Responsabilité !
Le cycle de la haine.
Sakura plongeait inexorablement dans les sinuosités de ce cycle infâme, une expérience qui lui dévoilait les sombres arcanes régissant le monde des shinobis depuis des temps immémoriaux. Elle se plaçait dans les bottes de ceux qui, animés par une vengeance implacable, avaient versé le sang au nom de la haine. Les cités, voire des civilisations entières, s'étaient effondrées sous le poids de ce désir brûlant de réparation.
La jeune femme, pourtant, était consciente du péril que représentait la haine, un torrent émotionnel incontrôlable. Non seulement elle octroyait un pouvoir dévorant à celui qui la nourrissait, mais elle avait aussi la capacité de submerger l'esprit, poussant la victime à commettre l'impensable avant d'en subir les implacables conséquences.
Sakura avait été témoin de la descente de Sasuke dans ce tourbillon dévastateur, sa vision obscurcie par une haine si intense qu'elle l'avait aveuglé à la vérité. Il avait laissé sa raison se figer, concentrant son esprit sur les certitudes qu'il avait choisi d'accepter, ignorant le reste.
D'une manière insidieuse, n'avait-elle pas elle-même succombé au tourbillon de la haine en anéantissant ce ver infect de Zetsu ? Cependant, Sakura était trop immergée dans le tumulte de ses propres émotions pour saisir cette réalité. Les affres de sa propre colère la consumaient, se manifestant dans les lignes crispées de son visage, la tension de ses membres, et l'éclat féroce de son regard.
La question taraudait son esprit : étancher sa soif de vengeance serait-il une chute irrémédiable dans le cycle de la haine ? Ou au contraire, un moyen de le briser ? Après tout, n'était-ce pas le châtiment mérité pour celui qui avait conduit à la perte de tous ses proches ? Malgré sa rage bouillonnante, une pensée perspicace réussit à percer le tumulte de ses émotions. *Je vaux plus que lui.*
Car, en fin de compte, anéantir celui qui était à l'origine de toutes ses peines ne la ramènerait-elle pas à son niveau ? Cette pensée ne trouvait pas grâce aux yeux de la jeune femme, même si c'était simplement pour apaiser son propre ego.
Elle fut arrachée à ses pensées en voyant le responsable de sa haine tousser légèrement du sang. Il se noyait dans ses propres liquides vitaux, et à moins d'une intervention, la mort était inéluctable. C'était le moment pour Sakura de rompre sa torpeur et de démontrer qu'elle se distinguait de cet homme.
À genoux devant lui, elle concentra du chakra au bout de ses doigts, façonnant un scalpel sous le regard inquiet de l'Uchiha. Avec une précision chirurgicale, elle découpa les sangles restantes de son armure à moitié détruite. Une fois les attaches rompues, elle arracha d'un geste vif le haut de son armure, le lançant plus loin. Un gémissement de douleur s'échappa des lèvres de Madara en réponse à cette action.
Sakura agrippa le haut en lin à la base du cou, découpant avec précision le vêtement maculé de sang, dévoilant ainsi le torse meurtri du brun. D'innombrables coupures, en apparence mineures, ornaient sa peau, mais la respiration saccadée et la montée laborieuse de sa poitrine indiquaient à Sakura qu'un des poumons était probablement perforé, ou du moins sévèrement endommagé.
— Q... Qui... êtes... vous ? articula Madara avec une difficulté évidente.
Des interrogations multiples tourbillonnaient dans son esprit alors qu'il scrutait cette figure au-dessus de lui. Les gestes de Sakura semblaient témoigner de sa volonté de le secourir. Mais pourquoi ? Après tout, à travers son regard il avait discerné la colère et la haine qui l'habitaient ! Alors, quelle était la motivation qui la poussait à tenter de le sauver ?
La femme aux cheveux roses déposa son sac rudimentaire sur le sol rocailleux, entreprenant une quête silencieuse à l'intérieur. De ses mains expertes, elle en extirpa une tige en acier inoxydable suivie d'une canule. Posant délicatement l'objet sur le torse ensanglanté de Madara, elle positionna la tige sur la face antérieure de son cou, entre le deuxième et le quatrième anneau cartilagineux, veillant à rester bien en dessous des cordes vocales.
