Chapitre 1
C'est bien ma veine ! Je n'aurais jamais dû sortir, hier soir avec les filles. Je n'ai rien fait pour que ça me tombe dessus pourtant. Je vous explique ce qui m'arrive. Je suis devant mon immeuble, à côté de ma voiture, plantée comme un chêne et louchant sur les néons criant amende au-dessus du papier que trimballe mon essuie-glace. J'ai un PV. Moi. Un PV. Un 19 Février 2015, j'ai un PV. Le premier. Je ne rêve pas, c'est bien ma voiture. Garée de travers, une roue sur le trottoir, prenant une jolie pose comme les mannequins qui mettent leurs mains sur leurs hanches et qui se balancent d'un côté à un autre. Bravo Mary. Et puis, pourquoi étais-je obligée de sortir, hier soir, hein? Mes yeux se baissent sur mon poignet, aveuglés par une lumière étourdissante. Ah oui, c'est vrai ! Hier soir, je fêtais enfin ma victoire sur Nathanael Haarp, m'offrant ce fabuleux bracelet pour célébrer notre amour ! Conseil pour celles qui vont sortir avec leurs amis alors que vous allez boire, NE PRENEZ PAS VOTRE VOITURE! Ne laissez pas non plus votre petit ami sobre conduire! Non, demi-tour. Dans le garage. Pas bouger. Sage. L'arbre à mes côtés a la même posture que moi. Voûté. Une branche me pointe du doigt, l'air de dire : « Bien fait pour toi ! ». Je la regarde d'un mauvais œil. Vipère.
Je soupire en enfonçant le papier dans ma poche. Pourquoi il a fallu que je boive autant et que je laisse la voiture à Nath ? Les filles m'ont commandé cosmo sur cosmo en entonnant la fameuse chanson : « C'est ma tournée ! », tournées que je ne pouvais pas refuser. Mais, je ne dois pas me trouver d'excuses. Je n'aurais jamais dû laisser la voiture à Nath, je le sais pourtant que se garer ce n'est pas son fort! Voilà ! Tant pis pour moi !
Je jette mon amende sur la table en bois, dès que je rentre dans mon appartement après une bonne demi-heure de footing pour éliminer les toxines de la veille. Nath est parti pendant que je courais, je trouve son petit mot: "tu me manques déjà..." Comment lui en vouloir? Je saisis la télécommande et allume la télé, puis me tourne vers la cuisine pour me faire couler un Earl Grey. Tout allait si bien jusqu'à maintenant. Mon téléphone vibre frénétiquement dans ma poche. Je l'extirpe de là et regarde qui m'appelle. C'est Carrie.
_ Salut Carrie !, commence-je en sortant l'eau de mon thé du four micro-ondes.
J'entends Carrie rire à l'autre bout du fil. Carrie est l'une de mes meilleures amies. L'une de celles avec qui je suis sortie hier. Avec Amanda et Ellie. Nous nous connaissons depuis la fac de littérature. Et depuis, on ne s'est jamais quittés. Nous sommes comme les doigts de la main.
_ Alors ? Remise de ta soirée ?
_ Pas du tout. J'ai encore mal au crâne et ce matin, j'ai trouvé un PV sur mon pare-brise. L'éclate totale !
_ Ah mince ! Mais comment ça se fait que tu aies eu un PV ?
Je m'avance vers ma chambre. J'ouvre la fenêtre et me penche au-dessus de l'escalier de secours et prend une photo de ma voiture. J'appuie sur envoyer et dix secondes plus tard, Carrie éclate de rire.
_ Oh le boulet ! Laisse moi deviner... c'est l'œuvre de ton cher et tendre?
_ Avec x cosmo qui se baladent dans ton corps je n'étais pas en état de faire un créneau, dis-je en retournant dans la cuisine.
_ Ce n'est qu'un PV. Ce n'est rien du tout, Mary.
_ Je sais mais ça me contrarie! Tu me connais je n'aime pas être considérée comme hors la loi!
_ Je sais, mais tu devrais lâcher prise un peu de temps en temps... comme hier par exemple.
Je sens son sourire à travers l'appareil. Je crains le pire!
_ J'étais comment hier ?
