Chapitre 5
Le soir, vers 19h, je rentre enfin à mon appartement. Je suis lessivée. Je me jette sur mon lit et regarde le plafond pendant quelques minutes, sans bouger. Mon téléphone sonne et me sort de ma petite bulle.
_ Allô ?, dis-je d'une voix endormie.
_ Mary ? C'est Luke à l'appareil.
Luke... Luke ? Oh non, la réception au Plaza ! J'avais complètement zappé ! Je me lève d'un bond et fonce à ma salle de bain. Quand j'arrive, je découvre que j'avais déjà préparé ma tenue. Je dois juste prendre une douche et laver mes cheveux. Ouf !
_ Oui ? Oui, c'est moi !
_ Je vous dérange ?
_ Non, non ! Du tout ! Dîtes-moi.
_ Ma femme et moi vous proposons de venir vous chercher pour aller au Plaza. Vous êtes d'accord ?
_ Je ne suis pas encore prête, Luke.
_ Oh, nous n'allons pas débarquer tout de suite, rassurez-vous. Nous viendrons vous chercher vers 19h50, je pense.
_ Très bien, je serai là !
_ Quelle est votre adresse ?
_ Je suis au 338, sur la 55ème.
_ Très bien, alors à tout à l'heure.
Il raccroche et je pose mon téléphone. Je souffle un coup et respire profondément. Il faut que je me bouge vite fait sinon je vais être en retard.
Trente minutes plus tard, j'ai enfin fini de me boucler les cheveux. Je me maquille et glisse mes pieds dans mes talons Gucci. J'enfile vite ma robe longue noire, dos nu et je vais à la cuisine me servir un verre de tequila pour me requinquer. Une fois le shooter vide, je secoue la tête pour faire passer le coup de chaud. Je suis dingue de boire ça, pur. Je suis enfin prête et à temps pour partir. Pile quand je saisis mon sac, Luke me rappelle pour me prévenir qu'ils sont en bas. Je me glisse dans l'étroit escalier en bois, passe les boîtes aux lettres et sort du sas de sécurité pour sortir dans la rue. Une jolie limousine blanche est garée juste devant ma porte. Le chauffeur en sort, vêtu d'un uniforme. Il m'ouvre la portière arrière et je monte à l'intérieur. Luke est très chic. Il porte un costume trois pièces. La femme qui l'accompagne est tout aussi ravissante. Elle arbore un charme qui est vraiment renversant, même avec ses petites rides au coin de ses yeux.
_ Bonsoir, dis-je en m'installant.
_ Bonsoir, Mary. Je vous présente Caroline, ma femme. Ma chérie, voici Mary Dickens, une amie que j'ai rencontrée chez Landry Corporates.
_ Ravie de faire votre connaissance.
Je lui dis la même chose en serrant la main qu'elle me tend. Mon téléphone vibre. C'est Amanda qui m'appelle. Je m'excuse auprès de Luke et de Caroline et prend l'appel.
_ Allô ?
_ Alors ce premier jour de travail, c'était comment ?, me demande mon amie avec enthousiasme.
_ C'était parfait ! Sauf qu'à midi, on a mangé des escargots farcis, j'ai cru que j'allais y laisser mon cœur.
Je regarde Luke et Caroline qui gloussent en m'écoutant. Amanda, elle, rit à gorge déployée.
_ Eh bien ! T'as dû t'amuser ! Tu vas à la réception ?
_ Oui, je suis en voiture avec Luke et Caroline, sa femme.
_ Très bien ! Demain soir, on a toutes rendez-vous chez Ellie. Prépare le débriefe !
_ Oui chef !
Je raccroche en souriant. Luke me regarde avec un air interrogateur.
_ Alors ? Vous n'aimez pas les escargots farcis ?
_ Non, ris-je. Je hais ça.
_ Nous aussi. C'est dégoutant, acquiesce Caroline. Mais ne vous en faites pas, ce soir, il n'y en aura pas !
Je passe ma main sur mon front en prononçant un petit « ouf ». Nous rions ensemble et nous continuons de discuter de la soirée. Luke m'a dit que Julian serait là aussi. Et d'un coup, mes moyens m'échappent. Mon sang se glace et je deviens tendue. Il ne me fait pas peur, mais il est très intimidant. Et s'il vient me parler, ce que je pense qu'il n'arrivera jamais, je ne saurai pas quoi faire. Et si je rencontre mon ex-patronne ? Ou même Nathanael ? Oh mon dieu. Non, je ne peux pas y aller. C'est impossible. Demi-tour !
