Doute et suspicion !



Dès le premier instant où ses yeux, empreints de la lueur de la fin, s'étaient posés sur elle, Madara Uchiha avait été pris d'un tourbillon d'interrogations. À mesure qu'il passait du temps en sa compagnie, ces questions se faufilaient de plus en plus profondément dans les recoins de son esprit. Le doute, comme une ombre insidieuse, s'étendait, obscurcissant son jugement.

En tant que Shinobi, il était familier avec les arcanes de la tromperie et de la collecte d'informations. Dans ce monde, la connaissance de l'autre était cruciale, permettant de distinguer ami de ennemi. Le moindre soupçon, une fissure dans la confiance, pouvait s'avérer périlleux. Car avec le doute venait inévitablement la suspicion, un venin bien plus corrosif.

Ainsi se trouvait Madara, en proie à ces tourments, oscillant entre doutes et soupçons envers Sakura Haruno.

Pour le commun des mortels, la situation de Madara aurait été limpide : vaincu au combat, secouru et guéri par une autre Shinobi, et rien de plus. Mais Madara Uchiha n'était pas un homme ordinaire ; son esprit aiguisé et logique refusait l'absurde. Face à l'incohérence, il s'efforçait de rationaliser, de démêler les fils du mystère avec une rigueur implacable.

Depuis sa rencontre avec Sakura Haruno, son esprit était le théâtre d'une cacophonie d'énigmes, des pièces de puzzle qu'il ne parvenait pas à assembler. Des éléments manquaient, trop nombreux pour être ignorés. Il tenta alors d'analyser, de tracer des schémas mentaux, d'élaborer des théories aussi farfelues que désespérées, en vain. Pour l'instant, aucune piste ne se dessinait assez clairement pour lui fournir une image nette de cette jeune femme. Et ainsi, il retombait invariablement sur ses premières questions : Qui était-elle ? D'où venait-elle ? Dans quel but agissait-elle ?

Pourquoi une personne de son calibre se porterait-elle au secours d'un Shinobi comme lui ? Certes, elle avait parlé de paix... mais alors pourquoi cette lueur de haine intense dans ses yeux, lorsqu'elle était apparue comme sortie de nulle part pour lui éviter une mort certaine ?

Elle justifiait son aspiration à la paix par les tentatives passées du clan Uchiha de lui nuire. Si cela était vrai... il y avait cependant une faille dans son raisonnement. En tant que chef de clan, Madara connaissait chaque membre de sa lignée. Et pourtant, le nom de Sasuke Uchiha ne lui était jamais parvenu ! Ce simple fait suffisait à alimenter le doute implacable du Shinobi : lui mentait-elle ? Ou bien un membre de son clan avait-il feint la mort par le passé ? Les connaissances approfondies de la jeune femme sur le Sharingan semblaient corroborer cette dernière hypothèse. Il fallait avoir des liens étroits avec un Uchiha pour posséder une telle compréhension du Dôjutsu, et il semblait probable qu'elle détenait plus de savoir qu'elle ne lui avait jusqu'ici révélé.

Cette série de réflexions et d'analyses mena Madara à formuler une première série de questions :

1°) Un membre de son clan aurait-il déserté, donnant ainsi naissance à ce Sasuke Uchiha, ou bien Sakura lui mentait-elle sur son existence ?

Par la suite, Madara ne put s'empêcher de se pencher sur une autre question cruciale : l'origine de ses compétences. Qui !? Qui, parmi les nations élémentaires, aurait pu posséder de telles aptitudes sans que personne ne soit au courant ? Aucune référence ne s'était jamais faite à l'Iryô Ninjutsu, aucune mention n'avait été faite d'une femme dotée d'une force capable d'ébranler des falaises. Le nom de Tsunade, que Sakura mentionnait comme étant une praticienne plus habile, ne lui était jamais parvenu non plus. Une telle prodige aurait forcément attiré l'attention. Même si elle était de sexe féminin, ses exploits ne seraient pas restés dans l'ombre ; quelqu'un de noblesse, voire un Daimyô, aurait surement sollicité ses services. Et par extension, la communauté Shinobi en aurait certainement eu vent et n'aurait pas laissé un tel potentiel ignoré.

