Chapitre 31
«C'était nouveau, c'était inattendu.»
Je le regardais sans comprendre. J'étais encore sonnée de notre baiser.
- Allez viens, je te ramène chez toi, dit-il avant de se mettre à marcher.
Je fixais maintenant le vide. Tout était chamboulé dans ma tête. Que ce baiser signifiait-il ? Pourquoi m'avait-il embrassé ? Était-ce pour que je le croie à nouveau ? Ou avait-il simplement eut envie de le faire ? Avait-il ressenti la même chose que moi ? Lui avait-il fait le même effet ?
- Avery ?
Je sortis de mes pensées et le suivis. Mon cœur battait encore frénétiquement. Cependant, le baiser avait comme apaisé mon mal de tête et m'avait ôté toute envie de vomir.
Nous arrivâmes devant sa voiture et il déverrouilla les portières. Ainsi, nous entrâmes à l'intérieur. Nous attachâmes nos ceintures et il démarra.
Personne ne parlait. Nous n'entendions que le bruit du moteur qui tournait et du vent qui balayait nos cheveux. Mes lèvres étaient encore chaudes de notre contact fougueux.
Je posai mes yeux sur lui. Je ne voyais plus que lui. Il avait ses mains posées sur le volant. Il portait un simple t-shirt qui laissait voir ses bras musclés et tatoués. Ses cheveux châtains bougeaient au vent. Il regardait droit devant lui.
J'arrivais encore à sentir ses lèvres sur les miennes. Je mourrais déjà d'envie que cela recommence.
- Tu me détestes ? demanda-t-il soudainement.
Oui je lui en voulais toujours autant. Il s'était joué de moi, rien ne pouvait rectifier cela.
- Oui.
- Je me demande vraiment ce que Chris a bien pu te dire pour que tu te mettes dans cet état. Ce n'était pas toi Avery. Te bourrer la gueule comme ça...
- Je voulais juste t'enlever de ma tête, le coupai-je.
- Tu préfères le croire plutôt que moi.
- Alors dis moi, droit dans les yeux, que tu ne joues pas avec moi et je te croirai pour de bon.
- Je n'ai pas besoin de faire ça Avery. Je crois t'avoir suffisamment dit qu'il était dangereux. La preuve, il a réussi à te monter contre moi.
- Comment tu veux que j'arrive à savoir qui dit vrai dans cette histoire ? Vous êtes tous les deux si mystérieux.
Les arguments de Chris semblaient si évidents mais Justin pouvait facilement m'influencer parce qu'il avait le contrôle sur moi.
- Je ne t'oblige à rien Avery. Si tu veux le croire, c'est ton choix.
- Pourquoi tu n'insistes pas pour que je te croie ?
- Parce que si te garder loin de moi te met en sécurité, je préfère que ça reste comme ça.
Pourquoi étais-je persuadée qu'il était sincère ? Était-ce les sentiments que j'avais envers lui qui m'obligeaient à le croire ?
- Il m'a dit que tu ne tenais pas à moi et que tu t'étais juste amusé, dis-je.
Il avait toujours les yeux rivés droit devant lui. Il était d'une sérénité incomparable.
- Il m'a dit que c'était grâce à lui si tu pouvais vivre tranquillement, continuai-je. Alors je dois le croire ?
Pour la première fois depuis que nous étions dans la voiture, il posa ses yeux sur moi. Je reçus une décharge électrique. Je pris une inspiration sentant mon cœur réagir violemment à cet échange.
- Je suis sûr Avery que tu arriveras à savoir qui est sincère dans toute cette histoire.
- Pourquoi tu ne peux pas simplement tout m'expliquer ?
- Est-ce que tu me croirais ?
- Oui.
Il sourit et se reconcentra sur la route.
- Et puis Chris te dira une autre version et tu le croiras lui, dit-il.
