Solitude !
— Croyez-vous sincèrement qu'il accédera à notre requête ? interrogea Sakura.
Les deux shinobis étaient assis autour de la table centrale, en train de partager un repas de midi.
Deux jours s'étaient écoulés depuis l'envoi de leur missive, et l'attente de la réponse du Daimyô de Ta No Kuni était palpable. Si sa réponse se révélait positive, leur plan progresserait avec une célérité accrue. Cependant, en cas de refus, la seule voie plausible serait probablement de l'éliminer.
— En quelque sorte, il n'a guère le choix, déclara Madara d'un ton assuré. Il serait même dans son intérêt de consentir. Refuser une requête émanant du clan Uchiha, surtout de son leader, serait très mal perçu. Le brun expliqua cela en saisissant délicatement un morceau de poisson avec ses baguettes.
— Nous serons bientôt fixés de toute façon, ajouta Madara, son regard fixé au loin. Un point sombre se dessinait à l'horizon, prenant progressivement forme : un rapace. La convocation de Madara était de retour, se rapprochant et atterrissant finalement sur la table en quelques battements d'ailes. L'oiseau s'inclina respectueusement devant son maître.
— Uchiha-sama, salua l'animal d'un ton empreint de respect.
— Rapport, ordonna le brun d'une voix impérieuse. Une intonation que Sakura n'avait que rarement entendue. À travers sa voix, émanait toute sa puissance, sa détermination... il était né pour diriger, un véritable chef.
— Le Daimyô de Ta No Kuni a réagi immédiatement à la lecture de votre missive, Uchiha-sama, rapporta l'aigle royal en se redressant fièrement. Après avoir pris quelques instants pour réfléchir, il a pris une décision. Il a renvoyé tous les témoins de la pièce, à l'exception de ses gardes du corps, et a rédigé lui-même sa réponse.
L'Uchiha trouva une satisfaction particulière dans ces premières paroles. Le Daimyô accordait une réelle importance à sa lettre, au point de prendre la peine de rédiger personnellement sa réponse. Un acte assez rare parmi les dirigeants des nations.
— Qu'a-t-il fait du message que nous avons envoyé ? interrogea-t-il.
— Brûlé dans un brasero, Uchiha-sama, répondit promptement l'oiseau, ignorant superbement le regard de Sakura.
— Parfait, s'exclama Madara en ouvrant l'étui à parchemin pour révéler son contenu. Un parchemin de qualité : le Daimyô prenait cette affaire très au sérieux.
À l'attention éminente d'Uchiha-dono,
Le flux incessant du temps façonne le monde, modelant son destin au gré des événements qui s'y succèdent. L'époque vénérable de Muromachi a cédé la place à une ère nouvelle, enterrant avec elle l'âge des Dieux Shinobi, jadis garants d'une stabilité précaire. Comme vous l'avez si judicieusement souligné, les prémices de la guerre se profilent à l'horizon.
En dépit de mes aspirations profondes pour la prospérité de ma patrie et la quête de la paix, je conçois que votre proposition soit intrinsèquement liée à l'inévitable fracas des combats et au flot du sang versé. Tel que le dicton l'affirme avec sagacité, celui qui souhaite la paix doit se préparer à la guerre.
Refuser votre offre serait, certes, une démarche suicidaire de ma part. Votre empreinte dans la genèse des nations élémentaires qui donnent vie à mon pays est indéniable. J'ose entrevoir que votre apparent trépas est une stratégie habile, orchestrée pour permettre votre retrait dans l'ombre, où vous manœuvreriez plus aisément.
En tant que Daimyô Hashuba Shôta de Ta No Kuni, je m'incline devant votre proposition, Uchiha-dono. C'est avec l'espoir tendu et l'attente prudente que je prends la responsabilité de ce choix crucial.
Dans l'expectative de vos directives, je me tiens prêt à agir selon vos volontés.
