Partie quatre
/!\ Le chapitre qui suit contient une scène de sexe détaillée, une scène à caractère explicite qui ne convient pas aux plus jeunes. Si vous n'êtes pas à l'aise à l'idée de lire un tel passage, ne prenez pas le risque. Pour les autres : je vous souhaite une excellente lecture ! /!\
Avant que Samaël n'ait le loisir de retrouver ses esprits et de mesurer l'ampleur de l'invitation de Kel-Cha, il se retrouva au seuil de ses appartements, sa main toujours prisonnière de la sienne. Le roi avait cessé d'être le simple pantin des événements, il prenait des directives claires et c'était au tour de son invité de montrer sa surprise. Ce dernier l'arrêta avant qu'il ne franchisse la porte, jetant un regard méfiant aux gardes qui surveillaient l'entrée.
— Samaël ? s'enquit Kel, coupé dans son élan.
— Êtes-vous bien certain de ce que vous faites ?
— Pourquoi ? Tu ne l'es pas ?
C'était trop brutal et le plus étonnant demeurait que le premier à s'en insurger était Samaël, et non le roi. Les rôles s'inversaient et l'ancien monslave lisait une certitude dans les yeux jaunes de son homologue. Une certitude chancelante, certes, mais une certitude tout de même.
— Ce n'est pas mon opinion que je crains et vous n'avez pas à demander mon consentement.
Kel se pinça les lèvres, jetant une œillade inquiète aux deux gardes qui surveillaient l'interaction sans avoir l'air de rien. Il se tourna, ouvrit la porte d'une main experte, et entraîna Samaël dans son sillage. Une fois la porte close, il la verrouilla d'un geste fébrile, dans l'excitation incompréhensive de l'instant. Il se retourna lentement et, avant qu'il n'ait le temps de réagir, les réflexes de Samaël étant bien supérieurs au sein malgré son avantage d'homme-bête, il se retrouva plaqué contre le mur, la respiration interrompue. Le visage de l'ancien monslave était proche, sans doute trop, mais qu'importe !
— Tu ne comptes quand même pas m'agresser dans mes propres appartements ? s'enquit Kel, la plaisanterie masquant mal une pointe d'inquiétude.
— T'agresser ? Non... susurra-t-il Samaël, d'une voix suave et charmeuse qu'il ne lui connaissait pas.
— Je n'aurais peut-être pas dû... Excuse mon comportement d'enfant gâté, tu n'es pas un... un jouet.
Le trouble qui s'éprit du monarque contrastait avec son assurance fébrile des derniers instants. Samaël comprit qu'il avait, sans le vouloir, annihilé cette certitude si bancale, adorable et maladroite.
— Non, c'est moi qui m'excuse.
Il abandonna les scrupules qui l'avait torturé quelques instants, il se pencha et vola un baiser sur les lèvres entrouvertes de Kel. Il laissa au roi tout le loisir de s'écarter, de fuir cette étreinte, mais l'autre n'en fit rien. Ses mains tremblantes trouvèrent le chemin du visage de Samaël. Il caressa distraitement la roche qui couvrait une partie de ses joues, avec une douceur sertie d'émotions, de dévouement aveugle et touchant.
Kel frissonna de tout son soûl, comme s'il avait attendu cet instant toute sa vie. Comment diable cela était-il envisageable ? Il se sentait aussi fébrile qu'une adolescente s'étant entichée du premier venu et ne s'en imaginait pas bien loin. Il n'osait en faire le rapprochement nécessaire au sujet de ses propres sentiments, les lèvres douces qui avaient capturé les siennes éteignant ses pensées comme pour n'en laisser qu'un écho gracile. Un vertige le saisit, la déraison s'éprenait de son être au même titre qu'il s'enivrait de l'odeur typiquement masculine de Samaël.
— Merci, articula-t-il, lorsque le meurtrier s'écarta pour reprendre son souffle.
— Pourquoi ? Mon geste est égoïste, je ne faisais que...
— ... assouvir un besoin ?
— Oui, quelque chose comme ça.
Le regard de Kel s'emplit de malice et il se remettait lentement du baiser qu'il l'avait enivré. Le corps de Samaël soutenait le sien et, sans cet appui, il tituberait probablement. Quelle image donnait-il de sa personne ? Un être faible, tombé sous le charme de celui qui aurait dû être un ennemi mortel ? C'était ridicule, une attitude risible indigne de lui. Pourtant, il ne parvenait pas à s'abandonner à son élan de culpabilité, l'euphorie et l'exaltation couvrant toute autre émotion contraire. Il comprit que s'il avait proposé l'asile à cet homme, ce n'était pas uniquement par respect pour lui et pour les actes héroïques qui avaient sauvé la peau de son frère. Il avait agi en son nom, parce qu'il ne pouvait pas voir le criminel quitter aussi vite l'enceinte de sa cité. C'aurait été bien trop pénible à supporter !