Cependant, selon Sakura, sa mère, Tsunade, avait une propension à l'effacement, comme une vraie Shinobi. Un autre élément troublant résidait dans le fait que la seule personne connue sous le nom de Tsunade était la descendante d'Hashirama, mais elle était bien trop jeune pour être la mère de Sakura. Cependant, même si Madara n'avait jamais entendu parler de la mère de Sakura, l'accumulation de connaissances de cette dernière ne pouvait être ignorée. Il fallait avoir pratiqué, expérimenté... ou alors...

L'esprit de Madara jonglait avec l'idée que la mère de Sakura pourrait provenir d'un continent jusqu'alors inconnu. Une hypothèse à ne pas écarter d'emblée, elle pourrait expliquer les curieuses inventions jonchant la demeure de Sakura. Ainsi, l'Uchiha se surprit à formuler la seconde interrogation :

2°) D'où émanait Tsunade Haruno, et pourquoi son nom ne résonnait-il dans aucune conversation antérieure ?

Perdu dans la contemplation au milieu des maigres pièces de son puzzle, l'Uchiha se demandait. Une autre énigme résidait : son sensei. Des bribes qu'il avait observées, Sakura Haruno se révélait être une individuelle périlleuse. Elle avait été méticuleusement façonnée dans l'art subtil du shinobi. Au cours de leur entraînement, il avait noté cette particularité : elle se concentrait essentiellement sur l'esquive, une stratégie compréhensible après la lecture de son dossier. Tout comme un joaillier sait tailler une gemme brute pour lui conférer de la valeur, il fallait un enseignant d'exception pour façonner un ninja de qualité. Alors, pourquoi n'avait-il jamais entendu parler de ce Kakashi ? De surcroît, celui-ci semblait entretenir une amitié avec les parents de Sakura, il était donc envisageable qu'ils aient été liés depuis l'enfance. Ou bien, si l'on envisageait l'hypothèse qu'ils proviennent d'un autre continent, peut-être partageaient-ils donc une origine commune. Ces questions en amenaient donc une troisième :

3°) Qui était Kakashi et d'où venait-il ?

Une fois les interrogations sur les origines de la jeune femme cristallisées dans son esprit, Madara poursuivit ses réflexions. L'objet de son attention se porta sur le sceau frontal de Mito Uzumaki. Sakura lui avait confié que les Uzumaki n'étaient pas les seuls à maîtriser l'art du Fûinjutsu. Cependant, Madara se remémorait la fierté de Mito lorsqu'elle acheva la création de son propre sceau. Bien qu'elle n'ait pas divulgué ses effets, connaissant la renommée de Mito en matière de Fûinjutsu, ils ne pouvaient être que remarquables. Comment donc Sakura Haruno pouvait-elle arborer un tel sceau ? Surtout, celui-ci semblait surpasser celui de Mito... non, il ne semblait pas, il était manifestement plus puissant. Utilisant son Sharingan pour graver l'image du sceau dans sa mémoire, Madara se questionna. Sakura aurait-elle puisé son inspiration dans le sceau de Mito ? Ou était-ce l'inverse ? Sachant que Sakura avait parcouru de nombreux lieux, elle aurait pu laisser derrière elle des connaissances en Fûinjutsu lors de ses voyages, que Mito aurait découvertes et utilisées comme source d'inspiration pour son propre sceau.

En scrutant la bibliothèque de Sakura, Madara découvrit une pléthore de manuels de Fûinjutsu, corroborant ainsi ses affirmations sur son apprentissage autodidacte de cette discipline. L'idée qu'elle fût une autodidacte le fascina. Cela sous-entendait qu'elle était probablement une virtuose dans ce domaine, tout comme l'était Mito.