— C'est parfait, dit Madara en déposant le parchemin sur la table. Ils avaient désormais le champ libre pour gérer le pays de Ta No Kuni. Je te laisse aller chasser mon ami et te reposer. D'ici trois heures je te confierais un autre courrier et tu pourras retourner chez toi après l'avoir livré.
— A vos ordres, Uchiha-sama, s'inclina l'animal avant de s'envoler dans la vallée pour chasser de quoi manger.
— Nous avons besoin de ressource désormais, dit Sakura plus pour elle-même que pour le brun à ses côtés.
— Oui, et nous devons faire cela discrètement, confirma Madara, alors que Sakura se dirigeait vers son bureau. Elle sortit une fois de plus un parchemin et se prépara pour écrire une nouvelle missive à l'attention du Daimyô.
— Je vous écoute Uchiha-san.
Seigneur Daimyô,
Au sein de toute nation, une économie robuste constitue la pierre angulaire de toute entreprise. Je vous rassure, mes coffres regorgent d'une inépuisable richesse, prête à soutenir une série de conflits. Cependant, la puissance financière seule ne suffit pas sans les ressources nécessaires.
Je vous sollicite afin de constituer d'immenses provisions. Peu importe la méthode, mais il vous faut rassembler autant de vivres que possible pour une résilience sur plusieurs années. Entrez en contact avec divers pays pour obtenir des approvisionnements alimentaires, tels que du grain, blé, riz, et tout ce qui peut se conserver à long terme. De plus, si vous avez accès à un expert en Fûinjutsu, envisagez de sceller des légumes, des fruits et de la viande.
Collaborez avec vos conseillers pour élaborer diverses excuses auprès des différentes nations. Mauvaises récoltes, infestations, croissance démographique soudaine — à vous de choisir, mais faites preuve de discrétion.
Il vous incombe également d'accumuler d'importantes matières premières. Lancez un projet d'expansion de votre capitale, érigez de nouvelles habitations et commerces. Pourquoi ? Tout deviendra clair dans un avenir proche. Commandez d'abondantes quantités de bois à Hi No Kuni, de pierre à Tsuchi No Kuni, de fer à Kaminari No Kuni, exploitant chaque richesse nationale au coût le plus avantageux possible.
Il est impératif de constituer des réserves substantielles pour l'avenir, quelles que soient les méthodes employées. L'essentiel est de demeurer discret et astucieux. Si vous parvenez à opérer sans éveiller de soupçons pendant au moins six mois, la victoire sera nôtre.
Dès que mes engagements me le permettront, je me rendrai à votre cour chargé d'argent pour enrichir vos coffres. Utilisez votre trésor actuel avec discernement en attendant ce jour.
Bien à vous.
— Ne mettez pas de cire et apportez-moi un kunaï ainsi qu'une plume inutilisée, ordonna Madara d'un ton impérieux.
— Que comptez-vous faire ? interrogea Sakura en s'approchant de son patient à la table centrale. Elle fit apparaître un kunaï d'un de ses nombreux sceaux dans un nuage de fumée, puis le tendit au brun. Celui-ci approcha le parchemin devant lui avant de saisir l'arme. D'un geste assuré, il se fit une petite entaille sur le pouce, puis plongea le dessus de sa bague pour l'en imprégner. Apposant ainsi le sceau du clan Uchiha avec son propre sang sur le parchemin, il saisit ensuite la plume vierge qu'il déposa sur l'entaille, la couvrant du liquide écarlate. Il signa avec emphase : Uchiha Madara.
— Je viens de poser un acte de sang, démontrant mon engagement à tenir parole dans la lettre, expliqua le brun face à la question silencieuse de la jeune femme. Il se mit à sucer légèrement son pouce pour stopper le saignement.
— Très bien, mais montrez-moi d'abord votre pouce que je règle cela, exigea Sakura en saisissant le bras de l'Uchiha.
— J'ai fait ma part, à présent, j'aimerais savoir quelles sont vos intentions une fois la guerre déclenchée. Comment comptez-vous procéder, Haruno-san ? demanda Madara, son pouce désormais dépourvu de cicatrice.
