas un instant n'était ignoré par l'explosif. Il jugeait, calculait, attendait. Son heure viendrait bien assez tôt, il pouvait être patient.
Son flot s'accélérait.
Kaminari se jetait dans la gueule du loup, littéralement. Bien que sa vie n'avait aucune raison d'être en danger, il ne restait pas moins la proie, mais une proie à l'affût de son chasseur.
Pas encore.
Bakugo n'était pas moins attentif. Il n'avait pas l'intention de céder la moindre marge à son opposant, et ce, malgré son erreur stratégique de départ.
Son corps fourmillait.
Le silence régnant, son adversaire restant immobile, sa vitesse loin d'être optimale, lui paraissait d'une lenteur à toute épreuve. Comme si quelqu'un s'amusait à accentuer la tension, le blond avait l'impression d'entendre à chaque pas le bruit familier d'une horloge sonner à ses oreilles.
Pas tout de suite.
Le temps était le facteur le plus important, et le plus frustrant. Cette attente lui paraissait folle et longue. Les pas lourds de son homologue se superposaient aux bruits de sa propre sueur tombant sur le sol, ce concert improvisé semblait charrier le jeune héros, tapant sur ses nerfs un tempo des plus apathiques.
Elle était inarrêtable.
C'était terrifiant La fin de cette phase absurde allait finir. La «fin» en voilà un mot effrayant en soi. Mais ce qui était à attendre était le début de la suivante. C'était ce qui suffit au blond pour sourire de plus belle. Cette suite, cette nouvelle page, il comptait l'écrire de sa propre plume, pour choisir le dénouement de cette histoire étouffante. Sa jalousie, sa rancœur, ses remords et tous ses tourments allaient enfin renaître en une nouvelle forme, sa liberté.
Elle explosa.
Cette puissance.
Elle déborda.
Cette énergie.
Maintenant !
Un grand flash, et à nouveau un son à réveiller les morts retentit. S'en était fini. Ça l'était forcément. L'électrique avait dû se faire souffler par la force colossale de l'attaque de son homologue blond. Pourtant, ce dernier n'avait aucune idée d'où se trouvait son adversaire.
Disparu. Denki avait disparu. Interloqué, Bakugo, qui ne pensait pas l'avoir lâché une seconde du regard, se mit à balayer le terrain de ses yeux de braise. Son mouvement devenant plus large, il aperçu alors son ami roux, poings et yeux serrés, relâcher d'un seul trait un grand cri à son attention.
— KATSUKI, GAGNE !
Il ressentit dans un même temps une ombre se former au dessus de lui. Reprenant son calme, il fit volte-face immédiatement. Denki était là, la jambe en avant, prêt à frapper. Voulant éviter à tout prix le contact, le blond cendrée essaya de lancer l'une de ses explosions de sa main droite. Aussi petite soit elle, à une telle distance, elle n'aurait pu qu'engendrer des dégâts suffisants pour lui donner le temps de réagir.
Seulement, ce fut le moment que choisi son membre pour lui faire défaut. D'un brusque sursaut, son bras lâcha retombant près de ses côtes. De même, ce mouvement inattendu lui fit plier sa jambe jumelle. Pour autant, dans sa chute, la main ne manqua pas d'obéir à son dernier ordre.
Denki qui visait le visage de son adversaire passa au dessus de ce dernier tout en prenant une explosion à bout portant au niveau de sa seconde jambe. Il atterrit alors au pied de son ami, dos à celui-ci. Et tout comme précédemment, un flux parcouru son corps et lui permit d'éviter cette situation en le faisant réagir au quart de tour.
Il fit ainsi immédiatement face à son adversaire et bondit à nouveau. De terre, il atteignit les sommets. Mains en avant comme levées vers le ciel, il approcha ses doigts du visage de l'explosif, frôlant ses joues. En un instant, il déversa tout. Comme si un orage s'était abattu sur le ring, une volée d'étincelles surgit de ses paumes et envahit le terrain.