Toutefois, si l'origine du sceau de Fûinjutsu résultait d'un échange de connaissances, peu importait qui l'avait pratiqué en premier. Une autre énigme tourmentait Madara : le Kage Bunshin ! Comment diable Sakura avait-elle eu vent de ce jutsu, créé par Tobirama Senju lui-même ? Tobirama était réputé comme l'un des shinobi les plus secrets en matière de développement de techniques ! Et pourtant, Madara en était certain : la focalisation du chakra, la libération des flux, l'effet de fumée... tout concordait. Sakura avait sans conteste employé la technique du Kage Bunshin. Cette révélation ouvrait une nouvelle voie, menant à la quatrième interrogation :

4°) Venait-elle de Konoha No Sato, et était-elle affiliée aux Senju en secret ?

L'idée qu'elle puisse être liée aux Senju était légèrement étayée par les doutes qui assaillaient Madara concernant son savoir politique. Elle se comportait en leader avec une finesse remarquable. Normalement, une femme n'aurait pas eu cette assurance verbale pour rivaliser avec des politiciens, encore moins avec un Daimyô ou un chef de clan. Seules les femmes de l'envergure de Mito Uzumaki étaient formées dans ce domaine, car elles étaient destinées à s'asseoir aux côtés de personnes influentes.

Cependant, Sakura prétendait venir d'un coin reculé, mais son langage, sa gestuelle, son vocabulaire, sa manière de s'exprimer et de manœuvrer les subtilités étaient dignes des politiciens chevronnés, voire même des chefs de clan ou d'un Kage. Elle devait forcément avoir été immergée dans cet environnement pour posséder un tel savoir et une telle aisance.

Madara en vint à cette conclusion : elle avait trop de compétences dans ce domaine pour être simplement une citoyenne ordinaire, et encore moins un simple shinobi de haut niveau. Alors, si l'on supposait que cette jeune femme venait de Konoha, serait-elle aussi douée que les ninjas d'élite ? Aussi jeune et déjà si bien classée ?

Tous ces éléments, amalgamés en une logique naissante, et grâce, ou à cause, de sa paranoïa, Madara fut immédiatement frappé par une pensée : Sakura le manipulait.

La manipulation était un phénomène presque ordinaire, chacun manipulant l'autre à sa guise. Restait à comprendre pourquoi Sakura avait choisi de le manipuler. Pour instaurer la paix ? Une hypothèse plausible. Mais qu'y avait-il de plus ? Quelle autre motivation poussait cette jeune femme à user de subterfuges envers lui ? Malgré son intuition profonde quant à sa manipulation, il demeurait incapable d'en déceler les véritables motifs. Et à mesure que l'Uchiha progressait dans ses réflexions, de nouvelles questions affluaient dans son esprit : voulait-il réellement percer à jour les desseins de Sakura ? Et si tel était le cas, quels secrets découvrirait-il ? Ces interrogations, nourries par la suspicion, s'insinuèrent dans l'esprit de Madara, frôlant presque ses sourcils contractés, lorsque son esprit formula la question suivante :

5°) Sakura Haruno me manipule-t-elle ? Si oui, avec quelle efficacité ?

Des pièces manquaient encore à son puzzle, trop de questions restaient sans réponse, mais chaque élément nouvellement acquis nourrissait sa détermination. Madara était un homme confiant. La patience comptait parmi ses vertus, lui permettant d'analyser soigneusement les données qu'il continuerait à collecter sur cette jeune femme. Et lorsque viendrait le moment opportun, il détiendrait enfin toute la vérité à son sujet. Il ne s'agissait que d'une question de temps...

Laisser au temps le soin de dévoiler ses secrets ! 


Depuis près de six mois, Madara avait été sous les soins attentifs de Sakura, et les résultats étaient remarquables. Les entraînements rigoureux qu'elle lui avait prodigués, combinés à ses traitements diligents, avaient pratiquement effacé toutes les séquelles. Seul manquait à l'appel son œil droit, sacrifié lors de l'usage de l'Izanagi.

Alors qu'il gisait sur le sol, la tête reposant sur les genoux de Sakura qui était assise en tailleur, il ne put s'empêcher de penser à son œil manquant. Un coussin avait été disposé pour son confort, un livre ouvert à proximité, tandis que Sakura avait attaché ses cheveux en arrière, dégageant son visage.