Peut être qu'il n'avait pas tort. Mais je ne pensais pas que me garder dans l'ignorance était la meilleure des solutions. J'avais besoin de réponses à mes questions.
J'aurais aimé qu'il me dise que ce n'était pas vrai, qu'il tenait à moi et qu'il n'avait en aucun cas voulu jouer avec moi. J'aurais voulu qu'il me donne une raison de croire encore en nous.
Mais ce n'était pas ce qu'il avait fait alors si je devais croire quelqu'un, ce quelqu'un était bien Chris. Justin ne réussirait pas à me faire tourner la tête une nouvelle fois.
La douleur revint en moi et pour la énième fois ma gorge se noua et les larmes montèrent à mes yeux. Et il ne fut pas longtemps avant que je pleure à nouveau.
Je me sentais trahie. Il m'avait comme poignardé dans le dos. Je baissai la tête et cachais mon visage de ma main droite. Mon coeur avait été réduit en petits morceaux. Personne ne pouvait les recoller.
- Avery, pourquoi tu pleures ? demanda-t-il bêtement.
- Je t'en veux tellement, arrivai-je à peine à dire.
Ma poitrine brûlait. Je ne controlais plus rien. Je me perdais dans mes pleures. Qui aurait cru que quelques minutes avant nous étions en train de nous embrasser ? Même dans cet échange unique, je l'avais cru sincère. Il cachait tellement bien son jeu.
- Tu n'as pas hésité à jouer avec moi, continuai-je.
Son silence était encore plus lourd. C'était comme s'il n'entendait pas ce que je disais. Comme si cela ne l'atteignait pas. Pourquoi était-il si impassible ?
Point de vue de Justin.
Ma gorge était nouée. Cela me faisait mal de la voir comme ça. Mais je ne pouvais rien faire. C'était mieux ainsi. Je lui avais fait trop de mal. Il valait mieux qu'elle m'oublie.
Même si je voulais la prendre dans mes bras et lui dire qu'elle ne devait pas pleurer parce que tout ce que lui avait dit Chris était faux, je devais résister.
Elle était si belle même quand elle pleurait. Je m'en voulais tellement de lui faire subir tout ça.
Elle m'avait avoué qu'elle m'aimait. Je n'avais pas réfléchi et je l'avais embrassé. Ce que j'avais ressenti pendant ce baiser était incomparable. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant. J'avais cru pendant ces quelques secondes être dans un autre monde. C'était nouveau, c'était inattendu. J'avais eu raison d'avoir peur. Elle était différente. Elle m'avait rendu différent.
Mais je ne pouvais pas lui donner l'amour qu'elle me demandait. Je n'étais pas prêt pour toutes ces histoires à l'eau de rose dont je me moquais. Elle devait se contenter de mon amitié.
Mais ce n'était pas ce qu'elle voulait, je le savais. Je savais qu'elle ne voulait pas que d'une simple amitié avec moi. J'aurais du tout arrêter quand il en était encore temps. Mais c'était plus fort que moi. Plus je la voyais, plus je m'attachais à elle et j'avais fini par avoir constamment besoin d'elle à mes côtés.
Qu'est-ce qu'il m'arrivait ? Pourquoi était-ce si difficile de me séparer d'elle ? Pourquoi était-ce si difficile de la laisser partir ? Chris avait gagné. Il avait réussi à nous briser. Il avait finalement eu ce qu'il voulait.
Et je continuais de penser que c'était mieux comme ça.
Fin du point de vue de Justin.
Nous arrivâmes devant chez moi. Je détachai ma ceinture. Je le regardai comme un dernier appel. Une dernière chance pour qu'il me dise tout ce que j'attendais.
Ses yeux accrochèrent les miens. Je n'arrivais toujours pas à deviner ce qu'il ressentait. Je suppliais la Terre pour qu'il me retienne pendant que les larmes continuaient à couler sur mes joues.
- Je suis désolé Avery, dit-il enfin.