— Les grandes puissances ne se livreront pas bataille en leur propre territoire...
— Que voulez-vous dire ?
— Les petits pays vont en subir les conséquences. Plusieurs alliances sont faites entre de grands pays et de plus petits pays qui ne sont que des vassaux. Mais ce sera sur leurs terres que les batailles se feront. Donc j'ai l'intention d'aller dans ces pays et d'évacuer le plus de monde possible... après les batailles, expliqua Sakura dont sa propre phrase lui fit du mal.
— Pourquoi pas avant ? S'étonna le brun.
— Car j'ai malheureusement besoin qu'ils soient désespérés pour leur proposer notre aide, un foyer, de quoi manger et une nouvelle famille, dit Sakura d'une voix déterminée.
— D'accord, je veux que vous tentiez de vous redresser sur vos deux jambes, annonça Sakura au brun qui était actuellement assis au bord de son lit. La jeune femme se tenait à ses côtés, prête à le soutenir en cas d'échec.
Madara s'attendait à un autre rituel de guérison de la part de la jeune femme, visant à soulager son dos et à préparer ses jambes. Cependant, il semblerait que pendant qu'elle travaillait sur ses terminaisons nerveuses, elle ait également restauré la fonction de ses membres inférieurs. C'est avec une grande surprise et satisfaction que Madara obtempéra. Il posa sa main droite sur le rebord du lit, entamant ainsi la tâche de se mettre debout sur ses deux jambes.
Il ressentit une douleur dans le bas de son corps à cause de l'effort, discernant le tremblement dans ses membres inférieurs.
— Arrêtez ! ordonna Sakura en voyant que Madara éprouvait des difficultés. Elle se positionna alors devant lui et lui proposa :
— Posez votre main droite dans la mienne et servez-vous de moi comme appui.
Madara maintenait sa fierté, même dans l'effort de récupérer le contrôle de son corps, mais il était capable de la mettre de côté pour le moment. Il glissa sa main dans celle de la jeune femme et fut surpris par sa douceur. Ordinairement, les mains d'un ninja étaient rudes et marquées par les rigueurs de l'entraînement. Cependant, les siennes étaient délicates, une caractéristique qui le captivait. Il avait déjà remarqué cette douceur à travers ses soins antérieurs, mais aujourd'hui, c'était différent.
Utilisant la force de son bras, Madara se redressa lentement, et Sakura demeura impassible malgré le poids de son patient. Graduellement, il parvint à se lever, ses membres tremblants sous la demande inhabituelle qui leur était faite.
— Rasseyez-vous, ordonna Sakura après un court moment. "Il semble que les dégâts soient presque tous réparés," confirma-t-elle avec satisfaction.
Elle avait accompli une tâche périlleuse et complexe. À plusieurs reprises, elle aurait pu involontairement causer la mort de son patient, mais elle n'était pas une novice; elle était Sakura Haruno.
De retour sur le lit, Madara s'installa et Sakura s'agenouilla, plaçant ses mains chargées de chakra sur les membres inférieurs du brun. Tout en appliquant son chakra curatif, elle exécutait des mouvements de flexion et d'extension sur les jambes de Madara.
— Aucune gêne? demanda-t-elle, son ton professionnel cachant à peine une pointe d'inquiétude.
— Non, répondit le concerné, son regard fixé sur la femme en charge de ses soins.
— Bien, essayez de fléchir votre jambe droite au maximum par vous-même, sans utiliser de chakra, demanda Sakura en posant la jambe concernée au sol. Madara s'exécuta et parvint à fléchir très légèrement, ses muscles encore trop faibles ne lui permettant pas d'élever la jambe plus haut. "Est-ce comparable à la sensation que l'on ressent lors des exercices abdominaux?" interrogea-t-elle, cherchant à comprendre le ressenti de son patient.
— Non, je sens que ma jambe réagit à mes ordres, mais je n'ai simplement pas la force, avoua le brun, tentant en vain de fléchir un peu plus son membre.