— Êtes-vous certaine de pouvoir réaliser cela ? osa-t-il demander, l'incertitude se faisant entendre dans sa voix. Il fut accueilli par un regard sceptique de la part de Sakura.

— Après tout ce que j'ai accompli sur votre corps, des doutes vous viennent encore à l'esprit ? Dois-je vous rappeler la chirurgie cardiaque que j'ai menée à bien, votre rétablissement à la marche et la régénération de votre système de chakra dans votre bras gauche ? Oui, je suis tout à fait apte à réaliser cela, répliqua Sakura, sa voix empreinte d'une légère irritation face à l'insinuation de doute quant à ses compétences.

 — Je vous prie de bien vouloir excuser mes hésitations concernant la restauration d'un Dôjutsu, s'excusa Madara humblement, reconnaissant la justesse de ses préoccupations.

— C'est... difficile à expliquer, commença Sakura, détournant son regard de son livre d'anatomie oculaire.

— Essayez quand même. Je ne suis pas un imbécile complet, encouragea Madara, loin d'être dépourvu de bon sens.

— Que voulez-vous savoir ? Comment je régénère un œil ? Ou un Dôjutsu ? demanda-t-elle en fixant la pupille valide de Madara.

— Je sais déjà que vous êtes capable de restaurer... par quel miracle, je l'ignore. Mais comment parvenez-vous à recréer un Dôjutsu qui a disparu ? interrogea Madara. Après tout, Sakura lui avait dit que son Sharingan avait simplement disparu.

— Ah... je comprends votre préoccupation. Vous craignez que si je suis capable de restaurer votre Sharingan, rien ne m'empêche de le faire pour n'importe qui d'autre, conclut la jeune femme, une réflexion tout à fait légitime.

Après un léger acquiescement de la part du chef de clan, Sakura continua.

— Donc, je vais entrer dans une théorie pure, Madara-san, et je vous prie de ne poser aucune question sur l'origine de ces connaissances.

— Je vais faire de mon mieux, concéda Madara d'un ton résigné.

— En étudiant le corps humain, le chakra ainsi que le Fûinjutsu, j'ai réalisé une vérité fondamentale : tout est interconnecté, commença Sakura, cherchant une manière astucieuse d'expliquer le concept de l'ADN sans le nommer explicitement. "Prenons l'exemple d'une femme enceinte. Mis à part vivre sa vie quotidienne, manger davantage, subir les contraintes de la grossesse et les bouleversements hormonaux, que fait-elle pour concevoir l'enfant ? Rien d'autre."

— Et alors..., interrogea Madara.

— C'est le corps humain qui orchestre la conception, pas la femme en tant que telle. Son corps agit de lui-même, tout comme votre cœur bat sans nécessiter de commande consciente, tout comme vous respirez instinctivement. Parce que c'est le corps qui agit de lui-même, conclut Sakura, ravie de partager une fois de plus ses connaissances.

— Pourquoi ? s'interrogea Madara, ne voyant aucun lien pour le moment.

— C'est exactement cela, Madara-san, répondit Sakura avec un sourire énigmatique. Vous avez posé la question clé : pourquoi ? Parce que le corps humain est conçu selon le même principe qu'une formule de Fûinjutsu. Chaque être vivant est une équation de conception qui détermine qu'un chat est un chat, un arbre est un arbre. Et pour le clan Uchiha, votre formule de Fûinjutsu contient une séquence permettant l'émergence du Sharingan, une séquence que je peux restaurer.

Le chef de clan était une fois de plus stupéfait par les propos de Sakura. Son intelligence était véritablement intimidante, tout comme l'étendue de ses connaissances.

— Pour vous rassurer, je n'ai jamais parlé de création, précisa Sakura d'un ton apaisant. J'utilise votre formule comme un canevas pour qu'elle se régénère d'elle-même. Je suis incapable de créer le Sharingan chez une tierce personne, mais... la transplantation est envisageable.

— Qu'entendez-vous par transplantation ? demanda Madara.

