Aimer ou être aimé (2/2)
Détestable.
Je n'avais qu'une chose à faire et même ainsi, j'avais échoué lamentablement.
Je suis tellement détestable.
Kyoka se tenait là, droite, figée, et muette. Elle attendait dans cet espace qui pouvait tout aussi bien être bondé que vide sans qu'elle ne s'en rende compte une seconde. Sa pensée restait fixée sur l'événement qui venait d'avoir lieu. Celui où sa meilleure amie avait franchi la ligne de cette amitié qu'elle utilisait encore pour la nommer.
Sa réaction était absente, et semblait froide, dure mais elle n'était pas emprunte de colère. Enfin si, elle bouillonnait. Mais certainement pas contre la brune. Elle en voulait au blond cendrée de l'avoir mis dans cette situation, ce qu'il comprit sans détour. Mais elle se maudissait bien plus encore.
La première fois qu'elle avait rencontré celle qui deviendrait la déléguée de sa classe, elle l'avait immédiatement ressenti, ce besoin de protection. Cette gentillesse, cette naïveté comme cette innocence qu'elle croyait déceler en elle, elle s'était dit qu'elle ne voulait pas qu'on y touche. Ou plutôt, elle voulait la préserver, la voir heureuse tout simplement.
Ça n'avait pas été la seule, un idiot avait notamment rejoins la balance, mais instinctivement, elle n'avait pu se défaire de cette sensation. Au contraire, cette dernière s'était renforcée avec le temps.
Elle était peut-être assez maladroite avec le sujet mais elle avait toujours essayé de les défendre à sa manière. C'était directement le genre de personnes correspondant à sa promesse, ceux pour qui elle était là.
Elle pouvait bien être isolée, détestée et bien plus encore. Tant qu'il n'y avait qu'elle-même qui en pâtissait. Elle se sentait littéralement prête à tout pour cet idéal. Elle n'espérait plus atteindre ce stade elle-même. Elle ne le méritait tout simplement pas à ses yeux. Finalement, l'équilibre d'être malheureuse pour le bonheur d'autrui était tout ce qu'elle souhaitait.
Elle passa naturellement ses doigts sur ses lèvres alors qu'elle marchait dans les couloirs encore silencieux de Yuei. Elle n'avait pas imaginé qu'un tel équilibre se briserait pour une raison si absurde.
Elle n'avait pas prévu que son existence et ses mal-êtres puissent intervenir dans l'équation de cette manière. Elle n'aurait pas dû être aimé. Elle n'était pas censé l'être. Elle devait juste être détesté, parce que c'était encore et toujours tout ce qu'elle méritait.
Détestable.
Une main sur le pan de la porte, elle avait un aperçu entier de la classe. Elle y voyait déjà la brune à sa place habituelle. Tout aussi bonne actrice qu'elle voulait l'être, Kyoka pouvait clairement voir son malaise actuel.
Elle s'en voulait sans aucun doute. C'était comme cela qu'était Yaoyorozu Momo. Si elle connaissait un jeune explosif à l'ego surdimensionné, elle doutait parfois de l'existence même de ce mot dans le vocabulaire de la jeune femme.
Toujours dans son observation de la déléguée, elle suivit son regard. Il semblait déjà alterner entre sa propre place et celle à sa droite, comme si la pianiste faisait un débat interne avec ou peut-être davantage sur les deux personnes concernées. Doutant, ou même se flagellant intérieurement, son amie pensait sûrement avoir pris une place qui revenait à un autre, la sienne. Celle de Kaminari Denki.
Lui aussi entrait dans cette formule si bien construite et en place dans son propre esprit. Lui aussi méritait d'acquérir ce qu'elle n'avait pas à obtenir. Mais lui aussi serait irrémédiablement impacté par toute cette affaire. L'affection que lui portait le jeune homme était évidente qu'elle l'admette ou non.
Mais si elle pensait pouvoir faire la sourde oreille jusqu'à ce qu'il ouvre lui-même les yeux et s'en désintéresse, elle ne pouvait qu'accepter le fait qu'elle ne pouvait plus rester sur ses positions.
Kyoka n'avait qu'à donner, elle ne souhaitait rien en retour. Aimer ces deux-là à sa manière lui convenait parfaitement. Sauf qu'ils ne savaient que rendre également. Une vraie conversation de sourd en somme.
La jeune musicienne ne put s'empêcher de soupirer face à la situation alors qu'elle gagnait sa place dans un silence tout aussi grand. Que pouvait-elle faire pour que tout retourne dans l'ordre ?
Pendant que toutes ces réflexions envahissaient sa tête, le bruit envahi lui aussi l'espace, un groupe le permettant plus qu'un autre. Plus particulièrement celui de la bande qui ne pouvait normalement pas le faire.
Elle ne savait pas comment le jaune s'était retrouvé bâillonner ainsi mais il réussissait à accomplir le miracle de faire encore plus d'esclandre que d'ordinaire. C'était tout aussi digne de respect qu'il ait pu attirer autant son attention malgré son filtre actuel. Mais il l'avait fait et n'avait pas rendu le travail interne de la jeune femme moins difficile.
Il lui rappela que malgré son égarement du moment, elles avaient été vu. Il lui renvoya en pleine figure non pas son propre jugement mais celui des autres. Ce n'était plus seulement de la colère qui parcourait ses veines. C'était de la peur, une peur ancrée en elle, marquée aussi profondément qu'une multitude de cicatrices sur la peau. Elle n'en était pas moins la trace d'un passé amer, et su, tout comme elles auraient pu le faire, réveillée des souvenirs enfouies.
A son pupitre, en plein cours, elle replongea deux ans plus tôt. Elle sentait à nouveau ces regards, interrogatifs à présent, ils lui paraissaient pourtant d'un jour bien plus scrutateurs.
Mais plus encore, elle entendait à nouveau ces murmures, ces bruits de couloirs qui, aussi discrets qu'ils se voulaient être, parvenaient toujours et inlassablement jusqu'à elle. Rires, discussions puis finalement moqueries et jugements, les ragots et conversations de ses amis prenaient l'apparence d'attaques dont elle était la cible.
Sa mémoire se mêlant purement et simplement à la réalité, même l'aspect de ses camarades lui sembla changer. Comme déformé, le sourire bienveillant de son acolyte blond devint un rictus presque satirique et ses mots revêtirent la forme de tous les autres. Ceux qu'elle était la seule à entendre, les réminiscences de ces jours, fastidieux et répétitifs.
— Vous avez entendu ?
Moi, je vous entends bien en tout cas.
