Chapitre 3

Tout s'enchaîne rapidement, trop rapidement. On nous veut prêt le plus vite possible, alors on assure comme on peut. On apprend et apprend encore, retenant un nombre d'information incroyable, et honnêtement je ne sais pas comment je fais.

Mon divorce précipité avec Xavier n'a fait que me renforcer dans mon choix, m'obligeant à me plonger dans le travail pour oublier mon coeur douloureux. Mon planning est tellement énorme que je remercie le ciel de ce cadeau. Plus de travail veut dire moins de temps pour penser à ma vie. Tout ce qu'il me faut.

On apprend des tonnes de classeurs et de feuilles de différentes matières un peu comme des étudiants, puis nous sommes testés aussitôt. Tout le monde réussit plus ou moins bien les tests, mais l'ambiance de notre petit groupe est incroyable. Peu importe notre nationalité, nos parcours et nos coups de blues, on se soutient et ça le fait.

À force de passer tant de temps ensemble, j'ai dû parler de mon divorce pour que ça explique des choses sur mon comportement. Mes collègues me disent souvent de ralentir de rythme, d'appeler mes proches plus souvent, de prendre du temps pour moi plutôt que d'être dans mes bouquins. Mais ils n'avaient pas compris. Comme eux, j'ai plaqué une partie de ma vie pour être ici, sauf que dans mon cas j'ai littéralement tout plaqué. Ma vie tout entière est ici, à Cologne en Allemagne. Je n'ai personne qui m'attend chez moi, plus de chez moi tout court en fait. Nous avons pris la décision de vendre la maison, et Xavier est retourné à Bordeaux quand j'ai quitté le pays.

Il m'a traité de salope, et je n'ai plus de nouvelles depuis.

Je souffle doucement en secouant la tête, repliant mes genoux contre mon torse.

— Ça va ?

Je me retourne pour voir Luca apparaître, son inlassable sourire aux lèvres. Elles sont légèrement bleues à cause de la nuit glaciale que nous vivons, mais il ne se plaint pas. Personne ne se plaint en fait. Perdus au milieu de la Sardaigne dans une montagne pour survivre. Briefé pour ne pas mourir, nous voilà comme des idiots à devoir vivre trois jours ici, sous un soleil brûlant et une nuit glaciale. Mais on l'a choisi, alors personne ne dit rien.

— Ça va et toi ? Je réponds avec un petit sourire nostalgique.

Luca hoche la tête puis s'assoie à mes côtés en jouant avec son couteau. Je soulève ma petite couverture pour qu'il vienne plus proche de moi et qu'on se tienne chaud mutuellement. Il fait vraiment froid ce soir.

— Maria fait du thé pour tout à l'heure avec sa cueillette, pendant que Miguel essaye d'allumer un feu.

— Il a réussi hier, en plus.

— Oui, mais il a perdu de la motivation dans la journée je te rappelle.

Je ris doucement en me souvenant de sa pêche peu concluante. Il nous assure avoir attrapé un énorme poisson mais celui-ci se serait échapper. Malheureusement pour lui, personne ne le croit mais ça fait une chouette anecdote.

— Tu pensais à Xavier ? Il demande avec son accent qui ne part pas. Je te comprends, c'est toujours dur les séparations.

Je hoche la tête à mon tour cette fois, pensive. Nous sommes tous devenus très proches en peu de temps, mais en gardant notre petit jardin secret. Ils savent que je ne suis plus en couple, mais personne ne tente de m'en parler. Savoir comment je le vis.

Mal, en réalité.

— Ça va passer, c'est normal de se sentir comme ça, je réponds avec un petit rire. Et puis j'ai faim, j'ai froid et je suis fatiguée. Les conditions n'aident pas.

— Tu as raison.

Luca se colle un peu plus pour nous réchauffer et je ne peux pas ignorer le frisson qui parcourt mon corps. Je le sens depuis la première fois que nous nous sommes parlé, cette électricité qui emplit l'air à chaque fois que je sens son contact. Mais je ne sais pas pourquoi je préfère l'ignorer, comme si jamais peur de retomber sur un Xavier. Flirt incroyable, débuts magiques, et mariage catastrophique.

— Vivement demain ! S'exclame-t-il avec gaieté. Tu te rends compte, c'est notre dernière nuit ici !

— C'est vrai, il faut relativiser. J'espère qu'il ne fera pas aussi froid dans l'espace.

— De toute façon, si tu as froid tu viens contre moi et on fera comme ça, comme les manchots empereurs.

Je ris doucement face à cette comparaison.

— J'aime bien l'idée.

Je pose ma tête sur son épaule et me laisse bercer par le silence de la nuit, brisé de temps à autre par l'énervement de Miguel. Luca pose un baiser sur mes cheveux bruns, puis je finis par m'endormir je crois. La seule chose dont je me souvienne, se sont les caresses de Luca sur mes cheveux, tendres et douces.

***

— Je vais tuer quelqu'un, je lâche en émergeant de l'eau, quelques heures à peine après ma courte nuit.

Luca saute à son tour de l'hélicoptère en éclatant de rire, heureux de vivre ça, même le ventre vide. On nous lance un radeau de survie qui se gonfle de lui-même et on ne se fait pas prier ! Nos combinaisons trempées, on se hisse à bout de force dans le truc, chacun le regard noir.

— Survivez 24 heures sur l'eau ! Lâche un homme en se retenant de rire.

C'est une blague ? On vient de vivre trois jours abominables et maintenant on est ici ? Je sers la mâchoire, attrape un truc à grignoter car il y'a de la nourriture, et le silence tombe dans l'embarcation. Heureusement que pour le moment, il n'y a pas de trop de mer, parce que mes nerfs commencent à lâcher.

Luca se déplace à quatre pattes jusqu'à moi, puis se pose à ma droite, biscuit en bouche. Il n'y a rien que de l'eau autour de nous. Maria lâche une larme et Miguel la prend dans ses bras. James et Rufus discutent à voix basse, un peu enrouée à cause des changements de temps. Luca, lui, passe son bras autour de mon épaule.

— Changement d'avis, même s'il n'y a pas de froid glacial en vue, tu peux venir contre moi, dit-il en murmurant presque.

Je souris tristement et passe mon bras autour de sa taille.

— Je crois que c'est toi qui as besoin d'un contact là, déclaré-je sur le même ton.

Je sens ses yeux se poser sur moi même si je ne peux pas le voir dans ma position.

— Tu as sûrement raison, dit-il finalement. J'espère que tous ces sacrifices valent le coup.

— Pense à l'espace, Luca. Et cet uniforme sexy !

Il rit doucement, d'un ton rauque d'épuisement.

— Tu as raison, je vais tenir juste pour que tu me trouves sexy.

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