13. Confidences

Pendant que Léo arpentait le Bronx avec Karaï, Raphaël était parti rejoindre une autre connaissance. Le ninja fendait la nuit en sautant de toit en toit et guettait le moindre signe de combat : celui qu'il cherchait en était presque aussi friand que lui.

Après une heure de recherche, Raph entendit enfin un cri familier. Un sourire carnassier s'étira sur ses lèvres. Il fit aussitôt volte-face et s'élança vers la source du bruit.

En contrebas, des Foots se faisaient mettre au tapis par une tortue alligator. Slash était encore sorti seul.
Raph s'assit au bord du toit pour le regarder combattre. C'était sa baston, il la lui laissait.

Pendant que Slash s'amusait sans lui, son regard fut attiré par la lune. Elle brillait si fort qu'on aurait cru voir un phare éclairer le monde. Raph se perdit dans ses pensées ; le visage bleuté d'une salamandre apparut doucement dans le disque lunaire. Où était-elle, en ce moment? Raphaël n'en savait rien, mais il était certain d'une chose, et ça lui broyait le cœur : il ne la reverrait jamais.

Un bruit de chute le ramena soudain à la réalité : Slash venait d'envoyer le dernier Foot dans une benne à ordure. Il se frotta les mains l'une contre l'autre avant de tiquer quand Raph l'applaudit depuis les toits.

- Pas mal du tout.》Commenta-t-il avant de le rejoindre.《J'y aurais été encore plus fort, à ta place.》

- Bonsoir, Raphaël.》S'enquit Slash de sa voix éraillée.《Que me vaut le plaisir? L'équipe a besoin de nous?》

- Nan, tout roule.》Le rassura-t-il en lui tapotant l'épaule.《T'as mangé? On pourrait discuter autour d'une part de pizza. Ça fait longtemps.》

Surpris, Slash plissa d'abord les yeux puis acquiesça. Il invita Raph à passer devant et laissa là les Foots. De toute manière, ils ne diraient rien sur les plans de Schredder ; Slash les cognait juste pour le plaisir.

Raphaël s'occupa de commander leur dîner puis l'emmena sur le toit du Wolf, à mi-chemin entre leurs repères respectifs. De là-haut, ils avaient une vue imprenable sur Manhattan : Slash se servit une part tandis que Raph s'ouvrait une Monster.

- Alors, quoi de neuf?》 S'enquit-il.

- Rien d'intéressant.》Rétorqua Slash en haussant les épaules.《La Ligue me tanne pour que j'aide leurs patients à contrôler leur rage. Leatherhead s'y est plié, mais moi c'est hors de question.》

- J'comprends.》Raph prit une gorgée puis recula pour s'adosser à l'enseigne de l'hôtel.《Ils sont désespérés.》

- Et désespérants. À leur place, j'aurai lancé l'assaut sur l'Organisation depuis longtemps. C'est évident que c'est à cause d'eux, cette histoire.》

- Et moi donc! Comment tu veux collaborer avec des types qui en ont après les mutants? Ça me dépasse!》

- Si tu veux mon avis, les humains sont tous les mêmes.》

- Non, quand même pas, mais cette Ligue... Tu sais quoi, Spike? Je vais te dire une chose. Révéler l'existence des mutants pour les introduire à la société humaine était la pire idée du siècle.》

Slash haussa un sourcil lorsque Raph l'appela par son ancien nom, mais il ne releva pas. À la place, il lui tendit le carton de pizza pour qu'il se serve ; le ninja ne se fit pas prier.

- C'est vrai quoi, depuis qu'ils ont fait ça, on est tout le temps sur le qui-vive.》Grommela Raph après avoir mordu dans sa part.《Mais ça, aucun de mes frères ne veut l'entendre. Même Senseï trouve ça bien. Alors oui, la ville a mis des abris à disposition des mutants, mais ce n'est franchement pas mieux que lorsqu'ils vivaient dans les égouts. La preuve, on y est resté tranquille, nous. Ça les arrange surtout bien de savoir où ils sont pour mieux les contrôler... Au moins, dans ces taudis, ils peuvent les surveiller! Et ils sont tous là, à crier à la victoire et au progrès. Ça me rend dingue, tout ça.》

Sur ce, il reporta la Monster à ses lèvres et la termina d'une traite tandis que Slash l'observait en silence. Une étincelle tendre brillait dans ses yeux verts.