Bien-sûr, le blond cendrée n'était pas resté inactif. Grâce à ses réflexes plus qu'impressionnants, il parvint à empoigner le col du haut du jaune afin de le repousser, trop tard. Denki désormais de retour sur Terre, dans les deux sens du terme, ressentit un net soulagement en apercevant le regard voilé de son adversaire. C'était fini. Bakugo était inconscient et ainsi, incapable de se battre.
— Combat terminé !
Il avait...
Alors que son souffle peinait à lui être rendu et que son adrénaline partait définitivement, Denki se sentait mieux que jamais.
Il avait...
— Kaminari Denki est...
Vainqueur, il était vainqueur ! Enfin ! C'était son jour ! Un nouveau départ. Lui, Kaminari Denki, le pire élève de tout Yuei, avait battu le meilleur, Bakugo Katsuki, en combat régulier. Pour la première fois de sa vie, il avait gagné.
Seulement, il aurait dû savoir.
— ...hors ring ! Bakugo Katsuki est déclaré vainqueur !
On ne change pas si facilement. Si c'était vrai pour lui, ça l'était tout autant pour son rival, ami mais aussi modèle. Ce mot qu'il avait autrefois prononcé à l'effigie de Bakugo lui rappela un fait indélébile. En quoi était-il un modèle ? Bakugo était un gagnant, en toute circonstance.
Denki cessa toute réaction à l'entente de ces mots. Il remarqua alors où étaient posé ses mains. Lui servant d'appuie pour son corps fatigué, ses paumes touchaient non seulement le sol mais aussi une ligne blanche particulièrement reconnaissable.
Le jaune ne put alors qu'écarquiller les yeux avant de vivement relever la tête vers son adversaire. Bakugo était inconscient certes. Mais ce que son cerveau n'avait pas enregistré, c'était sa position. Bakugo était encore debout.
«Tout va bien, je tiens encore debout.»
Il eut l'impression de recevoir ses paroles en pleine figure. Bakugo était une force de la nature. D'un geste désespéré, il avait repoussé Denki ? «Désespéré» n'était pas un mot pouvant lui convenir, ce n'était pas compatible.
L'explosif n'avait pas dû se résoudre de. Il avait volontairement choisi la victoire sur la sécurité. Il n'avait pas hésité un instant à laisser son visage à portée de l'alter de Denki pour mettre fin au combat. Incapable de bouger, de se battre, il avait refusé la défaite envers et contre tout.
De son point de vue, l'électrique pouvait voir la stature musclé de son adversaire le recouvrir de son ombre, s'imposant dans la puissante lumière naturelle qui rayonnait derrière lui. Rayonnant, c'est ce qu'il était. Bakugo était en ce moment la matérialisation humaine du terme qu'ils avaient fougueusement recherché en s'affrontant. Aux yeux de Denki ce jour-là, Bakugo avait tout d'un héros.
Il se releva une dernière fois. Ses forces étaient épuisés mais il lui restait une action à accomplir. Une dernière.
Alors que le silence tendu venait de faire place à un torrent d'applaudissements aussi bien à son encontre qu'envers son adversaire, Denki tendit la main vers celui-ci. Puis, d'un simple sursaut, une énième étincelle, faible mais fiable, il réussit à réactiver les fonctions basiques de son vis-à-vis.
Bakugo se réveilla. Denki s'écroula. Bakugo sentit sa défaite en découvrant sa victoire. Denki accepta sa défaite en comprenant sa victoire.
***
Les yeux de Denki s'ouvrirent de nouveau sur un environnement aux teintes blanches. Voulant se relever, il réveilla la douleur de son corps et poussa un cri aigu. Il remarqua alors son état et comprit sa situation.
Recouvert des pieds à la tête de bandages en tout genre, Denki ressemblait davantage à une momie qu'à un héros en formation. Riant de son observation, il essaya de se rappeler comment il avait atterri ici presque aussi blessé qu'un Midoriya un peu trop motivé.
C'est alors que des bribes de son combat lui revinrent. Maintenant encore sa paume et son poignet avec son autre main, il baissa la tête. C'est vrai, il avait perdu. A deux doigts d'exprimer sa déception par les larmes, il entendit soudainement un brouhaha incroyable.
— La belle au bois dormant s'est réveillée ?
— Bah, alors ?! C'est quoi cette tête de chien battu ?