Je redoute sa réponse, tout d'un coup. Peut-être que je ne devrais pas savoir. Ou peut-être que si. De toute façon, le mal est fait. Je regarde de travers les papiers posés sur ma table. Le PV me regarde avec un air de défi. Je m'assieds sur mon canapé et pince le haut de mon nez. Ai-je vraiment envie de savoir ?
_ Eh bien... Tu étais très joyeuse... Beaucoup même...
Carrie est gênée. Quand elle ne veut pas dire quelque chose, elle prend son temps. En réalité, elle est très directe. Certaines personnes la trouvent blessante car, quand elle dit ce qu'elle pense, elle le dit d'une traite. Méchant ou pas.
_ Oh mon dieu... J'ai été loin ?
_ Disons que... Tu t'es mise à chanter du Céline Dion en pleurant... Puis, tu t'es mis à crier que Bob Dylan était ton meilleur pote et que vous aviez fait la guerre du Vietnam ensemble... Je continue ou...
_ Non, ça ira, je crois !
Eh bien, une chose est sûre, je ne retournerai plus dans ce bar. Je ne serai même pas choquée si je voyais des affiches avec ennemi public n°1 marqué en gros au-dessus de mon visage, comme dans les films. Ma réputation est bousillée, là-bas, je crois.
_ Carrie, je dois te laisser. Je dois encore aller au commissariat pour régler cette histoire d'amende au plus vite.
_ D'accord ! Tiens-moi au courant !
Je raccroche et mes yeux se perdent sur le fabuleux cadeau de ciel que ma voiture m'a offert, ce matin. Merci ! Il ne fallait pas !
Je file sous la douche et me dirige dans ma chambre, choisit des affaires pour m'habiller. Une fois prête, je saisis mon téléphone, mes clés de voiture, le papier et sors de mon appartement. Une fois de nouveau devant ma voiture, je soupire. J'ai eu de la chance, cette fois. Je conduis jusqu'au poste de police. La circulation est très dense. Il n'est que dix heures, en plus. Plusieurs klaxons se font entendre. Bienvenue à New York ! J'en profite pour arranger mon maquillage dans mon rétroviseur.
Quelques minutes plus tard, je me gare enfin devant le commissariat. Je troque mes baskets pour mes talons et sors de la voiture. Le froid de ma ville natale me frappe le visage. Oh, si tu savais comme j'ai envie de me mettre des claques, moi aussi ! Je souffle et un nuage blanc s'évapore devant mes yeux. Je tourne la tête vers l'entrée du bâtiment et fait claquer mes talons jusqu'à ce que mon téléphone vibre de nouveau. C'est un SMS d'Ellie.
Carrie m'a dit pour ton PV ! C'est cocasse !
Tu l'as dit ! Plus jamais je ne vous écoute pour boire ! Plus ja-...
Lorsque je rentre dans le commissariat, je me cogne contre une masse lourde et plus grande que moi. La dernière chose que je vois avant de fermer les yeux, c'est une cravate fine et noire. Quand je me recule, mon téléphone s'échappe de mes mains et se retrouve au sol. Ainsi que celui du type que je viens de percuter. Je m'abaisse pour récupérer mon téléphone en lançant des tonnes de jurons dans ma tête, en priant que mon téléphone n'a rien.
_ Excusez-moi, je ne regardais pas devant moi, je...
Quand je sers mes doigts autour de mon téléphone, je lève les yeux vers un homme froid et hautain. Il n'inspire pas vraiment la sympathie, d'ailleurs. Tellement il est déroutant, je me transforme en bègue.
_ Je... Je... Vous prie de m'excuser...
L'homme se relève en souplesse avec son téléphone à la main. Ses yeux me regardent avec suffisance. Voire du mépris. Et cette voix si glacée...
_ Faites attention.
Et il me contourne pour s'engouffrer dans New York. La couleur de ses yeux... Je n'en reviens pas ! Je rallume mon téléphone pour pouvoir continuer mon message destiné à Ellie. Un fond noir apparait quand je m'apprête à finir mon SMS. Mon téléphone a reçu un choc, l'écran est noir, mon fond d'écran n'apparait plus! Génial, un PV et un téléphone foutu pour démarrer la journée.
_ Puis-je vous aider ?, me demande une policière en arrivant vers moi, toute souriante.
_ Oui, s'il-vous-plaît...