- J'aurais tellement voulu que tu sois sincère Justin.
- Je suis désolé.
Il venait ainsi de me confirmer que tout n'avait été qu'un jeu pour lui. Je n'entendrais donc pas les mots que j'avais toujours voulus entendre. C'était définitivement la fin entre nous.
Tomber pour lui n'avait pas été pas une erreur, mon regret était d'avoir pensé qu'il tomberait pour moi.
J'ouvris la portière et sortis. Le nuage sur lequel j'étais avait disparu et je m'étais écrasée comme une merde. J'étais plus bas que terre. Je ne me relèverais pas.
Je marchais sans me retourner vers la porte d'entrée. Le cœur lourd et vide à la fois. Tout avait changé dès à présent. Les choses étaient désormais claires.
Quand une chose se termine, une autre se commence. Ma relation avec Justin était désormais terminée, l'enfer venait de commencer.
...
Je fus réveillée par une lumière éclatante qui aveugla mes yeux pourtant fermés. Je les ouvris avec difficulté. Je découvris alors ma mère au pied de mon lit.
- Avery ! Tu as oublié que tu avais cours ? cria-t-elle explosant mes tympans.
Je grognai et me redressai. Je ne voulais pas aller au lycée. Je n'avais pas du tout l'humeur ni la force et encore moins l'envie nécessaire pour. Je regardai ma mère qui fronça les sourcils en découvrant tous les mouchoirs jetés sur ma moquette.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Tu es malade ? me demanda-t-elle.
Je secouai ma tête négativement avant de me mettre à pleurer à nouveau. J'étais fatiguée de fondre toujours en larmes mais c'était plus fort que moi. Mon cœur était brisé. Ma mère vint me prendre dans ses bras. Je ne refusai pas son étreinte. J'avais besoin d'elle dans des moments pareils, difficiles comme celui là.
- Eh Avery... murmura-t-elle. Qu'est ce qu'il ne va pas ?
Mes yeux me faisaient mal. Mon nez m'irritait mais je continuais de pleurer sans cesse.
- Allez, viens, on va en bas, je vais te préparer quelque chose, dit-elle.
Je me levai difficilement et nous descendîmes dans la cuisine. Je n'osais même plus me regarder dans la glace tellement je devais être dans un piteux état. Ma mère m'indiqua de m'asseoir sur le canapé ainsi je le fis. Elle m'apporta le plaid et je m'entourai de ce dernier.
Je me sentais sans vie. Je n'avais jamais connu de chagrin d'amour auparavant. Maintenant je savais que c'était quelque chose de terrible.
Je n'arrêtais pas de repenser à hier soir où nous avions eu notre premier baiser. Et puis, cette discussion qui avait été comme un adieu. Là où j'avais compris que Justin ne chercherait pas à me retenir.
- Tu ne veux pas m'expliquer ce qu'il s'est passé ? me demanda ma mère depuis la cuisine. Si tu ne veux pas, je comprends.
Je voulais tellement tout lui dévoiler mais Chris m'avait demandé de ne pas le faire. Et puis, bizarrement, je ne voulais pas que ma mère soit déçue de Justin. Elle était peut être le seul lien qui nous rattachait encore.
- Non, pas tout de suite maman, désolée, dis-je.
Les larmes coulaient abondamment sur mes joues. J'étais devenue une fontaine. Je sentis la bonne odeur du thé aux fruits rouges, ma mère savait que j'adorais ça.
Je m'en voulais autant de pleurer pour un garçon. Je voulais dire, je devrais être plus forte que ça. Chaque fille devrait être plus forte que ça. Mais c'était tellement plus fort que nous. Ça nous tuait de l'intérieur et nous avions juste l'impression d'être une bombe à retardement.
Ma mère me rejoignit avec deux tasses de thé à la main. Elle m'en tendit une que je pris. Je la remerciai. Je m'étais enfin calmée.