— Comment va notre champion ?
— Pas trop mal !?
— C'était d'enfer ! Comment tu as fait pour lui tenir tête ?
— C'était... ton truc là ! Où pouf, disparu ! ...et puis tcha derrière... ou même le vlam de fin ! C'était... c'était trop ouf !
La porte violemment ouverte avait laissé entrer un public des plus agités. Parlant tous en même temps pour les plus bavards, la classe A presque au grand complet avait débarqué en trompe dans l'infirmerie scolaire, envahissant par la même occasion l'espace vital de l'électrique.
D'abord sous le choc, leur ami blond sourit légèrement et commença à tous leur répondre d'un ton enjoué, calmant petit à petit leurs ardeurs. Finalement, c'était sous les injures de l'infirmière des lieux que la plupart quittèrent la pièce.
— Ah ces jeunes...
Apercevant du coin de l'œil l'héroïne aux prises jack rester comme précédemment appuyer contre le mur, en silence, Recovery Girl décida à son tour de sortir faire un tour, permettant d'éloigner de potentiels curieux au passage. Les deux jeunes se regardaient sans rien dire.
Le premier était assez nerveux, ne sachant pas à quoi s'attendre. Pourtant, il attendait tout de même. D'entre tous, peu importe combien leurs mots avaient pu le toucher, c'était bien son avis à elle qui comptait le plus à ses yeux. La violette finit par se décoller de la cloison afin de se placer à ses côtés avant de sortir du silence dans lequel elle s'était murée jusqu'au départ de la troupe.
— On dirait une momie.
Elle fixait ses bandages, neutre. Denki, qui ne s'attendait pas à une telle remarque, fut incapable de réagir avant de tout simplement éclater de rire. Suivant le regard de la musicienne, il observa à nouveau ses bras.
— C'est ce que je me suis dit aussi !
Relevant vite la tête pour voir la violette, il agrandit son sourire.
— J'ai trouvé mon prochain costume d'Halloween au moins.
Cette dernière continua de le fixer sans changer d'expression, avant de planter vivement l'une de ses prises dans les côtes du jaune.
— Aïe ! Je suis blessé, tu connais pas les temps d'arrêt, sale Pjer, va !
Denki n'eut même pas le temps de toucher sa zone douloureuse que déjà la jeune femme recommençait son geste.
— Si tu peux dire des bêtises, c'est que tu vas très bien, saleté de geek !
Si Denki aurait souhaité bouder ou en vouloir à la jeune musicienne, il abandonna vite l'idée et repensa à ses paroles.
— Pour une fois, c'est plutôt vrai...
Kyoka tourna sa vision vers le blond. Encore, il avait encore ce regard qu'il avait eu l'autre nuit. Cependant, il semblait aussi plus calme, plus apaisé. Les questions qui l'avaient envahi ce soir là refaisaient alors surface. Mais, comme à chaque fois qu'elle y repensait, elle les faisait taire.
— C'était bizarre hein ? Ce moment... je veux dire, comme ça, en un instant, je me suis retrouvé derrière lui... je l'ai pris au dépourvu... je me suis pris au dépourvu en fait...
Il n'arrivait toujours pas à concevoir ce qu'il s'était produit. Dès lors qu'il prenait part à un combat, un frisson particulier commençait à le traverser. Alors, à chaque fois, il essayait de s'en débarrasser. C'était instinctif pour lui.
Il se doutait de sa provenance, il savait que son alter en était la source. Mais le libérer lui avait toujours semblait naturel. Sauf que cette fois, il n'en avait pas eu la possibilité. Le terrain était bien trop limité et les autres trop proches pour qu'il puisse se permettre de le faire. Alors, avec le temps, ce frisson avait grandit, s'accumulant, s'accélérant jusqu'à provoquer une surcharge.
C'était le seul mot qu'il pouvait placer dessus. Ce n'était pas comme lorsqu'il libérait trop de volts, il n'avait pas perdu tout ce qui lui restait de neurones en un instant.