— Maintenant, tendez votre jambe, mais ne l'étirez pas, continua Sakura avant que le brun ne s'exécute avec une facilité accrue. D'accord, l'extension semble plus aisée que la flexion, remarqua-t-elle. Maintenant, effectuez une rotation de votre jambe vers l'extérieur, puis vers l'intérieur, lentement.
— J'ai ressenti une légère décharge du genou jusqu'au bas du dos, confia Madara après avoir pivoté sa jambe vers l'extérieur. Sans attendre, Sakura plaça ses mains expertes sur le genou, déployant son Iryô Ninjutsu.
— Poursuivez le mouvement de rotation pendant que je localise le problème, ordonna Sakura.
Madara pivota à nouveau sa jambe, et la petite décharge se manifesta.
— Là ! C'est pareil, signala Madara en se crispant.
— Restez dans cette position. Si la douleur devient trop intense, arrêtez-vous, conseilla Sakura, décelant la source du problème.
— Pourquoi cela arrive-t-il ? demanda l'Uchiha, qui avait récemment achevé le premier livre de Sakura Haruno, développant ainsi un intérêt accru pour le corps humain.
— C'est l'un des effets secondaires de ce qu'Hashirama vous a fait subir. Cela a affecté le nerf sciatique. La douleur que vous ressentez est due à un problème mécanique au niveau du segment mobile lombaire, que ce soit au niveau des articulations, des ligaments ou des muscles. Ces facteurs sont responsables des douleurs irradiant de la colonne vertébrale jusqu'à l'arrière de vos genoux.
Sakura exposa ces explications avant de se lever pour inspecter le dos de l'homme.
— Maintenez la position et indiquez-moi quand la douleur atteint son point culminant dans votre dos, ordonna-t-elle, plaçant deux doigts en bas du dos et remontant doucement le long de sa colonne vertébrale.
— Ici, s'exclama Madara une fois qu'elle eut atteint la vertèbre dorsale D12.
— Inspirez, annonça la jeune femme en posant deux de ses doigts de manière perpendiculaire avant d'injecter une fois de plus une grande quantité de chakra.
— Ahh ! Hurla Madara, qui, bien que ce ne fût pas la première fois qu'il subissait ce genre de douleur, ressentait toujours une souffrance atroce à chaque injection. Une nouvelle vague de douleur l'envahissait, se propageant implacablement dans tout son être. C'était certes moins insupportable que la première fois, mais la douleur persistait, lancinante.
— Prenez de petites respirations, chuchota Sakura à son oreille tout en massant son dos.
Depuis que Madara avait accepté de l'aider, Sakura avait ajusté son attitude. Elle avait relégué au second plan sa perception du Madara de sa propre chronologie, focalisant son attention sur l'homme devant elle. Un homme doté d'une vision totalement différente, n'ayant pas eu l'occasion de méditer sur le plan de l'Œil de la Lune et non influencé par Zetsu Noir.
Si l'on faisait abstraction de cette connaissance d'un monstre potentiel, Madara émergeait comme une personnalité des plus intrigantes. Assurément, un individu au caractère bien trempé, auquel elle aurait volontiers ôté toute virilité, mais qui semblait désormais la considérer comme son égale. Cette évolution, probablement résultante de l'observation attentive de toutes ses compétences et des soins qu'elle lui prodiguait, était un élément qui ajoutait à la complexité de leur relation.
En à peine deux mois, Sakura avait découvert un individu captivant, animé par une curiosité palpable, une détermination affirmée, une fierté manifeste, et une notion profonde de l'honneur. Elle discernait par intermittence un aspect plus doux et fragile chez lui, une facette qu'il dissimulait habilement, soucieux que nul ne perçoive cette vulnérabilité.
— Ça va mieux ? demanda doucement Sakura, continuant son massage sur la vertèbre.
— Oui, répondit Madara faiblement.
— Refaites le mouvement avec votre jambe gauche et dites-moi si la sensation persiste.