_ Ça ne va pas, Mary ?, me demande Luke inquiet.
_ Si. Oui, ça va. Juste un peu stressée.
_ C'est votre première soirée où vous viendrez en solo, Luke m'a dit, confie Caroline. Tout va très bien se passer. Si jamais vous vous ennuyez ou que vous vous sentez perdue, venez me voir.
_ Merci Caroline. J'apprécie.
Je regarde par la fenêtre en priant pour que tout se passe bien, dans le meilleur des mondes. Je sens que mes nerfs vont lâcher.
Quelques minutes plus tard, nous nous retrouvons enfin devant l'hôtel Plaza. Plusieurs photographes sont déjà présents. Et les flashs crépitent de tout côté. J'ai soudain le moral dans les chaussettes. Je suis déjà passé devant eux, bien sûr. Mais seule, jamais. Et j'ai la trouille. Caroline pose sa main sur la mienne et me ramène à la triste réalité avec un sourire chaleureux. Elle et Luke sont faits pour être ensemble. Ils se ressemblent tellement.
_ Vous restez à côté de moi, je vous retiendrai si vous tombez.
Un rictus se forme sur mon visage et je décide de sortir. Quand Luke nous rejoint, les flashs redoublent de puissance. Il nous sourit et nous montre le mini tapis rouge de l'entrée. Il me retient et je me retrouve coincée entre lui et Caroline, regardant les journalistes. On se retourne pour faire face à l'autre côté et Luke tend sa bouche vers mon oreille.
_ Tout va bien.
Je le regarde. Puis, une autre limousine arrive. Le chauffeur trottine pour ouvrir la portière. Un homme en sort. Hyper élégant. Hyper beau. Julian Landry quoi. Il voit son oncle et s'avance vers nous en fermant le bouton de sa veste noire.
_ Ah ! Julian !
_ Bonsoir, mon oncle, dit-il en prenant la pose avec nous.
_ Tu es un peu en retard.
_ Il faut savoir se faire désirer, dans la vie. N'est-ce pas Mary? Dit-il en jetant un œil vers moi.
Je rêve ou il me sourit là? Luke rit à sa blague et moi, je me tortille sur mes talons pour faire face à l'embarras. Qu'est-ce que je fous là, moi ? Luke me lâche et se tourne vers Caroline.
_ Ma chérie, voudrais-tu faire une photo avec moi ?
_ Bien sûr !
Non. Mais qu'est-ce qu'ils font ? Ne partez pas ! Trop tard, ils sont déjà en train de prendre la pose. Je les regarde et souris en serrant ma pochette dans ma main. Tellement je suis stressée, mes jointures en deviennent toutes blanches. Puis, je sens une main se glisser dans mon dos et je sens qu'on me tire vers un autre corps. Je tourne mon regard vers ma droite et croise la tête de Julian à même pas dix centimètres de la mienne. Son regard plonge dans le mien et je me sens défaillir. Il a des yeux bleus océans. Un regard de braise, décoré d'une chevelure presque noire. Je rougis un peu et il tourne sa tête avec un petit rictus aux lèvres. Un flash me ramène à la réalité et je sursaute. Julian approche sa bouche de mon oreille.
_ Détendez-vous. Vous avez fait face à Miranda. Cela devrait être un jeu d'enfant pour vous.
Comment diable est-il au courant?
_ Facile à dire pour vous. C'est la première fois que je viens seule, devant des photographes.
_ Et vous vous en sortez très bien. Et dois-je vous rappeler que je suis là, moi aussi ?, me fait-il remarquer en nous forçant à nous retourner pour faire face aux autres journalistes et photographes.
Plusieurs d'entre eux posent des questions en haussant la voix. Un moment j'ai cru entendre demander « Qui est cette fille ? ». Je me retourne vers la voix et sourit. Je fais un petit sourire sincère et je me sens pousser des ailes. Julian est à côté de moi. Ses doigts dans mon dos et nous posons ensemble. Finalement, il t'a peut-être sauvé la vie. Non, impossible. Il m'a vu seule. Il a voulu se conduire en gentleman, c'est tout. Mais la voix au fond de moi, souriante, lève son doigt pour le balancer de gauche à droite. Non. Stop. Il n'est pas comme ça. Il est froid, prétentieux. Il n'est pas comme ça.
_ Pour en revenir à Miranda. J'ignorais que quelqu'un aurait été capable de lui balancer ses quatre vérités au visage.
_ Ce n'étaient que des mots, je réponds, sifflante.