- Je comprends mieux pourquoi tu es venu me trouver.》Murmura-t-il d'une voix grave.《Je suis du même avis que toi.》Ajouta-t-il plus haut.

- Je sais... Toi, tu m'as toujours compris.》

Raphaël posa sa canette vide puis croisa les bras, contrarié. Extérioriser faisait du bien, mais repenser à tout ça l'avait mis en rogne. Il sursauta soudain quand Slash lui donna un coup d'épaule.

- Et si on faisait un un contre un?》Proposa-t-il.《Ça fait un baille qu'on ne s'est pas entraîné ensemble.》

- Je suis curieux de voir à quel point tu as progressé.》Admit Raph avec un regard complice.《Terminons cette pizza, j'ai une raclée à te mettre.》

- Ne parle pas trop vite, Raphaël.》

Et tandis que Manhattan poursuivait sa vie nocturne, étrangère aux tensions qui naissaient entre mutants et humains, les deux tortues entamèrent leur combat amical. Avec le temps, Raph s'était résigné à ne plus avoir son compagnon de toujours à ses côtés, mais son deuil n'était pas tout à fait achevé. Il continuait de voir en Slash la petite tortue qu'il était avant sa mutation ; le mutanimal ne s'en formalisait plus. Il comprenait. Raphaël lui manquait aussi, d'une certaine manière, mais la vie était ainsi faite. Les gens changeaient, et leurs relations aussi. Il fallait juste du temps pour l'accepter et le voir comme une chance plutôt que comme une perte. Mais l'optimisme, c'était le truc de Mikey, pas de Raph.

Et même si cela faisait plus de deux ans qu'il avait muté, il n'était pas encore prêt à laisser partir Spike.

*

Au même instant, en plein quartier Bis, Lili s'adonnait aux joies du baby sitting.

C'était toujours pareil, avec Rockycat et Melowdy. Ils se disputaient puis se rabibochaient aussi sec. Léa ne comprenait pas pourquoi, mais c'était à cause de leur réconciliation qu'elle devait garder leurs enfants. Elle les aimait beaucoup, mais voilà : c'était des chats mutants. Ils avaient beaucoup d'enfants.

Penchée sur ses cours, Lili essayait désespérément de se concentrer tandis que les sept chatons brayaient autour d'elle. Melowdy se faisait désirer : Léa avait fini par appeler du renfort.

Les antennes de Napoléon apparurent à l'entrée du repère, suivit par l'air curieux de Barry. Ils aimaient s'occuper des petits pour les entraîner dans le RPG de Mutants du Labyrinthe. Lili pouffa quand elle vit Léon grimé en général du XVIIIe siècle.

- Bonsoir, votre majesté.》Le salua-t-elle en se levant pour l'accueillir.

Les chatons se tournèrent aussitôt vers eux, les oreilles dressés. Napoléon ajusta son bicorne et leur adressa un regard sévère.

- Eh bien? J'apprends que mes sujets ne se comportent pas convenablement auprès de la princesse Léa?》Tonna-t-il en se raidissant.

- Empereur Léon! Commandant Barry!》

Sortis de leur torpeur, les enfants se précipitèrent vers eux en se bousculant ; les plus petits suivirent à quatre pattes en piaillant, contrariés.

- Soldats, au rapport!》Ordonna Barry.《Je veux vous entendre crier "présents" à l'appel. Charabia, Chapiteau, Chapeau, Charade, Aristochat, Château et Arbrachat?》

- Présents !!》Miaulèrent-ils en cœur.