Il se demanda comment réagirait son peuple à l'annonce d'une relation aussi scandaleuse, mais se reprit bien vite. Il n'avait jamais eu cette curieuse manie de griller les étapes, d'en oublier l'importance et de ne s'attarder sur aucune d'elles. Le regard scrutateur de Samaël troublait son bon sens avec une facilité tout bonnement affolante.
— C'est bien pour cette raison que vous m'avez mené jusqu'ici, non ? Pour assouvir un « besoin », comme vous dites !
— Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit, protesta Kel, tentant de se soustraire à l'emprise implacable de celui qui, une fois encore, se jouait de lui.
— Ne me la fais pas à moi, je ne suis pas dupe ! J'ai connu ton frère et, à certains égards, tu agis de la même manière. Ce comportement... félin, et...
N'y tenant plus, incapable de supporter les provocations délibérées de son homologue, Kel se hissa sur la pointe de ses pieds et couvrit les lèvres impudentes d'un baiser. Un baiser rageur, un baiser désordonné qui perdit très vite sa fureur. Les mains de Samaël prirent en coupe le visage qui, dénué de toute sa colère, ne trahissait que l'abandon, et approfondit le baiser qu'il lui donnait. Les yeux clos, l'ancien monslave goûtait à un mince lambeau de bonheur, se délectait de la soie de ses lèvres et du délice qu'elles lui procuraient.
— C'est à moi de te remercier.
Kel-Cha sourcilla, ses épais sourcils se fronçant sur son regard interrogateur. Samaël reprenait le même schéma de discussion dans un instant où le roi aurait préféré laisser s'exprimer une toute autre forme de langage. Le langage du corps.
— Tu ne cesses jamais de parler.
— J'ai un jour failli perdre un combat, j'étais trop occupé à discuter avec ton frère pour prêter attention à mon adversaire.
— Suicidaire, avec cela, railla Kel, désabusé.
Il ignorait à quel point. Samaël n'en fit pas la remarque, ne désirant pas détruire l'ambiance de l'instant à laquelle il tenait tant, mais il avait maintes fois désiré la mort. C'en était presque devenu un fantasme, une personnification qui refusait de le visiter. Il l'avait imaginé sous la forme d'une vieille femme, aux traits lugubres, à la faux bien apparente. Au même titre que la folie, empruntant les traits d'une ingénue au charme diablement mortel, à la beauté déraisonnable et à la voix chantante, manipulatrice, hypnotique. Une des deux femmes lui rendait régulièrement visite, elle était même une part de lui, mais l'autre avait toujours refusé de l'approcher, à son grand dam.
Aujourd'hui, la voix s'était tue. Pour combien de temps ? Samaël l'ignorait, il en ferait un jour par au roi, lui avouerait les horreurs qui rythmaient son quotidien, lorsqu'il en aurait le courage, lorsqu'il serait certain de ne pas répugner celui qui semblait personnifier sa rédemption.
Afin de mettre un terme à ses sombres réflexions, il ravit une nouvelle fois les lèvres de Kel, avec une passion qui le surprit lui-même. Il ne pensait pas en être capable, en être encore capable après le traitement infligé par Dasyatis et par ces années d'errance dans ce désert de glace. Le corps de Kel était pourtant brûlant contre le sien, une chaleur qui devint presque nécessaire à l'équilibre personnel de Samaël.
Sa main s'aventura sous les vêtements avec une audace qui n'avait rien de surprenant. Le souverain se tendit pourtant à ce geste, semblant prendre conscience de l'ampleur de ce qu'il se produisait. Il ne se déroba pas et se détendit bien vite sous la caresse qui s'insinuait sous sa toilette du jour. Les mains de Samaël se firent plus aventureuses, prenant la respiration plus erratique de celui qui était sur le point de devenir son amant, comme un encouragement. Il avait vu juste, car Kel s'autorisa enfin à reproduire cette tendance, ses doigts découvrant avec précautions les roches qui se formaient harmonieusement sur sa peau d'albâtre.
— Faites attention, elles peuvent être coupantes.