Le brun s'appliqua à exécuter les mouvements prescrits et constata qu'il ne ressentait plus la gêne ni la douleur. Les traitements l'avaient légèrement essoufflé. La jeune femme attendit qu'il récupère avant de se mettre à genoux devant lui, expliquant qu'ils procéderaient de la même manière avec la jambe droite. Bien que l'Uchiha appréhendât un peu, étrangement, cela semblait plus aisé de ce côté-ci. Pourquoi ? Il n'en avait aucune idée, mais il parvint à soulever cette jambe un peu plus haut que l'autre. Interrogative, il ne tarda pas à questionner la femme aux cheveux roses, qui continuait de surveiller les mouvements du membre droit tout en prodiguant des consignes.
— Je suppose que vous êtes droitier, n'est-ce pas ?
L'homme acquiesça d'un hochement de tête.
— Vous avez involontairement plus musclé votre bras droit ainsi que votre jambe droite. Vu que celle-ci était plus développée que la gauche, il est plus facile de l'utiliser maintenant, répondit Sakura de manière professionnelle.
— Je n'ai aucune douleur quand je pivote, anticipa Madara, effectuant déjà une rotation après avoir étendu la jambe.
— Parfait ! s'enthousiasma Sakura, lançant un regard à Madara avec un sourire légèrement sadique. Désormais, chaque jour, nous allons intégrer des exercices de rééducation pour vos jambes. Mais commençons par reprendre vos exercices abdominaux.
Elle aida le brun à s'allonger confortablement sur le sol, puis plaça ses mains sur ses genoux.
— Allez, faites-moi une série de cinq et retenez votre tronc à la sixième remontée, ordonna Sakura en fixant le brun droit dans les yeux.
Madara s'exécuta, accomplissant son exercice pour renforcer progressivement ses muscles sans mettre en péril son dos. Depuis quelques jours, le haut de son corps répondait correctement, hormis son bras gauche. La douleur à ses cicatrices avait totalement disparu, laissant place uniquement à la sensation de l'effort.
— Retenez encore dix secondes...
C'était devenue leur nouvelle routine matinale. Les soins internes étaient exécutés plus rapidement, mais les exercices physiques s'étiraient désormais sur une durée plus longue.
La journée s'était écoulée dans la quiétude apparente du monde de Madara et Sakura. Ils avaient exécuté leur rituel médical, suivi des exercices de rééducation, ponctués par un repas silencieux accompagné de mélodies envoûtantes émanant du gramophone.
Pour Madara, toutefois, la rééducation avait laissé des séquelles éreintantes, le plongeant rapidement dans un sommeil profond cette nuit-là. Il n'avait plus besoin du soutien du chakra pour s'endormir, sauf lorsque son médecin estimait cela nécessaire.
Deux heures plus tard, dans l'obscurité paisible, Sakura décida de rejoindre les bras réconfortants du sommeil. Elle éteignit les bougies de la pièce principale après avoir minutieusement inspecté toutes les entrées, une habitude inévitable pour une ninja évoluant dans une époque périlleuse. Elle portait sur ses épaules le fardeau de l'avenir du monde, ce qui la maintenait constamment en état d'alerte.
Naviguant silencieusement vers sa chambre, Sakura déposa sa bougie sur la table de chevet avec délicatesse. La jeune femme se dévêtit intégralement, plaçant chaque pièce de tissu dans la panière à linge. Elle opta ensuite pour une culotte en soie rose et un t-shirt noir, sa tenue habituelle pour la nuit.
En observant la pile croissante de linge, Sakura réalisa qu'elle devrait consacrer une partie de sa matinée à une corvée bien terrestre : le lavage au bord de la rivière.
La chambre de la kunoichi était d'une simplicité modeste, abritant deux meubles renfermant ses effets personnels, un lit trônant au centre accompagné d'une table de chevet, et une armoire discrète intégrée au mur.