C'était évidemment Mikey qui leur avait donné ses surnoms. Barry se pencha pour ramener les plus jeunes sur les tapis de jeu ; Léon poussa le reste de la fratrie dans la même direction, tout sourire. Il se réjouissait déjà à l'idée d'entraîner leur mini-armée.

- Bon alors, quel est le problème?》Demanda-t-il aux chatons.《L'empereur-guerrier que je suis et mon fidèle commandant Barrysson ne nous déplaçons pas pour rien.》

Les enfants réfléchirent un instant avant qu'Aristochat ne lève une patte d'un air victorieux.

- Il faut bouter les Foots hors des égouts!》Clama-t-il.

- Et Redder aussi!》Ajouta l'une de ses sœurs.

- C'est Schredder.》La corrigea-t-il en appuyant sur le nom.

- Ouais, et aussi Randy!》Dit un de ses frères.

- Et on dit, on dit qu'ils sont invisibles et qu'on peut les entendre, mais que les enfants.》Miaula une autre chatonne.《Du coup y a que nous qui pouvons nous battre.》

- Attention, les Foots arrivent!》

Les chatons se mirent à combattre les ennemis imaginaires tandis que Léon et Barry s'asseyaient de part et d'autre de Léa. Elle couva ses protégés d'un regard amusé.

- Merci, les gars.》Dit-elle en leur souriant.《Ils commençaient à s'inquiéter de ne pas voir arriver leur mère.》

- Oh, tu connais Rocky et Melow, quand ils disent une heure, tu peux être sûre qu'ils arriveront à celle d'après.》S'amusa Napoléon.《Comment se fait-il que tu sois seule? Mikey n'était pas disponible?》

-  Je ne crois pas... Hum, comment as-tu fait pour te libérer, Barry?》

- J'ai dit à mes parents que je venais t'aider pour du babysitting, tout simplement.》 Sourit l'intéressé.《Tu as l'air troublée. C'est à propos de Michelangelo?》

- Vous ne vous êtes pas disputés, rassure-moi?》S'inquiéta Léon.

- Jamais de la vie!》Clama Léa, le cœur serré rien qu'à cette idée.《Non, c'est juste que je me sens mal depuis qu'il s'est blessé à cause de moi. Je n'ose pas l'appeler.》

- Tu devrais, il va croire que tu fais la tête, sinon.》Suggéra Barry.《Explique-lui juste le problème.》

- On en a déjà parlé. Il m'a dit de ne pas m'en faire, mais... je ne sais pas, c'est compliqué.》

Avec des gestes doux, Léon sortit de sa cape ce qui ressemblait à du papier jaune puis le déplia pour le poser sur la tête de Lili. C'était une couronne faite maison. Barry leva le pouce.

- Essaye de poser des mots dessus.》Lui conseilla-t-il.《On peut sûrement t'aider.》

Léa les remercia puis tâta la couronne avec précaution, ravie.

- Je ne comprends pas pourquoi j'agis comme ça.》 Avoua-t-elle. 《J'ai peur de quelque chose, mais je ne sais pas de quoi.》

- Peut-être que Mikey se mette en danger pour toi?》Supposa Léon.

Léa hocha la tête. Oui, ça ressemblait à ça.

- Je vais te dire ce que tu sais déjà, dans ce cas.》Murmura le cafard en posant une patte sur son épaule.《Le danger fait partie de la vie. Surtout pour un ninja... Regarde-moi, par exemple : j'ai peur de plein de choses, mais je me force à les accepter parce que parfois, je ne peux pas les éviter. Genre les figurines pop dont raffolent les humains. Ça me terrifie. La pluie et l'orage, aussi. Et les antennes-relais! Qu'est-ce que ça fait peur, les antennes-relais... Bref, tu vois où je veux en venir?》

- Je crois, oui.》Sourit Lili.《Merci, Léon. Ça va mieux de vous en avoir parlé.》

- C'est à ça que servent les amis.》 Assura Barry.

Et ils restèrent côte à côte en regardant les chatons, plongés dans leurs pensées. Eux au moins ne se posaient pas autant de questions...

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