Kel, ignorant la remarque, poursuivit sa lente et méticuleuse exploration. Il n'appuyait pas, craignant de s'entailler sans le vouloir et Samaël en fut presque ému. Son cadet le détaillait sans la moindre trace de dégoût. Il avait toujours eu honte de cette apparence monstrueuse, une honte qui avait pourtant fait de lui un redoutable combattant : Samaël l'indomptable. Désormais, et à travers le regard bienveillant et tendre du Jaguarian, la malédiction le confortait dans sa différence. Il se sentait presque beau.
De l'index, il redressa le menton de Kel, le forçant à lui faire face, et l'embrassa à nouveau. Encore et encore. Jusqu'à sentir la brûlure de ses poumons sous le manque d'oxygène. Ils étaient vivants, bien vivants, et ensemble.
Le monarque parvint à se défaire de l'emprise de son aîné et désigna le lit qui, au fond de la pièce, se dressait majestueusement. Immense, digne d'un roi, Samaël regrettait de ne pas y avoir faire attention plus tôt. D'un mouvement habile, il entraîna l'autre et entreprit de le soulager de ses vêtements. Empêtré dans les tissus, il parvint à déshabiller Kel en quelques instants, son regard courant sur le corps nu qui se dévoilait pudiquement à son regard. Une certaine rougeur investit les joues du plus jeune, visiblement troublé par les œillades appréciatrices que Samaël lui réservait. Il manqua de porter sa main à la partie centrale de son anatomie, fièrement érigée.
— N'allez pas me dire que vous êtes mal à l'aise, mon roi, se moqua Samaël, autant par satisfaction que par désir de calmer les pulsions qui l'assaillaient.
— Je t'en prie, tais-toi !
— Attendez, ne me dites pas que...
— Que quoi ? Que je ne suis pas le roi qui profite de son titre pour rameuter toutes les jolies demoiselles de Jaguarys ? se fâcha Kel, masquant une honte qui n'avait pourtant pas lieu d'être.
— Elles doivent être tous à vos pieds.
— Je n'en sais rien et, à vrai dire, cela m'est parfaitement égal.
Le sourire mangeait le visage de Samaël. L'animosité du roi n'était qu'une surface destinée à cacher une gêne véritable. Celui qui était sur le point de devenir son amant regrettait son inexpérience. Il était vrai que l'ancien monslave avait partagé la couche de bien des individus, femmes et hommes confondus, mais il n'en tirait pas la fierté déplacée de certains. Ces étreintes ne lui avaient procuré qu'un soulagement factice et éphémère, loin de l'extase des caresses pudiques de Kel-Cha.
— Vous n'avez pas le droit d'en avoir honte, énonça Samaël, avec le plus grand des sérieux.
Du bout des doigts, il caressa le Katseye de son front, son pourtour et les angles, l'harmonie des couleurs et tout le symbole de ce bijou. Kel le lui avait expliqué et, depuis, il admirait ce petit objet, d'apparence inoffensif. Si Gryf en avait été doté, jamais il n'aurait pu lui tenir tête et il serait peut-être mort. Il y voyait une forme d'accomplissement et se sentait presque idiot de pousser la réflexion aussi loin.
— Ça, Gryf n'en avait pas.
— Enfants, nous le portons sous forme de collier. Ceux qui l'ont vendu ont dû le lui arracher. Il n'a donc pas pu, comme moi, se le faire greffer.
La voix du roi tremblait d'une colère contenue, mais toujours là, bien des années après. Samaël savait, ou plutôt devinait, que cet événement avait façonné son enfance. En vérité, la fugue, puis l'enlèvement de son frère, avait réarrangé sa destinée, l'avait façonnée selon les désirs d'une autre. Kel était devenu roi à la place d'Anoth et cela avait mis un triste terme à une enfance paisible. Le criminel embrassa le bijou comme pour chasser ce pesant souvenir de l'esprit du souverain, ses lèvres effleurèrent la surface lisse dans un geste symbolique.
Il prit le visage en coupe, lui interdisant de fuir le contact visuel. Il observa soigneusement chaque courbe douce et enfantine, ce fléau qui avait touché les entrailles de Jaguarys au même titre que tout Alysia, puis la finesse de ses clavicules, l'arrondi délicatement musculeux de ses épaules, ses bras, son torse aux poils fournis et roux, les abdominaux qu'il devinait sous cette épaisse fourrure... Et puis, plus bas encore, son regard s'attarda sur la toison épaisse et sur le sexe roide qui en disait long sur l'excitation du Jaguarian.