Je lui explique la raison de ma venue en fourrant mon téléphone dans la poche de mon trench. Elle me sourit et me demande de la suivre. Nous montons au troisième étage et elle m'indique un bureau et je pénètre dans la pièce. Des tonnes de dossiers empilés. Mon dieu. Ils ne connaissent pas les ordinateurs ? Et cette odeur de vieux papiers, et de renfermé est infecte. Vite que je sorte d'ici. Je m'avance vers le seul bureau occupé, tout en évitant de faire tomber les tours de papier. Mon téléphone vibre mais je ne fais pas attention. Mais il vibre plusieurs fois d'affilé. Wow, du calme, les gars. Je vais vous répondre.
_ C'est pour quoi ?
Une femme toute menue approchant facilement de la soixantaine me répond d'une voix morne et sans vie, en me regardant d'un air comme si je venais de lui raconter une blague à laquelle elle n'avait rien trouvé de drôle. J'essaie de lui sourire en lui disant bonjour mais elle ne réagit pas. Dans la famille des inactifs, je demande la réceptionniste des amendes pour infractions de stationnement. Quelle plaie !
_ Je viens pour régler une amende.
Et voilà, quelques dollars de déboursés et je peux me concentrer sur ma vie qui venait juste de s'arrêter une heure plus tôt.
Je sors du bureau et reprend mon souffle enfin. Comment font-ils pour bosser dans ces conditions ? Je plains ses collègues, à cette mégère. Une fois à l'extérieur de l'immeuble, je respire enfin l'air pollué de la grosse pomme. Et je n'aurais jamais pu dire ça avant de rentrer de ce fichu bureau mais... Mon dieu, quelle bonne odeur ! Je remets mes idées en place quand je traverse la rue pour me rendre au Starbucks d'en face. Une file d'attente de cinq personnes se presse devant moi. J'en profite pour sortir mon téléphone et finir de faire ce que j'ai à faire. Seulement, mon téléphone fait encore des siennes. Le même fond d'écran, avec ce même noir profond. Si je ne t'aimais pas autant, je te balancerais à travers la pièce, petit malin ! Je déverrouille l'écran et tape mon code. Mais il ne marche pas. Je fronce les sourcils et réessaie encore une fois toujours rien. Je le verrouille et réitère l'action. Toujours rien. Le téléphone continue de vibrer. C'est insupportable. Rien ne s'affiche. Puis, un numéro s'affiche. Un qui n'est pas enregistré. J'appuie sur décrocher et porte le téléphone à mon oreille. Un homme gueule au téléphone. Tellement fort que je me sens forcée d'éloigner mon tympan de l'appareil.
_ Enfin, te voilà, Julian ! Où es-tu ? On te cherche partout, mon vieux ! T'es bouché ou quoi ? Il faut que tu rappliques ici, de suite ! Les allemands ne vont pas être contents ! Alors, ramène ton cul, illico !
La personne raccroche. Je regarde le téléphone, incrédule. Sûrement un gars très énervé qui s'est trompé de numéro. Puis, mon téléphone vibre encore. Un nom qui m'est inconnu s'affiche. Je décroche et éloigne le téléphone de ma tête par précaution. Une voix plus calme et profonde se met à parler.
_ Allô ?
_ Oui ?, dis-je mal assurément.
_ Qui est-ce ?, demande l'autre personne.
Julian ? Encore un qui s'est trompé de numéro ?
_ Euh... Non, ce n'est pas Julian... Vous avez dû vous tromper, mon cher monsieur.
_ Je ne pense pas. Le numéro que j'ai composé est enregistré dans mon téléphone. Qui êtes-vous ?
_ Mary Dickens. Et vous ?
_ Luke Lockart. Vous êtes avec Julian ?
Je regarde autour de moi avant de me rendre compte que je suis seule. Quelle idiote je fais. Je suis seule depuis ce matin.
_ Non...
_ Bien. Dès que vous le voyez, dîtes-lui de me rappeler, c'est urgent.
