Huitième Nuit, Maître Lune
Cupidon montait la garde. En véritable petite sentinelle, il faisait l'aller retour entre les maisons des deux nouvelles amantes. Il était fier de cet amour étonnant ; c'était ce qu'il y avait de plus juste et il n'aurait pu mieux choisir. Après tout, il n'avait en rien créer quoique ce soit, et s'était contenté d'amplifier les sentiments existants entre les deux jeunes filles afin qu'elles en prennent conscience.
Et il n'avait aucun doute que ces deux là sauraient lutter pour survivre. Elles étaient certainement les deux personnes les plus fortes du Village.
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La Voyante se réveilla en sursaut ; elle avait fait un cauchemar.
Les esprits étaient à son chevet, réconfortant dans leur bizarre régularité. Ils lui chantonnaient les trois même mots, comme s'ils étaient incapables de dire quoique ce soit d'autre. Ce qui était d'ailleurs très certainement le cas, mais la petite Voyante se plaisait à interpréter leur différentes intonations comme une réelle conversation. Ne paraissaient-ils pas inquiets ce soir, par exemple ?
Au cas où tel serait le cas, June s'empressa de les rassurer, avant de réfléchir. Qui avait une attitude étrange, suspecte ? Mais voulait elle vraiment le découvrir ? La petite Voyante se refusait de ressentir de la culpabilité, mais au fond d'elle même, elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer le sang de Titouan sur ses mains.
Mais une idée lui vint. Elle pensa à quelqu'un qui l'intriguait au plus au point, mais qui n'était sûrement pas l'un d'eux. Quelqu'un dont elle aurait donnait chère pour connaître la vérité à son propos.
"Charlotte."
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Les loups ne sont pas contents ; vraiment, vraiment pas contents. Mais que peuvent-ils faire ? S'ils agissent encore trop impulsivement, ils auront à en subir les conséquences.
Alors que faire ?
L'Infect Père a une idée lumineuse. Il sait que s'en prendre à elle le fera souffrir plus tard, il sait qu'une fois le soleil levé sa décision lui pèsera, il sait qu'il se détestera bientôt pour ce qu'il s'apprête à faire.
Mais il n'a pas le choix , et de toute façon, il n'a que faire de ce qu'il ressent le jour. Tout ce qui importe, c'est la meute. Alors il hurle sa fierté à la Lune, et explique à ses enfants ce qu'ils vont faire.
En guise de représailles, ils doivent tuer le personnage le plus important du Village. Ils doivent tuer celui sans qui les Thierceloix sont perdus, ils doivent tuer celui dont la mort provoquera de manière sûre une pagailles des plus importantes.
Ils doivent tuer Charlotte.
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La louve au blanc pelage hésite. Elle qui ne connaît habituellement pas le doute, mais que lui arrive-t-il ? Elle erre près de la forêt, dans la forêt, autour, mais n'ose pas s'approcher de l'orée. Une force irrésistible l'y attire, elle ne sait pourquoi.
Et elle a peur.
Mais que lui arrive-t-il ? Trahie par la Lune, la jolie louve se sent perdue. Elle qui avant dévorait sans scrupules, elle ne sait plus à qui s'en prendre, mais que lui arrive-t-il ?
La jolie louve secoue sa tête, ébroue sa fourrure ; elle doit reprendre ses esprits ! Elle arrive devant la maison des Teinturiers, chez qui elle et ses frères viennent tout juste de dévorer Charlotte. Qu'elle avait bon goût, cette petite ! Luna ne serait pas contre la déguster une seconde fois.
Mais puisque ce n'est pas possible, tant pis. Elle se rabattra sur Emilie, la mère.
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La Sorcière était dans une fureur noire. Sans même que son avis ne soit demandé, ils avaient tué son fils ! Elle n'avait que faire de ce qu'il avait pu faire, des meurtres dont il était l'éventuel responsable. C'était son fils ! On ne s'en prenait pas à sa famille impunément de la sorte. Elle se vengerait, oh oui, et sa vengeance serait terrible.
Elle avait passé l'éponge une fois : les Thierceloix avaient assassiné son mari, mais elle s'était contenté de punir la principale responsable de sa mort. Et il n'y avait aucun doute que Lavande regrettait de ne pas avoir plus réfléchi, à présent.
Mais ceci était la goutte de trop. Elle retrouverait celui ou celle qui avait accusé en premier son fils, le condamnerait au même triste sort que Lavande, puis ferait payer le reste du Village.
Elle ne ressuscita pas Charlotte.
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Et qu'il vente ou qu'il neige
Moi-même, chaque soir,Que fais-je,Venant ici m'asseoir ?
Le Joueur de Flûte a une cible très spéciale ce soir.
Quelqu'un de puissant ; quelqu'un qui, une fois charmée, l'aidera à faire les autres danser.
Quelqu'un d'un peu comme lui, qui manipule les Thierceloix avec des mots au lieu d'une flûte.
Je viens voir à la brune,
Sur le clocher jauni,
La lune
Comme un point sur un i.
Le Joueur de Flûte va enchanter Charlotte.
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Mais que leur arrivaient-ils tous, ce soir là ? Tout s'était plutôt bien passé jusqu'alors, et la Maître de Jeu se morigéna elle-même : il était certain que ceci ne pouvait éternellement durer.
Enfin, tout de même, ils y allaient fort ; était-ce une mutinerie générale ? Pourquoi s'en prenaient-ils tous à elle, soudainement ? D'un coup, elle regretta de ne pas avoir choisi de répandre la Peste Noire parmi eux, comme l'avait fait le prédécesseur de son prédécesseur. Les Thierceloix se seraient entre-tués sans comprendre, elle n'aurait pas été inquiétée, et tout cela dans le respect des textes anciens.
Mais non. Elle avait choisi la version compliquée, mais aussi la plus juste moralement, selon elle. Il fallait laisser une chance aux Thierceloix. Parce qu'au fond d'elle, la Maître du Jeu ne voulait pas seulement qu'ils gagnent, mais aussi qu'ils comprennent. Sauf que cela allait à l'encontre des textes anciens.
Toutefois, le problème de cette nuit restait encore. Elle ne pouvait les laisser la tuer de la sorte, tout comme ils ne pouvaient découvrir son identité. Heureusement, les esprits avaient la présence d'esprit - sans aucun trait d'esprit mal placé - de s'évaporer sans répondre à la Voyante.
Non, elle ne pouvait mourir ce soir. Mais rien de grave : l'institutrice mourrait à sa place. De toute façon, Anaïs ne servait plus à rien, et la Maître du Jeu n'avait plus besoin d'elle.
Sa mort n'était pas une grande perte.
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NDA
Bonjour !
Je voulais ajouter une petite précision pour les non initiés au Loup Garou à propos de la Peste Noire.
La Peste Noire est une version du loup garou où le maître du jeu ne met pas de loups, justement, et décide chaque nuit de qui meurt à leur place. La partie s'arrête quand les joueurs se rendent comptent de la supercherie et désignent d'un accord commun le maître du jeu.
Salutations !
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