Ce dernier, comme pour se donner une contenance ou pour se mettre sur un pied d'égalité avec son vis-à-vis. Samaël était peu vêtu et cela fut aisé de retirer chaque habit comme on retirerait une couche de peau. Le plus âgé se dévoilait dans son plus simple appareil, s'abandonnant à une observation qui, contrairement, à la sienne, était dénouée de tout intérêt pervers. Kel guetta chaque pierre, leur forme si précise, si belle, qu'elle semblait avoir été conçue et dessinée de la main d'un dieu. Une œuvre d'art qui le laissa pantelant d'émotions.
Samaël réagit le premier, ses baisers s'éparpillant sur le visage du roi, puis dans son cou et à la frontière de son épaule. Ses mains, quant à elles, n'étaient pas en reste, et naviguaient librement sur les courbes délicates de son cadet. Le contact du poil sous la pulpe de son doigt avait quelque chose d'inhabituel, mais de profondément excitant. Tout comme sa langue râpait la sienne lorsqu'ils s'embrassaient, de quoi griser ses sens et lui ôter ce qu'il lui restait de raison.
— Toutes les Jaguarianes doivent envier ma place.
— Je... Je compte sur toi pour garder ce secret pour toi.
— Evidemment, je serais... muet comme une tombe.
Il s'amusait, cela lui permettait de poser un verrou sur ses ardeurs et ne pas se montrer trop empresser. S'il s'écoutait, avec autant de vivacité que leur relation s'était nouée, il s'emparerait de ce corps sans plus attendre, bestial et même brutal. Il se fit violence et parvint à cadenasser loin de lui ces affligeantes reliques de sa vie passée. Il se refusait à faire preuve d'une telle bêtise, il chérirait celui qui lui avait offert une chance de salut, une chance de salut dans ses bras, ce qu'il n'aurait jamais cru envisageable.
Ses doigts s'enroulèrent autour de la verge de Kel et celui-ci, qui s'était jusqu'alors contenté de discrets soupirs, ne put contenir le gémissement qui s'échappa de ses lèvres. Il tressaillit et crut, une fois encore, que ses jambes finiraient par ne plus le porter. Une de ses mains s'accrocha à l'épaule de Samaël tandis qu'il poursuivait sa propre exploration, bien moins appliqué que quelques instants plus tôt. L'ancien monslave initia un geste sûr qui le fit haleter, surpris par la vague de plaisir qui déferlait, qui montait, qui léchait son corps de plus en plus violemment, qui grandissait et grossissait en lui.
Samaël surveillait la moindre de ses réactions, quoique distrait par la main de Kel qui venait de s'échouer dans le creux de ses reins, il sut prévenir l'orgasme avant qu'il n'emporte son amant. Il s'arrêta de justesse, souriant devant le sifflement de frustration que le Jaguarian lui réserva.
— Patience, susurra-t-il, à son oreille.
— Tu ne peux quand même pas...
— Oh que si, je le peux ! Et moi qui croyais que la patience était la qualité première d'un bon roi.
— Le roi va t'enfermer dans les cachots de sa magnifique demeure si tu t'entêtes à me... à me torturer !
— Tout doux, chaton.
La colère de Kel ne se fondait sur rien et Samaël en devinait l'aspect purement éphémère, c'était pourquoi il poursuivait, le taquinait, le poussait dans ses retranchements. Un passe-temps qui, même au cœur d'un tel moment, ne cessait d'opérer.
Samaël eut un regard pour l'immense lit à quelques pas d'eux. Jamais il n'avait eu droit à un tel confort, mais ses pensées ne s'attardèrent pas sur un détail aussi pratique, mais sur un autre, bien plus urgent. Il coula un regard plus sérieux et moins badin sur Kel avant de s'enquérir :
— Mmh, vous n'auriez pas du... enfin, quelque chose pour...
— Je ne suis pas certain de comprendre.
— Du lubrifiant.
— Oh...
Kel se pinça les lèves, contrarié. Non, évidemment que non ! Qu'irait-il faire avec pareille chose dans sa chambre ? La question ne se posait pas. Il se sentit idiot de n'avoir guère songé à un tel détail, mais Samaël coupa court à ses réflexions en s'emparant de sa main, le guidant jusqu'au lit, l'y poussant. Le roi atterrit dans un froissement de draps indigné et Samaël le fit reculer encore, jusqu'à atteindre les coussins disposés dans un ordre précis et, visiblement, complexe. Il le surplombait et y prenait un malin plaisir. Vide de son contact, Kel attira son visage contre ses lèvres et l'embrassa, la passion dévorant ses entrailles.