Et l'homme raccroche. Merci et au revoir, c'est pour les chiens ? Non mais ! Je soupire et range le téléphone dans ma poche. Sauf qu'il se remet à vibrer. Je le ressors et ne voit rien s'afficher. Bien. La personne devant moi avance et je l'imite. Je tourne le téléphone et remarque une inscription sur le dos du téléphone, en haut. Landry Corporates. Un numéro est inscrit au-dessous. Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Soudain, mon cerveau fait marche arrière et je revois mon entrée fulgurante dans le commissariat. Et cet homme que j'ai heurté de plein fouet. Merde. On avait le même téléphone. Oh non. Il a mon téléphone ! Oh non... Il faut que je le récupère. Je ne peux rien faire sans. Mon téléphone, mon mec, mes amies, mon travail ! Je suis perdue ! Ok, pas de panique. Du calme... Du calme... Un bon chocolat chaud va me remonter le moral et je pourrai retrouver mon téléphone sans problème.
C'est enfin mon tour quand le téléphone vibre à nouveau. Cette fois-ci je reconnais le numéro c'est le mien. Je décroche.
_ Allô ?
_ Vous avez mon téléphone.
Cette même voix résonne dans ma tête. Froide comme le pôle nord, autant que ce regard. Alors, ce téléphone est à lui ? Ah, mais oui ! Je me suis rappelée encore une fois qu'on avait les même quand ils sont tombés.
_ Je viens de m'en rendre compte, effectivement. Et vous, vous avez le mien, Julian...
Je sens que le fait que je prononce son prénom le déstabilise.
_ ... Il faut me rendre ce téléphone. Je vous attends à Landry Corporates dans dix minutes.
Et il raccroche. Non mais ça ne va pas la tête ? Je ne suis pas un vulgaire toutou, bon sang. Alors là, mon pote, tu vas attendre... Bien longtemps ! Non, mais c'est quoi ces manières en plus de raccrocher au nez ?
C'est enfin mon tour pour prendre commande. Une minute plus tard, je me dirige vers la sortie du Starbucks, mon gobelet à la main. Je retourne à ma voiture et m'installe confortablement dans mon siège. Je vais aller chez Landry Corporates. Mais dans trente minutes, pas dix. Ça lui apprendra. J'en profite pour faire une recherche rapide sur la Landry Corporates (à rajouter ici ce que c'est)
Chantant à tue-tête Love Song de Sara Bareilles, je couvre avec ma voix le bruit incessant des vibrations provoquées par le téléphone de monsieur Grincheux. Je regarde l'heure. J'ai dépassé l'échéance de quarante-trois minutes précisément. Et la foudre ne m'est toujours pas tombée dessus. Je décide pourtant de démarrer en baissant le son de la radio et m'engage sur la route. Dix minutes plus tard, je me retrouve devant une grande tour. Je descends dans le parking souterrain et me gare. Je saisis le téléphone et je ne me presse pas pour aller à l'ascenseur. J'appuie sur le bouton et chantonne un air de musique pop. Les portes s'ouvrent et je m'engouffre dans la cabine. Pleins d'étages. Il n'y a que de ça. En même temps, tu t'attendais à quoi ? A des ponts, dans un immeuble ? Je reconnais ma bêtise et rigole de moi-même. J'appuie sur un bouton où, juste à côté de ce dernier, est inscrit Landry Corporates. L'ascenseur entame son ascension et je patiente tranquillement. Au deuxième, quatorzième, vingt-troisième et trente-quatrième étage, les portes s'ouvrent pour accueillir de plus en plus de monde, me poussant au fond de la petite boîte dans laquelle je me trouve. Je vois enfin le numéro de mon étage. Je tente de passer devant, avec beaucoup de mal. « Pardon », « Excusez-moi » et « Oops » sortent de ma bouche. Je suis tellement serrée que je suis obligée de faire passer mes bras devant pour pouvoir me frayer un chemin entre toutes ces personnes. Je grogne et quand j'arrive enfin à atteindre le bout du tunnel, un pied se met en travers de mon chemin et, en poussant un cri, je me rétame sur un sol en marbre blanc, pile entre l'ascenseur et le bureau de la réception de cet étage. Je n'ose plus bouger. Plus personne d'ailleurs. C'est comme si un flic avait débarqué et qu'il avait dit « Freeze ! » en pointant son arme sur la foule. Tout le monde me fixe. Magnifique.
Un homme accoure vers moi et me tend ses deux mains que je saisis et il m'aide à me relever. Des cheveux grisonnants, des yeux marrons et un sourire chaleureux se matérialise devant moi.
