Quatrième Nuit, Lune de sang
C'était dans la nuit brune,
Sur un clocher jauni,
Sur un clocher la lune
Comme un point sur un i
Lune, quel esprit sombre
Promène au bout d'un fil,
Promène dans l'ombre,
Ta face et ton profil ?
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Le petit archer gambade dans le Village. Il n'a rien de bien précis à y faire, il n'a plus aucun pouvoir sur les événements. Mais il est jeune, alors il refuse d'accepter les anciennes traditions. Peut être qu'il finira par voir quelque chose ? Peut être pourra-t-il tuer les loups ? Quelques flèches en plein cœur arrangeraient la situation rapidement. Mais depuis quatre longues nuits blanches, il n'a jamais, jamais vu personne.
Pourtant, il ne désespère pas, et continue. Abandonner n'est pas son genre, il est optimiste de nature. L'amour finit toujours par gagner, et il est l'amour, alors il s'agite, court et gambade en tout sens. Peut être qu'à le voir caracoler de la sorte, la Lune, agacée, finira par lui venir en aide.
Malheureusement, pour l'instant, il est impuissant.
Quoique... Cette impuissance n'est de mise que durant la nuit.
Le petit archer se décide, et rentre chez lui ; il a fait son choix.
Au lever du soleil, Robin parlera, et dénoncera enfin. Thiercelieux a déjà vu suffisamment d'innocents mourir.
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La petite voyante avait les yeux grands ouverts. Cette fois ci, c'était elle qui attendait les esprits. Elle avait peur de leur réponse, mais elle était déterminée. S'ils la rassuraient, alors elle aurait enfin une amie digne de confiance dans le Village, et une raison de se battre, une raison de survivre. Mais sinon... sinon, elle n'aurait plus qu'à se laisser dériver, attendre de se faire dévorer ou exécuter, pour enfin rejoindre ses parents, où qu'ils .
"Poses ta question, chuchotèrent enfin les esprits. Poses ta question"
Alors elle demanda. Dans le sombre de la nuit, la petite voyante chuchota un prénom.
"Rose."
~ ~ ~ ~ ~ ~
Il est temps, les loups garous se réveillent.
Un à un, ils sortent de chez eux. Ils ont encore la perte d'un frère à déplorer ce soir, et tous arborent un air lugubre. Sauf un. Ou une : la même jeune louve que la veille semble toujours aussi désinvolte, blasée.
Qui manger ce soir ?
La question est sur toutes les lèvres, et les yeux gourmands illuminent la nuit. Les nez reniflent l'air à l'affût de chaire fraîche, les bouches cannibales salivent d'avance.
Ils se promènent dans le village, l'odeur du sang les affolent, et les yeux se dilatent sous l'excitation. Il est oublié, le petit loup mort au matin, elle est oubliée, la sobre atmosphère du deuil. Les ventres grondent, les ignobles lycanthropes se pourlèchent les babines.
Ils arrivent devant la maison de la Semenceuse. Ici vit une petite fille, une petite fille qui ne semble pas les craindre. La jeune louve irrespectueuse est récalcitrante ; elle veut protéger la gamine. Mais pauvre louve, cela fait longtemps qu'on ne l'écoute plus.
Ils entrent.
À l'intérieur, le lit de Rose est vide.
Mais une autre jeune fille, tout aussi appétissante, est endormie à côté.
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La jeune louve n'a jamais était aussi énervée. Ils ont osé s'en prendre à ses amies ! Au fond d'elle, elle est tout de même rassurée. Bien sûr, avoir dévoré June la torture profondément, mais ce moment aurait bien finit par arriver. Elle aurait simplement voulu le repousser un peu plus, et ne pas avoir à tuer son amie elle-même.
Mais peu importe. La petite Rose était sauve, c'était bien tout ce qui comptait. Elle voulait protéger Rose, sans vraiment trop comprendre pourquoi. De toute façon, elle n'était pas du genre à beaucoup penser. Elle était un être puissant, avec de puissants instincts, alors elle agissait comme tel, sans perdre de temps à réfléchir.
En attendant, elle avait tout de même tuer June. Sa vision de la moralité était certes spéciale, mais ce meurtre lui paraissait vraiment mal. Injuste.