— Gardez votre souffle ! intima Sakura d'une voix autoritaire, son visage révélant une concentration intense.
Pour Madara, ces gestes étaient totalement inédits. La pratique médicale n'était pas monnaie courante en cette ère ancienne, laissant de petites blessures aisément se transformer en menaces mortelles. Malgré cela, peut-être à cause de la perte de sang ou du sentiment d'avoir tout à gagner, il se conforma avec une obéissance surprenante. Il inspira du mieux qu'il put, retenant son souffle, ressentant une légère douleur au niveau de son cou pendant que quelque chose était inséré en lui.
— Maintenez la tête droite, relâchez votre souffle dans trois, deux, un...
Tandis qu'elle procédait à son décompte, Sakura scella l'accès au deuxième poumon, une simple pression de ses doigts à droite de la canule suffisant. La jeune femme venait d'effectuer une trachéotomie, offrant ainsi à Madara la possibilité de respirer artificiellement avec son poumon gauche tandis que le droit était mis en stase, saturé de sang.
La médecin extirpa promptement une gourde de son sac, l'ouvrant à la hâte pour déverser une importante quantité de liquide sur le torse de sa victime. Malheureusement, la pluie qui tombait n'était pas suffisante pour éclairer correctement la plaie. Une fois la blessure dégagée, son œil expert, fruit de sa connaissance et de sa préparation, identifia en un clin d'œil quelle partie du cœur avait été touchée durant le combat.
— Merde ! maugréa Sakura avant de s'installer à califourchon sur Madara.
Inclinant son corps en avant, elle agissait comme un rempart contre la pluie, préservant ainsi son travail méticuleux. Concentrant son chakra dans son index, il s'illumina d'une teinte verdâtre. Elle le positionna avec précision autour de la zone cardiaque de Madara. Chaque pression de son doigt déclenchait une grimace sur le visage du brun.
— Ne regardez pas, ordonna-t-elle d'une voix sévère.
Dans des circonstances normales, ce type d'intervention s'effectuait sur un patient endormi, et c'est pourquoi elle insistait sur le fait de détourner le regard, car tout le monde n'était pas en mesure de supporter une telle vision. Sakura replaça sa main à plat pour réactiver sa technique Chakura no Mesu, reformant ainsi un scalpel de chakra. Positionnant sa main de manière à être perpendiculaire au torse de Madara, elle entama une incision de huit centimètres au niveau du cœur.
Malgré les directives strictes de la femme, Madara observait attentivement son effort pour lui sauver la vie. Il n'avait jamais été témoin d'une telle habileté, chaque geste exécuté avec une assurance et une précision qui laissaient entrevoir une expérience bien plus vaste. Il en était convaincu : ce n'était pas la première fois qu'elle pratiquait de telles interventions. Étrangement, la douleur qui avait tourmenté sa poitrine semblait avoir disparu, comme si elle avait coupé l'accès à ses nerfs. D'où venait cette femme, capable de réaliser de tels actes, et surtout, qui lui avait transmis ces compétences ?
— Je vais devoir arrêter votre cœur pour la suite ! annonça Sakura en observant le flot de sang provenant de l'organe. Elle fut étonnée de constater que l'homme restait encore en vie malgré une blessure aussi grave. Sa résilience semblait résulter de sa volonté tenace, à moins que ce ne soit une fierté hors du commun.
En entendant cette déclaration, Madara leva les yeux vers le visage de la jeune femme au-dessus de lui. Des cheveux roses, une teinte qu'il n'avait jamais rencontrée auparavant. Ses yeux, d'un vert légèrement teinté de turquoise, émanaient une détermination qui lui rappelait sa défunte mère, ajoutant une touche de douceur à son visage plaisant.
Il ressentit la décharge de chakra parcourir tout son être, signal indiscutable que son cœur venait d'être interrompu. Dans cet état, Madara était conscient que sa fin approchait à grands pas. Ainsi, il saisit l'opportunité de contempler la lueur apaisante émanant des mains de l'étrangère.