— J'ai toujours su qu'elle était différente. Un peu comme l'autre !
Différente ? Gentille, compréhensive et affectueuse ? C'est ça que vous lui reprochez à l'«autre» ?
— Ouais, elle était pas comme nous.
Respectueuse aussi. C'est ça le problème ? Il vaut mieux parler dans le dos des gens ?
— Elle nous méprisait le pire, cette sal–
— Hé, parle pas trop fort. Elle va nous entendre.
«Elle» vous entend.
— T'as raison, faudrait pas qu'elle veuille nous contaminer après. T'imagine ?!
«Elle» aimerait bien ne plus le faire d'ailleurs.
— C'est clair ! Et dire qu'on voulait l'intégrer... tu crois qu'elle en profitait ?
«Elle» aimerait bien que vous vous taisiez aussi.
— Beurk, dégoûtant !
Taisez-vous.
— Ouais, j'vous l'avez dit... elle est répugnante.
— LA FERME !
Debout, face à un professeur et une classe silencieuse, Kyoka retrouva ses repères, revenant alors au présent. Le jaune qui essayait d'attirer son attention depuis le début du cours était plus qu'étonné d'une réaction qu'il ne comprenait pas, étant bien trop exagérée à son goût.
Le reste de ses camarades n'était d'ailleurs pas moins choqué de cet élan soudain qui n'était clairement pas dans les habitudes de la jeune femme. Le professeur s'en faisait d'ailleurs la même réflexion même s'il n'en montrait rien.
— Est-ce mon cours qui vous énerve ainsi, Mademoiselle ? Si je vous dérange à ce point vous pouvez tout aussi bien poursuivre votre journée dans un autre endroit.
La musicienne, ayant elle-même des difficultés à comprendre la situation, ne sut réagir aux remontrances de son instituteur qui transparaissaient bien plus dans son regard que dans ses mots.
Et alors que la patience de ce dernier s'affaiblissait, une voix eue le courage de briser l'ambiance pesante que le professeur principal de la classe A avait instauré.
— C'est ma faute.
Face à la main levé de l'un de ses élèves les plus perturbateurs, Aizawa releva un sourcil interrogateur.
— Je souhaitais l'embêter un peu et je suis allé trop loin sans le vouloir. Si quelqu'un a perturbé la concentration de la classe, c'est moi, Monsieur.
Cette réponse lui paraissant plus cohérente qu'une rébellion de la violette, le héros professionnel acquiesça avant de poursuivre sur une exclusion du jeune homme.
— Très bien. Kaminari, tu connais la direction, je présume.
— Oui, Monsieur. Pardon, Monsieur.
La musicienne s'écroula presque sur sa chaise, la tête baissée et le regard dans le vide. Elle ne croisa ainsi pas celui de son ami énergique qui lui se releva dans un même temps. Elle ne vit pas davantage le clin d'œil complice qui se poursuivit bien vite par une observation inquiète plutôt qu'une moue réconfortante et confiante comme il l'avait prévu.
Durant son chemin vers une nouvelle remontrance et sans doute des heures de temps libre en moins, le jeune homme croisa la déléguée de la classe qui revenait des copies plein les bras. Malgré cette charge qu'elle aurait qualifié de premier ordre, la brune paru bien ailleurs et surtout morose aux yeux de son ami. Pour preuve, elle ne le remarqua même pas, profondément enfouie dans ses pensées.
Le jeune héros commençait sérieusement à se poser des questions sur le comportement des deux meilleures amies. Que s'était-il passé entre ces deux-là ?
La jeune femme arriva à nouveau en classe sans y voir la moindre trace du trouble précédent. La violette, qui avait définitivement abandonné l'idée d'être attentive ce jour-là, semblait pourtant l'être, le regard tourné vers le tableau.
En revanche, on pouvait remarquer, en s'attardant plus longuement, la présence de l'une de ses prises dans sa poche droite où se trouvait également son téléphone. Elle avait allongé ce lobe afin d'écouter une musique qui saurait lui faire oublier cette amère piqûre de rappel.
Du moins, pour un temps qu'elle espérait le plus long possible. Elle sentait pourtant encore la trace de ses doigts s'étant crispés autour de ses oreilles et ayant empoignés ses mèches parme.
Elle ne ressentait pas moins cette sensation immonde qui la prenait à la gorge et remuait son estomac tel un mixeur un peu trop actif. Et alors, qu'elle se concentrait davantage sur ses peines qu'aux problèmes qu'elle avait engendré. La détresse qu'elle voyait dans le regard de la brune lorsqu'elle rejoignait son pupitre. Les accusations qu'avaient reçu Kaminari. L'inquiétude qu'elle percevait chez d'autres. Alors, elle ne pouvait que repenser aux railleries de ses anciens camarades.
«Répugnante.»
Et ne pouvaient que les approuver.
Cet égoïsme là, l'était. Elle l'était.
Je suis tellement détestable.
***
La journée de cours était terminé. Elle n'avait plus d'excuses pour penser à autre chose. Il n'y avait plus que ça, ces questions, toutes ces foutues questions. Elle n'était pas du genre à réfléchir autant d'habitude pourtant.
Elle n'avait qu'à agir sur un coup de tête. Se laisser porter était plutôt agréable, plus simple aussi. Elle préférait mille fois ce genre de prises de décisions que celle qu'elle essayait désespérément de prendre sur l'instant.
Sauf qu'elle ne pouvait pas prendre la voie de la facilité. Ne rien faire et ignorer toutes les conséquences ne ferait que plus de mal encore mais agir invitait à faire un choix. Sa ou son meilleur ami, c'était globalement les seules issues.
Maintenant qu'elle était plongé au cœur du problème, il n'était plus question que de Yaoyorozu ou d'elle-même. Elle avait beau penser que leur bonheur respectif serait ailleurs, ils ne semblaient pas en accord avec ses pensées.
Ce dilemme, elle le détestait. Pourquoi fallait-il que cela ait tourné ainsi ? D'ordinaire, elle n'aurait eu qu'à prendre la direction qui convenait aux autres ou qui finirait par le faire, quitte à ce qu'elle en pâtisse elle-même.
Elle savait par leur nature conciliante qu'ils accepteraient l'un comme l'autre son choix, mais ça ne voulait pas dire qu'ils le vivraient bien. Ils n'auraient pas dû s'attacher à elle. Non seulement, elle n'en valait pas la peine dès le départ mais elle n'arrivait pas à trouver la réponse. Cet idéal qui ne blesserait personne, personne qui comptait en tout cas.