_ Vous ne vous êtes pas fait mal ?, me demande-t-il.
Si ! A mon amour-propre !
_ Non, ça va, merci.
Et d'un seul homme, tout le monde repart à ses affaires. Bizarre, cet endroit.
_ Je suis Luke Lockart, prononce-t-il en me présentant sa main.
_ Mary Dickens.
_ Vous êtes la femme que j'ai eue au téléphone, n'est-ce pas ?
_ Effectivement, c'est bien moi.
Son sourire se fait sincère. Il a l'air sympathique. Pas comme le fameux Julian.
_ Je vous demande de me pardonner pour la façon dont je vous ai parlé, au téléphone. Nous étions en pleine crise, ici. Nous n'arrivions pas à joindre notre patron. Du coup...
Je n'écoute plus un mot de ce que dit Luke. Alors, c'est lui le boss de cette entreprise ? Pas étonnant qu'il soit aussi froid que le marbre sur lequel je me suis étalée gracieusement, quelques secondes plus tôt.
_ Ce n'est rien. A vrai dire, je viens le lui rapporter. Il a le mien.
_ Comment se fait-il qu'il ait le vôtre et vous, le sien ?
Je devrais me taire par rapport à ça. On s'est croisé au commissariat. Et si je délivrais un secret si énorme que toute l'entreprise s'effondrait ? Non, chut, Mary ! Tais-toi !
_ On est rentré en collision, dans la rue. C'était involontaire.
_ Oh, je vois ! Vous voulez boire quelque chose ?
_ Je veux bien de l'eau, s'il-vous-plaît.
S'égosiller la voix en chantant au-dessus de tout, ça fait mal, je vous assure. Luke claque des doigts et une jeune fille se précipite vers nous.
_ Un verre d'eau pour la jeune fille, je vous prie.
_ Tout de suite, monsieur.
Je regarde la fille s'éloigner. Wow...
_ Merci, dis-je à l'intention de la jeune femme.
Même pas elle me regarde ou me répond. Et la politesse, ça existe toujours ? Luke me sort de mes pensées et dit :
_ Je vais voir si Julian est occupé. Je reviens vers vous dans un instant.
Luke me montre des fauteuils, une table et des magazines de sa main, en posant l'autre sur mon épaule. Est-il le seul à cet étage à être accueillant ? Je le crois bien, oui. Les réceptionnistes me regardent d'un mauvais œil en faisant des messes basses. Deux femmes de mon âge me regardent attentivement à ma droite. Quand elles se rendent compte que je les observe, elles tournent les talons aussi vite que possible. On se croirait dans Le Diable S'habille en Prada, mais sans Meryl Streep. La jeune fille revient vers moi et me tend mon verre d'eau. Je le prends et m'installe dans un des fauteuils en cuir noir, montré du doigt un peu plus tôt. Je bois le liquide d'un seul coup et repose le verre sur la table. Je soupire en attendant que Luke revienne.
Je vous décris l'endroit : on dirait un hôpital pour les gens qui s'habillent bien. Je fais pitié avec mon trench bon marché, face aux vestes Burberry et aux jupes tout droit sorties de chez Calvin Klein. Je me renfrogne et m'enfonce de plus en plus dans le fauteuil. Quand je vois Luke revenir, je me relève d'un bond et joins mes mains en écoutant ce qu'il a à dire.
_ Mr Landry vous attend dans son bureau.
_ Merci monsieur.
_ Luke, c'est mieux, me corrige-t-il.
Je lui souris et m'engage dans un couloir tout blanc. De grandes vitres le longent et mes pas me guident droit devant. Une porte avec marqué Julian LANDRY P-DG se présente face à moi et je toque. Un faible « Entré » se fait entendre de l'autre côté de la porte. Je pousse la poignée en inox et m'aventure dans le bureau. Un bureau entouré de vitres aussi grandes que les murs. Tout est blanc. Deux hommes sont postés devant un immense bureau noir. L'un est assis et l'autre, debout. Et tous deux fixent un autre homme en costume également, regardant à travers la vitre. Les deux devant le bureau se retournent et me reluquent de haut en bas. Il faut vraiment qu'ils arrêtent avec ça, ça devient lassant.