Sur la table de chevet, reposaient deux photographies précieuses pour Sakura. L'une capturait l'éclatant sourire de ses parents, une image empreinte de chaleur et de nostalgie. La seconde mettait en scène l'équipe sept, immortalisée après l'ascension de Kakashi au rang de Rokudaime Hokage. Elle était consciente du danger que représentait l'exposition de telles photos, mais la situation de Madara ne lui permettait pas encore de se déplacer librement. Toutefois, elle savait que le temps viendrait bientôt où elle devrait dissimuler ces deux souvenirs photographiques.
Assise sur son lit, Sakura fixa le sol, plongeant dans ses pensées et revisitant les trois derniers mois de sa vie. Sa demeure était désormais érigée, des liens tissés avec un village, et une amitié forgée. Elle avait éradiqué le Zetsu Noir et avait décidé de sauver Madara, le guidant vers un chemin de pacification.
Bien des individus la jugeraient folle et traîtresse pour prêter main-forte à une figure aussi controversée. Mais ces critiques importaient peu pour elle. Sakura avait écouté les enseignements du Rikudô Sennin, adoptant une perspective qui lui permettait de voir le monde tel qu'il était, corrompu. Ce qui la tourmentait le plus n'était pas tant la misère ambiante, mais plutôt l'aveuglement délibéré des gens, espérant que le problème se résoudrait de lui-même.
Avec le temps qui s'étirait devant elle, Sakura avait minutieusement analysé la vision du Madara de son époque. Malheureusement, elle comprenait pourquoi il avait envisagé d'immerger le monde dans un Genjutsu. Le constat demeurait accablant : le monde était imprudent, cupide, égoïste, et semblait condamné à répéter éternellement ses erreurs. Plonger le monde dans une illusion pouvait sembler une solution, mais ce n'était pas la réponse adéquate.
Sakura appréhendait la justesse de cette vision, tout en refusant de l'accepter. Un monde dénué de libre-arbitre n'aboutirait qu'à une paix illusoire, tout comme celle qu'elle avait connue à son époque.
Par chance, Sakura avait empêché Madara d'être égaré sur le chemin funeste menant au plan de l'Œil de la Lune lorsqu'elle le sauva. Le Madara se trouvant dans la pièce adjacente n'avait pas encore eu soixante ans pour méditer sur cette conception machiavélique. Ainsi, la paix selon Uchiha Madara semblait être à portée de main, et Sakura était déterminée à le soutenir tout en perfectionnant cette vision.
Alors que leur stratégie prenait forme, Sakura se questionnait sur le sort des personnes qu'elle avait connues et aimées. Existeraient-elles dans ce futur remodelé ? Bien sûr, elles ne la reconnaîtraient pas, mais subsisteraient-elles malgré tout ? Les aspirations des deux protagonistes étaient sur le point de métamorphoser le monde tel qu'il était.
Un regard empreint de mélancolie se posa sur la table de chevet, où reposait le cadre contenant la photographie de ses parents.
— Père... Mère...
Des larmes inattendues perlaient sur le cadre. Bien qu'elle eût forgé sa force, la pensée que ses parents n'existaient plus et peut-être ne seraient jamais amenés à exister demeurait déchirante. Même si, par quelque étrange circonstance, ils réapparaissaient dans le nouveau futur à venir, ils ne la reconnaîtraient pas en tant qu'enfant, leur temporalité ayant subi une altération radicale. Plus jamais les êtres chers de son passé ne feraient partie intégrante de sa vie.
Elle s'allongea sur le lit, conservant la photo en face d'elle, puis, subitement, les émotions la submergèrent. Elle tenta de retenir, en vain, ce flot de douleur qui la replongeait dans son passé, évoquant les souvenirs des personnes aimées. Les larmes coulaient doucement, signes silencieux d'une détresse persistante.
Madara s'éveilla doucement, bercé par des murmures étouffés. Était-ce une illusion onirique qui dansait dans son esprit ? Il lui fallut quelques précieuses secondes pour retrouver ses esprits, pour rassembler les fragments de souvenirs qui flottaient dans l'obscurité de la nuit. La pièce était doucement éclairée par la lueur argentée de la lune, et il se rappela. Il était en convalescence.