Au bord de la crise de nerf, Kyoka n'avait pas autant souhaité qu'on lui tende la main depuis longtemps. Sauf qu'elle n'avait personne pour le faire. Ce n'était même pas une question de mise à l'écart vu qu'aucun élève de cette école semblait vouloir laisser cette part d'elle s'exprimer. Ce n'était encore une fois que la conséquence de sa manière d'agir.
Elle ne pouvait aller se confier à l'explosif qui était l'investigateur inconscient de cette situation. Elle s'énerverait contre lui, en vain.
Il n'était évidemment pas envisageable d'en parler aux deux plus concernés pour le moment non plus, ni même à leurs plus proches amis. Pour ces derniers, ce n'était pas vraiment un manque de confiance mais il lui semblait absurde de les entraîner dans ce nœud indémêlable.
Les filles étaient également hors de questions étant bien plus avares de ragots que de conseils. Finalement, elle n'était simplement pas proche d'une quelconque autre personne. Il n'y avait donc plus qu'elle-même pour trouver une solution convenable ?
La jeune femme avait commencé depuis quelques minutes déjà à tourner autour du campus, essayant de s'aérer l'esprit, ce qui ne fut apparemment pas concluant étant donné le cours de ses pensées. Pour autant, une rencontre, qu'elle n'attendait pas, eue le don d'y mettre un terme.
Mains dans les poches et regard tourné vers le ciel, la jeune pensive percuta ou fut percuté, elle ne saurait dire, une petite créature dont elle ne comprit la nature qu'en baissant les yeux au niveau de ses pieds.
Tout comme les nuages qu'elle observait vaguement, elle put contempler une forme ronde et blanche. Seulement, contrairement à l'un d'eux, l'animal au poil doux ne se laissait non pas porté par le vent mais par son entrain qu'elle avouerait communicatif.
Un léger sourire orna ses lèvres inconsciemment alors qu'elle s'abaissait à la hauteur de la boule d'énergie qu'était le lapin de l'ami des bêtes. Celui-ci apparu quelques instants plus tard semblant à la recherche du fugueur.
Son visage timide se mua d'un large sourire en le découvrant dans les bras de la musicienne. Vivement soulagé, il ralentit le pas jusqu'à rejoindre le duo.
— Jiro, tu... tu étais là. Merci... d'avoir pris soin de Yu–
L'arrêtant bien vite, la violette refusa net ses remerciements qui n'avaient pas lieu d'être.
— Ce n'est rien, vraiment. Tiens.
Elle lui tendit délicatement la petite boule de poils avant que le grand timide refuse à son tour d'un mouvement de bras. Ne comprenant pas son geste, la jeune femme pencha la tête de côté.
— Tu ne voulais pas le ramener dans ta chambre ?
Le jeune héros secoua vivement la tête et les mains montrant plutôt que disant sa réponse. Habituée par ce mode de communication, l'héroïne du son comprit bien vite qu'il ne souhaitait que restreindre les risques qu'il se perde et non son envie de respirer un peu au grand air. Il ne semblait pas plus avoir envie de mettre fin à la scène qui l'attendrissait tant. Mais cela, la jeune femme n'en eut pas connaissance.
Finalement heureuse d'avoir un tel divertissement sous la main, Kyoka n'imagina pas un instant refuser cette compagnie animalière, et apprécia jouer avec la créature vive et bondissante.
Durant ce temps, Koda avait simplement fait le choix de s'asseoir légèrement à l'écart de sa camarade, observant avec bonheur ce moment si rare. Le calme imprégnant l'instant, le temps eut tôt fait de compléter le charme de la scène.
Portant à nouveau le lapin recouvert d'un manteau de neige de son ami, la violette se laissa emporter par ses propres caresses dans le pelage soyeux et les bruits de l'espace vert. Alors que son esprit s'imprégnait de nature et d'un certain bien-être, son sourire s'effaça.
Elle ne pouvait rester ainsi éternellement. Elle le déplorait presque. Il était rare qu'une autre activité que la musique ait le don de l'apaiser ainsi. Pourtant, si elle en avait eu la possibilité, elle n'aurait pas été sûre de vouloir revenir à son quotidien.
Son regard rivé sur l'animal, elle finit par briser le silence sans vraiment en prendre conscience.
— Si seulement les relations humaines étaient si simples...
— Elles ne sont difficiles que si on le veut bien.
Étonnée par cette prise de parole soudaine et surtout claire, la musicienne releva la tête vers son camarade. Celui-ci lui offrit un regard attentionné appuyé d'une voix douce mais fragile. Ayant finalement emmagasinée ses paroles, la jeune femme acquiesça lentement.
— Tu as peut-être raison. C'est moi qui complique tout. Oui, je ne peux pas tout faire. Je ne peux qu'être honnête au final... mais même là, je ne sais pas quoi dire.
Continuant de passer ses doigts fins entre les poils blancs du petit animal, Kyoka releva la tête vers le ciel, les yeux plissés.
— Oui, même quand il ne s'agit que de moi, je reste perdue. A croire que je n'ai pas de libre arbitre ou de conscience propre. On m'a fait croire encore et encore que j'aimais Kaminari, alors... à force, je me suis dit que c'était sans doute vrai.
Toujours dans une même attention presque maternelle, le gentil Koda répondit doucement à la jeune femme sans bouger de sa position.
— Et tu... ne l'aimes pas finalement ?
Haussant les épaules en abaissant la tête, la concernée resta dans cet état d'esprit plus libérée. Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle se confiait ni si elle devrait embêter le jeune homme avec ses histoires mais étrangement, elle ne s'en posait même pas la question. C'était, tout comme le cadre actuel, naturel.
— Si. Mais dans une certaine mesure, je ressens la même chose pour Yaomomo. Quelle différence y a-t-il ? ...je ne dis pas que je suis amoureuse des deux. J'ai dû mal à trouver ça possible d'ailleurs... aimer une fois est déjà assez fatiguant. Mais je ne sais plus trop en quoi croire. Confiance, compréhension, inquiétude, jalousie, et cetera... et cetera, toutes ces choses là n'existent pas que pour une personne pourtant. Qu'est ce qu'il manque ?
Si la jeune bassiste ne cherchait pas forcément en son interlocuteur une réponse, elle trouvait un certain réconfort à exprimer ainsi ses questions à voix haute. Se passant les mains sur le visage, le jeune héros bafouilla quelques mots, étant peu habile sur le sujet.
— Ce critère... c'est... c'est l'attirance, non ?