Pourtant, c'était en quelques sortes la même sensation. Son adversaire n'avait pas vu venir cette charge parce qu'elle avait été infimement plus rapide. Seulement, il ne l'avait pas plus prévu que lui. Il n'avait pas pensé agir ainsi car il n'y avait littéralement pas pensé du tout. Ça pouvait paraître absurde mais ses actions avaient été réalisé avant même que son cerveau ne les conçoive.
On aurait dit que son alter avait lié les différentes parties de son corps en un réseau parfaitement orchestré qui ne laissait place au doute. C'était cette absence de temps de réaction qui l'avait fait surpassé, durant un instant, l'instinct surnaturel de Bakugo.
En d'autres mots, c'était en contenant cette énergie altérienne, qu'il avait plus que jamais ressenti cette liberté.
— Bizarre ?
Denki releva la tête après avoir fixé à nouveau ses blessures. Perdu dans ses pensées, il en avait presque oublié la présence de son interlocutrice.
— Voir Chargéclair s'en sortir sans finir en Jamming-whey, ça s'était inhabituel, c'est sûr ! Seulement...
La jeune femme se retourna vers la fenêtre, tournant le dos au jeune homme.
— Que ce soit l'un ou l'autre, qu'importe le nom qu'il porte au final... le héros que j'ai vu aujourd'hui était... vraiment cool !
Cette fois-ci silencieux parce qu'il cherchait ses mots, Denki se rendit compte qu'il en avait de tout trouver. D'un regain de détermination, le jeune homme ferma le poing fermement, plantant son regard dans celui de la musicienne qui lui faisait de nouveau face.
— Ne t'inquiète pas alors parce qu'il vient à peine de naître, et compte pas partir de sitôt !
Répondant au sourire confiant du blond par l'un des siens, la jeune héroïne commença à quitter la pièce, les mains croisés derrière le dos.
— On n'aura plus besoin de l'attendre, alors ? On va enfin pouvoir franchir la ligne d'arrivée donc ! Tous ensemble.
***
Denki avait enfin eu l'autorisation de sortir. Il n'en pouvait plus de rester aliter à rien faire. Finalement, faire le pitre ou passer du temps avec les autres, lui avait manquer terriblement, et ce, en à peine une journée. Définitivement, rester inactif n'était pas pour lui. Tout ce temps passé à l'infirmerie avait au moins eu le don de lui remettre les idées en place. Seul face à lui-même, il avait pu faire le bilan des derniers événements.
C'était d'ailleurs l'une de ses conclusions qui le menait aujourd'hui à courir dans un couloir vide comme un dératé. Bien que pouvoir enfin se dégourdir les jambes ne devait pas y être pour rien non plus. A bout de souffle, il arriva enfin devant une porte. Sans même vérifier si son propriétaire était présent ou occupé à autre chose, Denki prépara sa voix à traverser la cloison qui lui faisait face.
— Bakugo ! Je sais qu't'es là ! Pas besoin de me répondre, ni même de m'écouter si ça te saoule... C'est juste un monologue à la con... mais tu vois... J'dois m'excuser ! Tu étais tellement tout ce que je n'étais pas ! Tellement impressionnant et fort... j'ai tellement aimé cette image de toi... je l'ai tant idolâtré... que j'en suis venu à la détester.
J'en avais marre que tout ne tourne qu'autour de toi... de vous ! Bakugo, Todoroki, Midoriya... tous les trois vous avez toujours le don d'être là où se trouve les pires noises, mais vous êtes toujours ceux qu'on acclame aussi. Parce que vous êtes hors-normes ! Vous vous faites jamais avoir et si c'est le cas, vous revenez toujours plus forts ! Vous êtes exceptionnels. Tu es exceptionnel ! C'est vrai, les gens le pensent, je le fais autant qu'eux. Sauf que tu vois... moi aussi... tout le monde... nous aussi on rêve de devenir des héros !
Je sais que t'en vouloir n'était pas la bonne décision. Je sais que ça ne servait à rien, que c'était stupide... mais en même temps, je suis bien l'idiot de la bande, non ? C'est normal après tout. Alors, bien plus que toi, c'est moi-même que j'ai haïs... parce qu'au final, c'était toujours ce que j'avais essayé d'éviter... penser à ça... Mais ça avait toujours été là, en moi ! C'était horrible... invivable ! J'avais presque abandonné ! Pourtant, J'ai essayé de changer...