Cependant, ce qui perturbait son repos était ce son étouffé, persistant. Avec une discrétion experte, il focalisa son chakra au niveau de ses oreilles, amplifiant ainsi son ouïe. Grâce à cette technique, le moindre bruissement devint distinct, révélant toute présence suspecte, notamment celle d'un éventuel intrus dans la demeure. Mais au lieu d'un adversaire, il identifia la source du chagrin dans l'ombre : Sakura.
Pourquoi pleurait-elle ? Était-ce en raison de sa présence ? Ou bien était-ce le fardeau de son propre passé qui la tourmentait ? Bien qu'elle n'eût pas dévoilé les détails de son histoire, les semaines passées à ses côtés avaient permis à Madara de déduire qu'elle avait traversé des épreuves, perdu beaucoup.
Madara, dont la vision des femmes avait toujours oscillé entre l'indifférence et le mépris, considérant leur faiblesse et leur inutilité, avait vu ses convictions vaciller au cours des deux derniers mois. Une transformation s'était amorcée, une métamorphose de sa pensée. Toute une vie à percevoir les femmes comme insignifiantes avait trouvé un contrepoids rafraîchissant en la personne de Sakura.
Elle possédait une dualité captivante : douce et gracieuse d'un côté, belle, et de l'autre, une dangerosité mortelle. C'était en grande partie grâce à elle que Madara avait évolué. La deuxième femme à ne pas s'incliner devant sa force, la seule femme qu'il considérait comme son égale. Il trépignait d'impatience à l'idée d'un affrontement amical ou de la voir sur un champ de bataille.
Elle lui avait également enseigné la valeur de la main tendue, une leçon qui avait sauvé sa vie. Par-dessus tout, il haïssait qu'on s'en prenne à ceux qu'il chérissait. Sakura s'était inscrite dans cette catégorie, et il ressentait une douleur lancinante à l'idée de l'entendre pleurer. Son corps agit de sa propre initiative, repoussant la couverture d'un geste déterminé. Il se redressa lentement pour s'asseoir au bord du lit, ignorant la douleur qui persistait. Il ne savait pas comment la consoler, mais il était prêt à tout.
La tâche la plus ardue l'attendait : il posa ses pieds au sol, tentant de maintenir son équilibre chancelant. Ses jambes tremblaient sous l'effort, et après quelques instants, Madara réussit à se tenir debout. Il fit un pas, puis un autre, mais son équilibre le trahit finalement, ses jambes n'étant pas encore prêtes à supporter une telle charge.
Il s'effondra bruyamment, poussant un râle de douleur, réussissant tout de même à amortir sa chute avec son bras valide. À peine une seconde après son impact au sol, Madara entendit des pas précipités résonner dans la maison.
À l'instant suivant, la porte de la pièce s'ouvrit bruyamment, laissant entrer Sakura. Elle avait retrouvé son attitude guerrière, prête à affronter un intrus imaginaire. Vêtue d'un simple t-shirt noir et de sous-vêtements, elle émettait une aura combative. Ses yeux verts luisaient légèrement dans l'obscurité, signe du chakra qui s'écoulait pour améliorer sa vision nocturne. Tenant un kunaï dans chaque main, elle était prête à en découdre. Madara remercia silencieusement l'obscurité qui dissimulait son rougissement face à une telle vision.
— Uchiha-san ! s'écria Sakura en découvrant Madara au sol.
Jetant un bref coup d'œil dans la pièce à la recherche d'une menace, elle comprit rapidement que Madara avait probablement chuté du lit. Lâchant ses armes, elle s'empressa de le rejoindre pour le prendre dans ses bras.