La violette souleva la boule de poils à hauteur de visage comme si elle la jugeait sous toutes les coutures. Elle pensait cependant à bien d'autres mannequins.
— Ils sont beaux, l'un comme l'autre.
Ramenant la pauvre bête à terre pour y recommencer son ballet de caresses, Kyoka tiqua à ses propres mots.
— Mais je suppose que ce n'est pas la question, hein...
Ne pouvant s'empêcher de soupirer face à ce constat, elle se força à réfléchir davantage du point de vue du critère énoncé par son ami. Elle repensa au baiser qui avait eu lieu en début de journée.
Ça ne l'avait pas dégoûté comme certains semblaient le dire dans une situation qui exigeait un tel contact avec quelqu'un d'un sexe envers qui on n'aurait pas d'attirance. Mais elle ne saurait dire si elle y avait pris plaisir pour autant.
C'était plutôt étrange comme sensation en réalité. Bien loin des montagnes de sensations agréables que les livres pouvaient décrire. C'était avant tout nouveau et il était par conséquent assez difficile pour elle de se placer clairement d'un côté ou de l'autre. Il aurait fallu qu'elle retente l'expérience avec Kaminari pour éclaircir les choses.
Il avait alors suffit que cette pensée traverse son esprit pour que la pâleur de son visage vire aux mêmes nuances que le ciel à présent composé d'un sommeil presque couché. Voyant le visage de sa camarade rougir à vu d'œil, le jeune timide commença à gigoter en tous sens à la recherche d'un moyen d'aider son amie.
Pensant à une surchauffe de sa part, il se munit d'une feuille déjà au sol pour ventiler son vis-à-vis. Cette dernière finit par percuter la panique du jeune homme et ainsi agir en conséquence. Elle agita alors ses bras et afficha une moue désolée.
— Ça va, ça va. Tout va bien, j'ai juste pensé à une bêtise, ça arrive quand on parle trop de Kaminaze !
Rassuré à l'entente d'une raillerie habituelle de la jeune femme, Koda se rassit calmement, reprenant par la même occasion son souffle. Il apprécia cependant moins la disparition de cette attitude qui ne voulait dire qu'une chose, le retour de son manque de confiance en elle.
— Enfin... je l'embête, je l'embête mais au final... je ne vois vraiment pas ce qu'ils me trouvent...
Se tenant désormais les genoux entre les bras, les yeux comme ses lobes baissés, Kyoka parla d'une voix plus faible, plus fragile. Le jeune ami des animaux semblait revoir celle qu'il avait pu voir en classe pendant son esclandre, ou même au moment où elle se tenait encore seule dans ce même endroit. Il revoyait cette fille brisée au bord de la cassure.
Le jeune homme n'était pas doué pour les mots. Il voulait pouvoir élever la voix comme pouvait le faire un certain futur héros au caractère explosif. Il voulait pouvoir rassurer en une expression comme pouvait le faire un autre plus énergique. Ou même encore trouver la voix de la raison, voix que seule une jeune femme qui participait au trouble de celle à ses côtés possédait. Mais il n'était capable que d'utiliser la sienne, tremblante, faible et inefficace.
Il avait pensé qu'il avait sa chance, que lui aussi pouvait aider. Qu'il pourrait lui redonner une raison de se battre, le courage qu'elle avait su lui transmettre à l'époque. Quelque chose de permanent, rien qu'une petite étincelle peut-être mais une flamme qui reste, qui conserve, qui préserve.
Il comprenait la raisonnement de la jeune femme. Lui aussi souhaitait défendre cette gentillesse qu'il avait sous les yeux, et ne voulait la voir périr à petit feu. Certainement, pas par elle-même qui plus est.
En réalité, s'il pouvait choisir. C'était une voix comme la sienne qu'il voudrait posséder.
— Tu es belle...
La jeune femme sursauta. Une autre ? Si c'était encore une foutue déclaration, elle allait définitivement lâcher. C'était ridicule à quelle point on semblait pouvoir l'apprécier ici. Quelle obtienne toute cette attention au détriment d'autres la rendait presque malade.
— Quand elle s'élève pour défendre les autres... elle est belle.
Elle ?
La musicienne était perdue.
— Quand elle chantonne pour rassurer les autres... elle est belle.
Dans l'espoir de comprendre où voulait aller l'ami des animaux, elle plaça son regard dans sa direction alors que celui-ci faisait de même.
— Dans tous ces moments, elle est magnifique... comment peut elle être détestable ?
Elle ne savait pas si la question en était vraiment une mais elle se prit instinctivement à vouloir porter sa voix pour renier ce mot.
— Elle ne l'est pas. Une personne qui consacre sa vie aux autres ne l'est pas. La gentillesse ne peut pas l'être.
— Pourtant, elle est laide. Elle est magnifique parfois. Mais d'autres fois, elle est laide, terriblement laide.
Kyoka avait l'impression qu'on empoignait férocement ses entrailles. Tout d'abord, entendre ces mots de la bouche d'une personne ne disant jamais rien de négatif était déjà dur. Mais le sens qu'ils prenaient était d'autant plus inacceptable.
— Tu–
Le jeune héros tourna la tête face à lui, portant son regard dans le vide. Ses mots, eux, portèrent jusqu'à la jeune femme, la réduisant au silence.
— Quand elle se met à penser ainsi d'elle-même, elle est laide. Ta voix.
Il parlait donc d'elle. Bien-sûr qu'il le faisait, la conversation n'avait jamais changé de direction. Et il suffit de cette simple constatation pour que celle dont il était question dans ces mots soit réduite au silence malgré tout ce que la musicienne aurait voulu en faire. Les paroles du jeune homme n'eurent le temps de s'ancrer en la jeune femme que ce dernier coupa sa réflexion.
— Yuwai ! Où est Yuwai ?!
Kyoka réalisa alors que la jeune créature s'était fait la malle, sans doute durant l'agitation précédente. Paniquant à son tour, une recherche intensive de l'animal conclu ce moment de calme et cette longue journée.
***
Étendu sur son lit, la jeune femme désespérait. Si la conversation avec le grand timide lui avait fait un bien fou. Elle n'était, au final, pas plus avancée. Elle pourrait simplement en rester là et aller voir la brune sans réponse précise en tête. Elle pourrait. Mais elle n'en était pas capable.
Elle ne voulait pas offrir un faux espoir qui se révélerai bien plus destructeur qu'autre chose. Sauf qu'elle avait beau connaître la marche qu'elle souhaitait suivre et savoir qu'elle ne pouvait laisser son amie dans le flou éternellement, cela ne changeait absolument rien à la situation.