- Je vais prendre ma journée pour rester avec toi.
- Merci.
Je ne voulais pas lui dire que ça irait parce que j'avais vraiment besoin d'elle avec moi. Et puis, cela faisait longtemps que nous n'avions pas passé un moment rien que toutes les deux. Elle était la seule qui pourrait me remonter le moral.
Ma mère alluma la télé et démarra Netflix. Elle avait décidé que nous regarderions une bonne série pour me changer les idées. Elle opta pour Orange is the new black.
...
Nous étions le soir. Ma mère avait réussi à me changer les idées le temps d'une journée. Je la remerciais fortement pour cela. Mais dès que nous ne faisions plus rien, Justin revenait dans ma tête et cette boule dans ma gorge aussi. J'avouais espérer qu'il vienne me voir ou qu'il m'appelle simplement pour me dire qu'il ne pouvait pas me laisser partir. Mais cela ne se passerait que dans mes rêves les plus fous.
On sonna à la porte et ma mère vint l'ouvrir. Chris fit alors son apparition. Il me fit un sourire désolé voyant mon état avant d'embrasser ma mère. Puis, il me prit dans ses bras. Je commençais à apprécier ses gestes affectueux.
- Je ne sais pas ce qu'elle a, lui dit ma mère. Mais elle n'était vraiment pas bien.
Chris avait ses yeux verrouillés sur les miens avant de se placer en face de moi, de l'autre côté du bar, les bras posés dessus. Ma mère lui avait donc dit que je n'étais pas bien.
- Je vais m'occuper d'elle, ne t'inquiète pas, lui répondit Chris.
- Je vais prendre ma douche alors.
Ma mère m'embrassa le front avant de s'éclipser. Je me retrouvai alors seule avec Chris pour la troisième fois. Mais cela ne me dérangeait plus. Plus maintenant que je savais la vérité.
- Ça va aller Avery, me rassura-t-il.
- Il n'a rien démenti de ce que vous m'avez dit, rien, dis-je.
- Parce que je t'ai dit la vérité.
- Je le hais.
- Tu ne le reverras plus maintenant ?
- Non, plus jamais.
- C'est bien Avery, approuva-t-il. Tu sais que c'est mieux comme ça.
J'hochai la tête.
- Tu es amoureuse de lui ?
- Je crois, répondis-je.
- Ne t'inquiète pas, tu vas vite l'oublier.
- J'espère que c'est aussi facile que vous le dites.
- Tu sais que tu peux me tutoyer Avery, sourit-il.
- C'est vrai, j'avais oublié, souris-je.
J'étais contente de voir qu'il prenait son rôle de beau père à cœur. Il était vraiment sincère. Finalement, c'était moi qui avais eu le cœur brisé entre ma mère et moi, et je préférais mille fois que ça soit moi plutôt qu'elle.
Nous passâmes la soirée tous les trois ensemble et Chris dormit même avec ma mère. Peut être que tout cela était un mal pour un bien. Je voyais ma mère épanouie, heureuse, c'était le plus beau des cadeaux. Mais je ne pus m'empêcher de pleurer à nouveau de retour dans mon lit. Le mal en moi ne disparaissait pas.
...
Trois semaines s'étaient écoulées. Je ne pouvais pas dire que j'allais mieux. Je survivais simplement. J'avais bien évidemment repris les cours la dernière semaine avant les vacances. Je n'avais pas recroisé une seule fois Justin dans le train.
C'était vraiment la fin.
Je me sentais parfois nostalgique. Je ne pleurais plus. Mais je n'avais toujours pas tourné la page. Mon cœur attendait toujours d'être un jour réparé.
Ma mère et Chris filaient le parfait amour. Ils étaient beaux à voir. C'était la seule chose qui arrivait encore à me faire sourire. Jake avait définitivement lâché l'affaire avec moi et lui et Carrie semblaient être à nouveau très liés.