Elle allait venger son amie, et dévorer son soit disant Père. C'était le meilleur moyen de blesser, et déstabiliser ses "frères" et "sœurs". Ce soir, André le Doyen mourrait.
La louvette s'approcha de la maison des Planteurs. Encore quelques pas, et justice serait rendue. Encore quelques pas, et...
Ou pas. Derrière la haie, un petit garçon l'avait vue.
Tant pis. Elle s'occuperait de l'Infect Père des Loups la nuit prochaine.
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Il se faufila hors de chez lui. Cette nuit, il le sentait, était sa nuit. Trois échecs ne devaient pas l'abattre, ce soir, une nouvelle identité deviendrait sienne, tandis qu'un autre Thierceloix perdrait ses pouvoirs.
Il n'en ressentait aucune responsabilité ; après tout, par ces temps difficiles, il se devait faire tout son possible pour protéger ses parents. Et puis, il n'était pas si moralement coupable, après tout, il ne choisissait pas n'importe comment sa cible.
En parlant de sa cible, il était justement enfin arrivé devant la bonne chaumière. Avec l'agilité d'un chat, il pénétra discrètement à l'intérieur, et subtilisa le précieux médaillon. Il y laissa le sien, qui avait commencé à se modifier. À l'intérieur, l'inscription Voleur s'effaçait peu à peu, et à la place s'y gravait deux mots. Simple Villageois.
Tommy avait décidé qu'il volerait un maire, et un maire il avait enfin voler. Le jeune garçon se mit à rire intérieurement en s'imaginant la tête que ferait André le Doyen en découvrant sa nouvelle identité au matin.
Mais son rire s'interrompit vite, quand il vit ce qui était gravé à l'intérieur de son nouveau médaillon.
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Elle s'était promis de garder ses sorts pour ses enfants, au cas où. Mais là, c'était trop pour elle. Elle était tout de même humaine, et mère justement. Si ça avait été son enfant... Jamais elle ne l'aurait supporter. Pauvre, pauvre petite, pensa Manuella. La sorcière en avait le cœur brisé. Les feu parents de l'adolescente avaient étaient ses amis, il fut un temps.
Certes, si elle le faisait, elle perdrait la possibilité de protéger ses fils... Mais si elle ne le faisait pas, quelle genre de personne deviendrait-elle ? Quelle genre de mère serait-elle alors ?
Non, elle devait sauver June. Doucement, elle murmura les anciennes incantations, et répandit son sort sur le corps de l'adolescente étripée.
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Trois pas à gauche, trois pas à droite
Une enjambée, deux pas devant
Un pas, deux pas, trois pas de bourrée
Si si mi, sol la do
Le joueur de flûte se promène dans les rues du Village. La Nuit est sa plus grande spectatrice, les étoiles l'acclament, et la Lune lui fait les yeux doux. Il valse sur la route, s'en éloigne, y revient et repart. Devant lui se dressent les sombres bois, il tourne sur lui même, une fois, deux fois, trois fois et s'y engage.
Un deux trois, Deux deux trois, Trois deux trois
En valsant, il traverse la forêt.
Mi si la, sol sol fa
Il valse, il valse, sa flûte égrène dans la nuit des notes qui s'envolent danser avec les étoiles. Il arrive devant la bonne chaumière, son chant devient plus lent, plus grave.
À l'intérieur, Charlotte et son père se retournent dans leur sommeil. Cette mélodie rythme leur rêve, elle est si douce, si belle, ils sont... sous le charme.
Lune es-tu l'œil du ciel borgne?
Quel chérubin cafard
Quel chérubin nous lorgne
Sous ton masque blafard?
Lune n'es-tu qu'une boule?
Qu'un grand faucheux bien gras
Qu'un grand faucheux qui roule
Sans pattes et sans bras?
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NDA
Bonjour !
Pour ceux que cela intriguerait, la comptine de mon joueur de flûte adoré est en fait la Ballade à la lune de Alfred de Musset, légèrement réajusté pour les sonorités. Je vous aurai bien mit le résultat en média, mais on m'a dit que je chantais faux ( ce dont je doute fort ) alors tant pis. D'autres versions chantées existent déjà, mais la mienne est mieux - pardon, différente.
Salutations,
une auteure en retard
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