Les secondes s'écoulèrent lentement, et peu à peu, sa vision s'obscurcit. Une rage impuissante s'empara de lui, frustré de ne pouvoir réaliser son plus profond désir : la paix.
Alors qu'il semblait assister au défilement de sa vie devant ses yeux, une autre impulsion de chakra le ramena brusquement à la réalité. L'intensité fut telle que son corps se cambra violemment, un râle de douleur s'échappant de sa bouche. Ses pensées revinrent aussi rapidement qu'elles s'étaient dissipées, et à cet instant, il réalisa qu'il avait été momentanément plongé dans la mort.
— Clignez des yeux si vous êtes de retour.
Lorsqu'elle observa l'Uchiha cligner des yeux, une vague profonde de satisfaction l'envahit, témoignant de la réussite de son intervention. Toujours à califourchon, Sakura s'inclina en avant, scrutant avec précaution d'éventuels dégâts au niveau du crâne. Elle souleva délicatement sa tête d'une main, explorant son crâne de l'autre à la recherche de blessures potentielles. N'en trouvant aucune, elle reposa sa tête avec soin, évitant de lui infliger une douleur supplémentaire ou de perturber la canule au niveau du cou.
Repoussant doucement les cheveux de l'œil droit de l'Uchiha, elle put constater que celui-ci était fermé, le sang s'en échappant en abondance.
— Ouvrez ! ordonna Sakura.
Le patient obtempéra, dévoilant un œil entièrement blanc. Sa rétine était irrémédiablement altérée : il ne pourrait jamais retrouver l'usage de son Sharingan. La technique qu'il avait employée avait scellé le destin de son pouvoir oculaire.
— Po... pourquoi... m'aidez... v... vous ?
— Parlez le moins possible... Fermez.
Dans une hâte palpable, Sakura déposa sa main sur l'œil endommagé. La lueur apaisante qui émanait de sa paume semblait alléger les souffrances de l'Uchiha. Elle parvenait à atténuer sa douleur, et Madara, qui n'avait jamais été témoin d'Iryô Ninjutsu de sa vie, envisagea que cela pouvait être un Kekkei Genkai.
Sakura se redressa, entamant une série de signes de main.
— Fûinjutsu : Teitai, annonça Sakura avant de presser sa main contre l'emplacement du poumon endommagé. Un ensemble de sceaux se forma sur le pectoral de Madara, interrompant tout afflux de sang supplémentaire vers le poumon. Une fois la technique accomplie, Sakura se releva, satisfaite de son intervention.
— OK, arrivez-vous à bouger vos membres ? Si ce n'est pas le cas, clignez des yeux deux fois.
Sakura remarqua le léger mouvement du bras droit du brun, mais ce fut la seule action que Madara put accomplir, et en scrutant ses yeux, elle constata qu'il cligna deux fois des paupières.
— Merde ! L'épée a dû causer des lésions au niveau des vertèbres, réalisa Sakura pour elle-même.
Elle en déduisit alors que Madara était paralysé, et que seuls son bras droit ainsi que sa tête conservaient leur mobilité. Cependant, les pensées de l'Uchiha prenaient une toute autre direction. Comment était-elle au courant qu'une épée l'avait transpercé ? Était-elle présente depuis le début de son affrontement ? Possédait-elle une telle habileté pour discerner la blessure causée par une arme particulière ? Ou bien y avait-il autre chose ?
— Bon... je vais devoir vous porter.
Madara n'aurait pas pu imaginer une journée plus éprouvante. Échec dans sa quête de paix, défaite face à son rival, bref passage dans le royaume des morts, sa survie dépendant désormais d'une femme, et à présent, il se trouvait porté comme une mariée. Et, curieusement, comment cette femme pouvait-elle le porter avec une telle aisance ?
— Laissez-vous sombrer dans l'inconscience, vous vous sentirez mieux à votre réveil.
À y réfléchir, Madara sentit une immense fatigue l'envahir, probablement due à la perte de sang.