Il n'y avait que chez moi que ça n'allait pas.
J'avouais me sentir seule. C'était pire qu'avant. J'avais l'impression de ne plus appartenir à ce monde. Je ne me sentais pas à ma place. Oui, Justin me manquait. Oui, je me trouvais parfois à rêver de ses lèvres sur moi et de ses mains caressant ma peau.
Je me demandais si je lui manquais aussi. S'il pensait parfois à moi. Puis je me rappelais que je n'avais jamais compté pour lui. C'était incroyable comment nous pouvions dépendre d'une seule personne. C'était comme si notre monde tournait autour de la personne que nous aimions.
Je venais de terminer le premier jour de cours après les vacances. Maintenant que je ne voyais plus Justin, je pouvais me reconcentrer pleinement sur mes études. Ce n'était pas aussi amusant que de passer des moments avec lui évidemment.
Je payai mon billet et le compostai avant d'aller sur le quai. C'était là où tout avait commencé. C'était là où je l'avais rencontré pour la première fois. Je m'en rappelais comme si c'était hier. Je n'aurais jamais pensé qu'il changerait comme ça ma vie. Il m'avait prise par surprise.
Le train arriva et j'entrai à l'intérieur. Je m'assis à ma fidèle place. Mais Justin lui n'était plus fidèle à la sienne. Le Quai 27 n'avait plus la même importance sans lui.
Je me demandais si c'était Chris qui lui avait ordonné d'arrêter de prendre le train à la même horaire que moi ou si c'était Justin qui avait décidé de lui même. À vrai dire, je ne savais même pas si Justin prenait toujours le train. Chris refusait de me parler ne serait-ce qu'une seconde de lui sous prétexte que cela raviverait la flamme que j'avais en moi pour lui. Il ne voulait ni me donner plus de détails sur son travail ni me dire ce que faisait Justin pour lui.
Tout ce que je savais était que Chris était le patron de sa propre compagnie et que Justin avait un poste dedans.
Et de ce que j'avais découvert par moi même, cette compagnie était secrète et des filles demandaient à être embauchées en choisissant la catégorie qu'elles voulaient intégrer, la une, la deux ou la trois.
Je devais réussir à intégrer la compagnie, me faire passer pour l'une d'entre elles et enfin je connaîtrais toute la vérité. Car oui je voulais toujours la connaître. Ce que je savais déjà ne me satisfaisait pas. Et oui, peut être que j'espérais aussi recroiser Justin.
...
Je me présentai dans une cabine téléphonique à côté de chez moi. Je composai le numéro de téléphone de Justin. Il fallait que j'aie un rendez vous afin que l'on m'amène à ce fameux "QG".
Mon cœur battait très vite. Ma main qui tenait le téléphone tremblait. J'allais peut être enfin entendre sa voix pour la première fois depuis trois semaines.
Le téléphone sonna une fois, puis deux, puis trois. Je retenais ma respiration.
- S'il te plaît, réponds, murmurai-je.
Le téléphone sonna une quatrième fois. Il ne répondrait pas.
- Allô ?
Je relâchai ma respiration. Un frisson me parcourut. Sa voix m'avait tellement manquée.
- Ju... raclai-je ma gorge pour changer de voix. Justin ?
- Oui ?
- Je... Je m'appelle Ana, j'aimerais intégrer la compagnie. J'ai besoin d'argent, dis-je d'une voix presque tremblante.
- Ana ?
- Oui.
J'avais l'impression de revivre. Rien que d'entendre sa voix arrivait à plaquer un sourire béat sur mon visage. Mais je devais rester concentrée et ne pas faire de gaffe.
- Tu as quel âge ?
- Dix neuf ans.
- Quand tu veux l'intégrer ?
- Le plus tôt possible, répondis-je.
J'essayais de changer ma voix pour qu'il ne me reconnaisse pas. J'espérais que c'était crédible.