— Transplanter un organe malade par un sain. En somme, si je le désirais, je pourrais retirer votre œil aveugle pour y substituer l'un des miens, et votre vision serait restaurée à la perfection, expliqua Sakura, se remémorant l'acte où Madara avait arraché l'œil de Kakashi pour l'adopter en un clin d'œil. Cette pensée l'amena à considérer que durant ses quatre-vingts années d'isolement dans une grotte, Madara avait dû accumuler un savoir considérable.

— Et l'inverse est également réalisable, ajouta-t-elle posément.

— Je vous demande une chose, Sakura-san, intervint Madara avec gravité.

— Je vous écoute, répondit la jeune femme sans toutefois donner son accord.

— Gardez cette information pour vous.

— Malheureusement, le savoir que je porte est bien souvent en avance sur son temps, un fardeau que le monde n'est pas encore prêt à porter. Sakura posa avec délicatesse ses mains près de l'œil droit de son patient. "Mais ne vous en faites pas pour cela. Je choisis de partager ces vérités avec vous, car vous êtes concerné," conclut-elle avant de se concentrer intensément.

Son Iryô Ninjutsu s'activa alors qu'elle se préparait à déployer sa nouvelle technique sur l'œil de Madara. Ayant déjà restauré la rétine et rétabli la circulation du chakra, elle se concentra désormais sur la réparation minutieuse de chaque composante endommagée : la pupille, l'iris, le cristallin, et même la membrane hyaloïde. Ces éléments non seulement permettaient la vision, mais étaient également essentiels à l'existence du Sharingan. Pour garantir une régénération sans douleur, Sakura décida d'interrompre temporairement la transmission des influx nerveux entre le nerf optique et le cerveau, sans causer de dommages permanents.

Les paupières closes, elle plongea dans une concentration profonde, s'étendant sur des minutes qui semblaient se dilater en heures, dans un silence total. Profitant de ce moment, Madara observa attentivement son visage, captivé par sa détermination. Dans cette contemplation silencieuse, une question s'insinua dans son esprit : quel était le véritable sentiment qu'il nourrissait envers cette femme ?

Avant de rencontrer Sakura, Madara n'avait jamais vraiment eu de proximité prolongée avec une femme. Cependant, depuis qu'il avait croisé le chemin de cette jeune femme aux cheveux roses, il avait eu l'opportunité de la comprendre, du moins en partie. Il avait découvert en elle une multitude de facettes et de compétences qui rappelaient un peu les siennes. Pourtant, malgré leurs différences apparentes, ils étaient comme deux faces d'une même pièce : là où il était rigide, elle était flexible. Là où il était froid et distant, elle était chaleureuse et compatissante envers autrui. Là où il envisageait la domination par la force, elle préférait une approche plus subtile pour convaincre le monde à sa vision.

Ces contrastes entre eux démontraient à Madara que Sakura demeurait une femme ordinaire, avec ses propres convictions et valeurs. Par nature, elle tendait vers des méthodes bienveillantes et altruistes. Mais il savait aussi qu'elle pouvait agir différemment selon les circonstances, surtout quand il s'agissait de protéger ceux qu'elle chérissait. Il l'avait vue à l'œuvre : Sakura n'avait pas hésité à recourir à la violence, que ce soit face à des bandits menaçant le village ou lorsqu'elle avait éliminé sans remords Zetsu Noir à la Vallée de la Fin.

Pourtant, malgré leurs divergences d'approche, comment pouvaient-ils non seulement coexister, mais aussi s'apprécier ?

Madara n'avait pas appris à aimer, mais à mesure qu'il passait du temps avec Sakura, les enseignements de sa mère sur le sujet lui revenaient en mémoire et prenaient un sens nouveau. Cela l'avait poussé à déclarer à Sakura qu'elle lui appartiendrait, même si elle n'en avait aucun souvenir. Elle était la première femme qui semblait le comprendre, l'égalait, et qui lui avait fait ressentir des émotions qu'il peinait encore à saisir.

Ainsi, malgré ses réserves et ses interrogations, Madara se retrouvait à se poser une question fondamentale :

Est-ce là l'essence même de l'amour ?

Toutes ses réflexions furent brusquement interrompues par une lancinante douleur à son œil droit. Sakura soupira avant d'ouvrir les yeux à son tour.