Pourquoi il me rappelle ça ? Je compte passer une soirée délicieuse. Ne pas me remémorer mes prouesses de langage face au dragon qu'est Miranda Kreep.
_ Des mots que tout le monde à Manhattan voudrait lui dire.
Julian me regarde avec un petit sourire. Il a l'air amusé. Je dodeline doucement ma tête, en souriant.
_ Je n'ai fait que lui dire le fond de ma pensée.
Je lui souris. Ses yeux me transpercent.
_ Oh, je vous crois. Même moi, j'aurais voulu lui dire.
_ Elle n'a rien à voir avec vous. Pourquoi vouloir le faire ?
_ Parce que cette femme a été mariée à mon père. Et qu'il en a souffert.
Soudain, je lève les yeux vers lui, incrédule. Il connait Miranda ? Peut-être qu'elle a déteint sur lui, vu comment notre première rencontre s'est déroulée.
_ Je ne le savais pas.
_ Ce n'est rien. C'est du passé. Rentrons.
Il désigne l'entrée de l'hôtel de sa main et je m'avance vers cette dernière. En voilà, une nouvelle. Miranda Kreep est l'ex belle-mère de Julian Landry. Eh bien.
Une fois à l'entrée, je me tourne vers une jeune femme bien habillée, tenant la liste des invités.
_ Bonsoir. Mary Dickens.
_ C'est bon, vous pouvez y aller.
_ Merci.
Je monte les huit marches de l'entrée et deux portiers m'ouvrent grand le passage. Je retrouve Luke et Caroline, m'attendant devant la réception. Une légère musique de piano se fait entendre.
_ Prête ?, me demande Caroline.
_ Oui.
Elle me sourit et Luke nous suit, précédé de Julian. Ils entament une conversation. J'essaie d'écouter mais Caroline commence à parler.
_ Alors, comment ça s'est passé ?
_ Plutôt bien. Je me suis sentie perdue quand vous êtes partie avec Luke.
_ Mais Julian est arrivé à votre secours.
_ Effectivement.
Et heureusement, sinon j'aurais pris mes jambes à mon cou et j'aurai déguerpie en vitesse et le plus loin possible de cet endroit. Nous pénétrons dans une grande salle, faisant au moins dix mètres de haut. Des petits balcons pleins de fleurs et des sculptures entourent la salle. Au plafond, deux énormes lustres pendent au-dessus des tables, recouvertes de nappes blanches et décorées avec une attention si délicate que je n'oserais même pas toucher. Des bouquets de fleurs sont disposés sur ces dernières. Et ils sont simplement splendides. Et au milieu, un large espace pour danser. Je me crois au paradis pendant quelques instants. Et un groupe s'installe. Sur le caisson de leur batterie, il y a marqué Clubbin' With Grandpa. Intéressant.
Caroline m'attire vers une table, au bord de la piste de danse. Je remarque six couverts. Mon nom est placé au-dessus d'une assiette, à côté de celui de Luke. Il y aura Caroline à côté de lui. Je ne prête pas attention aux autres noms. Mais quand Julian installe son téléphone à côté de mon assiette, le rouge me monte aux joues. Il ne faut pas qu'il se mette à côté de moi. Non, il ne faut. Mais d'ailleurs, pourquoi je réagis comme ça ? Depuis qu'il est arrivé, je me sens pas super bien. Je ne comprends pas pourquoi. Enfin bref... Je m'installe à ma place et attend de voir ce que Julian va faire. Je me dandine sur ma chaise pour être confortable mais avec lui dans les parages, c'est peine perdue. J'ai peur de faire quelque chose de mal. De ne pas me tenir correctement ou quoi. Ok, il est plutôt jeune - il a l'air d'avoir mon âge - mais il est quand même P-DG d'une grande entreprise et, rien que ça, je trouve ça effrayant. Et encore plus, à l'instant où il tire la chaise à côté de la mienne et qu'il s'y assied avec toute la grâce du monde. Oh non... Luke me sourit et les deux autres personnes arrivent à notre table. Ce sont les deux hommes que j'ai vu dans le bureau de Julian, quand je suis venue lui rendre son téléphone, il y a trois jours. J'ai l'impression que ça remonte à il y a des années.
_ Bonsoir tout le monde !, dit le premier.
_ Nous sommes désolés du retard. New York et ses embouteillages, ajoute le deuxième.
_ Ne vous en faites pas les garçons, vous êtes pardonnés.
Je les regarde. Ils me fixent tous les deux. Et l'un ouvre enfin la bouche.