— Nous allons devoir faire avec ce que nous avons.
Accompagnant le geste à la parole, l'ancien monslave présenta de doigts à la bouche de son amant. Ce dernier, sans comprendre la requête informulée, lui jeta un regard perdu, un brin dépassé.
— Je n'ai pas l'intention de te blesser alors, si tu ne veux pas que ça arrive, lèche mes doigts.
Samaël s'était exprimée sur un ton théorique qui lui plaisait bien moins que le reste, un soupçon d'impatience et d'empressement luisant dans sa voix. Heureusement, Kel comprit sans attendre et s'appliqua à la tâche qui lui était assignée. L'envie de décroissait pas et son érection, tout comme celle du criminel, était douloureuse. Ce dernier se fit violence une fois encore, mis au supplice par la vision du roi suçant avec application ses deux doigts. Son ventre se tordit et un nouvel afflux de sang vers son sexe rendit la tension plus insupportable encore.
Les doigts humidifiés trouvèrent le chemin de l'intimité de Kel. Celui-ci, à moitié allongé sur le dos, accepta de reposer sa tête sur les coussins et de s'abandonner aux attentions expertes. Cela ne dura que peu de temps, la sensation inconfortable n'était que passagère et le Jaguarian s'y acclimata vite, étudiant la sensation pour le moins inédite. De son index fouillant délicatement l'antre de son amant, Samaël effleura un endroit particulièrement sensible, jusqu'alors inconnu de Kel. Celui-ci referma les doigts sur le drap et s'étrangla dans un cri muet, un cri d'extase.
Satisfait, Samaël retira les doigts avec précaution, se surprenant de faire preuve d'une telle tendresse, mais s'attirant le même gémissement que tantôt. Les hommes et femmes qui avaient partagé un instant d'intimité avec lui n'avaient pas eu droit à un tel honneur. Il s'agissait, dans tous les cas, d'une étreinte brutale, à peine satisfaisante, où les deux parties récupéraient ce qu'ils étaient venus chercher, un instant pour lequel seule la danse séculaire des corps importait. Là, cela n'avait rien de commun à toutes ces éphémères expériences, le visage était chéri et le corps aimé. Samaël refusait de faire preuve du même détachement, il souhaitait profondément rendre l'instant inoubliable, autant pour Kel que pour lui-même.
Cette même pensée accompagna l'ancien monslave lorsqu'il pénétra enfin son amant. Celui-ci grimaça d'une douleur naturelle, d'une douleur qui irradiait ses reins et qui lui arracha une plainte à peine audible. Samaël ne força pas ses parois étroites, mais ne s'arrêta que lorsqu'il fut enfoncé jusqu'à la garde. Il prit une profonde inspiration, embrassant le visage de Kel et flattant son sexe qui avait perdu de sa rigidité. La souffrance ne tarda pas à désenfler et, dès que les traits du plus jeune se détendirent, Samaël initia un premier mouvement. Un mouvement lent, extraordinairement lent, mais qui gagna en profondeur petit à petit.
— Est-ce que...
— J-Je t'en prie, ne t'arrête pas.
Il s'agissait de l'autorisation nécessaire, Samaël abandonna toute retenue. Il fit l'amour au roi de Jaguarys avec toute la brûlante passion qui lui inspirait. Le plaisir déferlait, autant sur lui que sur Kel qui ne pouvait lutter contre la volupté qu'éveillait chaque mouvement, chaque frottement. Ses gémissements s'accordèrent à ceux de son aîné, une mélodie qui, à l'image de cette danse grandiose, perdit tout son sens. Kel crut perdre la raison et sentit à nouveau grandir en lui l'osmose. Il consentit à abandonner le peu de contrôler qu'il lui restait sur son corps, embrassant pleinement le bonheur qui lui submergeait. Il embrassa les lèvres humides de Samaël à l'instant où il perdit pied. Il jouit dans un rugissement animal, entraînant son amant dans sa chute précipitée.
Samaël se déversa dans le corps chaud de Kel, mordant la gorge exposée de ce dernier afin d'y étouffer le cri d'extase qui lui échappa. Ils restèrent ainsi, pantelants, égarés, dument imbriqués l'un dans l'autre de la plus délicieuse des manières. Samaël ne se retira que quelques longues minutes plus tard, après avoir retrouvé son souffle et ses esprits. Il embrassa le front de Kel, faire preuve d'une tendresse déplacée à l'égard d'un monarque ne l'épouvantant guère. Rien ne comptait à l'exception de ce fameux souverain qui, entre les draps défaits et imbibés de la sueur qui recouvrait leur peau d'une pellicule brillante, n'était plus qu'un homme.