— Dites-moi quand la douleur se dissipera, articula-t-elle.

— Pourquoi ne ressens-je la douleur que maintenant ? interrogea Madara, gardant sa paupière fermée pour apaiser l'inconfort.

— Parce que j'ai rétabli la circulation des influx nerveux dans votre nerf optique. Il est en train de transmettre et de traiter les informations, lesquelles sont ensuite analysées par le cerveau, répondit la jeune femme.

— La douleur commence à s'estomper, annonça l'Uchiha après une longue minute, impressionné malgré lui par la clarté de l'explication de Sakura.

— Une fois celle-ci complètement disparue, ouvrez délicatement, murmura Sakura.

Après un court moment, Madara rouvrit lentement son œil droit, laissant une vague d'émotion le submerger. La noirceur avait cédé la place à une clarté éblouissante, et malgré son intensité, il accueillit à nouveau la lumière avec un sourire naissant.

— À voir votre réaction, il semblerait que vous ayez recouvré une partie de votre vue, Madara-san, commenta Sakura, satisfait de ses efforts.

— Oui, pourtant c'est étrange... Tout est flou. J'ai cette sensation d'un voile, comme si j'essayais de percer une brume épaisse, expliqua le brun, sa mémoire le ramenant à cette expérience désagréable lorsqu'il avait presque perdu la vue après avoir trop usé de son Mangekyou Sharingan.

— Votre vision est trouble ?

— Oui.

— Fermez votre œil gauche et fixez-moi, ordonna Sakura, sa main imprégnée d'Iryô Ninjutsu toujours en position. Et maintenant ?

— Légèrement plus clair, admit Madara.

— Bon signe. Cela demandera encore du temps avant que votre vision ne soit complètement rétablie. Vous devez vous abstenir de toute manipulation de chakra dans cet œil, sous peine de compromettre tout progrès, le prévint la jeune femme.

— Je saisis l'avertissement, acquiesça-t-il.

L'automne se mourait lentement, ses dernières respirations balayées par l'approche glaciale de l'hiver. Les champs, naguère féconds, avaient cédé leur moisson depuis des semaines déjà, dans maints pays lointains. Les arbres, dépouillés de leur parure feuillue, semblaient tendre leurs bras dénudés vers un ciel encore dépourvu de neige.

Madara se tenait là, près du brasero crépitant, son regard plongé dans l'horizon lointain, naviguant entre les étoiles et les tréfonds de ses pensées. Il méditait sur les stratagèmes à déployer en prévision de l'imminente guerre, cherchant avidement le moyen de hisser son peuple vers un avantage tactique indéniable.

— Sakura-san, annonça-t-il finalement, détournant son attention vers la jeune femme qui était assise à son bureau. Celui-ci était impeccablement ordonné, à l'exception des multiples kunai qui le parsemaient, semblables à des sentinelles silencieuses veillant sur leur maîtresse. "Nous avons déjà évoqué cette question avec le Daimyô et entre nous, mais je demeure convaincu que l'action préventive s'impose avant que les hostilités n'éclatent."

Sakura, plongée dans le dessin de sceaux sur l'un des kunai, scellait chaque tracé d'un éclat fugace de chakra bleu. "Et pourquoi cela, Madara-san?" demanda-t-elle, relevant brièvement les yeux de son ouvrage.

— Parce qu'il est impératif de contacter les nations les plus vulnérables, les plus fragiles, expliqua Madara d'une voix assurée, observant un nouveau kunai disparaître dans les replis de l'ombre, scellé dans son semblable. "Et il est crucial que les civils, voire les ninjas, commencent à tourner leurs regards vers Heiwa. Ou du moins, qu'ils en entendent parler, afin qu'ils se dirigent vers nous par leurs propres moyens lorsque le désespoir s'abattra sur eux. Surtout à l'approche de l'hiver, cela nous laisse encore une fenêtre d'action. Rares sont ceux assez imprudents pour déclencher une guerre en ces temps glacés. Ce serait une entreprise contre-productive."

— Ne serait-ce pas risqué de chercher audience auprès de vassaux ? objecta Sakura, perplexe, ne voyant pas d'autre solution que celle avancée par l'homme en face d'elle.