Elle avait malgré tout une idée. C'était absurde, totalement stupide. Pourtant, elle n'en avait pas d'autres. Elle savait comment elle fonctionnait après tout. Les interminables réflexions n'étaient bons que pour Yaoyorozu.
Il lui fallait pour sa part une bonne dose de concret. Oui, cela restait définitivement le meilleur moyen d'y voir plus clair. Elle essayait de s'en persuadé en tout cas alors qu'elle traversait d'ores et déjà le couloir sombre de son étage.
Voilà comment elle s'était retrouvé là, dans sa chambre, en pleine nuit qui plus est, en train de le fixer, et ce qu'elle imaginait était stupide. Mais après tout, qu'elle autre moyen avait-elle pour mettre concrètement de l'ordre dans ses pensées ? Elle n'en savait rien. Ne pas savoir, c'était bien là tout son problème après tout.
Pendant que la jeune femme doutait encore, elle laissait un jeune homme totalement perdu. Que Kyoka surgisse en pleine nuit ne l'étonnait plus vraiment mais il n'arrivait pas comprendre pourquoi elle était là en premier lieu, ni même pourquoi elle le fixait sans rien faire ni dire quoi que ce soit. Dire qu'il était en panique était peu dire. Dans une tentative d'avoir des réponses, il essaya d'entamer la conversation.
— Jiro ? Ça... ça va ? T'as quelqu'chose à me dire ?
Ne recevant aucune réponse, Denki allait surenchérir lorsqu'elle commença à s'avancer dans sa direction. Toujours en silence, elle grimpa sur le lit. Puis, alors qu'elle se dirigeait vers lui et accentuait encore l'état d'angoisse du jeune homme, elle laissa sa tête tomber dans l'oreiller juste à ses côtés.
— Je fais vraiment n'importe quoi.
Tournant doucement le regard vers sa surprenante colocataire, Denki reprit doucement son calme.
— Bienvenue au club...
Plus par habitude qu'autre chose, la musicienne releva son visage pour répondre brusquement à son compagnon improvisé de chambre.
— Non merci, je tiens pas à te prendre pour exemple.
Ce dernier fronça les sourcils avant d'hausser les épaules.
— J'me doute bien. Moi non plus j'aimerai pas. N'empêche que ça a pas l'air de fonctionner comme ça.
Il esquissa un sourire en terminant sa réplique. La situation tout d'abord inconfortable lui paraissait désormais plutôt drôle.
— Je suis foutue alors.
La jeune femme se prit au jeu et laissa un sourire traverser ses lèvres avant de revenir à son tourbillon de pensées.
— Kaminaze ?
— Ce nom n'est pas attribué, veuillez réessayer plus tard. Bip.
Elle se laissa à nouveau distraire de son but initial, le craignant plus qu'autre chose. Appuyée sur la paume de sa main, elle regardait amusée le jeune homme qui peinait tout autant qu'elle à discerner quoi que ce soit.
— À force de jouer le chargeur, tu t'es mis à te prendre pour un téléphone. C'est pour quand l'ouverture du rayon électroménager ?
S'il fut pendant un premier temps plutôt vexé par la remarque, prêt à simplement bouder comme il pouvait en avoir l'habitude. Denki eut comme la sensation d'une lanterne s'allumant dans son esprit, lui apportant un rare éclairement sur une réponse appropriée. Il se demanda par la suite s'il n'avait pas simplement été prit dans l'ambiance mais également, si cet éclair de génie en était réellement un.
— Le téléphone me suffit amplement ! Tu sais pourquoi ?
Sentant l'embrouille en croisant le regard malicieux du blond, elle ne sut pourtant qu'hausser un sourcil en attendant qu'il daigne poursuivre.
— Je n'aurai même pas besoin du Bluetooth pour pouvoir connecter nos cœurs.
D'un mouvement du doigt, il toucha la pointe du nez de la jeune femme en esquissant un grand sourire fier. C'est seulement lorsqu'il aperçu le rougissement croissant des joues de son vis-à-vis qu'il comprit le sens de ses propres mots et qu'une gêne imposante le gagna. Il n'eut pourtant pas le loisir d'agir en conséquence car la musicienne agrippa son bras et y cacha son visage. La panique qui l'avait abandonné reprit de plus belle.
— Ji...ji...jiro ? Qu'est-c–
— Tais-toi.
Denki ne put que retenir la fin de sa phrase, sans pour autant faire taire les questions qu'il se posait intérieurement. Il voulait dire plus, faire plus, mais rien ne l'effrayait plus que de la brusquer au final.
Il ne fit donc aucun commentaire tout en n'esquissant pas le moindre mouvement, seul son regard se permit de descendre jusqu'au niveau du visage enfoui de la jeune femme.
— Dors.
Denki sursauta. Dormir ? Il avait envie d'en rire. Maintenant ? Dans cette position ? Et surtout avec la personne qui faisait battre son cœur plus fort que quiconque accrochée à son bras ? Définitivement, il savait qu'il n'en serait pas capable.
Seulement, elle n'était pas là pour rien. Kyoka Jiro ne serait pas entrer dans sa chambre en pleine nuit pour discuter, ou se divertir. Elle aimait se jouer de lui. Pour autant, elle ne faisait pratiquement jamais quelque chose dans son intérêt pur. Alors si elle était venu jusqu'ici ce n'était certainement pas pour rien.
Denki n'avait pas besoin de sommeil. Ses nuits étaient déjà courtes, il en avait l'habitude. Aider quelqu'un à fermer les yeux, peu importe la raison, il pouvait bien le faire. Surtout quand ce quelqu'un n'était pas n'importe qui. Il lui devait bien ça de toute façon.
Doucement, délicatement, il entreprit de déplacer ses bras. Il rapprocha ainsi la jeune femme de lui et posa sa paume gauche sur la tête de cette dernière. Sa respiration devint plus forte alors qu'un rougissement s'étendait sur le visage qu'elle essayait tant bien que mal de cacher.
Elle lui semblait si frêle à ce moment là alors que ses bras parvenaient à entourer son corps. Kyoka n'était définitivement pas fragile. Quoi qu'on puisse dire, ce terme ne lui convenait absolument pas. Seulement, si tout son être criait sa force.
En cet instant, où la paix gagnait petit à petit son esprit le temps d'une nuit. En ce moment, où tout froncements disparaissaient, où toute attitude brutale laissait place à une détente seulement accessible par ces temps où sa conscience de soi disparaît. En ce simple espace-temps coupé du monde et sans aucun doute unique, où tout son corps épousait le sien dans une étreinte douce, et où toute perception de sa silhouette fine était possible. Durant cette scène improbable, elle lui semblait plus fragile que jamais.