Même si je ne suis pas aussi fort que toi, même si je ne suis pas aussi intelligent, aussi incroyable... même si je suis tout ce qu'il y a de plus normal en fait, j'ai eu envie que tu me regardes, toi, le type super qui était à côté de moi ! Tu ne comprends sans doute pas tout ce que j'te dis, tu t'en fous sûrement mais le fait que tu ne m'ais pas sous-estimé, que tu te sois donné à fond, que tu sois rester toi-même en fait... même face à moi... finalement... que tu ais gagné ! Parce que oui ! Apparemment, tu t'es plains mais... c'est vraiment ta victoire ! Je t'en remercie Bakugo... vraiment... merci...
Denki s'en alla alors sans même avoir su si son message avait été entendu.
***
— Encore là, hein ?
Bakugo haussa les épaules aux mots de la bassiste.
— Apparemment...
La violette soupira avant de reprendre une gorgée de sa bouteille d'eau. Une séance de plus à son actif. Décidément, le blond n'allait plus quitter sa piaule.
— C'est quoi cette fois ?
— Pas tes affaires !
— Comme celles que tu tiens actuellement dans tes mains ? Jusqu'à preuve du contraire, ça, ça m'appartient.
Sans même regarder son camarade, la musicienne avait pointé les baguettes que détenaient toujours le batteur. Celui-ci jeta ces dernières d'un geste rageur.
— Il s'est excusé.
Kyoka, qui allait se plaindre de l'attitude du jeune homme, haussa un sourcil d'incompréhension.
— Qui ?
— Ton mec !
La chanteuse voulu relever les dires de son ami mais finalement la curiosité l'importa sur la gêne et l'indignation, n'enlevant rien à la rougeur de son visage.
— Comment ça ?
— Y a rien à dire. Il l'a fait, c'est tout.
La jeune femme n'était pas convaincu mais en voyant le regard agité du blond, elle comprit que la conversation n'irait pas plus loin. Soit lui-même ne savait pas, soit il n'avait simplement pas envie d'en parler. Elle avait suffisamment forcé, elle prendrait sur elle.
— Y en a un qui devrait peut-être prendre exemple alors...
— Hein ?!
Bakugo et ses yeux de braise se relevèrent brusquement vers la musicienne.
— Y a pas de mots cachés, tu vois très bien ce que je veux dire.
Avec le temps, Kyoka avait appris à réagir face aux crises de l'explosif, ou plutôt à ne plus le faire, et resta ainsi très calme tout comme sa voix.
— Tss, je n'ai aucune raison de m'excuser. C'est pas une victoire complète, ça m'énerve déjà assez. Pour autant, c'est ma victoire ! Pour ses blessures, il avait qu'à sortir !
Regardant devant elle, la jeune femme se mit à jouer avec sa bouteille sans faire attention.
— Je ne parlais pas que de lui. Après pour cette histoire de fausse ou vraie victoire... si tu veux mon avis, ça n'a pas de sens ni d'importance, tu as gagné, c'est tout. Mais j'aurai préféré que tu perdes.
La bouteille qui venait d'être envoyé dans les airs, explosa soudainement au contact de la paume suintante de Bakugo alors que son autre main empoignait le col de sa camarade.
— Moi ? Perdre ? Tu sais c'que tu dis là ?!
Restant tout aussi calme, Kyoka lui répondit en le regardant dans les yeux.
— Tu vois, c'est exactement ce pourquoi je voulais que tu perdes.
Bakugo était sans mot. Les gens l'adulaient, le craignaient. Même ce fou de Pikachu l'avait affirmé. Il connaissait la jeune femme comme une personne peu réactive, et la savait posséder des nerfs d'acier.
Cependant, c'était encore autre chose. Elle ne le plaçait pas en objet d'admiration ni de crainte, elle le voyait juste comme Bakugo, son camarade, son ami sans doute, son égal en somme.