- Demain c'est bon ? proposa-t-il.
- Oui.
- On se rejoint devant la gare de San José à dix sept heures, ça te va ?
- D'accord. Merci.
- À demain Ana.
Il raccrocha. Je reposai le téléphone et soufflai. J'en frissonnais encore. Je n'arrivais pas à croire que j'allais le revoir. Après tant d'attente. Et même si je lui en voulais toujours autant, même si je le détestais toujours, j'avais besoin de le revoir.
...
Mardi, dix sept heures, j'avais terminé les cours. Je quittai le lycée et me dépêchai de regagner la gare. Je me dirigeai directement dans les toilettes et m'enfermai dans un des cabinets.
Je sortis de mon sac les vêtements de rechange que j'avais prévus pour me "déguiser". J'ôtai mon jean et mon pull pour enfiler une robe noire moulante que j'avais achetée à la dernière minute hier.
Il fallait que je fasse vite. Je ne devais pas être trop en retard. Pour ne pas être ridicule, je remis mes converses puisque je ne savais pas marcher avec des talons.
Je mis du rouge à lèvres et maquillai mes yeux du mieux que je pouvais en espérant que ça changerait quelque chose puis j'entassai dans mon sac mes habits et quittai les toilettes presque en courant. Je sortis de la gare mon sac sur le dos. Dehors, je cherchais Justin du regard et le trouvai adossé à un poteau. Mon coeur se remit à battre rapidement.
Je m'approchai de lui. J'étais nerveuse. Les battements de mon cœur devenaient plus bruyants. Il me vit arriver. Ses yeux m'électrifièrent. Il était tellement beau. Il n'avait pas changé. Il était vêtu d'une veste couleur kaki avec un t-shirt blanc en dessous et d'un jean noir troué. Il était magnifique.
Je m'avançai timidement vers lui. La robe qui me moulait le corps me gênait. Je n'étais plus qu'à un mètre de lui. Son odeur pénétra dans mes narines. Cela m'avait manqué aussi.
Il me sourit avant de me regarder de haut en bas et d'agrandir son sourire. Puis il me tendit sa main. Je la pris. Une vague de chaleur m'envahit.
- Ana, dis-je.
- Justin. Tu es sûre d'avoir dix neuf ans ?
- Oui, mentis-je.
- Bien. On y va ?
J'hochai la tête. Je bouillais en moi. J'étais tellement heureuse d'être avec lui en ce moment. Je voulais le prendre dans mes bras et lui dire qu'il m'avait manqué. C'était très dur de résister.
Nous marchâmes vers la gare. Il ne décrochait pas ses yeux de moi. C'était déstabilisant. J'avais oublié quel effet cela me faisait.
- Pourquoi tu as besoin d'argent ? me demanda-t-il.
- Je... J'ai du mal à payer le loyer.
- Ah tu vis toute seule ?
- Oui.
J'essayais de cacher le plus possible mon visage à l'aide de mes cheveux. Il ne devait pas me reconnaître.
Nous arrivâmes à l'intérieur de la gare et il paya mon billet et le sien. J'étais étonnée de savoir qu'il ne fraudait pas. Puis, nous regagnâmes le Quai 27. J'avais l'impression qu'il revivait maintenant que Justin était revenu.
Mais comment cela se faisait qu'il m'ait donné rendez vous ici alors que je pensais qu'il ne prenait plus le train à cette heure ci ? S'était-il juste caché pendant tout ce temps ?
Le train arriva et nous entrâmes à l'intérieur. Il nous fit asseoir à une place lambda. Pour la premiere fois, j'allais faire le trajet avec lui.
Il posa son coude sur le dossier de son siège et soutint sa tête à l'aide de sa main. Il était tourné vers moi. C'était comme s'il ne pouvait pas s'empêcher de me regarder. Était-ce la robe que je portais qui le rendait si captivé ? Moi j'osais à peine poser mes yeux sur lui.