— Je n'ai pas suggéré de dévoiler mon identité, mais plutôt de semer l'idée dans leur esprit, répliqua Madara, observant Sakura mettre de côté l'arme dans laquelle elle avait scellé cinq autres kunai.

— Je ne sais pas, Madara-san..., hésita la jeune femme, interrompant son geste.

 — Sakura-san... me faites-vous confiance ? demanda Madara, se tenant droit face à elle derrière son bureau, les bras croisés.

— Non, fut la réponse sans équivoque

— Bonne réponse, mais si vous m'avez sauvé dans le dessein d'instaurer la paix, en présupposant que c'était mon objectif fondamental, alors vous devriez me faire confiance sur ce genre de question, rétorqua le brun, s'asseyant à son tour en face d'elle. "Tout comme je vous ai fait confiance pour me soigner, j'aimerais que vous me fassiez confiance en matière de stratégie de guerre."

Sakura ne pouvait contester la justesse de son raisonnement. Elle n'avait jamais été une leader naturelle, n'ayant jamais dirigé une équipe de sa vie. Bien sûr, elle avait toujours été en première ligne pour soutenir ses camarades, mais élaborer des stratégies de guerre était une tout autre affaire. Savoir donner les ordres en toute circonstance, savoir quoi faire au bon moment, était un art complexe, et Madara avait été élevé dans cet art.

— Très bien... je vous écoute, concéda finalement Sakura.


À la vue de l'approbation de la jeune femme, Madara se leva pour récupérer un parchemin soigneusement disposé près de la bibliothèque. Il le déposa sur le bureau et prit délicatement le pinceau des mains de Sakura. Rapidement, il esquissa une carte des terres élémentaires à partir de ses souvenirs datant de six mois auparavant.

— Le clan Uchiha et le clan Senju se sont distingués du reste du monde grâce à nos capacités. De ces deux clans sont issus quatre individus susceptibles de changer la donne et qui suscitent la crainte à travers le monde, expliqua Madara, ajoutant des détails à la carte sous le regard attentif de Sakura. "Hashirama et Tobirama du côté des Senju, puis Izuna et moi-même du côté des Uchiha. À nous quatre, nous faisions trembler le monde, mais avec seulement Tobirama encore en vie aux yeux du monde, la donne est en train de changer."

— Tobirama n'est pas du genre à provoquer des conflits, n'est-ce pas ? demanda Sakura, se référant aux écrits historiques. Cependant, elle avait appris avec le temps et l'expérience que l'histoire était souvent dictée par les vainqueurs.

— Tobirama est un abruti que je prendrais plaisir à éliminer si l'occasion se présentait, mais il n'est pas un instigateur de conflits, vociféra Madara avec rage, se souvenant de la mort de son frère. "Nous pouvons donc supposer qu'une éventuelle alliance entre les quatre autres grandes nations se forme contre le Pays du Feu."

— Ne pensez-vous pas que le Pays du Feu pourrait avoir un allié dans tout cela ? glissa doucement Sakura, sachant déjà qui serait contre qui dans cette première guerre.

— À part Uzushio ? Je ne vois pas..., répondit Madara.

— Le pays de l'eau ne tire aucun avantage stratégique à lancer une attaque contre le pays du feu; au contraire, il serait dans leur intérêt de forger une alliance avec Konoha afin de développer des partenariats commerciaux. Qui plus est, qu'est-ce qui empêcherait les trois autres grands pays de s'attaquer à eux une fois le pays du feu défailli ? expliqua la jeune femme en pointant la carte du bout de son doigt.

— Vos arguments sont solides, mais ne restent que des suppositions. Dans tous les cas, nous devons nous préparer à des raids clandestins et des actes de guérilla dans les petits pays avoisinants le pays du feu. Mis à part notre nation et celle des samouraïs, qui maintiennent une neutralité, les autres en subiront les conséquences, continua Madara. Nous devons agir selon les méthodes des autres pays et commencer à recruter parmi nos rangs.

— Que voulez-vous dire par là ?