Il n'arrivait pas à accomplir grand chose mais s'il pouvait être le chevalier de sa belle le temps d'une nuit, il le ferait sans hésitation. Il allait le faire.
Denki ne comprenait toujours pas ce qui l'avait mené à choisir sa porte. Ni même pourquoi elle avait eu besoin d'une main tendue en une telle période. Pour autant, il voulait bien laisser la sienne ouverte chaque nuit et être celui qui la guiderait dans les bras de Morphée, quand bien même se serait sa seule manière de l'atteindre. Denki lui n'eut jamais ce droit, il resta éveillé le reste de la nuit jusqu'au réveil de la jeune femme.
De son côté, la musicienne n'avait pas tardé à se perdre dans cette chaleur réconfortante. Le sommeil qu'elle ne pensait pas pouvoir retrouver de sitôt la rattrapa bien vite, tout aussi rapidement qu'elle perdit de vue son objectif de départ.
De toute façon, aussi stupide que pouvait être son idée, elle ne l'était pas elle-même et savait très bien qu'elle n'aurait jamais réuni le courage de l'accomplir. C'était peut-être là toute la confirmation dont elle avait besoin finalement. Cette gêne et ce réconfort si simple et naturel qui l'envahissait dans les bras du jeune homme, elle s'y sentait à sa place. Elle était heureus-
«Je t'aime.»
«Parce que j'aurai pu aimer n'importe qui, je suis contente que cette chute est eu lieu pour quelqu'un qui en valait la peine.»
«Ne t'imagine pas des choses. Ce n'est pas pour ça.»
«Même si tout le monde le savait déjà, un peu trop peut-être.»
«Je voulais juste le dire une bonne fois pour toute.»
«Je ne regrette rien, si ce n'est l'échec. L'échec d'une autre voie.»
«Ce n'est pas triste, tu sais.»
«Peu importe l'impression que cela donne, ce qu'ils en penseront.»
«C'est tout ce que j'ai toujours souhaité...»
D'où provenait la voix, une oreille attentive aurait pu entendre un bruit sourd, légèrement strident, au loin.
«C'était si simple...»
Un bruit qui se rapprochait.
«Il suffisait d'un petit pas en avant.»
Encore.
«Enfin...»
Encore.
«Je vais pouvoir le connaitre...»
Encore.
«Ce putain de silence.»
Un fort impact se fit entendre avant que tout son disparaisse tout aussi brusquement que le réveil qui en suivi du côté d'une jeune femme aux cheveux violets.
La regardant avec bienveillance, le jeune homme aperçu ses yeux s'ouvrirent de nouveau alors que la lumière perçait à travers les volets de sa chambre. Il voulu transmettre son enthousiasme d'un simple salut matinal.
— Bonjo-ourf !
Sans comprendre ce qu'il lui arrivait, le jeune blond se retrouva au sol, les bras vers l'avant. Se sentant très ridicule, il ne put pourtant que rester bêtement en position. Seul son regard se planta en direction de la jeune femme.
Celle-ci se releva vite tout en se dirigeant vers la porte. Elle marqua simplement un arrêt sans tourner son visage vers le jeune homme.
— On est quitte.
Sans plus attendre, elle quitta la pièce, laissant l'énergique aussi perdu qu'à son arrivée plusieurs heures plus tôt. Il n'avait rien compris.
Enfin si, son attitude avait parlé pour elle, une fois. Ce fameux «on est quitte» faisait sans aucun doute référence à l'événement nocturne où les rôles avaient plus ou moins étaient inversés.
Cependant, ces mots sonnaient surtout comme un avertissement aux oreilles du jeune homme. Comme lors de ses ordres, les déclarations de la jeune musicienne étaient claires comme de l'eau de roche. Il devait se taire. Et comme d'habitude, il ne pourrait rien trouver à redire.
— C'est moi qui suis foutu...
Kaminari finit par se relever plusieurs minutes, peut-être même plusieurs heures après. Il n'avait après tout plus aucune notion de l'heure après une nuit d'insomnie.
Si le jeune homme avait une idée du trouble de la jeune femme avec ses différentes observations de la journée allant des égarements de Jiro comme de Yaoyorozu ou même la conversation que cette dernière avait entretenu avec Bakugo. Oui, il savait que quelque chose s'était produit.
Seulement, il n'avait absolument aucune idée de ce que pouvait être ce «quelque chose» qui rongeait les deux amies ou mettait tant en rogne son chef de bande. Et encore, il ne comprenait encore moins son implication dans l'affaire qui avait mené la brune à le nommer la veille ou la violette à passer sa nuit à ses côtés. Il ne revenait d'ailleurs toujours pas de cette partie là, se demandant si ses fantasmes n'avaient pas pris le dessus.
«Denki n'a rien vu.»
Peu importe qu'il doute sur lui-même, ces mots, ils ne les avaient pas rêvé. On pouvait bien le traiter d'idiot toute sa vie, rien ne changeait le fait que cette phrase était louche, bien plus encore même. Pour autant, il n'arrivait pas à voir la jeune femme à la queue de cheval parler dans le dos de quelqu'un ou cacher quoi que ce soit. Décidément, cette situation n'avait pas de sens.
Ce qui en avait, en revanche, c'était l'attitude du héros explosif qui restait assez commune. Elle était toujours aussi dure et affreusement égoïste. En fait, plutôt que de se sentir trahi par les paroles de la jeune femme, le jaune avait été énervé par le comportement injuste de Bakugo envers elle. La déléguée n'en méritait pas un résidu.
S'il avait été trop lâche pour intervenir sur l'instant, il s'en voulait désormais. Ses amies n'allaient pas bien et au lieu d'empêcher un autre d'en remettre une couche, il n'avait su que jouer les espions. Sa raison de ne pas être concerné ne lui semblait alors qu'une excuse. Il ne pouvait deviner ce qu'on ne lui disait pas mais cela ne voulait pas dire qu'il devait rester inactif. Non, il allait agir désormais.
***
Kyoka respirait avec peine, encore troublée par son rêve de la nuit dernière. Enfin, souvenir serait plus à propos sans doute. A croire qu'ils ne voulaient plus la lâcher ces derniers temps.