Quoi qu'il en soit, jamais Madara ne s'était abaissé au niveau d'une femme. À ses yeux, elles n'étaient utiles que pour enfanter et servir de monnaie d'échange entre les clans. Lui était un homme forgé pour la guerre, pour tuer. Un homme guidé par la fierté et la volonté. Il n'avait jamais cédé devant une femme, sa présence se limitant généralement à satisfaire ses besoins charnels. Pourtant, dans cet instant de vulnérabilité extrême, il prononça un mot qu'il n'aurait jamais imaginé dire, surtout à une femme.
— Mer...Merci...
Le brun ténébreux s'enfonça dans l'inconscience, ses dernières réserves de force l'abandonnant.
Sakura chemina en direction de sa maison, plongée dans une profonde réflexion. Avait-elle fait le choix juste ? Était-ce réellement la volonté du Rikudô Sennin qu'elle accomplissait ? Son regard se posa légèrement sur le visage de Madara tandis qu'elle sautait de branche en branche. Endormi, son visage avait perdu ses traits tendus, révélant une grâce et une délicatesse qui semblaient presque innocentes. Néanmoins, Sakura ne percevait en lui qu'un meurtrier de masse, rien de plus.
Malgré les enseignements de ses parents, qui lui affirmaient que nul ne naissait meurtrier, mais le devenait par l'apprentissage, l'humain évoluant pour survivre, une question persistait : Uchiha Madara avait-il la capacité de changer ?
C'est avec cette dernière pensée que Sakura atteignit finalement son domicile. Elle s'y précipita, se dirigeant vers la salle principale. Spacieuse, elle abritait une table basse entourée de coussins. Au fond, des bibliothèques, des placards, et un bureau surchargé de parchemins. N'appréciant guère la dureté des futons, elle avait opté pour des lits. Un grand lit occupait la partie gauche de la pièce, offrant une vue sur l'extérieur.
Elle déposa son patient sur le lit, négligeant l'eau et le sang qui souillaient le sol et les draps. Jetant rapidement ses affaires au sol, elle s'empressa d'allumer de nombreuses bougies pour éclairer la pièce.
Sa première tâche consista à ôter le reste de l'armure de Madara. Elle coupa les sangles qui maintenaient l'armure attachée à son corps. Puis, elle s'attaqua à ses vêtements, déchirant sa tunique en lin et retirant ses sandales et son pantalon, ne le laissant vêtu que de ses sous-vêtements.
Bien que beaucoup auraient pu profiter de la vue offerte par l'homme, Sakura demeura irréprochable dans son professionnalisme. Rien ni personne ne parvenait à la détourner de son devoir, pas même Sasuke lorsqu'elle avait dû le soigner après la Quatrième Grande Guerre Shinobi.
— Pas d'autres blessures visibles au niveau des jambes...
Alors qu'elle inspectait minutieusement le corps de Madara, son regard se posa sur quelque chose qui lui fit froncer les sourcils. Son bras gauche semblait inerte, sans vie. Elle entreprit de canaliser du chakra après avoir placé ses mains sur son bras. Il lui fallut une bonne minute pour identifier le problème : ses Tenketsu. Probablement une attaque subie par un Jutsu ou une technique trop gourmande.
Ses Tenketsu ainsi que son système de chakra étaient détruits, compromettant la circulation sanguine. Sans intervention, il risquait de perdre l'usage de son bras.
Elle se précipita vers son bureau, attrapant encrier et fin pinceau.
Pendant l'heure qui suivit, Sakura inscrivit de nombreux sceaux sur le bras gauche de Madara. Ces marques avaient pour fonction de simuler un réseau de chakra, permettant au sang de circuler en attendant qu'elle puisse résoudre le problème interne.
— Bon... maintenant, la partie délicate, s'encouragea Sakura avant de se rendre à un grand récipient qu'elle emplit d'eau.
Revenant au chevet de Madara, elle déposa le bol sur la table de chevet. Reprenant le même procédé qu'à la Vallée de la Fin, elle utilisa des points de pression avec son index pour anesthésier la future zone d'opération.