— Faire croire à l'ennemi que sa cible est au courant de ses manigances. Cela semera le doute et nous gagnerons du temps par la même occasion. Je suis convaincu que des petits villages sont déjà visés par des attaques dans le plus grand secret. C'est pourquoi je veux que nous passions à l'action sur le terrain dès maintenant. Mais nous pouvons également frapper deux fois plus fort: piller, créer des situations à notre avantage et semer la discorde dans tous les camps, déclara-t-il avec assurance.

— Je ne suis pas sûre d'apprécier cette approche...

— Ce n'est pas le moment de laisser place à des scrupules, Sakura-san. Vous et moi connaissons les horreurs de la guerre, et si mes méthodes directes n'ont pas porté leurs fruits, il est temps d'envisager d'autres moyens. Rien ne saurait détruire un pays aussi efficacement que de l'attaquer de l'intérieur, expliqua Madara, dévoilant ainsi son côté impitoyable. Contrairement à Sakura, animée par le désir de sauver l'humanité, Madara était un individu dépourvu d'émotions et de pitié lorsqu'il s'agissait de remporter une guerre. Il faisait simplement ce qui devait être fait pour atteindre ses objectifs.

La jeune femme demeura silencieuse, laissant le brun poursuivre.

— N'oubliez pas qui je suis, Sakura-san. Si je dois tuer un homme pour sauver mes camarades, je le ferai. Si je dois sacrifier une femme pour en sauver dix, je le ferai. Si je dois mettre fin à la vie d'un enfant pour éradiquer une maladie, je le ferai. Si je dois anéantir tout un pays pour instaurer la paix... je le ferai sans la moindre hésitation ! déclara Madara. À cet instant, Sakura crut entrevoir une part du Madara qu'elle avait connu par le passé. Entendre ces paroles la fit se demander si elle avait réussi à le changer ne serait-ce qu'un peu.

— Mais j'ai une dette envers vous, ajouta-t-il d'une voix posée.

— Que voulez-vous dire par là ? demanda Sakura, espérant voir une évolution positive chez cet homme.

— Je ne catégoriserai pas tout le monde de la même manière. Vous ne l'avez pas fait avec moi. Peut-être m'avez-vous manipulé, mais d'une certaine façon, vous m'avez aussi tendu la main et ouvert les yeux sur certaines vérités, expliqua Madara. Après six mois de réflexion, il était inévitable que sa perspective ait évolué. Tout individu digne de ce nom change au fil de sa vie, façonné par les épreuves qu'il traverse.

— Je serai... plus enclin à la conciliation... mais n'oubliez pas que des hommes comme moi sont nécessaires pour accomplir les tâches les plus sombres, Sakura-san.

— Je vous en suis reconnaissante.

— Finissez ce que vous avez à faire, nous partirons demain, déclara Madara avant de se lever et de se diriger vers la porte-fenêtre, scrutant l'extérieur. Son regard glissa ensuite vers son armure, soigneusement posée dans un coin avec son Gunbai attaché à un kama.

— Sakura-san, l'appela Madara en voyant son équipement.

— Oui ?

— Pourriez-vous m'accoler un scellement de stockage sur mon avant-bras afin que je puisse y sceller mes armes ? articula le brun, son regard empreint d'une profonde affection pour cet instrument de mort. Une relique familiale, transmise de génération en génération, une extension de son être qu'il ne pouvait se résoudre à abandonner.

— Bien sûr, approchez, répondit la Shinobi d'un ton calme, accueillant Madara alors qu'il retroussait sa manche. Elle saisit son pinceau et de l'encre, s'attelant à l'exécution de la demande du brun : son sceau de stockage. Alors qu'elle dessinait, Madara ressentit une nouvelle vigueur émanant de son être. Un regain de motivation, depuis quelque temps déjà. Il avait sombré dans le désespoir lorsqu'il avait perdu l'usage de ses jambes, la possibilité de se battre. Mais l'espoir avait refait surface, porté par les soins dévoués de Sakura. Désormais, une nouvelle détermination s'éveillait en lui : celle de restaurer la paix, une opportunité qui s'offrait à lui.


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