«Les plans à trois ce n'est pas pour moi.»

C'était enfin le week-end et je pourrais enfin me reposer de cette semaine complètement bizarre. Je me dirigeai pour la dernière fois de la semaine vers la gare. J'avouais que j'avais peur de le rencontrer encore une fois mais je me réconfortais en pensant qu'il serait avec une fille et donc qu'il ne m'aborderait pas. Après avoir acheté mon ticket, je me rendis sur le quai 27. J'étais encore plus fatiguée que les autres jours. Ce n'était pas humain de finir à dix sept heures tous les jours -sauf le mercredi-. Le train fut en avance et se trouvait déjà sur le quai. À moins que c'était moi qui étais en retard. Je rentrai à la même porte, comme toujours, et regrettai immédiatement cette décision.

Je le vis, avec une fille assise à ma place. Je gardai mon calme et avançai pour me trouver une autre place. Mais une main attrapa mon bras quand je passai à côté d'eux. Je me retournai et vis Justin qui me regardait avec sa main agrippée à mon bras. J'essayai alors de me retirer et quand je fus enfin libre, je me remise à marcher.

- Attends Avery ! cria Justin.
- Justin ! cria la fille.
- Reste là toi, lui dit-il fermement.

J'accélérai le pas comprenant que Justin me suivait. J'étais en stresse total. Il me rattrapa malheureusement facilement.

- S'il te plait, laisse moi, dis-je quand je le sentis arriver à ma hauteur.
- Je pensais que tu allais te dégonfler et ne pas prendre le train mais je me suis trompé, dit-il en continuant de marcher. Eh !

Il attrapa à nouveau mon bras, me faisant mal. Sa force me fit retourner et je me trouvai alors en face de lui à -à peine- quelques centimètres de son visage. Mon sac se retrouva quant à lui par terre. Mon cœur battait vite et ma respiration était forte mais c'était seulement parce que j'avais marché trop vite. Enfin, je crois.

- Ta place ne se trouve pas ici Avy, dit-il en souriant.

Son souffle arrivait à atteindre mon visage. J'étais déstabilisée. Il était encore dix fois plus beau de près. Je lui souris très faussement en échange.

- Tu veux pas nous rejoindre ? demanda-t-il.
- Les plans à trois ce n'est pas pour moi, crachai-je.

Il rit, sa main tenait encore très fermement mon bras. Je ne comprenais pas comment un si beau visage pouvait renfermer une si mauvaise personne.

- Tu préfères m'avoir pour toi toute seule alors ? reprit-il avec ce même sourire narquois sur son visage qui me donnait envie de lui donner une bonne claque.
- Je préfère que tu disparaisses de ma vue Justin. Laisse moi, dis-je sèchement.

Je me surprenais par la façon dont je pouvais parler avec lui. Je paraissais tellement plus confiante que d'habitude.

- Arrête Avy, je sais que tu ne peux pas te passer de moi. C'est pour ça que tu continues encore de prendre le même train à la même heure.
- Je t'ai dis d'arrêter de m'appeler comme ça.
- Toujours aussi rigide Avy, rit-il, ce n'est pas bien pour ton corps tu sais ?

Je tirai mon bras aussi fort que je pus, je crus perdre un membre, et parvins à libérer mon bras de son étreinte. Ainsi, je me remise à marcher dans la même direction et fus soulagée en entendant que Justin ne me suivait plus.

Assise à une nouvelle place, je regardai mon avant-bras qui avait la marque rouge de sa main. Je caressai cette partie qui me faisait mal et essayai de reprendre mon calme. Il me dégoûtait par sa méchanceté, par son arrogance, par son tout. Comment pouvait-on être attiré par un garçon pareil ? Toutes ces filles avec qui il rentrait étaient tellement stupides et ne voyaient pas qu'il ne méritait aucune intention. Je déglutis et écoutais de la musique jusqu'à la fin du trajet.

A la maison, je retrouvai étrangement ma mère qui était entrain de regarder la télé sur le canapé.

- Qu'est-ce que tu fais là ? demandai-je.
- Il n'y avait plus de travail à faire alors j'ai fini plus tôt.

Ma mère était secrétaire dans un grand cabinet d'avocat. Je partis lui faire la bise. Elle me fit signe de m'asseoir avec elle.

- Alors cette première semaine à prendre le train ?
- Bah pas si terrible que ça, répondis-je, mais si tu pouvais trouver un arrangement pour revenir me chercher, ça ne serait pas de refus.
- Pourquoi ? Le fameux garçon ne monte plus dans le même train que toi ? demanda-t-elle en souriant.
- Haha, feins-je de rire, je ne vois personne dans le train.