Le réveil fut brutal pour Madara, confronté à une douleur intense qui suscita de nombreuses questions. Que lui était-il arrivé ? Où était-il ? Pourquoi ressentait-il une telle souffrance ? Puis, tout lui revint d'un coup... son coup d'État, sa défaite, sa mort, cette femme qui lui avait sauvé la vie. Son regard se posa sur elle, et la scène qu'il observa le stupéfia, voire l'impressionna.
Elle semblait être en train de le soigner une fois de plus. Sa main droite reposait sur une grande plaie au niveau de son poumon, émettant une lueur verte. Sa main gauche était en l'air, une grande bulle d'eau attachée à elle, tandis qu'un mince filet d'eau et de sang la reliait à son poumon. Plongée dans sa tâche, elle ne semblait pas s'être rendu compte de son réveil, alors il décida de ne rien dire, craignant de perturber sa concentration.
Les minutes s'écoulèrent sans qu'elle ne bouge d'un centimètre. Le sang extrait du poumon se faisait de plus en plus rare avant de finalement s'épuiser. Elle baissa enfin le bras, soupirant de soulagement alors qu'elle relâchait la bulle de sang dans le bol. Elle posa ensuite délicatement ses mains sur les autres blessures superficielles de Madara, qu'elle referma rapidement, mais c'est là qu'elle décela un autre problème.
— Qu'est-ce que...
Au niveau de son estomac, une source de chakra étrangère se manifestait, n'appartenant ni à Sakura ni à Madara. Faire vomir le concerné était exclu en raison de la canule placée à sa gorge, qui lui permettait de respirer. Elle utilisa à nouveau des points de pression, arrachant un léger grognement à Madara. Sakura leva les yeux vers l'homme et réalisa qu'il était réveillé.
— Navré... essayez de vous rendormir.
Sakura utilisa de nouveau la technique Chakura no Mesu pour ouvrir le ventre de Madara, suivie de l'estomac. Le sang s'étalait partout, résultat de l'ancienne hémorragie, et au milieu de ce chaos, Sakura repéra le corps étranger. Une petite masse de chair que Sakura s'empressa de retirer et de placer dans un petit récipient.
Des gouttes de sueur commençaient à perler sur son front à force d'utiliser son chakra de manière répétée, trois heures s'étant écoulées. Le corps de Madara était désormais stabilisé et hors de danger. La seule blessure qu'elle n'avait pas encore traitée était celle au niveau de ses vertèbres qui semblait le paralyser, mais elle allait avoir besoin de repos.
Parmi les nombreux objets que Sakura avait ramenés du futur, elle se réjouissait d'avoir emporté des fournitures médicales. Un regard totalement dérouté se forma sur le visage de Madara alors qu'il observait sa sauveuse lui planter une aiguille dans le bras, reliée à un tube étrange. Celui-ci était rattaché à une poche d'eau translucide, posée sur un support métallique.
— Dormez, murmura Sakura en posant sa main sur la tempe de l'Uchiha, qui ressentit une énorme fatigue l'envahir au contact de son chakra. Contraint de s'endormir, il eut une dernière pensée. * Qui est-elle ? *
Sakura s'affaissa ensuite dans un siège aux côtés de Madara, épuisée. Fière de son travail, elle s'autorisa à fermer les yeux pendant quelques instants, quelques minutes, peut-être même toute la nuit, tant l'épuisement était profond.
La pluie s'était calmée pendant la nuit, laissant les rayons du soleil caresser le visage de Madara. La chaleur pénétra doucement dans son corps, et lorsque la lumière toucha son œil encore valide, il se réveilla doucement. Son regard parcourut les environs, mais l'endroit lui était inconnu, et sa mystérieuse sauveuse était absente. Il repéra ses affaires, posées dans un coin, encore tachées de sang. Tout y était : son armure, ses vêtements, et même son Gunbai reposait contre le mur.
Il se sentait... étrange.
Il tenta d'observer son propre corps, mais oublia l'objet toujours présent dans sa gorge. Un grognement de douleur s'échappa de sa bouche, et à ce moment, il entendit des pas provenant d'un couloir. L'étrangère entra dans la pièce, vêtue d'une tunique rose pâle et d'un pantalon blanc. Ses cheveux roses étaient attachés en un chignon, dégageant son visage.