_ Qui est cette ravissante demoiselle ?
_ Les garçons, voici Mary Dickens.
Luke vient de prononcer mon nom et je me lève pour serrer la main des deux hommes.
_ Mary, voici Jonas et Arno. Ils sont frères.
_ Enchantée de faire votre connaissance, émets-je doucement.
_ Vous êtes la fille au téléphone, n'est-ce pas ?, m'interroge Jonas en s'asseyant en face de moi.
_ En effet. C'est bien moi.
_ Alors, c'est vous aussi qui avez répondu à Miranda ?, s'exclame Arno.
_ Oui, c'est bien elle.
Julian vient de répondre à ma place, les mains croisés regardant ses doigts avec une intention toute particulière pour ses cuticules.
_ Wow ! On parle beaucoup de vous, en ce moment. La femme qui a cloué le bec au dragon !, débite Arno avec un grand sourire.
_ Je pourrai avoir un autographe ?, plaisant Jonas.
Nous rions tous à table. Les personnes commencent à affluer dans la salle et à prendre place. Je commence à répéter ce que j'ai dit à Julian tout à l'heure quand je croise le visage de quelqu'un. Quand on parle du loup, il sort du bois. Je cesse de prononcer des mots. Oh non. Pas ça ! J'ai l'impression de voir un fantôme. Luke pose sa main sur mon épaule et me secoue tout doucement.
_ Mary, ça va ?
_ Elle est là.
Le dragon est là. Et je crois qu'elle m'a vu aussi. Hip !
_ Elle vient par ici, commente Julian. Ce n'est pas possible.
Derrière elle, Meredith s'agite pour la suivre. Et lorsqu'elle me voit, elle m'adresse un regard étonné. Puis, elle me fait un sourire sincère et agite sa main pour dire bonjour. Je lui souris à mon tour et mon regard devient froid dès que je me détourne vers Miranda, qui me regarde avec un sourire tellement faux que ça me rend encore plus nerveuse. Tout le monde se tait à notre table.
_ Miranda, commence-je.
_ Mary. Quelle plaisir de vous revoir. Je ne m'attendais pas à vous croiser ici.
_ Et me voici.
Si les yeux de Miranda avaient été des fusils, j'aurais été transformée en gruyère sur le champ. Je soutiens son regard mais je ne faillis pas. Elle n'est plus rien pour moi.
_ Vous aviez besoin de quelque chose ?, intervient Julian.
_ Non, rétorque Miranda, la bouche en cul de poule.
Juste un bonjour de courtoisie, seulement. Elle m'énerve avec son air suffisant, comme si tout le monde était à ses pieds. Eh bien, pas moi.
_ C'est tout ?, je m'impose face à Miranda.
Si elle croit qu'elle me fait peur, elle peut se mettre le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Ses yeux lancent des éclairs mais elle ne parle pas.
_ Bien, si cela ne vous dérange pas, je vous prierai de nous laisser seuls, mes compagnons de table et moi. Ce fut un plaisir, Miranda.
Et paf. Ça, c'est fait. Une fois après avoir fini de parler, j'ouvre le menu de la soirée en ne lui prêtant plus attention. La dernière chose que je vois, c'est Meredith qui fait tout pour ne pas éclater de rire derrière Miranda. Je la vois du coin de l'œil se retourner et s'éloigner de notre table.
_ Le concassé de légumes a l'air succulent, ne pensez-vous pas ?, dis-je en regardant les personnes à ma table.
Ils ont tous la bouche ouverte et me regarde avec un air de surprise. Luke pouffe de rire et je souris.
_ Qu'est-ce que j'ai dit ?
Je tourne ma tête vers Julian, qui me sourit légèrement. Au moins un qui ne me regarde pas comme si j'étais une extraterrestre. Il sourit un peu plus et regarde la direction que Miranda a prise avant de s'intéresser au menu, comme moi.
_ Je suis tout à fait d'accord avec vous, mademoiselle Dickens.
Je sens que je vais m'amuser, ce soir. Le silence s'installe autour de notre table. Tout le monde étudie le menu pour voir ce que l'hôtel nous à préparer à dîner. Je m'apprêtais à regarder le nom du plat de résistance quand :
_ Mary ?
Je lève les yeux et je croise le regard de... Il ne manquait plus que ça.
_ Bonsoir... Nathanael...
Je suis maudite.
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Salut tout le monde !
Voilà la suite :) A 250 lectures et 5 commentaires, je poste la suite :)
Gros bisous,
Joëlle SADOK-QUILICHINI
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