- Comment tu sais pour la compagnie ? demanda-t-il.
- C'est une amie qui m'a mise au courant.
- Tu es consciente de ce que tu vas devoir faire ?
- Euh... Je... Je crois. Tu peux me le rappeler ?
Il rit et se replaça correctement. Il regardait maintenant droit devant lui. Je me demandais pourquoi il n'était pas avec moi comme il l'était avec les autres. Pourquoi il ne m'embrassait pas, pourquoi il ne s'amusait pas avec moi comme il le faisait avec les autres ?
Il restait là silencieux. Il semblait être perdu dans ses pensées. Je ne savais pas quoi dire. Je jouais un personnage qui ne me ressemblait pas. Devais-je être plus avenante pour être crédible ou ne rien faire ?
Le train arriva à l'arrêt Palo Alto mais Justin ne se leva pas. Je fronçai les sourcils. Ne devions nous pas sortir à cet arrêt là ?
- Il ne faut pas qu'on sorte ?
- Non. Ce n'est plus là le point de rendez vous, me répondit-il sans me regarder.
- Ah...
Les choses semblaient avoir alors changé depuis. Le train reprit son trajet. Justin ne disait toujours rien. Avait-il quelque chose qui clochait ?
- Tu... Euh... Ça fait longtemps que tu travailles dans la compagnie ?
- Ouais.
Je déglutis. Il n'était vraiment pas bavard. S'il savait qu'en réalité c'était moi... Il aurait certainement beaucoup plus de choses à me dire. Ou pas finalement.
Nous arrivâmes à l'arrêt de Sunnyvale. Il se leva subitement. Le point de rendez vous était maintenant dans mon quartier ? C'était possible. Peut être que Chris avait voulu cela pour pouvoir être proche de la maison.
Il se mit à marcher vers la sortie et je le suivis. Nous quittâmes rapidement la gare. Il était distant. C'était très étrange.
Il avançait devant moi rapidement. Je me demandais ce qu'il allait m'arriver après que je serais entrée dans un des vans et que Justin ne serait plus là. Où allait-on m'emmener ? Dans quoi allais-je faussement m'engager ?
Justin tourna dans une petite ruelle très peu fréquentée et ralentit. Où étaient les vans qui étaient censés m'attendre ? Il n'y avait personne ni même l'ombre d'un chat ici. Je croisai les bras sous ma poitrine. Je devenais perplexe.
J'arrivai à sa hauteur tellement il avait ralenti ses pas. Que faisait-on là ? Il se tourna subitement vers moi et me plaqua contre le mur. Ma respiration se coupa quand ma tête heurta durement la façade de la maison. Qu'allait-il me faire ?
Justin s'approcha dangereusement de moi sans coller nos deux corps. J'arrivais à entendre les battements de mon cœur qui s'agitaient.
Nos nez se frôlaient. Son souffle balayait mon visage. Cela faisait si longtemps que nous n'avions pas été si proches l'un de l'autre. Je me sentais revivre.
Il parcourut son souffle chaud le long de ma mâchoire. Tous mes membres semblaient s'embraser. Je ne réalisais pas qu'il était là, si près de moi.
J'oubliais tout ce qu'il s'était passé auparavant. Le chagrin d'amour qu'il m'avait causé. Les derniers mots que l'on s'était échangés. Il n'y avait juste que lui et moi, seuls, dans l'instant présent.
Il remonta son visage en face du mien. Ses lèvres n'avaient pas une seule fois rencontré ma peau. Nos regards s'accrochèrent. Ses iris caramels m'avaient tellement manqué. Elles me perçaient. Nos nez rentrèrent en contact à nouveau. Je sentis ses doigts glisser lentement le long de ma hanche. Il savait exactement comment me rendre encore plus folle de lui. Puis, il expira.
- Tu pensais que je ne te reconnaîtrais pas, Avery ?
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