Il relâcha petit à petit son col en silence. Ses mots l'énervaient, au plus haut point même. Mais il sentait comme si c'était cette part de lui-même qu'elle pointait du doigt. Elle n'en aurait pas peur, elle ne la jugera pas non plus. Comme Kyoka exprimait juste son point de vue, il ne pouvait pas juste déferler sa colère sur elle.
— Ça t'aurait fait du bien.
Grinçant des dents, le blond se releva et s'approcha de la porte d'un pas lourd.
— P't'être... mais j'suis pas là pour ça. Pour devenir l'meilleur, on n'prend pas d'bon temps. On trime, c'est tout.
Ouvrant la porte d'un coup de pied, il se sentit percuter quelque chose avant d'apercevoir son homologue blond au sol. Décidément, ça devenait une habitude.
Tremblant, comme par réflexe, Denki finit par se calmer et releva la tête. Il sembla surprit en croisant son regard et ne put que détourner les yeux, ce qui ne su qu'aggraver la colère de Bakugo à ce moment là.
Bouillonnant intérieurement, le jeune explosif attrapa comme précédemment le col de sa cible, qui était cette fois, bien moins calme. Ce brusque mouvement verrouilla à nouveau le regard doré du blond dans ses propres prunelles rouges.
— Bah quoi ? T'es pas content !? JE TE REGARDE, bon sang !
Le souffle de Denki se coupa, lui qui s'attendait à devoir supporter les coups ou les cris de son ami, dire qu'il était surpris serait un euphémisme. Il ne s'attendait pas non plus à se faire brutalement soulevé dans les airs.
Pris de panique, il commença à se débattre du mieux qu'il pouvait mais Bakugo avait l'air déterminé à l'emporter quelque part. Pas qu'il ait besoin de bien forcer de toute façon. Denki se retrouva alors transporté sans aucune délicatesse jusqu'à la chambre de la jeune femme.
— On t'a jamais appris à ouvrir une porte normalement ou quoi ? Bak... ugo !?
Alors que le garçon violemment interpellé relâchait tout aussi brutalement ses bagages, ses deux acolytes étaient tout deux bien trop surpris pour en placer une. Seul Denki lâcha un râle de douleur en atteignant le sol, tête la première.
— J'ai trouvé un abruti sur le pas de la porte, il voulait te demander des cours de guitare supplémentaires.
D'autant plus ahuri par le commentaire de l'explosif, Denki comme Kyoka exprimèrent leur incompréhension respective.
— Une demande...
— ...de cours de musique ?!
Remarquant que ni l'un ni l'autre n'était au courant, ils se regardèrent instinctivement en quête de réponse avant que la violette ne vrille l'explosif d'un regard noir. Celui-ci ne fit qu'hausser les épaules avant de soulever son ami pour le remettre sur pied, lui glissant à l'oreille quelques mots.
— J'allais pas t'laisser dormir dans le couloir tous les jours. Va falloir t'bouger le cul par contre, à ton tour, héros.
Il ne prit alors même pas la peine d'entendre une quelconque réponse qu'il ressortit de la pièce avec toujours aussi peu de délicatesse, laissant ses deux amis dans leur détresse commune. Un silence gênant commença alors.
Denki se grattait la nuque, cherchant quoi dire. S'il n'attendait pas l'aide de Bakugo, il se doutait désormais qu'il avait été repéré par l'explosif et comprenait donc où il voulait en venir. C'était peut-être inattendu mais aussi une chance à prendre. Il fallait juste savoir y faire, ce que ne savait clairement pas faire Denki ici.
Seulement s'il croyait être le seul à comprendre le coup de main de son ami, le même fil de pensées traversait à ce moment là l'esprit de la jeune femme. Kyoka se souvenait encore parfaitement de la promesse de l'explosif, mais le manque de subtilité de sa part avait le don de l'énerver. Tant pis, elle n'allait pas forcer le blond à faire ce qu'il n'avait jamais demandé. Les bras croisés, sourcils froncés, elle rompu le silence.
— T'embête pas. C'est juste une lubie de Bakugo. Tu n'es clairement pas venu pour ça, c'est évident.
Denki se redressa, arrêtant son mouvement.