Samaël s'éloigna et trouva rapidement ce qu'il était venu chercher, encore hagard de la jouissance qui l'avait terrassé. Un linge propre et humide en main, il entreprit de nettoyer le foutre qui tâchait les fesses de Kel. Une sensation qu'il imaginait désagréable, il en soulagea son amant sans une parole, s'affairant en silence à réparer les dégâts. Il n'y avait pas la moindre trace de sang et il en fut le premier soulagé.
— Merci...
— C'est... normal.
— Non, tu ne comprends pas. Merci, merci pour tout.
Samaël, une fois sa besogne achevée, jeta négligemment le linge souillé de son sperme un peu plus loin et son regard, étonnamment dénoté de raillerie et de démence, se calqua sur celui de Kel. L'expression empruntée se faisait solennel.
— C'est à moi de vous remercier.
— Tu peux arrêter de me vouvoyer, je ne suis plus ton roi ici et c'est trop... officiel à mon goût.
— C'est à moi de te remercier, rectifia Samaël, sans se défaire de son sérieux. Tu m'as offert la chance que je n'aie jamais eu et que je n'ai jamais espéré avoir.
— Je ne me serais jamais pardonné de t'abandonner dans les montagnes. Tu étais malade et t'imaginer mort...
— Tu aurais pu me chasser une fois guéri.
— Oui, sans doute.
Mais il n'en avait rien fait. Leur relation était construite sur ce principe, sur des hypothèses, une succession d'événements qui les avait menés jusqu'ici, dans ce lit royal à partager de telles confidences.
Samaël s'allongea et ferma les yeux. Il goûta, pour la toute première fois de son existence, à la paix de l'âme et du corps. Un bonheur qui irradiait, une lumière qui éclairait son existence et qui guiderait ses pas. Cette lumière, ce rayon de soleil orphelin, c'était Kel-Cha. Redressé sur ses coudes, celui-ci ne parvenait pas à étancher sa soif. Malgré sa fatigue, il se gavait de l'image de son amant, le visage dépourvu de moquerie et de haine. Son visage aux traits détendus formait un apaisement profond et sincère. L'émotion saisit Kel qui déposa ses lèvres sur son front recouvert de roches organiques, puis sur ses lèvres. Un chaste baiser.
Puis, il se coucha à son tour, recouvrant ses hanches du drap de soie qui glissa et épousa la forme de son corps. Sans en avoir conscience, il se blottit contre le corps endormi de Samaël et s'assoupit à son tour, Morphée cédant à ses caprices de roi gâté une fois de plus.
Ainsi, au cœur de la cité de Jaguarys, ces deux êtres goûtaient à un bonheur dont il n'avait jamais connu la couleur. Un effluve enivrant dont ils ne se lassaient pas, une promesse de pardon et de rédemption enfin rendue possible. Samaël n'en doutait pas un seul instant, il avait vécu toute sa vie dans l'attente de ce moment, comme si la vie avait mis à l'épreuve l'homme pour le faire s'élever bien au-delà de sa condition. Il dormait paisiblement, libéré de ses chaînes comme il en avait si longtemps rêvé. Pour lui, le jour s'achevait et cela n'annonçait guère la fin, mais un renouveau. Le crépuscule avait laissé place à une nuit interminable, semée de tourments, mais désormais, l'horizon se nuançait de couleurs pâles et douces, pures et subtiles.
C'en était fini, l'enfer refermait ses portes et la longue nuit touchait à sa fin. Car demain, l'aube se lèverait en leur nom.
Et voici cette dernière et longue partie, avec une petite journée d'avance.
Ce lemon conclut cette courte fanfiction et j'espère de tout coeur qu'elle vous aura plu. J'ai essayé, malgré le format très court, de construire une relation réaliste et une évolution naturelle. Cette fanfiction est un coup de tête, mais j'ai été ravie de la rédiger. J'espère donc de tout coeur que ce ship, que je décrivais moi-même comme improbable il n'y a pas si longtemps, vous aura plu.
C'est donc une nouvelle fanfiction Légendaires que j'achève ici première depuis un très long moment. Elle s'ajoute à la longue liste de textes que j'ai écrit sur l'univers fabuleux de cette BD.
C'est tout pour cette fois, je vous dis à très bientôt <3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top