S'accroupissant, elle le souleva pour le déposer délicatement sur le lit. Alertée par le bruit de la chute, elle s'était précipitée, prête à défendre sa demeure et son patient. Dans cet instant, elle se moquait de sa tenue légère ou des larmes encore présentes sur son visage. Rien n'importait plus que la protection de Madara. Ignorant totalement l'embarras qu'il pouvait ressentir en la voyant dans cette tenue, elle alluma rapidement une bougie sur la table de chevet et s'inquiéta des raisons pour lesquelles l'Uchiha était à terre.
— Vous avez fait un cauchemar ? interrogea Sakura, examinant le corps du brun à la recherche de blessures.
— Non... je suis désolé, s'excusa Madara.
Cela prit Sakura au dépourvu. Elle ne comprenait pas pourquoi il lui présentait des excuses. C'était la deuxième fois qu'il s'excusait envers elle, la première étant suite à une tentative de meurtre orchestrée par un membre de son propre clan.
— Pourquoi ? interrogea Sakura, incertaine.
Finalement, Madara tourna son visage vers la jeune femme. Des larmes sillonnaient toujours ses joues, et ses yeux verts semblaient légèrement rougis. L'image le bouleversait profondément.
Levant doucement son bras droit, Madara déposa sa main sur la joue de Sakura, essuyant délicatement les larmes résiduelles. Sakura demeura pétrifiée, surprise par ce geste inattendu.
— Je n'aime pas vous voir pleurer, déclara Madara d'une voix grave tout en effaçant une seconde joue humide. Cela ne vous convient pas.
Perplexe, Sakura ne savait que penser de l'homme devant elle. Il se montrait délicat et semblait réellement se soucier de son état émotionnel. Qui aurait pu imaginer que Madara abritait un cœur dans sa poitrine ? De plus, il venait de faire une nouvelle allusion à sa beauté.
Le rougissement qui se dessina sur les joues de Sakura ne passa pas inaperçu. Elle saisit délicatement la main de Madara qui continuait d'essuyer ses larmes pour mettre fin à ce geste.
— Désolée, s'excusa-t-elle, tout en essuyant elle-même le reste de ses larmes, sans pour autant lâcher la main de l'Uchiha. Je ne voulais pas vous réveiller. Est-ce pour cela que vous êtes tombé ?
— Votre passé ? interrogea Madara, ignorant la remarque de Sakura. Il la vit baisser les yeux comme si elle ressentait de la honte.
— Oui, répondit-elle d'une petite voix émue.
— Voulez-vous en parler ? proposa Madara avec une sollicitude inhabituelle.
— Les gens que j'aime me manquent, confia doucement Sakura en serrant un peu plus fermement la main du brun.
— Avez-vous de la famille quelque part ? questionna doucement Madara, recevant en réponse un simple hochement de tête négatif de la part de Sakura. Elle semblait sur le point de céder à l'émotion, et c'est alors que Madara laissa émaner son chakra, formant une aura apaisante dans sa main et autour de lui.
Le chakra, souvent utilisé pour ce que les ninjas désignaient comme "l'intention de tuer", pouvait également servir à l'inverse. Quand il était suffisamment puissant, il pouvait envelopper quelqu'un de sentiments. Madara libéra alors un élan de compréhension, de protection, de sécurité, de chaleur et de réconfort.
— Les gens que nous aimons resteront toujours avec nous, déclara Madara avec sagesse, sa voix empreinte de réconfort, avant de pointer le cœur de Sakura avec leurs mains entrelacées. Ne les pleurez pas, vivez votre vie pour les rendre fiers de vous.
Sakura n'aurait jamais imaginé que le chakra puisse être utilisé de cette manière, et elle ressentit un léger soulagement. La puissance de Madara, perceptible à travers son chakra, sembla apaiser doucement ses pensées douloureuses. Cependant, elle ne put s'empêcher de se questionner sur les motivations de Madara. Pourquoi prenait-il le temps de réconforter une femme ? Pourquoi ne pouvait-il pas être l'homme qu'elle avait connu ? La haine aurait été tellement plus simple à cultiver que de laisser ces nouveaux sentiments s'installer.
— Merci...
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