Elle s'était définitivement trop relâchée depuis qu'elle était entrée à Yuei, la veille bien plus encore. Il fallait qu'elle se ressaisisse avant qu'elle ne perde totalement pied. Amadouée par le comportement de ses proches, elle en avait oublié l'essentiel. Elle avait oublié ce qu'elle avait fait.
Et dire qu'elle était à deux doigts de laisser ses sentiments prendre le dessus. Profiter n'avait pas à entrer dans son vocabulaire de si tôt ni même être heureuse comme elle avait failli le penser.
«Tu es belle...»
Il ne comprenait pas. Ils ne comprenaient pas. Cette carapace qu'ils croyaient voir était peut-être attirante, mais elle ne renfermait qu'une montagne d'ordures. Elle ne se punissait pas pour rien. C'était simplement tout ce qu'elle pouvait accepter alors que le pardon n'était pas envisageable.
Les yeux dans le flou, il lui sembla soudainement voir le jaune.
«Il n'y a jamais de mauvaises raisons pour entendre ta voix !»
Arrête.
Puis, une tête bourrue vint le remplacer.
«P't'être parce que tu n'en as pas b'soin, couillonne !»
Arrête.
Comme pour poursuivre un geste brutal que celui-ci aurait pu produire, elle se sentit empoignée par une main douce.
«Si je suis si parfaite... dis-moi... est-ce que tu penses réellement que la personne que je souhaite avoir à mes côtés ne vaut... rien ?»
Arrêtez.
Et entendit un murmure lointain, comme s'il était porté par le vent.
«Dans tous ces moments, elle est magnifique...»
Arrêtez !
Comme un écho encore bien plus éloigné, provenant non pas d'un autre lieu mais d'un autre temps, une dernière voix fit taire toutes les autres.
«Je t'aime.»
Noru...
Tous ces mots, je n'en mérite pas un seul.
Se tenant la tête entre les mains, Kyoka serrait aussi fort qu'elle le pouvait, emprisonnant ses oreilles dans l'espoir de libérer son esprit de ces paroles.
Depuis quelques instants retournée dans sa chambre, la jeune femme se laissa glisser contre la porte sans arrêter son geste. Et sans savoir si c'était son état d'esprit ou la douleur qu'elle provoquait elle-même qui les libéra, une percée de larmes s'échappa de ses yeux plissés au possible.
***
La brune appréhendait la scène qui allait suivre. Elle savait ce qu'elle avait à faire. Ce n'était pas bien difficile à vrai dire. Pourtant, elle sentait que quelque chose n'allait pas.
Comme si un poids s'était déposé sur sa poitrine, la jeune femme semblait trouver le chemin pour la reprise des cours bien fastidieux à traverser. Et comme si ce fardeau l'empêchait de réfléchir également, elle voulu fuir la conversation qui devait avoir lieu.
Sa gorge devenait ainsi de plus en plus sèche au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de la salle de classe. Pourtant son esprit était clair, il le devait. Elle prendrait ses distances. Il n'y avait que ça à faire.
Trouvant la salle parfaitement vide hormis son homologue délégué un peu trop excité de bon matin, Yaoyorozu vint prendre place à son bureau habituel en attendant que la violette arrive.
C'était en tout cas ce qu'elle avait prévu jusqu'à ce que cette dernière fasse son apparition, un regard déterminé rivait vers elle. Déglutissant difficilement, la brune baissa les yeux immédiatement, la sentant arriver plutôt que la voir le faire. Elle entendit sa voix lui parvenir juste avant qu'une ombre la surplombe et vienne plaquer ses mains sur son bureau.
— Yaom–
— Yaoyorozu !
C'était des mains d'homme. Celles de Kaminari Denki. Simultanément à l'entente de cette voix, la réalisation de son interlocuteur frappa la jeune brune qui releva la tête.
— Ah, c'est mieux !
Finalement, les deux jeunes femmes furent autant surprises l'une que l'autre ne s'attendant pas à une telle interruption, surtout de la part du blond.
-— J'ai rien compris à vos histoires avec Jiro, toi, moi, Hanta ou même Bakugo. J'pige que dalle à toutes ces conneries. Je comprends même pas pourquoi j'suis dedans... mais vu que j'en suis, laisse moi te dire un truc. Arrête de te tourner les méninges pour nous, écoute pas Baku' qui n'a pas la science infuse non plus, fais ce qu'il te plait !
Sans attendre de réponse d'une Yaoyorozu estomaquée, le jeune homme se dirigea vers sa place en lançant un dernier regard comme une dernière réplique.
— Arrête de baisser les yeux aussi, on a assez rempli les cotas d'puis le temps.
Si certaines personnes n'écoutaient tout simplement pas, la plupart ne comprenaient même pas la nature de la conversation. Pour les autres, ils observèrent en silence et ne purent intervenir d'une quelconque manière alors que le professeur faisait son entrée.
***
Plus troublée encore que prévue, Yaoyorozu n'arrivait plus à s'imaginer parler avec son amie. Elle devait éviter toute confrontation pour qu'elle puisse faire le point à nouveau.
C'était dans cette optique qu'elle prit son temps pour ranger ses affaires scolaires, espérant que la violette suive les autres. Elle dû pourtant se rendre à l'évidence qu'elle n'avait pas opter pour cette option et qu'il lui faudrait plutôt fuir. Elle réagit sans doute trop tard, restant seules dans la classe.
— Yaomomo...
La voix timide et rauque de la jeune musicienne brisa le silence de la pièce et enclencha sa panique. Délaissant son sac, elle quitta la pièce à toute allure ne provoquant que la course de sa camarade.
Encore à bonne distance, elle savait pouvoir arriver dans sa chambre à temps. Or, ce fut elle qui s'arrêta la première en entendant ce nouvel appel.
— Momo !
Momo. Ce nom si absurdement simple, composé d'à peine deux syllabes absolument identiques. Si simple à prononcer ou à retenir et pourtant si rarement dit.
A vrai dire, elle ne connaissait qu'une seule personne l'appelant ainsi. Une personne froide qui ne modifiait que légèrement le ton de sa voix pour prononcer des paroles qui se voulaient rassurantes, ne rajoutant au final aucune chaleur.
Cette fois ce simple mot, cette si naturelle combinaison de sons courts, en débordait tellement qu'elle ne put que s'arrêter, net.
— Il faut qu'on parle.
Les deux jeunes femmes se faisaient enfin face.
— Je suis désolée. Je ne peux pas te rendre tes sentiments.
Un sourire triste aux lèvres, Yaoyorozu prenait sa moue conciliante habituelle.
— Pourquoi t'excuses-tu ? N'est-ce pas moi qui le fait trop d'ordinaire ?