— C'est vrai, je ne suis pas venu pour ça... mais tu vois ce n'est pas un problème. J'adorerai poursuivre mon apprentissage. Mais si toi, ça te dérange par contre...
— Pas vraiment, la musique c'est mon truc, tu vois. J'aime en jouer, j'aime transmettre aussi cette envie.
Réfléchissant un instant, Denki se lança finalement.
— Alors, je serai fier de devenir un pro grâce à toi, Sensei !
Arborant l'un de ses fameux sourires, le blond tendit la main à la violette comme pour sceller un contrat. Rougissant légèrement à cette vue, comme d'habitude, Denki avait le don de rayonner à côté d'elle, si fade.
Elle ne prit même pas le temps de réfléchir à la situation qu'elle glissa ses doigts fins dans ceux plus robustes du blond. Finalement, elle maudira Bakugo plus tard. Il n'était peut-être pas si admirable que les gens avaient tendances à le prétendre mais elle voulait bien admettre qu'elle lui était aujourd'hui reconnaissante.
***
Ce dernier était tombé sur un rouquin bien connu. Le rouge accompagnait précédemment Denki avant que celui-ci ne se fasse brusquement kidnapper. Kirishima avait encore l'esprit ailleurs.
Il avait été perturbé par sa propre réaction durant le combat de la veille et même s'il n'avait en soit pas fait grand-chose, le fait de s'être inquiété pour le blond cendré avait le don de chambouler son esprit. Peut-être était-ce à cause de cette foutue phrase qu'avait eu le malheur de prononcer son ami électrique.
«Ce n'est pas elle ton problème.»
Bakugo était celui visé par ces mots. C'était une certitude. Pourtant, il ne voyait toujours pas le sens derrière ces mots. Il avait beau observer sans arrêt l'explosif ou leurs interactions, il était certain que tout allait bien.
Et cette inquiétude ? Elle n'était en aucun cas problématique non plus, pas vrai ? Même si on parlait de Bakugo, elle n'avait été que le fruit d'un soutien sans borne pour le blond. Et puis, qui y avait-il de mal ?
Son regard depuis longtemps ailleurs revint sur Terre. Il était désormais dans sa chambre, l'explosif à ses côtés, endormi. Tout était toujours aussi naturel. Se rencontrer, même par hasard, les avait mené à marcher du même pas, dans la même direction.
Ils avaient parlé, ou plutôt, il avait parlé n'attendant que les grognements de son ami pour poursuivre. Puis, juste comme ça, il ne s'était plus lâché. Pourquoi sa chambre ? Ils n'y avaient même pas réfléchi. C'était une mécanique bien ancrée dans leurs jambes, à la recherche d'un coin tranquille.
Ils étaient alors seuls. Leur quasi-conversation s'était poursuivi jusqu'à ce que le blond s'endorme sur place tout aussi naturellement que le reste. Ce n'était pas la première fois que ça arrivait, même s'il doutait que beaucoup puissent tenir le même discours. Ces moments de relâchement où le blond laissait ses sourcils toujours froncés se détendre, où toute colère le quittait, toute pression aussi, ces moments là étaient eux plutôt rares.
Il aimait pensé que Bakugo n'était réellement apaisé qu'en présence d'une personne pour le garder. Mais connaissant ce dernier, il douterait qu'il approuve la simple évocation de cette idée. Il n'était pas non plus assez présomptueux pour se désigner lui-même comme cette personne. Mais si jamais c'était le cas ?
Kirishima glissa doucement ses doigts dans la chevelure du jeune endormi. Sans même s'en rendre compte, un sourire gagna son visage. Dans un même temps, une jolie couleur écarlate envahissait ses joues, toujours sans qu'il ne remarque quoi que ce soit.
Il était bien trop absorbé par ce tableau dont il était le seul et chanceux public à en être spectateur. C'était dans de tels moments qu'il ne doutait plus de rien, son esprit devenant aussi limpide que possible.
«Ce n'est pas elle ton problème.»
Kirishima n'avait pas de problème.
Il aimait.
Et alors ?
Où était le problème dans cela ?
Aimer n'était jamais un problème.
Bien au contraire, c'était son bonheur.
Alors...
Denki, pourquoi en pleures-tu ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top