_ Julian, revois tes priorités, s'il-te-plaît, entame celui qui est assis.
_ Ne vous en faites pas, dit l'homme admirant la vue. Vous pouvez y aller.
Celui qui est debout soupire et se recule jusqu'à se retourner pour prendre la porte, comme son collègue. Tous les deux me regardent de travers. J'ai envie de leur tirer la langue, même je paraitrais encore plus ridicule que je ne l'étais, depuis que je suis sortie de cet ascenseur de malheur.
La porte se referme et Julian se retourne. Je n'ai pas pu bien le voir, tout à l'heure. Il était pressé. Mais avec la lumière qui se dégage dans son bureau, c'est autre chose. Il est élancé, brun avec des yeux bleus comme la mer circassienne. Il se tient droit comme un pic, les mains dans les poches en me dévisageant. C'en est presque déroutant. D'un pas assuré, il contourne son bureau et se positionne à un mètre de moi. Je ne parle toujours pas. Je me contente de le fixer.
_ Bonjour, me dit-il en me présentant sa main que je sers en reprenant mes esprits. Julian Landry.
_ Mary Dickens.
_ Vous êtes en retard. Je crois avoir dit dix minutes au téléphone. Vous vous faites toujours désirer, enfin attendre comme ça, reprend-il avec sa voix glaciale.
Dans un roman de Sophie Kinsella ou de Lauren Weirsberger, vous auriez pu croire que ce genre d'homme disant ce genre de phrase serait en train de sourire, juste pour le "désirer". Eh bien, non ! Il n'y a rien de souriant chez lui. Il reste impassible. Il ne laisse rien paraître. Il fronce les sourcils et je me tire de mon monologue intérieur.
_ Si vous m'aviez laissé placer un mot au téléphone peut-être auriez-vous su que j'étais occupée et donc que je serai en retard. Et puis sachez Monsieur Landry que j'ai beaucoup de mal avec les ordres.
J'ai cru voir un rictus au coin de ses lèvres. J'ai bien dit cru voir ! Notez bien ! Il retourne vers son bureau et fouille dans un tiroir.
_ Vous avez eu plusieurs appels et SMS. Des gens sont furieux contre vous, apparemment.
_ Je sais. Et apparemment l'un d'entre eux vous a dit mon prénom.
_ Dit? Le mot correct aurait été hurlé.
_ J'en suis désolé, me répond-il en refermant le tiroir, mon téléphone dans sa main.
Je ne relève pas. Pire comme conversation ennuyeuse, on ne peut pas. Ils sont tellement froid, les gens ici ! Je serai prête à me déguiser en chamane et à faire un feu de joie devant l'ascenseur si, pendant au moins cinq minutes, ils pouvaient détendre leurs strings. Mais non, je ne le ferai pas. Primo, ce ne sont pas mes oignons. Deuxio, je ne suis là que pour cinq minutes et tertio, je n'ai pas de déguisement de chamane. De plus, l'alarme incendie se déclencherait et le feu se serait éteint en un rien de temps. Alors, il ne vaut mieux pas tenter le diable. Julian s'approche de moi et me tend mon téléphone. Je sors le sien et nous faisons l'échange. Puis nous restons comme ça, sans rien dire, à nous fixer.
_ Autre chose ?, intervient Julian.
Je relève un sourcil et fait une petite moue. Mon dieu, mais quel est cet endroit ?
_ Rien, merci.
Je me retourne vers la porte et saisit la poignée. Je tire dessus et remarque que Julian est encore là, à m'épier. Je vais donc en profiter.
_ Repeignez les murs. Vous finissez par leur ressembler. C'est vide, ici.
Il me regarde incrédule et, fière de moi, je repars en sens inverse, jusqu'à l'ascenseur, avec la tête haute. Je sais, ça ne me fera pas grandir plus vite mais qui ne tente rien n'a rien.
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Salut tout le monde !
Bon retour dans mon univers ! Je suis tellement heureuse de vous présenter ma nouvelle fiction, j'espère qu'elle vous plaira autant, voire plus, que la première !
Alors, pour le deuxième chapitre, il me faut 100 vues sur les lectures totales et 5 commentaires pour commencer. Dîtes-moi vos avis sur ce premier chapitre !
Gros bisous,
Joëlle SADOK-QUILICHINI
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