— Cette période n'a rien d'ordinaire, non ?
Lâchant un petit rire, la violette essayait de rester aussi positive que sérieuse dans la mesure de ses capacités actuelles. La brune ne sut qu'acquiescer aux paroles de son amie.
— J'imagine que ce n'est pas vraiment le cas en effet. Mais... ça ne veut pas dire que tu as besoin de le faire. Tu n'as pas à te justifier pour des sentiments que tu n'as p–
— Justement. Ce n'est pas ça. J'aurai préféré ne pas avoir à me poser la question pour être honnête mais ce qu'il s'est passé hier à réellement remis en doute plusieurs choses. Alors tu as peut-être raison... ce n'est pas réciproque. Ou bien, tu as tort, et ils le sont.
Fronçant les sourcils, Yaoyorozu doutait de la manière dont elle devait interpréter ces paroles.
— Tu veux dire... que tu ne sais pas ce que tu ressens ?
Si c'était le cas...
«Je dois faire taire ses doutes.»
— Je veux dire que ce n'est pas le plus important.
La jeune déléguée se trouvait d'autant plus perdue. Seulement, elle avait compris une chose, la violette ne l'était plus. Elle semblait totalement sereine contrairement à la veille.
— Je me suis rendu compte que je pouvais pas, que je n'acceptais tout simplement pas d'être aimé. Pas encore en tout cas.
— Tu... ne peux pas être aimé... qu'est-ce que...
— J'imagine bien que cela doit être dur à comprendre. «Ça ne fonctionne pas comme ça», pas vrai ? Je ne peux pas vraiment mettre d'autres mots dessus pourtant. Je n'y arrive juste pas. C'est sans doute frustrant pour toi, je ne te rejette pas plus que l'inverse. Mais finalement, c'était la seule chose que je ne pouvais pas t'offrir. Alors désolée, je suis sincèrement désolée.
Comprendre, Yaoyorozu ne le faisait pas. Pourtant, quand elle voyait la jeune femme lui parler d'elle-même ainsi, dans le blanc des yeux, elle ne pouvait que l'accepter. Elle se reprit donc et décida des mots qui rassureraient la musicienne.
— Je t'ai déjà dit de ne pas t'excuser. Celle qui devrait prononcer ces mots, c'est moi. Je t'ai laisser imaginer des choses qui ne sont pas tout à fait réels. Quand tu t'es mise à te déprécier une fois de plus, j'ai voulu te prouver que tu avais tort et t'embrasser a été la seule chose que j'ai su envisager sur l'instant... Ça ne veut pas dire que je t'aime «de cette manière».
Ce fut au tour de la violette d'être surprise, rougissant furieusement. Elle avait mal interprété son geste ?
— Tu veux dire... tu veux dire que tu n'es pas amoureuse... de ...de moi ?
Alors que la gêne de la jeune femme augmentait de plus en plus, Yaoyorozu avait la sensation que son devoir était accompli.
«Fais ce qu'il te plait !»
— Pardon.
Kaminari, ses paroles lui avaient fait aussi peur que plaisir sur le moment. Alors ce mot lui semblait tout autant adressé qu'à la jeune femme aux cheveux courts. Mais ce mensonge en valait la peine.
Si cela pouvait apaiser ne serait-ce qu'un peu la musicienne du fardeau invisible qu'elle portait. Alors finalement, aller contre ses envies n'était que moindre peine et peut-être bien une part de ce qu'elle souhaitait elle aussi.
En attendant, si la violette se sentait effectivement débarrasser d'un certain poids, un nouveau sentiment l'a pris de court. Les mains cachant son visage, la jeune femme semblait vouloir éviter tout contact visuel avec la brune.
— La honte !
Ne s'attendant pas au revirement de son amie, Yaoyorozu repartit dans une ribambelle d'excuses visant à rattraper «la maladresse» de son action de la veille. La musicienne parlait alors d'avoir douté de l'innocence de la brune et qu'elle était à damner pour cela.
Finalement, ce fut davantage sur cette touche humoristique que se termina la conversation. Les deux jeunes femmes s'en rendirent d'ailleurs bien compte ayant repris leur chemin vers l'internat.
— Tu as donné ton premier baiser pour ça, Yaomomo ! Tu te rends compte ? N'embrasses pas toute personne pour qui tu t'inquiètes, enfin !
Ayant reprit son rôle d'amie protectrice, Kyoka commença à prendre un ton de reproche en s'adressant à la jeune bourge.
— Tu n'es pas n'importe qui en même temps.
— Mais même ! Certains pourraient en profiter ! Puis, c'est pas censé être «sacré» ce truc ?
— De quoi ?
— Le premier baiser !
Réalisant la signification de sa représaille, Yaoyorozu porta un doigt à ses lèvres en signe de réflexion.
— Oh, je vois ! ...Mais ce n'est pas mon premier, alors, ça va !
Les yeux de Kyoka s'élargirent d'étonnement. En soit, les mots de son amie n'avaient rien d'étrange. Elle avait bien le droit d'avoir eu une relation auparavant.
Seulement, la brune n'avait jamais semblé savoir s'y faire alors, la violette en avait conclu qu'elle était simplement aussi inexpérimenté qu'elle sur le sujet.
— Comment ça ?
— Mes affaires !
La jeune brune qui était retombée dans ses pensées, réalisa enfin, qu'entraînée dans sa fuite, elle y avait laissé ses fournitures scolaires. Tout aussi vite que sa mémoire, elle revenu sur ses pas à la recherche de son sac de cours, laissant ainsi une Kyoka perdue derrière elle.
Celle-ci était cependant rassurée de la tournure des événements qui semblaient alors reprendre leur cours normal. Elle n'avait pas encore conscience de la faille qu'ils avaient su ouvrir.
*~*~*
Ohayo Min'na (Et non, je ne parle pas de la jeune héroïne :P) ! ^^
Je m'excuse un peu de l'attente qu'il y a pu y avoir pour cette partie mais le manque de temps et de satisfaction de ce que je pouvais écrire n'aidant pas, finir ce chapitre aura mis plus de temps que prévu. Il a, au moins le mérite d'être assez complet et long, en espérant qu'il ne le soit pas trop pour certains ^^'
Bref, j'espère que cette fin ne vous aura pas déçu et que la suite saura tout autant vous satisfaire, en espérant vous retrouvez plus vite cette fois-ci. Bonne journée à tous !
Bonus : Hisan Nanoru est inspiré des termes [Hisan na] signifiant tragique et [Noru] s'entendre.
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