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Je me mire dans le reflet de la vitre qui tremble sous les vibrations du véhicule. Je pose ma tête contre la glace quand le bus s'arrête brusquement. Mon front cogne douloureusement le verre et m'arrache un grognement de douleur. Mes longs cheveux pendent misérablement devant mes yeux, m'obstruant la vue.
Je réalise que je dois sortir à cet arrêt quand je relève le regard. Mais déjà, les portes se referment et le chauffeur démarre à nouveau.
Dégoûtée, je presse la demande d'arrêt. Je vais devoir marcher un peu plus longtemps jusqu'au campus. Je saute sur le bitume en descendant du bus et rajuste mes lunettes qui ont glissées au bout de mon nez.
Je sais pertinemment que leur verre épais me configure une expression constamment hébétée, ce sont les désavantages de ma sévère myopie qui me pourrit l’existence.
J’ai un cours d’économie d’entreprise et je suis en retard, comme toujours. Il m’arrive toujours un pépin inattendu qui vrille ma résolution de chaque année : ne plus arriver en retard.
Quand j’arrive dans le petit amphithéâtre, le maître de conférence a déjà -comme prévu, commencé à déblayer quelques propos ennuyeux. Je commence à m’installer au fond de la salle, dans l’ombre des dernières rangées. Le dossier de ma chaise grince quand je m’y adosse, me faisant grimacer. Deux personnes se retournent en me lançant des regards assassins. Comme si quelqu’un écoutait vraiment les paroles de cet intervenant.
J’écoute vaguement, en gribouillant quelques notes éparses sur une feuille volante. J'ai encore oublié mon ordinateur. Ma tête lancine comme un tambour, je sens une migraine poindre. Il ne manquait plus que cela.
Ces maux me font tourner la tête et je me sens basculer dans l’inconscience. Petit à petit, je m’endors et le dernier souvenir que je garde est mon crâne qui vient heurter les nombreux gribouillis gravés au stylo sur la table.
*
Mes yeux papillonnent lentement. J’ai l’impression d’avoir dormi pendant des heures. En relevant mes paupières, je m’attends à retrouver l’amphithéâtre. Mais je me trompe, je suis dans mon propre lit. Être dans mon propre studio ne devrait pas m’effrayer outre mesure. Sauf que je suis incapable de me souvenir du trajet. J’ai beau me creuser la cervelle jusqu’à retracer ma matinée, il n’y a rien à faire.
Je jette un œil à mon portable. Combien de temps ai-je pu dormir ?
Il est neuf heures. Il ne s’est donc passé qu’une heure après mon absence ?
Je suis rassurée un bref instant avant que mon regard ne dérive sur la date d’aujourd’hui. Elle indique jeudi. Attendez... jeudi ? Elle doit être complètement détraquée. Sauf que je vérifie et mon portable fonctionne normalement.
Nous ne sommes vraiment plus lundi. Il s’est écoulé trois jours dont je n’ai aucun souvenir.
Reste à savoir ce qu’il s’est produit dans cet intervalle. L'esprit rationnel, j’envoie un message sur la messagerie de ma promo de la faculté.
Moi : Les gars, j’étais là ces trois derniers jours ? Vous allez me prendre pour une folle mais je suis incapable de me souvenir de ce que j’ai fichu depuis lundi !
9:18
Lucas : T sérieuse meuf ?
9:20
Moi : Ai-je déjà été du genre à blaguer ?
9:20
Lucas : Ben depuis ton expo en méthodo je doute de tt te concernant
9:25
Leonie : Grave d’accord
9 :26
Ti-beauf : C’était ouf
9 :26
Leonie : Wsh Thibault t'étais en cours ce jour là toi ?
9 :27
Moi : Mais qu’est-ce que j’ai fait ?
9 :27
Ti-beauf : Oué
9 :28
Leonie : Putain les gens gros scoop !! Thibault est venu en cours cette semaine !!! MDR
9 :28
Ti-beauf : Oh TH
9 :29
Ti-beauf : TG*
9 :29
Moi : Hé ho, c’est quoi cette histoire d’exposé de méthodologie ???
9 :30
Je me gratte le menton, à l’affût de nouvelles réponses. Mais c’est le silence radio. Je saute de mon lit et décide de me préparer, bien que je n’ai pas cours avant cet après-midi.
Je fouille dans les dossiers de mon ordinateur : j’ai apparemment bien pris les cours de ces derniers jours. Les notes sont bien meilleures que celles que j’ai l’habitude de prendre, ce qui m’étonne. Ai-je vraiment écrit tout cela ?
Je me lave et m'habille. La majorité de mes vêtements sont fourrés dans le panier de linge sale. Grommelant, j'enfile un t-shirt légèrement trop court à mon goût. Il a tendance à remonter quand je me penche et j'ai une sainte horreur de dévoiler mon corps.
Mais je préfère faire attention à ne pas me pencher que de sentir mauvais. Surtout pour me rendre en cours.
Je prends mon sac et descends dans la rue. L’avantage du centre-ville, c’est bien la proximité des boutiques environnantes. Je file à la boulangerie pour acheter deux croissants. En sortant mon porte-monnaie, je ne vois que quelques grosses pièces.
Mais où sont donc passés mes billets ?
Je devais avoir presque quatre-vingt euros, si je me souviens bien. Si seulement je pouvais me rappeler de ces derniers jours. Les aurais-je déjà dépensés, fait de grosses courses avec ? Je ne suis pas du genre dépensière, pourtant... vivant seule, je dépense au maximum trente euros par visite au supermarché à bas prix.
Peut-être avais-je été volée lorsque je m'étais endormie dans l'amphithéâtre ?
Je paye tout de même mes croissants et repart encore plus perplexe. Il faut vraiment que j'ai une conversation de vive voix avec mes camarades de classe.
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