En la voyant, Madara fronça les sourcils devant un détail qu'il n'avait pas remarqué la veille : depuis quand les femmes portaient autre chose que des robes ou des kimonos ?
— Ah ! Vous êtes réveillé, déclara-t-elle d'une voix neutre en s'approchant de lui. N'essayez pas de parler, je vais d'abord retirer la canule de votre gorge et rétablir l'accès à vos poumons.
Sakura ne tarda pas à retirer l'objet en plastique, refermant la petite plaie avec son chakra vert.
— Quand je vous le dirai, prenez une grande inspiration. Trois, deux, un...
À la fin de son décompte, Sakura libéra son premier poumon pour qu'il puisse respirer de nouveau par la bouche. Une grosse toux s'empara de lui, conséquence du fait qu'il n'avait pas respiré normalement toute la nuit. De plus, le sang séché dans sa gorge n'aidait en rien à calmer l'irritation provoquée par l'intervention de la jeune femme sur son poumon.
— Tenez... buvez par petites gorgées.
Sakura approcha délicatement une coupe d'eau à ses lèvres. Il avala de fines gorgées, et même si le goût était métallique à cause de son sang, cela lui fit un bien fou.
— Ressentez-vous de la douleur ou une gêne lorsque vous avalez ?
— N... Non... Qui êtes-vous ? demanda Madara d'une voix à peine audible, continuant de boire doucement.
— Préparez-vous... vous allez avoir mal. Je vais rétablir l'accès à votre deuxième poumon, car celui-ci a été sévèrement endommagé. Trois, deux, un, expirez...
Madara ne ressentit aucune douleur lorsque la pression des doigts se fit sentir au niveau de sa gorge, mais cela était avant que la jeune femme poursuive :
— Maintenant, inspirez...
Et là, Madara comprit ce qu'elle voulait dire par douleur. Son poumon était complètement vide et venait de se remplir à nouveau d'air.
— Là... doucement, prenez de petites inspirations, puis augmentez progressivement, guida Sakura d'une voix calme, alors que Madara commençait à être agacé de n'obtenir aucune réponse.
— Qui êtes-vous ? répéta-t-il de façon plus intransigeante. L'intonation employée ne laissait planer aucun doute : il exigeait de savoir qui elle était. Mais il ne lui accorda pas le temps de répondre qu'il ordonna immédiatement : Répondez-moi, femme !
À ce moment-là, Madara activa son Sharingan, et cette simple vision fit voir rouge à Sakura. Son regard, qui à la base était neutre et professionnel, passa à celui d'une ninja émérite. Elle était, après tout, une femme ayant traversé la guerre, et elle ne se laisserait pas intimider par un Dôjutsu.
— Pas de Sharingan ! Vous venez de sortir d'un épuisement de chakra !
Sakura avait une intonation dure alors que ses émotions se bousculaient dans sa tête. Elle venait de le sauver et celui-ci essayait déjà d'utiliser son Sharingan sur elle. Les secondes passèrent et Madara ne désactiva pas son Dôjutsu.
— Tu ne seras pas le premier Uchiha qui mourra de ma main, alors je te conseille de désactiver ton Sharingan.
— Ton nom ! exigea Madara d'une voix profonde.
Intérieurement, il était légèrement impressionné du tempérament de cette femme. Elle n'avait pas une once de peur, et cette lueur caractéristique dans le regard indiquait clairement qu'elle était une vétéran de la guerre. Qui était-elle donc pour avoir autant d'assurance face à lui ?
— Haruno Sakura... maintenant, désactivez votre Sharingan avant que je le fasse pour vous !
Avec finalement un nom sur son visage, Madara désactiva son Dôjutsu, mais ne détourna pas pour autant le regard. Ce n'était pas demain que le grand Uchiha Madara allait se plier à une vulgaire femme, aussi puissante soit-elle.
Sakura se pencha vers lui et fixa son œil gauche quelques instants. Son visage était froncé, comme si elle cherchait une anomalie.
— Regardez vers la droite... regardez vers la gauche... n'utilisez plus votre Sharingan jusqu'à ce que je vous le dise.