Elle rit.

- Ça te dis un petit restaurant ce soir ? proposa-t-elle. J'ai quelqu'un à te présenter.
- Tu as rencontré quelqu'un et tu ne m'as rien dit ?
- Je fais comme toi, dit-elle souriante.

Je lui fis une grimace.

- Mais bien sûr que j'aimerais bien rencontrer ce quelqu'un, dis-je. Il est bien ?

Elle acquiesça.

- Il est comment ? demandai-je.
- Tu verras, je te laisse la surprise.
- Oh non, fis-je la moue.

Elle rit.

- Il s'appelle comment ?
- Chris.
- Chris ? Ça sonne bien, dis-je. Bon je vais monter me préparer alors.

Je regagnai ma chambre, j'avais hâte de rencontrer l'homme qui semblait avoir réussi à charmer ma mère. Il se pourrait qu'il devienne un jour mon beau père et qu'il partage les prochains jours de ma vie. Puis cela me changerait aussi les idées.

Il était vingt et une heure et nous étions prêtes pour rejoindre Chris. Dans la voiture, ma mère était très nerveuse.

- Ça va, détends-toi, ça va bien se passer.
- S'il ne te plaît pas, j'arrête de le fréquenter.
- Je suis sûre que je vais bien l'aimer.

Nous arrivâmes dans le centre ville, il y avait toujours un monde fou le vendredi soir. Nous nous garâmes dans un parking pas très loin du restaurant et puis nous rejoignîmes Chris. Il était déjà assis seul à une table pour quatre.

- Oh vous voilà, dit-il en se levant, nous voyant arriver.
- Bonsoir Chris, dit ma mère.
- Bonsoir Olivia.
- Je te présente ma fille Avery.
- Bonsoir, enchantée, dis-je en lui faisant la bise.
- De même, dit-il.

Nous primes place à table, ma mère se trouvait en face de Chris et moi à côté de ma mère. Je pus alors bien observer mon potentiel futur beau père. Il était brun aux yeux marrons, avec de la barbe sur le visage. Je pus apercevoir un tatouage sur son poignet puisque les manches de sa chemise étaient retroussées, cela ressemblait à un H. Que cela pouvait-il bien signifier ?

- Alors pas déçu de me voir ? me demanda Chris.
- Non pas du tout, dis-je en souriant. J'avais très hâte de vous rencontrer.
- Moi aussi, j'avoue que j'étais un peu nerveux. Et tu peux me tutoyer, dit-il avant de me faire un clin d'œil. Je préfère.
- D'accord, pas de soucis, souris-je.

Nous commandâmes notre repas puis nous commençâmes à parler un peu de tout. Chris était un homme sympathique, agréable à écouter et très ouvert d'esprit. J'avais appris qu'il n'était pas encore papa mais qu'il rêverait de l'être un jour. Il ne s'était non plus jamais marié ni même fiancé. Il avait très vaguement parlé de son travail, j'avouais ne pas avoir compris de quoi il s'agissait. Ma mère semblait heureuse qu'on soit tous les trois réunis à cette table et je pouvais voir dans ses yeux tous les projets qu'elle imaginait déjà en tête. Le repas terminé, nous quittâmes Chris pour retourner à la maison.

- Il est charmant, je l'aime bien, dis-je dans la voiture.
- Je suis contente qu'il te plaise.
- On pourrait organiser une nouvelle sortie bientôt, suggérai-je.
- Bien sur, quand son travail lui permettra de nous accorder un peu de temps.
- Tu as compris c'était quoi ? Moi je n'ai pas bien saisi.
- Moi non plus mais bon, ce n'est pas très grave.
- Tu as raison.

J'allumai la radio.

- Vous n'êtes pas encore en couple ou bien ? demandai-je.
- Pas encore.
- Ça ne va pas tarder alors.

Ma mère me sourit. J'aimais la voir comme ça. Depuis le départ de mon père, elle ne profitait plus d'elle même et se menait la vie dure pour que je ne souffres pas de ce départ. Mais celle qui souffrait le plus, c'était bien elle. Elle aimait mon père, elle aurait pu tout lui donner et lui a préféré la quitter pour une pimbêche. Il ne donnait même plus de ses nouvelles, à croire qu'il avait oublié qu'il avait une fille. Je le détestais et j'étais bien contente que ma mère ait enfin décidé de refaire sa vie. Arrivée à la maison, je partis directement me coucher, soulagée que la semaine s'achève sur une bonne note.