Puis, elle dégagea la mèche de cheveux bruns de l'autre partie du visage avant de poursuivre :
— Ouvrez votre œil et gardez-le ouvert.
Elle déposa délicatement sa main dessus avant qu'un doux chakra n'en émane pour guérir l'intérieur du globe oculaire. Pour le moment, elle ne pouvait rien faire pour l'œil en lui-même.
— Vous ne me demandez pas mon nom ?
— Je sais déjà qui vous êtes... Madara.
Cela dérangeait grandement l'Uchiha qui n'avait aucune idée d'où venait cette femme. Il connaissait tous les plus grands ninjas des Nations Elémentaires et une personne de son acabit aurait fait parler d'elle. Une personne capable de briser une falaise, de maîtriser le chakra à un tel niveau.
— D'où vous me connaissez ?
— Qui ne connaît pas Uchiha Madara ? rétorqua Sakura alors qu'elle retirait sa main et donnait de nouvelles consignes. Vous pouvez refermer, cela risque de vous démanger, mais n'y touchez pas.
Une fois son inspection oculaire terminée, Sakura se dirigea vers son bureau pour saisir un encrier accompagné d'un fin pinceau.
— Que faites-vous ? interrogea l'homme intrigué par les objets qu'elle tenait en main.
— Des sceaux pour vous maintenir en vie et vous aider à guérir.
Sakura continuait son travail méthodique, traçant des lignes délicates de chakra sur la peau de Madara. Chaque coup de pinceau laissait une empreinte bleutée qui, après un court instant, reprenait la teinte naturelle de la peau. Ces gestes calculés, elle consacra une dizaine de minutes à dessiner des sceaux complexes au niveau de la vessie et des intestins. Une fois son ouvrage achevé, elle scruta attentivement chaque détail, s'assurant qu'aucune erreur ne compromettrait l'efficacité des sceaux.
Satisfaite de son travail, Sakura releva les yeux pour rencontrer le regard de Madara.
— Grâce à ces deux sceaux, vous n'aurez plus besoin d'aller aux toilettes. Tant que vous serez paralysé, ou jusqu'à ce que vous soyez un peu plus autonome, je les laisserai en place.
L'Uchiha, intrigué et soucieux de percer le mystère qui entourait cette femme, ne put s'empêcher de poser une question qu'il n'avait jamais envisagée auparavant.
— D'où venez-vous ? interrogea-t-il, sa curiosité piquée à vif. Il discerna dans le regard de Sakura une douleur profonde, comme si sa question avait touché une corde sensible.
— D'un endroit qui n'existe plus...
Les souvenirs douloureux envahirent l'esprit de Sakura alors qu'elle se tenait face à l'homme responsable de son départ. Sentant les larmes menacer de trahir sa maîtrise habituelle, elle se leva brusquement, refusant de montrer une vulnérabilité devant cet adversaire. La présence de Madara ravivait des émotions qu'elle pensait avoir enterrées. Pleurer aurait été une faiblesse, alors elle préféra quitter la pièce avant de perdre cette lutte contre ses propres sentiments.
Face à son départ précipité, un soupçon de regret effleura l'esprit de Madara. Il observa ensuite son propre corps, enveloppé de bandages sur le torse, témoins des opérations qu'il avait subies. Son bras gauche était couvert de sceaux, délicatement luminescents, à peine perceptibles à l'œil nu. Devant ce tableau, il se questionna sur l'étendue des compétences de cette femme. Qui au monde pouvait maîtriser le chakra de manière aussi prodigieuse ? Était-elle affiliée au clan Uzumaki, utilisant le Fûinjutsu avec une telle aisance ? Ses yeux, empreints de l'expérience de la guerre, ne laissaient aucun doute sur sa force.
— Je suppose que la faim vous guette, déclara Sakura en revenant avec un plateau en main. Il contenait deux bols, un verre d'eau et une paire de baguettes. La tristesse avait cédé la place à la neutralité dans son regard.
— Oui.
L'odeur appétissante envahissait les narines du brun ténébreux, et il se rendit compte à quel point il avait faim. La dernière fois qu'il avait mangé remontait à la veille, et son corps réclamait désormais une réparation pour la perte de sang et de chakra.
Sakura déposa délicatement le plateau sur la table de chevet avant de prendre place sur une chaise proche du lit.
— Malheureusement, en raison de l'intervention à l'estomac, vous ne pourrez pas manger normalement pendant un certain temps, expliqua-t-elle tout en prenant le bol de soupe.
La cuillère remplie, elle souffla délicatement sur le bouillon avant de la tendre devant les lèvres de Madara. L'hésitation planait sur son visage, ne sachant pas s'il devait se sentir offensé, ouvrir la bouche docilement ou bien repousser brusquement cette cuillère comme un geste insensé.
— Je sais que cela ne vous plaît pas d'être dépendant de quelqu'un, Uchiha-san, mais vous devez manger, et vous n'êtes pas en état de vous nourrir tout seul.
À contrecœur, Madara ouvrit la bouche et apprécia le goût de la soupe chaude qui envahissait sa bouche. Son regard ne quitta pas un seul instant Sakura pendant qu'elle lui donnait à manger. Il ressentait une honte intense dans cette situation, mais son attention fut détournée quand la jeune femme parla de nouveau.
— Cette soupe contient tous les ingrédients nécessaires pour stimuler la production de sang. Pour aujourd'hui, je ne peux vous en donner qu'un bol en raison de l'opération récente.
Une fois terminé, Sakura déposa le bol vide avant de saisir le deuxième contenant du riz ainsi que la paire de baguettes.
— Pourquoi me haïssez-vous ?
Si Sakura fut surprise par cette question, elle n'en montra rien. Elle ajusta les baguettes dans ses doigts avant de tendre une portion de riz à Madara.
— Mâchez jusqu'à ce que le riz soit de la bouillie dans votre bouche... Et qu'est-ce qui vous fait dire que je vous hais ? demanda Sakura de manière innocente.
Le concerné prit le temps de mâcher longuement sa bouchée comme lui avait conseillé la femme avant d'avaler et de parler.
— Vous savez peut-être cacher vos émotions, mais vos yeux ne me trompent pas.
— Disons que je ne porte pas dans mon cœur la plupart de votre clan.
— Pourquoi ? questionna en retour Madara, très surpris.
Une autre bouchée fut présentée à ses lèvres, et celle-ci fut également longuement mastiquée.
— Tous les Uchiha que j'ai rencontrés ont tenté de me tuer, de me soumettre, de me faire du mal...
Sakura devait avouer que même l'amour de sa vie ne lui avait fait que du mal. Il avait joué avec ses sentiments, les avait brisés, et les avait jetés à la poubelle. S'il n'y avait pas eu l'intervention de son sensei et de Naruto, elle serait morte par sa main.
— Je ne vous ai jamais fait de mal.
— Pas encore...
Madara était peut-être un très bon observateur des émotions, mais Sakura avait l'avenir comme avantage, lui permettant de sortir des demi-vérités. Après tout, Madara ne lui avait pas encore fait de mal, du moins pas encore. Elle déposa le bol vide sur le plateau avant de saisir le verre d'eau et de le porter à la bouche du patient.
— Buvez doucement.
— Pourquoi faites-vous tout cela ?
— Que voulez-vous dire ? demanda Sakura, confuse.
— Pourquoi m'avez-vous sauvé la vie ? Pourquoi m'aidez-vous à me rétablir ? Si vous haïssez à ce point mon clan, alors pourquoi vous donnez-vous la peine d'en sauver le chef ?
— J'ai fait serment d'Hippocrate.
— La vraie raison...
La vraie raison ? Sakura se posait également cette question. Est-ce qu'elle avait bien fait de lui sauver la vie ?
— Je me demande moi-même pourquoi, chuchota Sakura, plus pour elle-même que pour Madara. Elle plaça sa main sur la tempe du brun avant de dire : dormez maintenant, vous avez besoin de beaucoup de repos.
Et en disant cela, Madara sombra de nouveau dans l'inconscience.
— Vais-je réussir à le changer ?
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